CJUE, 22 juin 1977, 2-77

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Texte intégral

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS, PRÉSENTÉES LE 22 JUIN 1977 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, La société allemande Hoffmann's Stärkefabriken qui, comme l'indique sa raison sociale, a pour objet la fabrication de l'amidon, s'est adressée, le 1er avril 1975, au bureau principal des douanes de Bielefeld en vue d'obtenir la somme de 375228,68 DM au tire de restitution à la production d'amidon à partir de maïs pour la campagne 1974-1975. Elle se basait sur l'article 1-1o, du règlement no 1132/74 du Conseil du 29 avril 1974, qui dispose: «Les État membres accordent une restitution à la production pour le maïs et le blé tendre destinés à la fabrication de l'amidon, égale à la différence, pour 100 kg, entre le prix de seuil de chacun de ces produits, le cas échéant diminué du montant compensatoire "adhésion" applicable, et 8,20 unités de compte». Le bureau des douanes de Bielefeld n'a fait droit à cette demande, le 8 avril 1975, qu'à concurrence de 186986,05 DM. Il se fondait sur l'article 1 du règlement no 3113/74 du Conseil du 9 décembre 1974 qui dispose qu'à compter du 1er avril 1975 ce terme de référence est fixé à 10,31 unités de compte. L'administration des douanes estimait que cette disposition l'obligeait à ce calcul se traduisant par une réduction substantielle du montant de la restitution à la production d'amidon à partir de maïs. Le Finanzgericht de Munster, devant lequel la requérante au principal a contesté la décision rejetant sa réclamation administrative, vous a saisis, le 20 décembre 1976, du problème de la validité de l'article 1 de ce règlement no 3113/74. Pour exprimer notre sentiment à ce sujet, nous examinerons les différents moyens, que la société requérante a invoqués devant le juge national à l'encontre de cette disposition dont l'illégalité tiendrait à ce qu'elle serait contraire: 1. à l'article 7 du règlement no 1132/74, 2. à l'article 11 du règlement no 120/67, 3. au principe de l'immuabilité des prix agricoles pendant la campagne de commercialisation. Enfin, le juge national vous saisit lui-même d'un dernier grief: La restitution à la production de fécule de pommes de terre, qui est égale à la moyenne arithmétique, des montants de la restitution accordée au cours de la même campagne pour 161 kg de maïs destiné à la fabrication de l'amidon (article 2 du règlement no 1132/74), n'a pas fait l'objet d'un rajustement. Le règlement no 231/75 de la Commission du 30 janvier 1975, considérant qu'il convenait de respecter le principe du maintien des droits acquis, a décidé qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer, avec effet rétroactif, l'incidence de la modification du montant de la restitution à la production d'amidon sur le montant déjà versé aux féculiers, pourtant concurrents des amidonniers. Il y aurait là une violation du principe de l'identité du montant de la restitution à laquelle ont droit amidonniers et féculiers, constitutive d'une discrimination contraire à l'interdiction de l'article 40, paragraphe 3, alinéa 2, du traité. Comme les trois premiers griefs allégués à l'encontre de la disposition incriminée ont trait à l'octroi de la restitution à la production d'amidon et aux conditions dans lesquelles son montant a été modifié, nous serons amené à rappeler quelques généralités sur l'octroi de restitutions à la fabrication des produits amylacés d'origine agricole et à retracer la genèse du règlement incriminé. I - Selon le régime prévu par le règlement de base du Conseil no 120/67 du 13 juin 1967, applicable à partir du 1er juillet 1967, le Conseil fixe chaque année, avant le 1er août, pour la campagne de commercialisation débutant l'année suivante, qui s'étend du 1er août au 31 juillet, un certain nombre de prix de base pour les céréales, dont le maïs. Comme les fabricants d'amidon utilisant des produits de base d'origine agricole doivent pratiquer des prix concurrentiels par rapport aux fabricants de produits de substitution fabriqués à partir de matières premières d'origine non agricole, l'article 11-1o du règlement no 120/67 prévoit l'octroi d'une restitution à la production, afin que les produits agricoles de base (maïs, blé tendre) destines à l'amidonnerie puissent être mis à la disposition de cette industrie à un prix inférieur à celui qui résulterait de l'application des règles de l'organisation commune des marchés des produits en question. En effet, à l'époque où le règlement de base est entré en vigueur, c'est-à-dire le 1er juillet 1967, la Communauté était - et est toujours - déficitaire en maïs et l'importation de cette céréale était soumise à prélèvement, car les prix mondiaux étaient inférieurs au prix communautaire. Par contre, le prix du pétrole, matière de base des industries fabriquant des produits de substitution concurrençant l'amidon pour certaines utilisations, avait été épargné par la flambée qu'il a connue depuis. Mais, par contagion pour ainsi dire, ce système de restitution fut étendu au maïs et au blé tendre employés dans la fabrication de quellmehl, en raison de l'utilisation possible de ce produit comme adjuvant dans certaines préparations destinées à l'alimentation humaine et du fait qu'il pouvait être concurrencé, aux fins de l'utilisation précitée, par l'«amidon gonflé». Le régime de restitution fut également étendu à la production de gruaux et semoules de maïs (gritz), employés dans l'industrie de la brasserie, parce que les gritz peuvent eux-mêmes être concurrencés, dans cette utilisation par l'amidon. Enfin, en raison des possibilités de substitution entre les amidons et les fécules, la production de ces dernières bénéficia ou continua de bénéficier d'une «restitution». Ce régime complexe est résumé dans l'article 11-1o du règlement no 120/67: «Une restitution à la production est accordée: a) pour le maïs et le blé tendre utilisés par l'amidonnerie pour la fabrication d'amidon et de quellmehl, b) pour la fécule de pommes de terre, c) pour le maïs utilise par la maïsene pour la fabrication de gruaux et semoules de maïs (gritz) utilisés par l'industrie de la brasserie». Ajoutons, pour être complet, que, à compter de l'instauration de l'organisation commune du marché du riz, les brisures de riz utilisés par l'amidonnerie et par la brasserie bénéficient du même régime. Statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, le Conseil a arrêté sur proposition de la Commission, le Conseil a arrêté les modalités de calcul du montant de la restitution et fixé ce montant. L'article 1 du règlement du Conseil no 371/67 du 25 juillet 1967 dispose: «1. A partir du 1er juillet 1967, les Etats membres accordent une restitution à la production pour le maïs et le blé tendre destinés à la fabrication de l'amidon et du quellmehl, égale à la différence, par 100 kg, entre le prix de seuil de chacun de ces produits et 6,80 unités de compte …». En pratique, le montant de la restitution à la production d'amidon de maïs était donc égal à la différence entre le prix de seuil communautaire et un «prix d'approvisionnement» fixé à 6,80 unités de compte, ce qui fait que toute augmentation de ce dernier prix - ou (Tailleurs toute diminution du prix de seuil - devait entraîner une réduction proportionnelle du montant de la restitution. Les conditions dans lesquelles le prix d'approvisionnement pouvait être modifié étaient réglées par l'article 2: «1. Si les prix des produits de base visés à l'article 1 subissent des variations sensibles et persistantes sur le marché mondial par rapport aux montants visés à cet article et fixés à 6,80 unités de compte pour le maïs et le blé tendre, et à 8,30 unités de compte pour les brisures de riz, ces montants peuvent être modifiés par le Conseil, statuant sur proposition de la Commission, selon la procédure de vote prévue à l'article 43, paragraphe 2, du traité». Une hausse des prix mondiaux pouvait, en outre, déclencher l'institution d'un prélèvement: «2. Si les prix des produits de base dépassent sensiblement et avec persistance sur le marché mondial des montants fixés (il faut sans doute lire les montants fixés), un prélèvement à l'exportation destiné à compenser la différence entre les prix à l'intérieur de la Communauté et les prix sur le marché mondial peut être institué suivant la procédure prévue à l'article 26 du règlement no 120/67 et à l'article 26 du règlement no 369/67». II - Lors de l'entrée en vigueur de l'organisation commune des marchés des céréales, les prix des produits de base sur le marché mondial étaient inférieurs, en moyenne, de 10 à 15 % au prix d'approvisionnement du maïs nécessaire à l'industrie communautaire de l'amidon, arrêté par le règlement no 371/67; ce dernier prix est longtemps resté fixé à 6,80 unités de compte par 100 kg. A partir de décembre 1972, les prix du marché mondial pour le maïs, céréale pilote en matière de restitution à la production, ont dépassé 6,80 unités de compte par 100 kg. En raison de la pénurie mondiale de protéines, le prix de cette céréale n'a cessé d'augmenter sur le marché mondial pour atteindre, le 12 janvier 1974, 11,95 unités de compte, soit 75 % de plus que le prix d'approvisionnement communautaire fixé pour le maïs destiné à la production d'amidon. Dans le même temps, les prix de seuil fixés pour les céréales ont été progressivement rehaussés (augmentation de 8,1 % pour le blé en 1972/1973 par rapport à 1967/1968; 13,9 % pour le mais; 15,9 % pour les brisures de riz). Comme la restitution est égale à la différence entre le prix de seuil et le prix d'approvisionnement, elle a augmenté parallèlement, de sorte que les dépenses de la section garantie du FEOGA, qui finance les restitutions à la production, ont cru d'année en année. Cette hausse des cours mondiaux, avec les différences d'impact qu'elle a eues sur les conditions de concurrence des diverses industries de transformation utilisant soit des produits subventionnés, soit des produits «libres», est venue remettre en question l'utilité et la justification de ce régime complexe de restitutions et a provoqué une «révision déchirante». Dans son mémorandum au Conseil du 31 octobre 1973, la Commission constatait ce retournement de la situation du marché mondial. Elle proposait, en conséquence, d'instaurer une meilleure hiérarchie des prix communautaires pour les différentes céréales, de façon à mieux tenir compte de leur valeur nutritive, notamment en augmentant les prix de l'orge et du maïs. Elle faisait remarquer, en second lieu, que le Conseil n'avait jamais réussi à se conformer à la règle générale contenue dans les différents règlements agricoles, qui stipule que, sur proposition de la Commission, le Conseil fixe chaque année pour la Communauté avant le 1 er août, pour la campagne de commercialisation débutant l'année suivante, l'ensemble des prix agricoles pour lesquels les organisations communes imposent cette fixation des prix. Elle proposait, en conséquence, de retenir le 1 er janvier précédant la campagne de commercialisation concernée comme date de fixation des prix applicables pendant la campagne. En attendant, elle suggérait, comme «adaptation technique» de l'organisation commune de marché devant permettre une gestion plus souple, une modification de la date à laquelle débute la campagne de commercialisation pour le maïs. La justification qu'elle en donnait était la suivante: le cycle agricole auquel est soumise cette céréale dans la Communauté est nettement différent de celui des autres céréales. L'unité de la campagne de commercialisation pour toutes les céréales incite à l'utilisation du maïs au début de la campagne de l'orge, qui va du 1er août au 31 juillet, ce qui provoque, à cette période de l'année, des mesures d'intervention d'une ampleur inhabituelle pour cette dernière céréale. La modification de la date du début de la campagne du maïs aurait pour conséquence que la situation concurrentielle de l'orge, de juillet à septembre, s'en trouverait améliorée; en contrepartie, le maïs stocké en fin de campagne serait soumis à la même réglementation en matière d'indemnité compensatrice que les autres céréales. En troisième lieu, la Commission proposait une «adaptation» de l'ensemble du régime des restitutions à la production. En effet, les prix des produits de base visés à l'article 2-1o du règlement no 371/67 avaient subi des variations sensibles sur le marché mondial et, suivant toutes les prévisions, ces variations étaient susceptibles de persister. En janvier 1974, la Commission a précisé ses propositions au Conseil. La réglementation communautaire devait être modifiée de façon à: 1) relever le prix d'approvisionnement des matières premières; 2) supprimer la restitution à la production de quellmehl; 3) inclure la production de glucose par hydrolyse directe dans le système de restitutions à la production en raison de la concurrence du glucose fabriqué à partir d'amidon, qui lui-même bénéficiait d'une restitution à la production. Afin d'ajuster les prix d'approvisionnement aux possibilités d'achat de maïs, de blé tendre et de brisures de riz sur le marché mondial et, en même temps, pour alléger la charge financière supportée par le FEOGA, la Commission proposait de ramener la restitution octroyée aux produits amylacés à un niveau sensiblement égal au montant accordé lors de l'entrée en vigueur de l'organisation commune des céréales et du riz, le 1er juillet 1967. III - Ces propositions ont été concrétisées par les règlements suivants: 1. Le règlement du Conseil no 1125/74 du 29 avril 1974, pris sur avis de l'Assemblée, a supprimé la restitution à la production de quellmehl à compter du 1er août 1974. Cette suppression résulte de la nouvelle rédaction du paragraphe 1 de l'article 11 du règlement no 120/67, qui a été remplacé, à compter du 1er août 1974, en vertu de l'article 5 du règlement no 1125/74, par le texte suivant: «1. Une restitution a la production est accordée: a) pour le maïs et le blé tendre utilisés dans la Communauté pour la fabrication d'amidon; b) pour la fécule de pommes de terre; c) pour les gruaux et semoules de maïs (gritz) utilisés dans la Communauté pour la fabrication de glucose par le procédé dit "hydrolyse directe". d) pour le maïs utilisé dans la Communauté par la maïserie pour la fabrication de gruaux et semoules de maïs (gritz) utilisés dans la Communauté par la brasserie pour la fabrication de la bière». C'est de la violation de cette disposition dans la rédaction qu'elle a reçue depuis le règlement no 1125/74 que la requérante au principal se plaint. 2. Ce même règlement (article 2 et article 3-3o) fixe le début de la campagne de commercialisation du maïs au 1er octobre pour la clore au 30 septembre, tout en fixant à quatorze mois la durée de la prochaine campagne (1er août 1974 - 30 septembre 1975). Cette modification fut confirmée par règlement du Conseil no 1996/74 du 29 juillet 1974 pris sur avis de l'Assemblée; mais, ainsi que nous le verrons, dès le 4 mars 1975, le Conseil, par règlement no 665/75, pris également sur avis de l'Assemblée, a renoncé à fixer la campagne du maïs en fonction du cycle agricole de ce produit et il a assimilé complètement cette campagne à celle des autres céréales à partir du 1er août 1975. 3. Les règlements no 367/71 (restitution brasserie) et 371/67 (restitution à l'amidonnerie et + la féculerie), pris en application d'articles pratiquement identiques des règlements no 120/67 et 359/67, ont été abrogés et refondus, à compter de la campagne 1974/1975, en un seul texte qui est le règlement no 1132/74, adopté à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission. L'article 7 de ce règlement, dont la requérante au principal invoque également la violation, reprend substantiellement la rédaction de l'ancien article 2 du règlement no 371/67. Il dispose: «§ 1. Si les prix des produits de base visés aux articles 1 er , 4 et 5 subissent des variations sensibles et persistantes sur le marché mondial par rapport aux montants visés à ces articles et fixés à 8,20 unités de compte pour le maïs et le blé tendre et à 10,20 unités de compte pour les brisures de riz, ces montants peuvent être modifiés par le Conseil, statuant sur proposition de la Commission, à la majorité qualifiée. § 2. Si les prix sur le marché mondial, d'une part, pour le maïs et le froment tendre et, d'autre part, pour les brisures de riz, dépassent de manière sensible respectivement les montants de 8,20 et de 10,20 unités de compte et que cette tendance se confirme, un prélèvement à l'exportation, destine à compenser l'incidence de la différence entre les prix sur le marché mondial et les prix d'approvisionnement de ces produits de base à l'intérieur de la Communauté, peut être institué pour les produits relevant des positions 11.08 A, 11.09, 17.02 B II, 17.05 B et 23.03 A I du tarif douanier commun. La Commission fixe le prélèvement à l'exportation». Le règlement no 1132/74 (article 1) a donc fixé les prix d'approvisionnement suivants: - 8,20 unités de compte par 100 kg pour le maïs et le blé tendre, à compter du 1er août 1974 (alors que la Commission proposait 8,60); - 10,20 unités de compte pour les brisures de riz, à compter du 1er septembre 1974 (alors que la Commission proposait 10,80). En appliquant le rapport qui avait été pris comme base par le règlement no 371/67 pour fixer le prix d'approvisionnement des pommes de terre féculières à 8,18 unités de compte par 100 kg, le prix d'approvisionnement de la féculerie était fixe à 10,45 unités de compte par 100 kg (la Commission proposait 11,08 unités de compte) (article 3-1). IV - Là ne devaient cependant pas s'arrêter les modifications apportées au régime des restitutions aux produits amylacés. Estimant qu'il convenait, «à titre exceptionnel et par dérogation au principe de la fixation annuelle des prix», de procéder à une actualisation des prix agricoles en vue de tenir compte de l'augmentation du prix des produits nécessaires aux exploitants agricoles, le Conseil a arrêté, le 2 octobre 1974, sur avis de l'Assemblée, le règlement no 2496/74 qui a procédé, à compter du 7 octobre 1974, à une augmentation générale linéaire de 5 % des prix agricoles pour la campagne de commercialisation 1974/1975 ou pour la partie restante de cette campagne. Sont, d'une part, relevés les prix indicatifs et les prix d'intervention des céréales; d'autre part, «les montants prévus à l'article 1 du règlement no 1132/74… (c'est-à-dire les montants relatifs aux restitutions à la production) sont modifiés de manière que, pour la partie restant à courir de la campagne 1974-1975, les restitutions à la production prévues dans ledit règlement soient maintenues au niveau résultant de l'application des règles valables au moment de l'entrée en vigueur du présent règlement» (article 1 - 2o). En vertu de l'article 4, «les modalités d'application de l'article 1 …, ainsi que les modifications à supporter (il faut lire sans doute "apporter"), suite au présent règlement, à d'autres prix et montants fixés dans le cadre de la politique agricole commune, sont arrêtées selon la procédure prévue à l'article 26 du règlement no 120/67 …, le cas échéant par dérogation aux règles de fixation prévues par les règlements en la matière dans la mesure et pour la durée strictement nécessaires pour tenir compte du présent règlement». Il n'est pas très facile de comprendre ce que le Conseil entendait par «modification» de ces montants de façon que les restitutions soient «maintenues au niveau résultant de l'application des règles valables au moment de l'entrée en vigueur du présent règlement». Mais, la Commission, qui est l'interprète fidèle de la pensée au Conseil, a, par règlement no 2518/74 du 4 octobre 1974, défini les mesures à prendre; étant donné qu'à partir du 7 octobre 1974 les prix des céréales, y compris les prix de seuil, avaient été affectés par le relèvement de 5 %, les prix d'approvisionnement de l'industrie ont été ajustes pour maintenir la restitution à la production «au niveau résultant de l'application des règles valables au moment de l'entrée en vigueur» du règlement no 2496/74. Le montant de 8,745 a été substitué au montant de 8,20 fixé par le règlement no 1132/74 (10,907 pour les brisures et 11,309 pour la fécule). Ainsi, alors que c'était le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, qui avait arrêté le montant de 8,20 unités de compte, c'est la Commission qui a fixé le montant de 8,745 - ce montant étant valable «pour la partie restant à courir de la période de validité normale» (article 1-1o, alinéa 2, du règlement no 2518/74. La requérante au principal n'a pas pris ombrage de cette modification des prix et autres montants en cours de campagne, bien qu'elle affecte le règlement no 1132/74 du Conseil et qu'elle ait été opérée par la Commission statuant suivant la procédure des comités de gestion, sans doute parce que le prix de seuil avait été, lui aussi, augmenté et qu'en définitive la restitution à la fabrication d'amidon n'avait pas été amoindrie. V - Ce règlement no 2518/74 de la Commission n'a jamais été formellement abrogé et c'est en réalité de son remplacement, quant à l'établissement du montant de la restitution, par une troisième et dernière modification intéressant la présente affaire, celle qui résulte du règlement du Conseil no 3113/74, que la requérante au principal se plaint. Dès le 11 novembre 1974, la Commission soumit au Conseil une proposition de règlement modifiant le règlement no 1132/74 (et donc son propre règlement no 2518/74) tendant à réduire de 50 % environ, à compter du 1er décembre 1974, la restitution à la production des produits amylacés à partir de céréales et de riz et à établir un nouveau prix aux producteurs de pommes de terre féculières. Comme prix d'approvisionnement, elle suggérait le chiffre de 10,09 pour le maïs et le blé tendre (12,74 pour les brisures de riz). Elle motivait cette proposition par les variations sensibles des prix des produits de base intervenues sur le marché mondial. Le montant de l'ancien niveau de restitution ne lui paraissait donc plus justifié sur le plan économique et il aurait d'ailleurs entraîné une charge financière excessive pour le FEOGA. C'est cette proposition qui est à l'origine du règlement incrimine du Conseil no 3113/74 du 9 décembre 1974. Ce règlement est moins favorable aux transformateurs que ne le proposait la Commission, puisque le montant du prix d'approvisionnement est fixé à 10,31 unités de compte (au lieu du chiffre proposé de 10,09) pour le maïs; pour les brisures, il est de 12,74; le montant fixé à l'article 3, paragraphe 1, du règlement no 1132/74 était porté à 12,16. Mais il va plus loin que ces propositions, car il retient comme date d'entrée en vigueur le 1er avril 1975 et non le 1er décembre 1974. Comme ce règlement no 3113/74, adopté à la majorité qualifiée, devait respecter le principe du maintien des restitutions à la production au niveau résultant de l'application des règles découlant de l'article 7-1o du règlement no 1132/74 (article 1-2o, du règlement no 2496/74 du Conseil) et comme, par ailleurs, il n'a été adopté que le 9 décembre 1974, soit après la date originairement proposée par la Commission pour son entrée en vigueur (le 1er décembre 1974), le Conseil a été amené à arrêter l'article 2 qui dispose: «Au cas où des mesures transitoires s'avèrent nécessaires, notamment pour la détermination des restitutions à la production à octroyer pendant la campagne 1974/1975, ces mesures sont arrêtées selon la procédure prévue aux articles 26 des règlements no 120/67/CEE et no 359/67/CEE». La Commission, elle, n'avait pas envisagé cette hypothèse, car elle pensait que sa proposition serait adoptée a temps. Ces mesures ont été arrêtées par règlement de la Commission no 231/75 du 30 janvier 1975 pour conserver les droits acquis par les seuls producteurs de pommes de terre féculières, ainsi que nous l'exposerons ci-dessous. Ultérieurement, mais ceci n'intéresse plus directement la présente affaire, en février 1975, la Commission a proposé de renoncer à fixer le début de la campagne de commercialisation du maïs à une date différente de celle qui est valable pour les autres céréales, donc de rétablir les dates normales de la campagne de commercialisation pour cette céréale. Une rupture de l'unicité et de l'annualité de la campagne de commercialisation risque d'entraîner de graves inconvénients à un moment où on cherche à mettre en place une meilleure hiérarchie des prix et une meilleure fluidité des marchés. L'existence d'une politique commune, et notamment d'un système de prix unifiés, risque d'être compromise par les changements de dates des campagnes pour des produits qui proviennent bien de plantes à cycles végétatifs différents, mais dont l'usage au stade final ne peut être distingué ou qui sont entièrement substituables. Dans le régime institué par règlement du Conseil no 2727/75 du 29 octobre 1975, nouveau règlement de base céréales, le principe de l'unicité de la campagne de commercialisation est donc maintenu pour toutes les céréales, mais la fixation des prix intervient à des dates différentes selon les produits et selon le stade auquel ils s'appliquent. La Commission a également proposé que l'octroi d'une restitution à la production devait «rester» facultatif (c'est-à-dire en réalité le devenir) et elle estimait que, pour la campagne 1975-1976, cette restitution devait être fixée à zéro. Ces propositions ont été reprises aux règlements du Conseil no 665/75 du 4 mars 1975 et no 1955/75 du 22 juillet 1975, applicables à partir du 1er août 1975. Le premier de ces règlements, dont vous aurez plus particulièrement à connaître dans les affaires qui ont été plaidées hier, modifie une nouvelle fois e texte de l'article 11, paragraphe 1, du règlement no 120/67: la restitution pour le maïs et le froment tendre utilisés dans la production d'amidon est facultative; il en va de même pour la fécule de pommes de terre et, enfin, pour les gritz utilisés pour la fabrication de glucose par hydrolyse directe. La restitution pour le maïs utilisé pour la fabrication de gritz destinés à la brasserie est supprimée. Le règlement no 1955/75 abroge le règlement no 1132/74. Il instaure un système d'après lequel le Conseil fixe non plus le prix d'approvisionnement amidonnier, mais la restitution: la différence entre le prix de seuil et cette restitution représente le prix d'approvisionnement qui dérive ainsi directement du montant de la restitution (article 1 er). Le montant de la restitution est fonction des variations des prix des produits de base sur le marché mondial par rapport au prix d'approvisionnement ainsi calculé (article 6). VI - Le rappel de la genèse des textes que nous venons de faire, montre, s'il en était besoin, combien l'équilibre est difficile à réaliser et reste fragile en agriculture et combien les conceptions et les techniques peuvent varier: le recours à telle ou telle solution dépend de l'analyse d'un ensemble de faits économiques complexes dont l'appréciation échappe au contrôle du juge statuant à titre préjudiciel, à moins d'une erreur manifeste ou d'une méconnaissance patente des dispositions du traité et de la réglementation communautaire. A une longue pratique qui a pu faire croire à la requérante au principal qu'elle bénéficierait d'une restitution immuable a succédé un ensemble de mesures qui ressemblent plus à du pilotage à vue qu'à une politique cohérente à long terme et nous comprenons que les prévisions des amidonniers s'en soient trouvées bouleversées. Mais cette pratique a-t-elle conféré à la requérante au principal un droit absolu à ce que le montant de la restitution reste inchangé et empêchait-elle le Conseil de respecter, comme il soutient l'avoir fait, le teste de l'article 7 du règlement no 1132/74? Nous ne le pensons pas. Certes, les règles de détermination des prix et montants sont mises normalement en œuvre au début de la campagne de commercialisation du produit concerné (deuxième considérant du règlement de la Commission no 2518/74). Mais, dans une conjoncture mondiale mouvante et difficile, le principe de la fixation annuelle des prix et montants agricoles n'a pas un caractère sacro-saint. A partir du moment où on reconnaît au Conseil le droit, en cours de campagne de commercialisation, d'en modifier les dates et le pouvoir de s'écarter du principe de l'annualité et de l'uniformité de la campagne de commercialisation en vue d'obtenir une meilleure hiérarchie des prix - ce que la requérante ne s'avise pas de contester et ce que vous avez vous-mêmes admis dans les affaires sur le sucre de canne (arrêt du 31 mars 1977 - affaires 54 à 60-76 - Cie. Industrielle et Agricole du Comté de Loheac e.a./Conseil et Commission), il est également normal de reconnaître au Conseil le droit d'actualiser, en cours de campagne, les pris indicatifs et d'intervention, ainsi que les pris de seuil, qui sont l'un des termes par rapport auxquels la restitution est calculée, de décider des dates auxquelles ces modifications de pris interviendront en vue de tenir compte de l'évolution des prix mondiaux et de prendre en considération l'incidence de cette évolution sur les prix d'approvisionement, d'autant que cette modification du pris d'approvisionnement est arrêtée par le Conseil statuant à la majorité qualifiée (article 43, paragraphe 2) et non par la seule Commission statuant selon la procédure du comité de gestion. Il ne nous paraît pas possible que vous substituiez votre apppreciation à celle du Conseil et de la Commission, agissant conjointement, quant au caractère «sensible et persistant» des variations des prix mondiaux des produits de base, à moins d'une erreur manifeste. Le rappel auquel nous nous sommes livré montre, croyons-nous, que les critères arrêtés «mutatis mutandis» par le Conseil en vue de constater un dépasssement sensible du prix de seuil par le prix caf et d'apprécier la persistance éventuelle d'une telle situation (règlement no 1968/73 du 19 juillet 1973) se trouvaient respectés au moment de l'adoption du règlement no 3113/74. Jusqu'en novembre 1974, les cours mondiaux du maïs ont subi une hausse; le caractère sensible de cette hausse est confirmé par l'institution, conformément au paragraphe 2 de l'article 7 du règlement no 1132/74, d'un prélèvement a l'exportation des produits de transformation et par le fait que, jusqu'au début de l'année 1975 (mis à part les mois de mai, juin et juillet 1974), aucun prélèvement n'a été perçu à l'importation de maïs. Cette évolution des cours mondiaux aurait certes motivé beaucoup plus tôt une modification des prix d'approvisionnement Mais une telle adaptation se justifiait encore parfaitement lorsque la Commission a présenté au Conseil, le 12 novembre 1974, sa proposition. L'étude des tableaux produits par la Commission et par la requérante au principal montre qu'a partir du mois de décembre 1974 les cours mondiaux, exprimés en dollars, se sont mis à baisser et qu'entre le moment où le règlement no 3113/74 est entré en vigueur (le 15 décembre 1974) et le moment où il s'est appliqué (le 1er avril 1975), l'évolution des pris des produits de base s'est renversée, de sorte que la fixation du montant de la restitution intervenue à cette date se justifie beaucoup plus sur la base du règlement no 1955/75 que sur celle du règlement no 1132/74. Un tel décalage entre l'évolution des cours et l'action des autorités communautaires est malheureusement fréquent Mais la requérante au principal ne saurait faire grief au règlement du Conseil de l'ajournement de son application qui a été introduit dans son intérêt et qui a eu pour effet que la tendance des cours mondiaux avait changé lorsque la modification annoncée le 9 décembre 1974 a été appliquée, mais qui lui a permis de bénéficier jusqu'au 1er avril 1975 d'une restitution d'un montant de 24,60 unités de compte par tonne. A partir d'avril 1975, le prix d'approvisionnement de l'industrie a été relevé (10,31 unités de compte), mais il est resté constant jusqu'en août 1975, de sorte que le montant de la restitution, qui est égal à la différence entre le prix de seuil (lui-même en augmentation) et le prix d'approvisionnement, a cru en valeur relative, répercutant dans une certaine mesure la baisse des prix mondiaux. Comme le maïs constitue une céréale déficitaire au niveau communautaire, il n'est pas anormal que son prix européen d'approvisionnement s'établisse en relation avec le niveau du prix de seuil et non avec celui d'un prix d'intervention sous-évalué. Au total, avant le 9 décembre 1974, les cours mondiaux avaient bien subi des variations sensibles et persistantes au sens de l'article 7-1o du reglement no 1132/74, et le prix d'approvissionnement dont la requérante au principal a bénéficié pour l'ensemble de la campagne 1974/1975 ne nous paraît pas inéquitable. Les fabricants d'amidon de maïs n'avaient aucun droit irréversible à une restitution d'un montant garanti. La réduction a été annoncée suffisamment à l'avance par le règlement no 3113/74. Compte tenu du délai de trois mois de mise sous surveillance officielle (règlements de la Commission no 2012/74 du 31 juillet 1974 et no 10/75 du 31 décembre 1974), l'effet de cette réduction a pu être facilement amorti. Aucun des trois premiers griefs allégués à l'encontre de la disposition incriminée ne nous paraît fondé. VII - Il reste à examiner le grief de discrimination par rapport aux féculiers. Il est admis que, toutes choses égales d'ailleurs, la fabrication d'amidon de maïs est moins onéreuse et plus rationelle que la fabrication de fécule de pommes de terre. Mais cette dernière industrie utilise la production communautaire de pommes de terre, qui représente une source importante de revenus pour certaines régions. Deux techniques étaient possibles pour maintenir la compétitivité de la fécule par rapport à l'amidon, dont la production continuait de bénéficier d'une restitution après le 1er juillet 1967: ou bien le versement d'une aide directe aux producteurs de pommes de terre, ou bien une intervention dans les conditions de production de la fécule en octroyant également une «restitution à la production». C'est cette dernière modalité qui, on l'a vu, a été retenue par le règlement de base no 120/67. Comme les producteurs d'amidon ne peuvent acheter le mais au-dessous du pris minimum que constitue le prix d'intervention, l'équilibre entre l'amidon et la fécule exigeait qu'un prix minimum fût également fixé pour la pomme de terre destinée à la féculerie. Ce prix minimum de la pomme de terre est calculé en partant du pris de la fécule, lui-même déduit du prix de l'amidon atteint grâce à la restitution à la production, et en tenant compte de l'ensemble, évalué forfaitairement, des frais de transformation (article 3 du règlement no 371/67). Si le règlement no 3113/74 était entré en vigueur le 1er décembre 1974, comme le proposait la Commission, les féculiers auraient, eux aussi, vu augmenter leur prix d'approvisionnement et leur restitution à la production de fécule aurait subi une réduction, puisque la campagne de production de la fécule était en cours. L'ajournement de l'application de ce règlement au 1er avril 1975 ne pouvait, en revanche, remettre en cause les situations acquises une fois la campagne de la fécule terminée. La Commission a cru devoir confirmer le maintien des droits acquis en adoptant le règlement no 231/75 du 30 janvier 1975. La requérante au principal soutient que, le règlement du Conseil, no 3113/74 ayant été appliqué à partir du 1er avril 1975, alors que la campagne du maïs n'était pas terminée, la modification des montants figurant aux articles 1, 5 et 7 du règlement no 1132/74, opérée par le règlement no 3113/74, aurait dû entraîner une réduction corrélative du montant prévu à l'article 2 du règlement no 1132/74 (restitution fécule), du fait que la restitution féculière est la moyenne arithmétique des restitutions accordées pour l'amidon pendant la campagne du maïs. Ce grief de discrimination des amidonniers par rapport aux féculiers ne nous paraît pas fondé. Tout d'abord, il convient de prendre comme point de comparaison les producteurs de pommes de terre et non les féculiers, puisque la restitution consentie à ceux-ci doit être en définitive rétrocédée aux producteurs de pommes de terre, tandis que la restitution octroyée aux amidonniers reste leur propriété et que ceux-ci ne sont nullement tenus de la restituer aux producteurs de maïs, importé dans une large mesure des pays tiers. Cette mise au point nous paraît, à elle seule, de nature à réduire à néant le grief de discrimination: en effet, les producteurs de la matière de base sont situés à un niveau différent de celui des transformateurs. La production de pommes de terre ne fait pas l'objet d'une organisation commune de marché, tout en subissant de plein fouet les règles applicables aux produits industriels (ainsi que vous l'avez jugé par vos arrêts du 17 février 1976, Miritz et Rewe-Zentrale, et du 16 mars 1977, Commission/République française). Par ailleurs, à partir du 23 mars 1975, la requérante, comme les autres producteurs d'amidon de maïs, a eu de nouvelles possibilités intéressantes d'écouler son amidon - pour lequel une restitution continuait d'être accordée, bien qu'à un taux moins élevé - à la place du quellmehl ou de gritz utilisés en brasserie, pour la fabrication desquels la restitution à la production allait être supprimée à partir du 1er août 1975. Faire droit aux prétentions de la requérante au principal risquerait de provoquer une réaction en chaîne: ce serait conforter les revendications des producteurs de quellmehl et de gritz de brasserie que vous avez entendues hier. Ce serait remettre en cause un compromis fragile entre la suppression pure et simple de toutes les restitutions et le maintien intégral de leur montant, compromis visant à réaliser un rapport équilibré entre le prix des produits de substitution d'origine non agricole et celui de l'amidon, d'une part, et entre ce dernier et le prix des autres produits amylacés, d'autre part. Nous concluons à ce que vous disiez pour droit que l'examen des questions posées n'a fait apparaître aucun élément de nature à affecter la validité de l'article 1-1o du règlement no 3113/74 du Conseil du 9 décembre 1974.