Cour d'appel d'Amiens, 9 février 2023, 21/04341

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Texte intégral

ARRET

N° 172 CPAM DE L'AISNE C/ S.A. [7] COUR D'APPEL D'AMIENS 2EME PROTECTION SOCIALE ARRET DU 09 FEVRIER 2023 ************************************************************* N° RG 21/04341 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IGSD - N° registre 1ère instance : 20/00103 JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LAON EN DATE DU 20 juillet 2021 PARTIES EN CAUSE : APPELANTE CPAM DE L'AISNE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 3] [Localité 2] Représentée et plaidant par Madame [T] [S], dûment mandatée ET : INTIMEE S.A. [7], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 4] [Adresse 4] [Localité 1] Représentée et plaidant par Me Gallig DELCROS, avocat au barreau de PARIS DEBATS : A l'audience publique du 13 Octobre 2022 devant Mme Elisabeth WABLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 09 Février 2023. GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Mélanie MAUCLERE COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE : en a rendu compte à la Cour composée en outre de: Mme Elisabeth WABLE, Président, Mme Graziella HAUDUIN, Président, et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la loi. PRONONCE : Le 09 Février 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Myriam EL JAGHNOUNI, Greffier. * * * DECISION Vu le jugement rendu le 20 juillet 2021 par lequel le pôle social du tribunal judiciaire de Laon, statuant dans le litige opposant la société [7] à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne (la CPAM ou la caisse), a : - déclaré inopposable à la société [7] la prise en charge de la pathologie de la salariée [B] [E] au titre du tableau n°95 des maladies professionnelles faute de respect du contradictoire dans la procédure d'instruction, - débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires, - condamné la CPAM de l'Aisne aux dépens. Vu l'appel de ce jugement relevé par la CPAM de l'Aisne le 19 août 2021, Vu les conclusions visées le 13 octobre 2022, soutenues oralement à l'audience par lesquelles la CPAM de [Localité 5] [Localité 6] prie la cour de : * infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 20 juillet 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Laon, * dire et juger que la condition tenant à la désignation de la maladie est parfaitement remplie en l'espèce, * déclarer opposable à la société [7] la décision du 10 septembre 2019 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée le 13 mars 2019 par Mme [B] [E], * débouter la société [7] des fins de son recours. Vu les conclusions visées le 13 octobre 2022, soutenues oralement à l'audience par lesquelles la société [7] prie la cour de : * constater que la maladie déclarée par Mme [E] et prise en charge par la CPAM ne correspond pas à la maladie désignée par le tableau n°95 des maladies professionnelles, à savoir « Lésions eczématiformes ayant récidivé après une nouvelle exposition au risque ou confirmées par un test épicutané positif. », * constater que la CPAM a pris en charge une maladie hors tableau sans transmettre au préalable le dossier au CRRMP, * déclarer inopposable à son égard, la décision de prise en charge de la maladie du 17 janvier 2019 déclarée par Mme [E], Vu les observations orales à l'audience, par lesquelles le conseil de la société [7] précise abandonner le moyen tiré du non respect par la caisse du principe du contradictoire, ***

SUR CE LA COUR,

Mme [B] [E], salariée de la société [7] en qualité de découpeuse, a effectué une déclaration de maladie professionnelle en date du 13 mars 2019, faisant état d'un « eczéma surinfecté des deux mains». Après avoir procédé à l'instruction de cette demande au titre du tableau n°95 des maladies professionnelles, la CPAM, par courrier en date du 10 septembre 2019, a notifié à l'employeur une décision de prise en charge de la maladie déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels. Contestant cette décision, la société [7] a saisi la commission de recours amiable puis, suite au rejet implicite de son recours par cette dernière, le pôle social du tribunal judiciaire de Laon. Par jugement dont appel, le pôle social du tribunal judiciaire de Laon a jugé que la maladie déclarée par Mme [B] [E] était inopposable à la société dès lors que la CPAM n'avait pas respecté le principe du contradictoire en ce qu'elle n'apportait pas la preuve de la réception par la société du courrier de transmission des copies de la déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical initial. La CPAM conclut à l'infirmation du jugement déféré et au bien-fondé de la décision de prise en charge de la maladie du 17 janvier 2019. Elle indique avoir transmis par courrier du 21 mai 2019 un double de la déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical initial à l'employeur, qui en a accusé réception le 23 mai 2019. Elle observe que le certificat médical initial du 30 janvier 2019 ainsi que la déclaration de maladie professionnelle font état d'un eczéma surinfecté des deux mains. Elle précise ne disposer d'aucun document médical autre que le certificat médical initial, les certificats de prolongations et le certificat médical final conformément aux dispositions de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale. Elle souligne que les documents exigés par l'employeur ne peuvent lui être communiqués en vertu du secret médical, que le praticien conseil du service médical a parfaitement désigné la maladie dans le colloque médico-administratif et pris connaissance de l'entier dossier médical ce qui lui a permis de rendre un avis constituant à lui seul la preuve que l'affection répond aux conditions exigées par le tableau n°95 des maladies professionnelles. Elle relève également que Mme [E] a effectué un test épicutané confirmant son allergie au latex et a indiqué dans le cadre de l'enquête administrative que « l'eczéma passait pendant le week-end ». de sorte que les conditions tenant à la désignation de la maladie sont selon la caisse parfaitement remplies. La société [7] conclut à l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie et précise à l'audience abandonner le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire. Elle soutient que les lésions eczématiformes doivent soit avoir récidivé après une nouvelle exposition soit avoir été confirmées par un test épicutané positif, ce que la CPAM ne démontre pas. Elle oppose qu'aucun élément du dossier ne fait expressément mention d'une récidive après nouvelle exposition ou de la réalisation d'un test épicutané positif. Elle ajoute que les propos de l'agent enquêteur relatifs à la réalisation d'un test par un allergologue ne sont corroborés par aucun document précisant la nature des tests réalisés et que le colloque médico-administratif ne fait mention d'aucun test. Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens. *** *Sur le caractère professionnel de la maladie déclarée Aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Dans ses rapports avec l'employeur, la caisse supporte la charge de la preuve de l'existence du caractère professionnel de la maladie déclarée. Dans sa rédaction issue du décret 97-454 du 30 avril 1997, le tableau n°95 des maladies professionnelles vise les affections professionnelles de mécanisme allergique provoquées par les protéines du latex (ou caoutchouc naturel). Ce tableau exige notamment au titre de la désignation de la maladie des « lésions eczématiformes ayant récidivé après nouvelle exposition au risque ou confirmées par un test épicutané positif. », étant précisé que les conditions tenant au délai de prise en charge ou à la liste limitative des travaux ne sont pas en cause dans le présent litige. En l'espèce, la maladie déclarée par Mme [B] [E] est un eczéma surinfecté des deux mains ainsi qu' en atteste le certificat médical initial du 30 janvier 2019. Si la caisse par le biais de son service médical, n'est pas tenue de procéder à une analyse littérale du certificat médical initial, elle doit toutefois rechercher si la maladie fait partie de celles désignées par un tableau. Il ressort à cet égard du colloque médico-administratif que le médecin conseil de la caisse a estimé que les conditions médicales réglementaires du tableau n°95 étaient remplies. Dans la rubrique « conditions médicales réglementaires remplies » le praticien conseil a coché la case « sans objet » et a laissé vide la rubrique « si conditions remplies, préciser le cas échéant, la nature et la date de réalisation de l'examen complémentaire exigé par le tableau ». Le médecin conseil a apposé la mention « date fixée par l'allergologue » s'agissant de la première date de constatation médicale,ce qui laisse supposer la réalisation d'un examen par un allergologue sans plus de précision. Il n'est ainsi pas clairement démontré que les énonciations du praticien conseil figurant au colloque médico-administratif seraient fondées sur un élément médical extrinsèque. D'autre part, l'enquête administrative réalisée par la CPAM indique que les tests ont relevé une allergie au latex, que l'eczéma « passait pendant le week-end » et que l'assurée a tenté une reprise du travail après un premier arrêt mais qu'il y a eu récidive de l'eczéma. Cependant, il n'est justifié d'aucun examen ayant permis de fonder le diagnostic, et la caisse ne fait ni référence, ni ne produit de certificat médical en sa possession ou d'élément objectif de nature à démontrer l'existence d'une récidive suite à la tentative de reprise du travail par la salariée. Il en résulte qu'il n'est pas rapporté la preuve de la récidive de lésions eczématiformes après nouvelle exposition au risque ou de la réalisation d'un test epicutané positif, conditions pourtant nécessaires à la prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle. Dès lors, la prise en charge de la pathologie doit être déclarée inopposable à l'employeur et le jugement confirmé par substitution de motifs. *Sur les dépens Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. La CPAM de l'Aisne, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe, CONFIRME la décision déférée, Y AJOUTANT, CONDAMNE la CPAM de l'Aisne aux dépens. Le Greffier, Le Président,