Cour d'appel d'Orléans, Chambre commerciale, 9 mars 2023, 21/00743

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Texte intégral

COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS : le 09/03/2023 Me Aymeric COUILLAUD la SELARL LUGUET DA COSTA

ARRÊT

du : 09 MARS 2023 N° : 29 - 23 N° RG 21/00743 N° Portalis DBVN-V-B7F-GKGA DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ORLEANS en date du 14 Janvier 2021 PARTIES EN CAUSE APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265261852525770 Monsieur [G] [E] né le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 4] (MAROC) [Adresse 1] [Adresse 1] Ayant pour avocat postulant Me Aymeric COUILLAUD, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Ismail BENAISSI, avocat au barreau de PARIS D'UNE PART INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265261496969360 Etablissement Public LE COMPTABLE DES FINANCES PUBLIQUES RESPONSABLE DU PÔLE DE RECOUVREMENT SPÉCIALISÉ DU LOIRET (PRS), [Adresse 2] [Adresse 2] Ayant pour avocat Me Arthur DA COSTA, membre de la SELARL LUGUET DA COSTA, avocat au barreau d'ORLEANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 08 Mars 2021 ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 15 Décembre 2022 COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 12 JANVIER 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile. Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de : Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, Madame Ferréole DELONS, Conseiller, Greffier : Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé, ARRÊT : Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 09 MARS 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. EXPOSE DU LITIGE : La SARL Bati Loire, créée le 23 septembre 2014, a été immatriculée le 1er octobre 2014 au registre du commerce et des sociétés d'Orléans. Cette société, dont étaient coassociés à parts égales M. [G] [E] et Mme [V] [I], exerçait une activité de travaux de bâtiment tous corps d'état. M. [E] a été le gérant de la société Bati Loire du 3 octobre 2014 au 9 février ou 20 mars 2015, date sur laquelle les parties sont en désaccord, et a ensuite été remplacé à ces fonctions par M. [D] [H] [I]. La société Bati Loire, qui avait déposé tardivement ses déclarations de TVA, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015, à l'occasion de laquelle l'administration fiscale a constaté de graves irrégularités dans la comptabilité et l'utilisation de fausses factures destinées à éluder le paiement de l'impôt, spécialement la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration fiscale a établi le 16 juin 2016 une proposition de rectification qui a été notifiée à la société Bati Loire le 21 juin suivant. Cette proposition de rectification, qui portait sur un redressement de TVA de 44 552 euros, n'a fait l'objet d'aucune contestation de la part du dirigeant de la société Bati Loire, en sorte que dès le 16 septembre 2016, le comptable public a émis un avis de recouvrement portant sur une créance d'un montant total de 156 317 euros (44 552 euros au titre des droits, 108 958 euros au titre des majorations et 2 807 euros au titre des pénalités de retard). Après avoir vainement mis en demeure la société Bati Loire de payer la somme sus-énoncée de 156 317 euros, par courrier recommandé du 5 octobre 2016, le comptable public a délivré le 2 décembre 2016 six avis à tiers détenteurs qu'il a notifiés le 6 décembre suivant à la société Bati Loire, et qui se sont tous avérés infructueux. Sur assignation de l'URSSAF, le tribunal de commerce d'Orléans a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société Bati Loire par jugement du 22 février 2017. Le comptable public a déclaré entre les mains du liquidateur judiciaire une créance d'un montant de 157 437 euros, dont 153 510 euros à titre définitif au titre du rappel de TVA. La procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif le 25 avril 2018. Sa créance s'étant avérée irrécouvrable à l'encontre de la société Bati Loire, M. le comptable des finances publiques (pôle recouvrement spécialisé du Loiret), préalablement autorisé par son supérieur hiérarchique, a fait assigner M. [G] [E] devant le président du tribunal judiciaire d'Orléans par acte du 7 février 2020, selon la procédure à jour fixe, aux fins de voir déclarer M. [E] solidairement responsable des causes du redressement afférentes à la période de sa gérance. Par jugement du 14 janvier 2022 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Orléans a : -déclaré M. [G] [E] solidairement responsable des impositions dues par la société Bati Loire pour un montant de 121 467,00 euros, -condamné M. [G] [E] à verser à M. le comptable des finances publiques, pôle recouvrement spécialisé du Loiret, la somme de 121 467,00 euros avec intérêt au taux légal à compter du 7 février 2020, -ordonné la capitalisation des intérêts par année complète comme il est dit à l'article 1343-2 du code civil, -condamné M. [G] [E] à verser M. le comptable des finances publiques, pôle recouvrement spécialisé du Loiret, une somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et débouté M. [G] [E] de sa prétention à ce titre, -condamné M. [G] [E] aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Arthur da Costa de la SCP Luguet-da Costa dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a retenu, en substance, que M. [E], gérant de la société Bati Loire depuis sa création et jusqu'au 20 mars 2015, devait être, conformément aux dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, tenu solidairement responsable des dettes fiscales résultant des violations graves et répétées des obligations fiscales de ladite société, et ne pouvait s'exonérer de cette responsabilité ni en offrant de démontrer sa bonne foi, ni en excipant de ce que, de fait, la gérance de la société avait été partiellement assurée par un tiers, M. [H] [I], sans établir qu'en sa qualité de gérant de droit, il s'était trouvé dans l'impossibilité d'exercer le contrôle de la bonne gestion de la société et du respect par cette dernière de ses obligations fiscales. M. [E] a relevé appel de cette décision par déclaration du 8 mars 2021, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause. Dans ses dernières conclusions notifiées le 12 décembre 2022, M. [E] demande à la cour, au visa de l'article L.267 du livre des procédures fiscales, de : -le déclarer recevable et bien fondé en son appel, -débouter M. le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Loiret de toutes ses demandes fins et conclusions, En conséquence, -infirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Orléans du 14 janvier 2021, Et statuant à nouveau, -dire et juger que : *M. [E] n'est pas solidairement responsable des impositions dues par la société Bati Loire pour un montant de 121 467 euros et que les conditions d'application de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales ne sont pas réunies, *la facture du 3 mars 2015 a été établie après la démission de M. [E] constatée par une assemblée générale extraordinaire du 9 février 2015, -condamner M. le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Loiret au versement de la somme de 3 500 euros HT dans le cadre de la première instance et 4 000 euros HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile, -le condamner aux entiers dépens. Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 décembre 2022, M. le comptable des finances publiques, pôle de recouvrement spécialisé du Loiret, demande à la cour de : -le déclarer recevable et bien fondé en ses écritures, Et, y faisant droit, -déclarer M. [G] [E] mal fondé en son appel formé contre le jugement du tribunal judiciaire d'Orléans en date du 14 janvier 2021 (RG n°20/00286), comme en toutes ses prétentions, fins et conclusions, et l'en débouter, -confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, -condamner M. [G] [E] à payer au comptable des finances publiques responsable du pôle de recouvrement spécialisé du Loiret la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, -condamner M. [G] [E] aux entiers frais et dépens d'appel, -rejeter toutes prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires. Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 15 décembre 2022, pour l'affaire être plaidée le 12 janvier 2023 et mise en délibéré à ce jour. SUR CE, LA COUR Selon l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, lorsqu'un dirigeant d'une société, d'une personne morale ou de tout groupement est responsable des man'uvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal judiciaire [...]. Cette disposition est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement. Par des motifs non critiqués que la cour adopte, le premier juge a caractérisé l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales de la société Bati Loire qui a notamment émis tardivement ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et mis en 'uvre un mécanisme de fausses factures, en se prévalant d'une activité fictive de sous-traitant pour bénéficier de l'exonération de TVA, ou en émettant des factures fictives afin d'encaisser à son profit la TVA collectée auprès de certains clients, ce qui lui a permis de se constituer une trésorerie au détriment du Trésor public. Par des motifs pertinents qui ne sont pas davantage critiqués, le premier juge a également retenu l'existence d'un lien de causalité entre ces manquements et l'impossibilité de recouvrer l'impôt. Il est en effet établi que le comptable poursuivant a utilisé en vain tous les actes de poursuite à sa disposition pour obtenir en temps utile paiement des impositions par la société Bati Loire, mais que la quasi concomitance de la fin des opérations de contrôle fiscal et de l'émission d'un titre exécutoire avec l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire rapidement clôturée pour insuffisance d'actif a rendu le recouvrement de l'impôt impossible. Pour s'exonérer de sa responsabilité, M. [E] excipe de ce qu'il n'a pas participé au contrôle fiscal de la société Bati Loire, dont il n'a pas même été informé, reproche à l'administration fiscale de ne pas avoir engagé de poursuites contre M. [H] [I], puis fait valoir, de première part que l'administration fiscale ne fait pas la démonstration de man'uvres frauduleuses, de seconde part qu'il n'assurait pas la direction effective de la société au sens de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales. Outre qu'il ne tire aucune conséquence de sa non-participation au contrôle fiscal de la société Bati Loire et qu'il lui était loisible de contester selon la procédure idoine la régularité et le bien-fondé de l'imposition réclamée, M. [E] ne peut reprocher à l'administration fiscale de ne pas l'avoir informé du contrôle et de ne pas l'avoir invité à y participer, alors que le contrôle dont s'agit a été mené à compter du 24 novembre 2015, date à laquelle il avait été remplacé aux fonctions de gérant de la société Bati Loire par M. [H] [I]. M. [E] ne peut pas plus utilement reprocher à l'administration fiscale de ne pas avoir exercé de poursuites contre M. [H] [I], alors que, à supposer que des poursuites aient pu prospérer contre ce dernier, rien n'imposait au comptable public de diriger également ou exclusivement ses poursuites contre M. [H] [I] dont M. [E] indique lui-même qu'il est insolvable. Les conditions de mise en 'uvre de la responsabilité solidaire des dirigeants prévue à l'article L. 267 du livre des procédures fiscales sont alternatives ; le comptable public doit établir l'existence de man'uvres frauduleuses ou l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales. Dès lors que l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales de la société Bati Loire est établie, comme il a été dit plus haut, le comptable public n'a pas à démontrer en sus l'existence de man'uvres frauduleuses. Pour être exonéré de sa responsabilité, M. [E] ne peut utilement protester de sa bonne foi ; sa responsabilité ne pouvant être écartée que s'il est établi qu'il n'exerçait pas effectivement la direction de la société Bati Loire. Il est constant que M. [E] a été le gérant de droit de cette société à compter du 3 octobre 2014 et qu'il a démissionné de ses fonctions le 9 février 2015 pour être remplacé par M. [H] [I]. Pour soutenir qu'il ne saurait, en toute hypothèse, être déclaré responsable des causes du redressement en lien avec la fausse facture établie le 3 mars 2015, postérieurement à sa démission, M. [E] fait valoir que celle-ci a été approuvée lors d'une assemblée générale extraordinaire du 9 février 2015, au cours de laquelle M. [H] [I] a été nommé gérant pour le remplacer, et que ce changement de gérance est devenu opposable aux tiers le 13 février 2015, date de sa publication dans la journal d'annonce légal « Le Loiret agricole et rural » ou, au plus tard, le 2 mars 2015, date de dépôt au greffe du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 9 février précédent. Le comptable public rétorque que le changement de gérance ne lui est opposable qu'à compter du 20 mars 2015, date de sa publication au registre des commerces et des sociétés, et qu'elle est donc sans effet sur les incidences fiscales attachées à la facture établie le 3 mars 2015. Si, par application des dispositions de l'article L. 123-9 du code de commerce, la personne assujettie à immatriculation au registre du commerce et des sociétés ne peut, dans l'exercice de son activité, opposer aux tiers les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre, même si ceux-ci ont fait l'objet d'une autre publicité légale, et que l'article R. 123-46 du même code soumet à mention au registre du commerce et des sociétés la désignation et la cessation de fonctions du gérant d'une société telle que la société Bati Loire, l'inopposabilité prévue à l'article L. 123-9 ne concerne pas les faits qui mettent en jeu la responsabilité solidaire des dirigeants de société sur le fondement de l'article L. 267 du livres des procédures fiscales, dès lors que la responsabilité spécifique instaurée par ce texte, dérogatoire au droit commun, ne s'applique qu'aux personnes exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société. Le comptable public ne peut donc rechercher la responsabilité solidaire de M. [E] pour les causes du redressement postérieures au 9 février 2015, date à partir de laquelle il est établi que M. [E], remplacé par M.[H] [I] dans ses anciennes fonctions de gérant, n'exerçait plus la direction effective de la société Bati Loire. Pour le passé, M. [E] soutient que, bien que gérant de droit, il n'exerçait pas non plus de manière effective les fonctions de direction de la société. Il fait valoir en ce sens qu'il ressort d'un procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 1er octobre 2014 qu'il avait délégué ses pouvoirs à M. [H] [I], que ce dernier, qui en atteste, est l'auteur des factures fictives et était le dirigeant de fait de la société, seul interlocuteur du cabinet d'expertise-comptable et des banques. Le comptable public rétorque que la délégation de pouvoirs dont se prévaut M. [E] ne lui permet pas de s'exonérer de sa responsabilité et que ce dernier ne démontre pas que la direction effective de la société Bati Loire a été exercée par M. [H] [I] dès le 1er octobre 2014. En ce sens, l'intimé fait valoir, d'une part que la délégation de pouvoirs qui serait intervenue le 1er octobre 2014 en vertu d'une décision d'assemblée générale qui n'a pas date certaine, lui est inopposable faute d'avoir été publiée, et n'est qu'une délégation de tâches, sans emport ; d'autre part que les attestations auto-incriminantes de M. [H] [I], rédigées pour les besoins de la cause, ne sauraient établir la qualité de gérant de fait que M. [E] lui attribue pour la première fois en cause d'appel. Le comptable public en déduit qu'en sa qualité de gérant de droit, M. [E], qui ne démontre pas qu'il aurait été dessaisi de ses fonctions de dirigeant et privé de l'exercice des pouvoirs, demeure pleinement responsable des actes accomplis au nom et pour le compte de la société Bati Loire durant la période de sa gérance. Aux termes du procès-verbal du 1er octobre 2014 dont se prévaut M. [E], l'assemblée générale des associés de la SARL Bati Loire a nommé M. [H] [I] au poste de directeur général et lui a délégué « les tâches » suivantes : gestion du portefeuille client, établissement des déclarations fiscales et sociales obligatoires, gestion des comptes bancaires, gestion du stock, gestion du recrutement. A supposer qu'un directeur général puisse être investi au sein d'une société à responsabilité limitée des mêmes pouvoirs que le gérant, la décision de l'assemblée générale en cause, qui n'a pas été publiée au registre du commerce et des sociétés, est inopposable au comptable public et n'a surtout pas date certaine. En outre, comme l'a retenu à raison le premier juge, cette délégation porte expressément sur une série de tâches, et non sur les pouvoirs de direction de M. [E]. Dans une attestation rédigée le 14 février 2020, M. [H] [I] indique ce qui suit : « Je soussigné M. [I] [D] reconnaît avoir établi les trois factures référencées n° 1, n° 2 et VT 12 [']. Je certifie que M. [E] [G] n'est pas l'auteur de ces dites factures et qu'elles ont été établies à son insu. Je certifie assumer la gérance de fait de la société ». Dans une seconde attestation établie le 31 mai 2021, postérieurement au prononcé du jugement entrepris qui avait retenu que la première attestation était, notamment, trop lacunaire pour être probante, M. [H] [I] indique ce qui suit : « Je soussigné M. [I] [D] vouloir apporter des précisions complémentaires à ma première déclaration. En effet, après une liquidation de ma première société, je me suis associé avec M. [E] afin de continuer dans les branches du bâtiment. M. [E] n'étant pas du métier pour lequel il n'avait pas de connaissance du secteur d'activité. Dans un premier temps M. [E] était gérant, l'ensemble des activités commerciales, administratives et comptables ont été gérées par ma personne. Toutes les factures, devis et les divers échanges avec le comptable, banquier ont été traités par mes soins. Dans un second temps, j'ai pris la gérance formalisée par une assemblée générale rédigée par acte sous seing privé. Débordé et mal organisé, j'ai subi un contrôle fiscal (TVA). Paniqué, j'ai effectué des factures pour correspondre aux encaissements [']. Depuis sur une autre entité professionnelle précédant Bati Loire j'ai été condamné à une interdiction de gérer et une faillite personnelle de dix ans... ». Dans un courrier à l'entête de la société d'expertise-comptable SAS E.C.2 daté du 7 février 2020, adressé à M. [E] avec pour objet « votre demande de confirmation », M. [J] écrit ce qui suit : « Suite à votre demande, je vous confirme que les demandes de renseignements notamment pour établir vos déclarations de TVA étaient adressées à M. [D] [H] [I]... ». La cour ne peut accorder une grande valeur probante aux attestations établies par M. [H] [I] à une période où il ne pouvait ignorer que, par l'effet du temps, il se trouvait à l'abri des poursuites de l'administration fiscale, dont la teneur démontre qu'elles ont été rédigées pour les besoins de la cause et qui, au demeurant, contiennent des informations assurément inexactes -M [H] [I] se prévalant notamment d'une qualité d'associé qui n'était pas la sienne. Si ces attestations de M. [H] [I] et le courrier de l'ancien expert-comptable de la société Bati Loire établissent que le premier accomplissait des actes de gestion pour le compte de la société Bati Loire, elles ne démontrent nullement en revanche que ces actes n'étaient pas accomplis sous le contrôle de M. [E] et que ce dernier n'exerçait pas effectivement son pouvoir de direction au sens de l'article L. 267 du livres des procédures fiscales. Dès lors, M. [E] doit être déclaré solidairement responsable des causes du redressement afférentes à la période de sa gérance. Contrairement à ce qu'indique l'appelant, l'administration fiscale ne lui a appliqué aucune amende ni aucune majoration pour man'uvres frauduleuses ; les pénalités ont été appliquées à la société Bati Loire et n'ont pas été contestées. En conséquence, déduction faite des causes du redressement postérieures à sa démission, soit de la somme de 11 352,35 euros qui correspond à l'incidence fiscale de la fausse facture du 3 mars 2015, M. [E] sera déclaré solidairement responsable du paiement des impositions et pénalités dues par la société Bati Loire dans la limite d'un montant de 110 114,65 euros. Les dispositions de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales qui, instituant une procédure particulière, sont d'application stricte, ne visent que les impositions et pénalités dues par la société de sorte que le dirigeant d'une société ne peut être condamné à payer aucune autre somme sur le fondement de ces dispositions (v. par ex. Com, 9 mars 1993, n° 90-19.565). Dès lors que la responsabilité solidaire des dirigeants n'est pas de droit, mais doit être prononcée par le juge, la condamnation d'un dirigeant de société à payer une certaine somme au titre des impositions et pénalités dues par cette société en application des dispositions de l'article L. 267 précité ne peut être assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée par la comptable public (v. par ex. Com. 8 décembre 2009, n° 09-65.001). Par infirmation du jugement entrepris, M. [E] sera donc condamné à payer la somme sus-énoncée de 110 114,65 euros et le comptable public débouté de sa demande tendant à ce que cette condamnation soit assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée le 7 février 2020. M. [E], qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance et sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Sur ce dernier fondement, M. [E] sera condamné à régler au comptable public poursuivant, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision entreprise mais seulement en ce qu'elle a déclaré M. [G] [E] solidairement responsable des impositions dues par la société Bati Loire pour un montant de 121 467 euros et condamné M. [E] à payer cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 7 février 2020, la confirme pour le surplus, Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés, Déclare M. [G] [E] solidairement responsable des impositions et pénalités dues par la société Bati Loire à hauteur de 110 114,65 euros, Condamne M. [G] [E] à payer à M. le comptable des finances publiques, pôle recouvrement spécialisé du Loiret, la somme de 110 114,65 euros, Déboute le comptable public de sa demande tendant à l'allocation d'intérêts moratoires à compter de l'assignation délivrée le 7 février 2020, Y ajoutant, Condamne M. [G] [E] à payer à M. le comptable des finances publiques, pôle recouvrement spécialisé du Loiret, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Rejette la demande de M. [G] [E] formée sur le même fondement, Condamne M. [G] [E] aux dépens d'appel. Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT