Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 29 janvier 2002, 00-11.433

Synthèse

  • Juridiction : Cour de cassation
  • Numéro de pourvoi :
    00-11.433
  • Dispositif : Cassation
  • Publication : Inédit au recueil Lebon - Inédit au bulletin
  • Textes appliqués :
    • Code de commerce L420-1
    • Nouveau Code de procédure civile 564, 565 et 566
    • Ordonnance 86-1243 1986-12-01 art. 7
    • Règlement CEE n° 1475/95 1995-06-28 art. 6-1-2
  • Décision précédente :Cour d'appel de Paris (25e Chambre civile, Section B), 26 novembre 1999
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007438154
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/613723dacd5801467740f01e
  • Président : M. DUMAS
  • Avocat général : M. Lafortune
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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2002-01-29
Cour d'appel de Paris (25e Chambre civile, Section B)
1999-11-26

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS I - Sur le pourvoi n° C 00-11.433 formé par : 1 / la société Renault, société anonyme dont le siège est ..., 2 / la société Cogera, société anonyme dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 26 novembre 1999 par la cour d'appel de Paris (25e Chambre civile, Section B) , au profit : 1 / de la société Bronner, dont le siège est ..., 2 / de la société Sangar, dont le siège est ..., défenderesses à la cassation ; II - Sur le pourvoi n° R 00-11.951 formé par : 1 / la société anonyme Bronner, 2 / la société anonyme Sangar, en cassation du même arrêt rendu au profit : 1 / de la société anonyme Renault, 2 / de la société anonyme Cogera, défenderesses à la cassation ; La société Renault, demanderesse au pourvoi n° C 00-11.433, invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Les demanderesses au pourvoi n° R 00-11.951 invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 4 décembre 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, M. Métivet, conseiller, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat des sociétés Renault et Cogera, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat des sociétés Bronner et Sangar, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Joint les pourvois n° C 00-11.433 et n° R 00-11.951 qui attaquent le même arrêt ; Donne acte à la société Cogera du désistement de son pourvoi ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 16 septembre 1996, la société Renault a résilié, avec un an de préavis, le contrat de concession à durée indéterminée qui la liait à la société Bronner ; que la société Cogera a résilié le contrat de financement qu'elle accordait à la société Bronner pour cette activité, puis lui a demandé de réduire progressivement ses encours ; que la société Bronner, ainsi que la société Sangar, propriétaire des murs où était exploitée la concession, ont assigné les sociétés Renault et Cogera en responsabilité en leur reprochant à chacune la résiliation abusive du contrat et, à la seconde, la réduction prématurée des encours ;

Sur le premier moyen

du pourvoi n° R 00-11.951, pris en ses trois branches :

Attendu que les sociétés Bronner et Sangar font grief à

l'arrêt d'avoir rejeté la demande de la société Bronner tendant à la condamnation de la société Cogera à lui payer des dommages-intérêts en réparation de son préjudice consécutif à la décision, prise par cette dernière, le 30 septembre 1996, de réduire ses encours, alors, selon le moyen : 1 / que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision, que "bien qu'aucun incident de paiement ne soit intervenu, l'état financier de la société Bronner était fragilisé à la suite d'une diminution importante de ses capitaux propres et des pertes enregistrées fin 1995 et début 1996 ; que bien que n'intégrant pas les primes de fin d'année, les résultats intermédiaires du compte d'exploitation du 30 avril 1996 supportaient un déficit important de 595 KF", sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la perte de 595 000 francs constatée au 30 avril 1996 n'avait pas conduit la société Cogera, le 4 juin 1996, à décider simplement de plafonner ses encours, et si c'était dès lors de bonne foi qu'elle mettait cette circonstance en avant pour prétendre justifier la décision de réduire ses encours qu'elle avait ensuite prise, le 30 septembre 1996, soit au moment même où elle résiliait le contrat de financement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, alinéa 3, du Code civil ; 2 / que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu'en retenant, de la même façon, à l'appui de sa décision, "qu'à la fin d'août 1996, le compte d'exploitation souffrait d'une perte de 654 KF en dépit de l'intégration d'un produit exceptionnel de l'exercice précédent", sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la situation d'exploitation de la société Bronner au 31 août 1996 n'avait pas été éditée que le 11 octobre suivant, et si c'était dès lors de bonne foi que la société Cogera, qui n'en avait pas connaissance lorsqu'elle avait arrêté sa décision de réduire ses encours, le 30 septembre 1996, soit au moment même où elle résiliait le contrat de financement, mettait cette circonstance en avant pour prétendre la justifier, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, alinéa 3, du Code civil ; 3 / qu'en ajoutant, à l'appui de sa décision, "qu'au surplus, les sociétés Bronner et Sangar ne démontrent pas l'existence d'un préjudice consécutif à la notification de la réduction des encours dès lors que pour faciliter des pourparlers, la société Cogera ne l'a pas mise en oeuvre", sans répondre aux conclusions qui lui étaient soumises dans lesquelles la société Bronner faisait valoir que "si la Cogera a finalement été contrainte, en mars 1997, de renoncer à appliquer le plan de réduction des encours qu'elle (lui) avait notifié dans son courrier du 30 septembre 1996, c'est seulement après -avoir conduit le Commissaire aux comptes à déclencher une procédure d'alerte en novembre 1996,- avoir contraint la société Bronner à solliciter, concomitamment, l'ouverture d'une procédure de conciliation, -avoir provoqué, en janvier 1997, des incidents bancaires à hauteur de 1 421 930,27 francs par la présentation de demandes de prélèvements injustifiés", la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

qu'après avoir relevé que l'article 4-1 du contrat financier autorisait la société Cogera à réduire les encours en cas de résiliation du contrat de concession ou de dégradation de la situation financière du concessionnaire, l'arrêt constate que ces deux conditions étaient remplies au 30 septembre 1996 ; que les juges ajoutent qu'eu égard aux résultats déficitaires et à l'absence de garanties de la société Bronner, la société Cogera n'a commis aucune faute en mettant en place un plan d'apurement progressif prévoyant la fixation de plafonds d'encours maximum dégressifs ; qu'en l'état de ces seuls motifs, abstraction faite du motif surabondant visé par la troisième branche, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen

du pourvoi n° R 00-11.951, pris en ses cinq branches :

Attendu que les société

s Bronner et Sangar reprochent encore à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de la société Bronner tendant à la condamnation de la société Renault à lui payer des dommages-intérêts d'un montant équivalant à celui des primes "qualité-entreprise" dont elle avait été privée en 1995 et 1996, alors, selon le moyen : 1 / que sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que le critère d'appréciation tiré de la qualité du service qui était pris en considération pour l'allocation de la prime litigieuse dépendait, notamment, de la réponse donnée par les clients à des sondages comportant des questions sur la façon dont ils avaient acquis leur véhicule auprès du concessionnaire auquel ils s'étaient adressés à cet effet, dont deux se rapportaient au financement, avec le nom de la société Diac à titre d'exemple ; qu'en ne recherchant pas s'il n'en résultait pas que les concessionnaires étaient incités à proposer à leur clientèle un financement par la société Diac, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7.1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ; 2 / qu'en retenant, à l'appui de sa décision, qu'il n'était "pas démontré que soit pris en compte un critère Diac pour apprécier la performance volume", sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la prise en considération de ce critère pour apprécier la "performance volume" de chaque concessionnaire n'était pas établie par les indications du "règlement du club de l'excellence 1996", figurant dans la brochure "1996 Creuser l'écart" qui était versée aux débats, lequel précisait notamment que "l'excellence sera mesurée selon 3 critères : performance qualité ; performance volume ; performance gestion", selon les "critères" suivants : "critères performances volume : prise en compte d'une note relative avec les pondérations suivantes : PVN 20 % PVO 10 % PPR 10 % DIAC 10 %", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7.1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ; 3 / que l'article 5.1.2 c) du règlement CEE n° 123/85 du 12 décembre 1984 subordonne l'exemption qu'il institue à la condition que le fournisseur procède, dans un système de remise de prix, au décompte cumulé des quantités ou chiffres d'affaires des produits qu'au cours de périodes déterminées le distributeur a achetés auprès de lui et d'entreprises qui lui sont liées, en distinguant au moins entre les achats de véhicules automobiles de la gamme visée par l'accord, de pièces de rechange de la gamme visée par l'accord pour lesquelles le distributeur dépend d'offres des entreprises du réseau de distribution et d'autres produits ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision, que ce texte, "qui vise les remises de prix quantitatives, n'est pas applicable à la prime qualité entreprise, laquelle est une prime qualitative, contribuant à l'amélioration du service", sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il ne résultait pas des indications du "règlement du club de l'excellence 1996", figurant dans la brochure "1996 Creuser l'écart" qui était versée aux débats, lequel précisait notamment que "l'excellence sera mesurée selon 3 critères : performance qualité ; performance volume ; performance gestion", selon les "critères" suivants : "Critères performances volume : Prise en compte d'une note relative avec les pondérations suivantes : PVN 20% PVO 10 % PPR 10 % DIAC 10 %", que la prime n'était pas seulement qualitative, mais également quantitative, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ; 4 / que l'article 6.1.2 du règlement CEE n° 1475/95 du 28 juin 1995 précise que l'exemption qu'il institue ne s'applique pas dès lors que les parties lient leur accord à des stipulations concernant d'autres produits ou services que ceux visés par le présent règlement ou appliquent leur accord à de tels produits ou services ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision, que la prime litigieuse ne serait pas contraire à ces dispositions en ce qu'elle "n'impose pas à la société Bronner de proposer exclusivement des financements Diac à la clientèle pour bénéficier du contrat Renault", la cour d'appel s'est déterminée à partir de motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 6.1.2 du règlement CEE n° 1475/95 du 28 juin 1995 ; 5 / qu'en retenant également que la société Bronner ne justifiait pas de la réalité de son préjudice sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si celle-ci ne pouvait pas prétendre obtenir des dommages-intérêts d'un montant équivalant à celui des primes "qualité entreprise" qui lui avait été refusées en raison de l'insuffisance de son volume d'affaires avec la société Diac, soit en application d'une stipulation illicite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu

que l'illicéité d'une clause instituant une prime dans des conditions contraires à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 420-1 du Code de commerce, ou à l'article 6, 1, 2) du règlement n° 1475/95 de la Commission du 28 juin 1995, ne peut être sanctionnée, le cas échéant, que par la nullité de la clause voire de l'accord tout entier ; qu'il s'ensuit que la société Bronner n'était pas fondée à prétendre que, la prime "qualité-entreprise" étant selon elle illicite au regard tant du droit interne que du droit communautaire de la concurrence, la société Renault aurait commis une faute en refusant de l'en faire bénéficier ; que, par ce motif de pur droit, invoqué dans le mémoire en défense, la décision se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le premier moyen

du pourvoi n° C 00-11.433, pris en ses trois premières branches :

Attendu que la société Renault fait grief à

l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Bronner la somme de 19 171 922 francs à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1 / que le non-renouvellement ou la résiliation d'un contrat de concession n'est pas abusif s'il intervient après des investissements réalisés par le concessionnaire, sans contrainte du concédant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ayant constaté que la société Bronner avait pris soin de solliciter l'accord de Renault pour réaliser les investissements litigieux, ce dont il résultait que ceux-ci n'avaient pas été imposés à la société Bronner, ne pouvait pas en déduire que la résiliation du contrat après ces investissements était abusive, sans violer les articles 1134, alinéa 3, et 1147 du Code civil ; 2 / que dans son courrier du 20 décembre 1989, la société Bronner avait manifesté spontanément sa volonté de réaliser les investissements litigieux en écrivant "A Rillieux, je vous confirme qu'après avoir investi cette année 1,5 MF dans le Renault Minute, j'envisage de réaliser pour 3 MF d'améliorations dans les surfaces d'exposition et l'atelier" ;

qu'en décidant

néanmoins que cette lettre ne concernait pas l'établissement de Rillieux, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; 3 / qu'à supposer que la simple implication du concédant dans des investissements non imposés au concessionnaire suffise à rendre abusive la résiliation postérieure auxdits investissements, la société Renault avait soutenu dans ses conclusions d'appel que les travaux litigieux ne correspondaient pas à une mise en conformité aux normes du réseau Renault, la présentation "Concession 2000" n'étant pas un livre de normes mais un simple guide pédagogique, et que Renault n'avait demandé aucune modification des travaux, le rapport Argile ne faisant que préconiser des modifications d'organisation et de présentation, et non des travaux d'investissement ; qu'en l'état de ces conclusions d'appel, la cour d'appel s'est contentée d'affirmer que Renault avait demandé de nombreuses modifications et que les investissements étaient engagés pour le programme Renault 2000, comme le montrerait une attestation du commissaire aux comptes, dont la compétence est pourtant limitée à l'établissement de comptes ; qu'en ne recherchant pas quelles modifications aurait exigées Renault, et quels investissements seraient préconisés dans le concept "Renault Concession 2000", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, alinéa 3, et 1147 du Code civil ; Mais attendu que l'arrêt retient qu'en envoyant chez le concessionnaire, en octobre 1995, un consultant afin d'examiner les locaux et lui faire des recommandations, la société Renault l'a incité à effectuer les travaux préconisés, qu'il n'aurait pas engagés sans la perspective du maintien du contrat, qu'elle ne saurait prétendre que ces investissements ont été décidés par la société Bronner seule, dès lors qu'il est établi qu'il était d'usage dans le réseau Renault de n'engager des investissements qu'après décision commune avec le concédant, et que tel a été le cas en l'espèce, la société Renault ayant pris une part active dans la conception et la mise en oeuvre des investissements engagés fin 1995, début 1996, en mandatant un cabinet de conseil qui a défini un "plan recommandé" pour mettre la concession aux normes de la marque, puis en fournissant un plan du nouvel "espace boutique", enfin en contrôlant l'ensemble des aménagements préparés par l'architecte à qui elle a demandé de nombreuses modifications ; qu'à partir de ces constatations et énonciations, souverainement déduites des éléments de preuve produits, et abstraction faite d'une référence surabondante à la lettre de la société Bronner visée à la seconde branche, dépourvue d'incidence sur cette appréciation, la cour d'appel a pu décider que la société Renault avait commis une faute en résiliant le contrat dans ces conditions ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen

du pourvoi n° C 00-11.433, pris en ses trois branches :

Attendu que la société Renault fait le même grief à

l'arrêt, alors, selon le moyen : 1 / que si l'article 1134, alinéa 3, du Code civil interdit de se contredire au détriment de son cocontractant, c'est à la condition que sur le fondement de la croyance ainsi créée, le cocontractant ait altéré sa position ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la résiliation était abusive indépendamment des investissements réalisés parce que Renault avait entretenu la société Bronner dans la conviction de son maintien dans le réseau Renault en lui envoyant une lettre circulaire du 12 avril 1996 lui indiquant qu'elle allait lui envoyer un projet nouveau de contrat ; qu'en condamnant Renault à indemniser Bronner, sans relever en quoi cette dernière avait altéré sa position après le 12 avril 1996 sur la foi de cette croyance, et donc en quoi la prétendue faute de Renault lui aurait causé un préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, alinéa 3, et 1147 du Code civil ; 2 / qu'en décidant que par sa lettre-circulaire du 12 avril 1996, adressée à tous les concessionnaires Renault, Renault aurait créé chez Bronner la croyance que les relations contractuelles seraient poursuivies, sans rechercher comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas de la lettre postérieure de Bronner du 30 avril 1996 dans laquelle il affirmait ne plus pouvoir continuer et envisageait l'arrêt desdites relations, que Bronner ne croyait pas en la poursuite de ces relations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, alinéa 3, et 1147 du Code civil ; 3 / qu'en décidant que par sa lettre-circulaire du 12 avril 1996, Renault aurait créé chez Bronner la croyance que les relations contractuelles seraient poursuivies, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas de la réponse de Renault du 30 mai 1996 à la lettre de Bronner du 30 avril 1996, par laquelle Renault proposait à Bronner des solutions de reprise de sa concession par un tiers, que Bronner ne pouvait légitimement croire à la poursuite des relations contractuelles avec Renault, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, alinéa 3, et 1147 du Code civil ;

Mais attendu

que l'arrêt retient aussi que, bien que connaissant le déficit des résultats de l'exercice de 1995 et la faible capitalisation de la concession, et toujours en entretenant le concessionnaire dans l'idée fallacieuse du maintien du contrat, la société Renault a obtenu de lui qu'il renonce au secteur de Caluire au profit d'une nouvelle filiale de Renault à la Croix-Rousse, en contrepartie du canton de Fontaine-sur-Saône ; que les juges observent que cette opération a placé la société Bronner en difficulté puisque le canton octroyé était d'un potentiel commercial inférieur et que, pour tenter de compenser l'augmentation de la concurrence de la filiale Renault à la Croix Rousse, elle a dû réorienter son action commerciale vers le nord de l'agglomération lyonnaise, qu'ainsi, le 30 avril 1996, elle s'est plainte au concédant des pertes financières qu'elle subissait, en lui rappelant ses efforts d'investissements à Rillieux ainsi que l'impossibilité où elle se trouvait d'en consentir d'autres et en proposant des solutions d'urgence consistant, soit à racheter la filiale de la Croix Rousse, soit à céder à Renault la concession de Rillieux ; qu'ils relèvent que la société Renault, non seulement n'a pas donné suite à ces propositions, mais encore s'est abstenue d'informer son cocontractant de ses réserves, bien qu'elle lui eût adressé le 12 avril 1996 une demande d'informations en vue de la conclusion d'un contrat conforme au nouveau règlement communautaire, continuant ainsi à l'entretenir dans l'idée de la poursuite des rapports contractuels ; qu'ils en déduisent que la société Renault a laissé croire le plus longtemps possible au concessionnaire que le contrat serait maintenu, dans le seul but de se réserver des délais, face au recul de la marque en 1996, pour arbitrer une statégie commerciale avantageant la filiale qu'elle avait implantée sur le secteur abandonné par la société Bronner en contrepartie de l'assurance exprimée neuf mois plus tôt du maintien des relations contractuelles ; qu'à partir de ces constatations et appréciations déduites de son appréciation souveraine des éléments de la cause, qui ne se limitaient pas à la lettre du 16 avril 1996, la cour d'appel, qui a légalement justifié sa décision, a pu décider que la société Renault avait manqué à la bonne foi contractuelle en résiliant le contrat dans de telles conditions ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

Et sur le premier moyen

du pourvoi n° C 00-11.433, pris en sa quatrième branche :

Attendu que la société

Renault fait le même reproche à l'arrêt alors, selon le moyen, que même si Renault avait demandé la réalisation d'investissements avant la résiliation, le préjudice subi par Bronner serait égal au montant des investissements non susceptibles d'être réutilisés ; que, dès lors en l'espèce, en condamnant Renault à payer à Bronner 19 171 922 francs dont 9 171 922 francs pour le préjudice dû à la rupture abusive après lesdits investissements, tout en relevant que les investissements avaient coûté à Bronner 2 030 153,43 francs, et que Bronner était devenu concessionnaire Mercedes après la résiliation du contrat avec Renault, ce qui lui permettait d'utiliser au moins une grande partie des investissements litigieux, sinon la totalité, la cour d'appel a méconnu l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu

qu'ayant retenu que la société Renault avait laissé croire à son concessionnaire qu'elle maintiendrait les relations contractuelles et l'avait ainsi incité, non seulement à procéder à des investissements lourds, mais aussi à accepter un redécoupage de son secteur dans des conditions la désavantageant par rapport aux filiales du concédant, la cour d'appel a pu condamner la société Renault à indemniser la société Bronner du préjudice subi par suite de la cessation de son activité de concessionnaire, lequel ne se confond pas avec la perte des investissements réalisés ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen

du pourvoi n° C 00-11.433, pris en sa première branche :

Vu

les articles 564, 565 et 566 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que constitue une demande nouvelle, irrecevable devant la cour d'appel, la prétention qui ne tend pas aux mêmes fins que la demande soumise aux premiers juges, et qui n'est pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de celle-ci ;

Attendu que pour déclarer recevable

la demande d'indemnisation présentée en cause d'appel par la société Bronner pour des faits constitutifs d'inexécution contractuelle survenus au cours des deux années précédant la rupture et lui allouer à ce titre la somme de 10 000 000 francs, l'arrêt énonce que "les griefs relatifs à l'instauration de nouvelles conditions de concurrence interne à la marque préjudiciable à la société Bronner participent aux agissements d'exercice abusif du droit de résiliation de Renault qui vient d'être établi" ;

Attendu qu'en statuant ainsi

, alors que la demande de dommages et intérêts pour inexécution contractuelle avait un objet différent de celui de la demande formée initialement pour rupture abusive du contrat et qu'elle n'en était ni le complément, ni la conséquence, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les quatre dernières branches du troisième moyen du pourvoi n° R 00-11.433 : Sur le pourvoi des sociétés Bronner et Sangar : REJETTE le pourvoi ; Sur le pourvoi de la société Renault : CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Renault à payer à la société Bronner une indemnité de 10 000 000 francs au titre d'une inexécution contractuelle, l'arrêt rendu le 26 novembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ; Déclare irrecevable la demande de la société Bronner fondée sur une inexécution contractuelle antérieure à la résiliation ; Condamne les sociétés Bronner et Sangar aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les sociétés Bronner à payer à la société Renault à une somme de 2 250 euros et rejette leur demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille deux.