Cour administrative d'appel de Paris, 3ème Chambre, 15 juin 2021, 20PA02256

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Paris
2021-06-15
Tribunal administratif de Paris
2020-06-12

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure : M. H... A..., Mme F... D... épouse A..., MM. Sacha et Marceau A..., ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à verser à M. H... A... la somme de 2 463 340,70 euros en réparation du préjudice que lui ont causé les fautes commises lors de sa prise en charge pré, per et post-opératoire, de condamner l'AP-HP à verser à Mme F... D... la somme de 100 000 euros et à MM. Sacha et Marceau A... celle de 35 000 euros chacun, en réparation des préjudices respectifs que leur ont causé la prise en charge de M. H... A... pour l'opération du 28 juin 2012, d'assortir les sommes auxquelles sera condamnée l'AP-HP des intérêts à compter du 3 septembre 2018 et de la capitalisation des intérêts échus et de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1815772/6-1 du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à verser à M. A... la somme de 1 003 090,97 euros, à Mme D... la somme de 25 000 euros, à MM. Sacha et Marceau A... la somme de 7 500 euros chacun, avec intérêt à compter du 4 septembre 2018 et capitalisation annuelle à compter du 4 septembre 2019, en outre la somme 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il a également condamné l'AH-HP à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris la somme de 103 442,63 euros ainsi qu'une rente annuelle de 318,96 euros sous réserve de l'engagement effectif des frais futurs, cette somme portant intérêt au taux légal à compter du 21 mars 2019 et la rente étant payable à termes échus et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, en outre la somme de 1 091 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 12 août 2020 et un mémoire, enregistré le 10 décembre 2020, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), représentée par Me I..., demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1815772/6-1 du tribunal administratif de Paris du 12 juin 2020 ; 2°) de rejeter les demandes des consorts A... et de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris ; 3°) à titre subsidiaire, de rejeter les conclusions d'appel incident des consorts A... ; 4°) à titre infiniment subsidiaire, de ramener les sommes allouées à de plus justes proportions. Elle soutient que : - le jugement attaqué, qui ne répond pas complétement à son argumentation et qui est insuffisamment motivé, est irrégulier ; - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle n'a pas commis de faute s'agissant de l'indication thérapeutique, de la réalisation du geste opératoire, du suivi post-opératoire, ni manqué à son obligation d'information du patient ; - à titre subsidiaire, l'indemnisation des préjudices de M. A... et des membres de sa famille et les sommes allouées à la CPAM de Paris doivent être ramenées à de plus justes proportions, les sommes réclamées au titre des dépenses de santé actuelles, des frais et honoraires et des frais de transports n'étant pas justifiées ; - sa responsabilité ne pouvant être engagée, la demande de remboursement des débours de la CPAM de Paris doit être rejetée ; - à défaut, les demandes au titre des frais médicaux et pharmaceutiques, des indemnités journalières et des frais futurs devront être rejetées faute pour la caisse d'en donner le détail. Par des mémoires en défense et d'appel incident, enregistrés le 24 novembre 2020 et le 4 janvier 2021, M. H... A..., Mme F... D... épouse A..., MM. Sacha et Marceau A..., représentés par Me J..., concluent : 1°) à titre principal, au rejet de la requête comme irrecevable et à ce que la somme de 15 000 euros soit mise à la charge de l'AP-HP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 2°) à titre subsidiaire, à ce que la Cour confirme que la responsabilité totale de l'AP-HP est engagée et à ce que les sommes allouées soient portées à 3 050 751,58 euros s'agissant de M. H... A..., à 100 000 euros s'agissant de Mme F... D..., à 35 000 euros chacun s'agissant de MM. Sacha et Marceau A..., ces sommes portant intérêts à compter du 3 septembre 2018 avec capitalisation annuelle ; 3°) à la mise la charge de l'AP-HP de la somme totale de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - l'appel de l'AP-HP, qui se borne à se référer à ses écritures en première instance sans invoquer de moyens en appel ni opposer de critique sérieuse au jugement entrepris et sans produire le mémoire ultérieur annoncé, est irrecevable en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - à titre subsidiaire, le recours est mal fondé ; il ressort du rapport d'expertise que la responsabilité de l'AP-HP est engagée en raison du défaut d'information, du mauvais choix thérapeutique, de la mauvaise réalisation de l'acte opératoire et de la mauvaise prise en charge post-opératoire ; - les sommes allouées par les premiers juges doivent être majorées ; - le tribunal a omis de statuer sur la demande présentée au titre du préjudice esthétique permanent ; - au titre des préjudices patrimoniaux temporaires, M. A... est fondé à solliciter l'indemnisation de ses dépenses de santé actuelles à hauteur de la somme de 5 950 euros, de ses frais divers à hauteur de celle de 3 500 euros et de l'assistance par tierce personne à hauteur de 63 475 euros ; - au titre des préjudices patrimoniaux permanents, M. A... est fondé à solliciter l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs à hauteur de la somme de 59 519,01 euros, de l'assistance par tierce personne définitive à hauteur de 1 317 427,60 euros, de la perte de gains professionnels futurs à hauteur de 227 770,36 euros et de l'incidence professionnelle à hauteur de 378 645,09 euros ; - au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires, M. A... est fondé à solliciter l'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire à hauteur de la somme 67 824 euros et celle des souffrances endurées à hauteur de 60 000 euros ; - au titre des préjudices extrapatrimoniaux permanents, M. A... est fondé à solliciter l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent à hauteur de la somme de 275 000 euros, du préjudice esthétique à hauteur de 12 000 euros, de son préjudice d'agrément à hauteur de 60 000 euros, de son préjudice sexuel à hauteur de 100 000 euros et de son préjudice d'impréparation à hauteur de 60 000 euros ; - Mme D... est fondée à solliciter l'indemnisation de son préjudice d'affection à hauteur de 50 000 euros et celle de son préjudice sexuel à hauteur de 50 000 euros ; - MM. Sacha et Marceau A... sont fondés à solliciter 35 000 euros chacun au titre du préjudice d'affection. Par un mémoire, enregistré le 25 novembre 2020, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, représentée par la Me G..., conclut : 1°) à titre principal, au rejet de la requête de l'AP-HP comme irrecevable ; 2°) à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions ; 3°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'AP-HP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Elle soutient que : - à titre principal, la requête d'appel de l'AP-HP qui n'est pas motivée et n'a pas été régularisée dans le délai de recours, contrevient en conséquence aux dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - à titre subsidiaire, les critiques de l'AP-HP sont infondées. Par ordonnance du 5 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 janvier 2021. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique, - le code de la sécurité sociale, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Pena, rapporteur public, - et les observations de Me J..., représentant les consorts A....

Considérant ce qui suit

: 1. M. H... A..., qui souffrait d'un polype cancéreux du rectum, a été opéré le 28 juin 2012 à l'hôpital Cochin où a été pratiquée une résection du rectum avec anastomose colo-anale manuelle directe et iléostomie de protection. Après l'intervention, il a souffert d'une fuite anastomotique et d'un sepsis pelvien récidivant, qui ont nécessité de nombreuses interventions. M. A... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) d'Ile-de-France d'une demande indemnitaire les 19 et 25 avril 2017. La commission a nommé un expert, le Pr Frileux chirurgien digestif, qui a déposé son rapport le 22 septembre 2017. Le 22 février 2018, la CCI d'Île-de-France a rendu un avis aux termes duquel elle a considéré que la responsabilité de l'AP-HP était engagée en raison de plusieurs fautes commises avant, pendant et après l'opération du 28 juin 2012. L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a cependant refusé d'indemniser dans le cadre de la procédure amiable les consorts A... qui ont alors saisi le tribunal administratif de Paris. L'AP-HP relève appel du jugement du 12 juin 2020, par lequel ce tribunal l'a condamnée à verser à M. A... la somme totale de 1 003 090,97 euros, à son épouse Mme D..., la somme de 25 000 euros, à MM. Sacha et Marceau A..., leurs fils, la somme de 7 500 euros chacun, à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris la somme de 103 442,63 euros ainsi qu'une rente annuelle de 318,96 euros sous réserve de l'engagement effectif des frais futurs. Les consorts A..., par la voie de l'appel incident, demandent à la Cour de majorer les sommes que l'établissement hospitalier a été condamné à leur verser. Sur la fin de non-recevoir opposée par les consorts A... et la CPAM de Paris : 2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". 3. Le mémoire introductif d'instance de l'AP-HP, qui critique la régularité du jugement et conteste la réalité des fautes retenues par le tribunal, contient un exposé des faits et des moyens qu'elle soulève. Dès lors, la requête est recevable. Si les moyens n'ont été développés et précisés que dans un mémoire complémentaire enregistré après l'expiration du délai de recours, cette circonstance est sans incidence sur la recevabilité de l'appel. Les fins de non-recevoir opposées par les consorts A... et la CPAM de Paris doivent être rejetées. Sur la régularité du jugement attaqué : 4. L'AP-HP, qui se borne sans autre précision à soutenir dans son mémoire introductif d'instance que le jugement n'est pas suffisamment motivé et que le tribunal n'a pas répondu à l'intégralité de son argumentation, ne permet pas à la Cour d'apprécier le bien-fondé de sa critique. Au demeurant, ce jugement qui détaille les fautes retenues et justifie chaque chef de préjudice et le montant des sommes allouées est suffisamment motivé. Sur la responsabilité de l'AP-HP : 5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ". 6. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser ". Aux termes de l'article L. 1111-4 du même code : " Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. / (...) ". Aux termes de l'article R. 4127-35 du même code : " Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose (...) ". 7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par la CCI d'Ile-de-France, que le dommage subi par M. A... est constitué par la nécrose du côlon abaissé à l'anus qui a entrainé une fuite anastomotique et un sepsis pelvien récidivant qui a rendu nécessaire la réalisation en post-opératoire de plusieurs nouvelles interventions, tous les trois jours pendant un mois puis de façon plus espacée pendant un an. Du fait de l'étendue de la nécrose, l'anastomose n'a pu être conservée et il a fallu réaliser une intervention majeure et une nouvelle résection colique pour rétablir la continuité digestive, sans que pour autant le montage effectué, source de douleurs handicapantes, ait eu un résultat satisfaisant. Pour juger que la responsabilité de l'AP-HP était engagée, le tribunal administratif de Paris a retenu que le choix thérapeutique était erroné, que le consentement éclairé de M. A... n'avait pas été recherché, que la réalisation de l'acte n'avait pas été conforme aux règles de l'art et que le traitement du sepsis, c'est-à-dire de l'inflammation de l'organisme du fait d'infections, avait été défectueux. L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris conteste que de telles fautes aient été commises. 8. S'agissant du choix thérapeutique erroné, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du professeur Frileux, que, de manière générale, la présence d'un polype dégénéré du rectum pose un problème très délicat et que, dans le cas particulier de M. A..., il y avait un risque d'envahissement ganglionnaire de 10% et de récidive locale de 20%. L'expert relève que si l'on mettait en balance les risques de la chirurgie radicale (complications, séquelles fonctionnelles et sexuelles, sans oublier les récidives), et ceux de l'exérèse locale par résection endoscopique, " le choix était bien difficile ". Compte tenu de l'appréciation très nuancée de l'expert et des légitimes hésitations dont il fait état, le choix de l'équipe chirurgicale de procéder à une résection colo-rectale, ne saurait être regardé en l'espèce comme contraire aux règles de l'art. Si les conséquences de ce choix se sont avérées dans un second temps disproportionnées au regard des bénéfices attendus, l'erreur éventuellement commise ne saurait, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, présenter dans les circonstances de l'espèce un caractère fautif et engager la responsabilité de l'AP-HP. En revanche, ainsi que l'a relevé l'expert et que l'a jugé à bon droit le tribunal, le choix de la résection colorectale, qui ne s'imposait pas comme l'unique solution thérapeutique et qui exposait le patient à des risques qui se sont malheureusement concrétisés, a été décidé hâtivement, sans raison décisive et sans que le dossier porte trace de ce que le consentement éclairé de M. A... ait été recherché. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'établissement hospitalier, à qui incombe la charge de la preuve en la matière, n'établissait pas avoir congrument informé M. A... de l'existence d'une alternative à l'intervention retenue, des bénéfices attendus et des risques respectifs des choix thérapeutiques envisageables, notamment sur le plan sexuel, et que ce défaut d'information engageait la responsabilité de l'AP-HP. 9. S'agissant des conditions dans lesquelles a été réalisée l'intervention du 28 juin 2012, il résulte, notamment du rapport d'expertise, que le geste chirurgical, pourtant simple, n'a pas été réalisé dans les règles de l'art, ce qui a entraîné la nécrose du côlon. Selon le professeur Frileux, dans le premier temps de l'opération sous coelioscopie, la dissection des vaisseaux coliques a été incorrecte et l'appréciation de la vitalité du côlon, défectueuse, ce qui a entraîné le sectionnement de l'artère colique supérieure gauche et du tronc des sigmoïdiennes ; par ailleurs, l'opérateur confronté à l'étroitesse du bassin de M. A..., a effectué une conversion tardive en laparotomie compte-tenu de la tournure que prenait l'intervention ; l'expert relève, enfin, que le geste effectué n'a pas permis d'amener à l'anus un côlon bien vascularisé, conduisant à réaliser une anastomose sur un côlon non viable. Si, pour contester l'analyse de l'expert, l'AP-HP fait valoir que la compétence et l'expérience du chirurgien qui a procédé à l'intervention ne sauraient être mises en doute, et que le médecin-conseil de M. A... n'inclinait pas à reconnaître l'existence d'une faute lors des opérations d'expertise, ces éléments sont insuffisants pour qu'il s'en déduise que les gestes opératoires n'ont pas été fautifs. Si l'établissement hospitalier soutient également que les difficultés rencontrées par l'équipe chirurgicale le 28 juin 2012 présentent le caractère d'un aléa thérapeutique, la référence très générale à la littérature médicale et la circonstance que les chirurgiens aient en vain essayé de faire de leur mieux quand l'intervention a pris la tournure qui n'était pas celle attendue ne sauraient infirmer l'analyse, certes sévère, de l'expert qui a souligné que l'opération ne présentait pas de difficulté particulière. Au demeurant l'AP-HP ne demande pas de nouvelle expertise susceptible de contredire les appréciations du professeur Frileux, davantage contestées dans leur formulation jugée abrupte que sur le fond. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, à l'instar des premiers juges, que les conditions dans laquelle il a été procédé à la résection du colon de M. A... sont fautives et qu'elles engagent la responsabilité de l'AP-HP. 10. S'agissant, enfin, de la prise en charge défectueuse de M. A... dans la phase post-opératoire, si l'AP-HP soutient que le traitement du sepsis par voie périnéale était justifié dans la mesure où il n'y avait pas de péritonite et que les troubles fonctionnels après ce type d'intervention ne sont pas rares, surtout dans un contexte de suites initiales compliquées, et que les choix effectués par l'équipe médicale ont probablement permis d'éviter à M. A... une stomie définitive, il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise, que le traitement de la complication septique en post-opératoire a été défectueux faute de réalisation en temps utile d'une nouvelle opération majeure, inévitable pour éviter le contact entre le colon gauche et la loge pelvienne source de contamination d'une autre zone par infection, avec pour conséquence l'aggravation du dommage par la survenue d'abcès à répétition pendant un an et de très nombreux actes et interventions successifs. 11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin pour la Cour d'apprécier la perte de chance résultant du défaut d'information de M. A..., relevé au point 8, que les fautes commises pendant l'opération et dans la phase post-opératoire, analysées aux points 9 et 10, engagent le responsabilité pleine et entière de l'AP-HP. M. A..., son épouse et ses enfants sont donc fondés à obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices. Sur les préjudices : Sur les préjudices de M. H... A... : 12. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que la date de consolidation de l'état de santé de M. A... a été fixée au 1er juin 2013. En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : S'agissant des préjudices temporaires : Quant aux dépenses de santé : 13. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 12 du jugement attaqué, M. A... justifie avoir exposé des frais au titre des protections nécessaires du fait de son incontinence relevée par l'expert, à raison de dix paquets de douze unités d'un montant unitaire de 15,90 euros par mois représentant un montant total de 5 565 euros au 24 juin 2015. 14. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment d'une attestation d'imputabilité, que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris a engagé des frais médicaux et autres en lien direct et certain avec les fautes commises par l'AP-HP en pré, per et post opératoire, pour un montant total de 92 322,61 euros. Par suite, il y a lieu pour la Cour de confirmer cette somme. Quant aux pertes de gains professionnels actuels : 15. Il résulte de l'instruction, notamment d'une attestation d'imputabilité, que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris a versé à M. A... une somme de 39,07 euros par jour durant 244 jours, soit 9 533,08 euros, au titre des indemnités journalières. Par suite, cette somme doit être confirmée. Quant aux frais divers : 16. Faute pour M. A... de justifier des frais de transport exposés à hauteur de 2 500 euros, les premiers juges ont procédé à une juste évaluation de ce poste de préjudice par les motifs qu'ils ont énoncés au point 15 du jugement attaqué en allouant à M. A... la somme de 1 000 euros correspondant aux honoraires de son médecin conseil. Quant à l'assistance par tierce personne : 17. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par la CCI, que l'état de santé de M. A... a nécessité une aide humaine pour les besoins de la vie quotidienne à raison de trois heures par jour du 29 juin 2012 au 29 juin 2013, et de deux heures par jour du 30 juin 2013 au 24 juin 2015, date de consolidation. Le tribunal a considéré que les frais afférents au besoin d'une telle aide assurée par une personne non spécialisée devaient être indemnisés sur la base d'un taux horaire égal au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) augmenté des cotisations sociales et tenant compte des congés payés et des jours fériés, à hauteur de la somme totale de 37 006,26 euros. Si M. A... réitère sa demande initiale tendant à ce que le tarif horaire soit fixé à 25 euros, ni la base retenue par les premiers juges ni leurs calculs ne sont entachés d'erreur. Les conclusions d'appel incident de M. A... doivent en conséquence être rejetées. S'agissant des préjudices permanents : Quant aux dépenses de santé futures : 18. D'une part, dès lors que M. A... ne justifie pas devoir exposer d'autres frais que ceux correspondant à l'achat de protections à hauteur de 159 euros par mois, soit 1 908 euros par an, le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a constaté la réalité des dépenses de santé futures supportées entre le 24 juin 2015 et le 12 juin 2020 pour un montant de 9 624,80 euros et fixé le capital devant indemniser les dépenses de santé futures de M. A... à 48 665,45 euros. 19. D'autre part, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris demande le remboursement de la somme annuelle de 318,96 euros au titre des dépenses de santé futures, correspondant à la consultation d'un spécialiste, au coût d'antalgiques et d'inhibiteurs de transit. Eu égard aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale à l'encontre du responsable d'un accident corporel aux préjudices qu'elles ont pris en charge, le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord. Faute de l'accord de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la CPAM pouvait prétendre au remboursement d'une rente annuelle de 318,96 euros, payable à terme échus et sous réserve de l'engagement effectif des frais futurs, avec revalorisation par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale et liquidé les arrérages échus à la date 12 juin 2020 à la somme de 1 586,94 euros. Quant à l'assistance par tierce personne : 20. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par la CCI, que l'état de santé de M. A... nécessite depuis la date de consolidation du dommage une aide pour les besoins de la vie quotidienne à raison de deux heures par jour. Le tribunal a considéré que les frais afférents au besoin d'une telle aide assurée par une personne non spécialisée devaient être indemnisés sur la base d'un taux horaire égal au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) augmenté des cotisations sociales et tenant compte des congés payés et des jours fériés, à compter du 24 juin 2015, date de consolidation jusqu'à la date du jugement le 12 juin 2020, à hauteur de la somme de 54 697,92 euros. S'agissant des frais futurs, au regard du besoin défini par l'expert et de l'âge de la victime à la date du jugement soit 53 ans, les premiers juges ont retenu un taux de rente viagère de 25,506, soit un montant de rente capitalisée égal à 288 041,81 euros. M. A... demande en appel la somme de 1 317 427,60 euros en contestant le coût horaire retenu par les premiers juges qu'il demande de fixer à 25 euros. Il demande également que le nombre d'heures soit porté à quatre au lieu de deux et que le taux de rente retenu soit fixé à 32,675. S'agissant d'une aide familiale, les premiers juges ont toutefois fait une juste appréciation des besoins en assistance d'une tierce personne à domicile en les déterminant sur la base du nombre d'heures défini par l'expert. La base retenue et leurs calculs n'étant pas entachés d'erreur, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en allouant à M. A..., dont les conclusions d'appel incident doivent être rejetées, la somme totale de 342 739,73 euros. Quant à l'incidence professionnelle et aux pertes de gains professionnels futurs : 21. En raison des suites de l'opération du 28 juin 2012, M. A..., qui exerçait la profession d'éclairagiste de spectacles à l'Opéra Garnier depuis 2001 avec une rémunération mensuelle de l'ordre de 2 000 euros par mois, n'a pu reprendre le travail, a été déclaré inapte, placé en invalidité le 24 juin 2015, puis réformé le 30 septembre suivant et mis en retraite anticipée à compter du 1er octobre 2015 après avoir été reconnu travailleur handicapé par la MDPH le 29 septembre précédent. Il perçoit depuis 2015 une retraite d'un montant annuel de 11 796,84 euros, alors que ses revenus s'élevaient en moyenne avant l'intervention litigieuse à 24 964 euros, soit une perte de revenus d'activité évaluée par les premiers juges à 13 167,16 euros par an. Entre la date de consolidation du dommage le 24 juin 2015 et le 1er septembre 2028, date à laquelle il aurait pu partir à la retraite à taux plein en l'absence de fautes médicales, cette perte a été en conséquence exactement évaluée par le tribunal à la somme de 173 842,59 euros. 22. Il résulte ensuite de l'instruction, notamment de l'attestation de la caisse de retraites des personnels de l'Opéra national de Paris, que la retraite annuelle de M. A... à compter du 1er septembre 2028 aurait dû s'élever à 22 583,88 euros alors que le montant de sa pension de retraite anticipée depuis sa liquidation en 2015 s'élève à 11 796,84 euros. En fixant le montant actualisé sur la base d'un taux d'inflation de 1 %, à 13 425,90 euros en 2028 et en évaluant en conséquence la perte annuelle de droits à la retraite de M. A... à compter du 1er septembre 2028 à 9 157,96 euros, soit un préjudice subi égal à 182 947,14 euros compte-tenu de son âge à cette date (61 ans), les premiers juges ont procédé à une exacte évaluation de la perte de droits de la victime. 23. En revanche, la perspective d'une promotion professionnelle au poste de régisseur de spectacle présentant un caractère incertain, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté sa demande d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle. En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux : S'agissant des préjudices temporaires : Quant au déficit fonctionnel temporaire : 24. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'après l'intervention du 28 juin 2012, M. A... a subi un déficit fonctionnel temporaire total durant 99 jours dont 84 jours imputables aux fautes commises, un déficit fonctionnel partiel de 80 % durant 292 jours, de 60 % durant 670 jours dont 610 jours imputables aux fautes commises et de 20 % durant 60 jours. Sur la base de 500 euros par mois soit 16,66 euros par jour, il y a lieu de ramener la somme totale allouée par les premiers juges à 11 193 euros. Quant aux souffrances endurées : 25. Les souffrances endurées par le requérant, dans leur dimension tant physique que psychologique, ont été évaluées par l'expert à 6 sur une échelle allant de 1 à 7. Les premiers juges ont procédé à une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant de ce chef la somme de 27 000 euros. Quant au préjudice esthétique temporaire : 26. Le préjudice esthétique temporaire de M. A... a été évalué par l'expert à 6 sur une échelle allant de 1 à 7. La somme de 5 000 euros qui lui a été allouée à ce titre par les premiers juges doit être ramenée à 2 000 euros. S'agissant des préjudices permanents : Quant au déficit fonctionnel permanent : 27. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le déficit fonctionnel permanent dont est atteint M. A... a été fixé à 55 %. Compte tenu de ce taux et de l'âge de M. A... à la date de consolidation fixée au 24 juin 2015, soit 48 ans, la somme de 125 000 euros qui lui a été allouée par les premiers juges à ce titre n'est pas insuffisante. Quant au préjudice esthétique permanent : 28. Le préjudice esthétique permanent de M. A..., qui présente notamment des cicatrices, a été évalué par l'expert à 2 sur une échelle allant de 1 à 7 par l'expert. Les premiers juges ont omis de statuer sur la demande présentée à ce titre par M. A.... Leur jugement doit être annulé sur ce point. Il y lieu pour la Cour, statuant par la voie de l'évocation, d'allouer à ce titre à M. A... une somme de 3 000 euros. Quant au préjudice d'agrément : 29. Il résulte de l'instruction que, du fait de son préjudice, M. A... a dû renoncer à pratiquer des activités sportives, notamment la voile qu'il pratiquait en compétition, et le cyclisme. L'expert a qualifié d'" important " le préjudice d'agrément qu'il a subi et ni son principe ni son montant ne sont plus contestés par l'AP-HP. C'est en conséquence par une juste appréciation que les premiers juges lui ont accordé à ce titre la somme de 20 000 euros. Quant au préjudice sexuel : 30. Il résulte de l'instruction que M. A... subit un préjudice sexuel particulièrement important en lien direct avec les dommages résultant de l'opération du 28 juin 2012. Agé de 45 ans à la date de l'intervention litigieuse, il sera fait une juste indemnisation de son préjudice sexuel en l'évaluant à la somme de 20 000 euros. Quant au préjudice d'impréparation : 31. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée. 32. Ainsi qu'il a été dit au pont 8, il résulte de l'instruction que l'AP-HP a manqué à son obligation d'information, et qu'ainsi, M. A... n'a pas pu se préparer aux risques, majeurs et particulièrement invalidants et douloureux tant physiquement que moralement, que comportait l'opération et qui se sont réalisés. Il sera ainsi fait une juste appréciation de ce préjudice d'impréparation en portant le montant de la somme de 1 000 euros allouée à ce titre par les premiers juges, à 10 000 euros. 33. Il résulte de ce qui précède que la somme globale de 1 003 090,97 euros accordée par le tribunal à M. A... doit être portée à 1 019 583,97 euros, les droits de la CPAM de Paris étant inchangés. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2018. Sur le préjudice de Mme D... : 34. Il résulte de l'instruction qu'eu égard aux répercussions de l'état de santé de M. A... dans les suites de l'intervention du 28 juin 2012 sur ses proches et notamment son épouse, cette dernière a subi un préjudice d'accompagnement et un préjudice sexuel dont le tribunal a fait une juste appréciation en les évaluant à la somme totale de 25 000 euros. Sur le préjudice de MM. Sacha et Marceau A... : 35. Le tribunal a également fait une juste appréciation du préjudice d'affection de chacun des deux enfants de M. A... en leur accordant dans les circonstances particulières de l'espèce respectivement 7 500 euros à ce titre. Sur les frais de l'instance : 36. Dans les circonstances de l'espèce, il y a de lieu de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance exposés par les consorts A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a en revanche pas lieu de mettre à la charge de l'AP-HP la somme demandée au même titre par la CPAM de Paris.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 1 003 090,97 euros que l'AP-HP a été condamnée à verser à M. H... A... par le jugement du tribunal administratif de Paris du 12 juin 2020 est portée à 1 019 583,97 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2018 avec capitalisation annuelle à compter du 4 septembre 2019. Article 2 : Le jugement du 12 juin 2020 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera aux consorts A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, à M. H... A..., à Mme F... D... épouse A..., à M. C... A..., à M. E... A..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, à la mutuelle Audiens prévoyance et à l'Opéra de Paris. Délibéré après l'audience publique du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient : - M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, - Mme B..., premier conseiller, - Mme Mornet, premier conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2021. Le rapporteur, M-D. B...Le président de la formation de jugement, Ch. BERNIER Le greffier, E. MOULIN La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 1 N° 08PA04258 2 N° 20PA02256