Cour d'appel de Versailles, 16 mai 2013, 2011/04707

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Versailles
  • Numéro de pourvoi :
    2011/04707
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Numéros d'enregistrement : 072854 ; 083390
  • Parties : HOLDING RC CONCEPT SAS ; RC CONCEPT OPERATIONNEL SARL ; NISSE C SARL / ELBA FRANCE SA
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Pontoise, 10 mai 2011
  • Président : Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles
2013-05-16
Tribunal de grande instance de Pontoise
2011-05-10

Texte intégral

COUR D'APPEL DE VERSAILLESARRET CONTRADICTOIRE DU 16 MAI 2013 1ère chambre 1ère sectionR.G. N° 11/04707 Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Mai 2011 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE N° Chambre : 1 N° Section : N° RG : 09/04022 La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : SAS HOLDING RC CONCEPT[...]92100 BOULOGNE BILLANCOURT inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro B 380 218 354, agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant. Représentant : Me Emmanuel J, AARPI JRF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 20110717 Représentant : Me Casey J, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0052 SARL RC CONCEPT OPERATIONNELRCS de NANTERRE b 517 575 445ayant son siège [...]93160 NOISY LE GRANDagissant poursuites et diligences de son gérant, par suite de la fusion absorption de RC PROMOTION Représentant : Me Emmanuel J, AARPI JRF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 20110717 Représentant : Me Casey J, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0052 SARL NISSE CARTONNAGERCS de Bobigny 998 457 31141 Allé du Closeau93160 NOISY LE GRAND Agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège. Représentant : Me Emmanuel J, AARPI JRF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 20110717 Représentant : Me Casey J, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0052APPELANTES SARL ELBA FRANCE RCS de PARIS 488 540 790ayant son siège [...]75008 PARISagissant poursuites et diligences de son gérantReprésentant : Me Claire R, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 2011387Représentant : Me Jean-Marc F, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0119INTIMEE Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Mars 2013 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Présidente chargée du rapport et Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Présidente,Madame Dominique LONNE, Conseiller,Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller, Greffier, lors des débats : Mme Ophélie C,

FAITS ET PROCEDURE

Vu l'appel interjeté par la société Holding RC CONCEPT, la société RC PROMOTION et la société NISSE CARTONNAGE du jugement rendu le 10 mai 2011 par le tribunal de grande instance de Pontoise qui a : -débouté la société Holding RC CONCEPT, la société RC PROMOTION et la société NISSE CARTONNAGE de l'ensemble de leurs demandes au titre du droit d'auteur et du droit des dessins et modèles, - annulé l'ordonnance rendue le 10 avril 2009 par le président de ce tribunal, sa signification et la saisie-contrefaçon effectuée dans les locaux de la SARL ELBA FRANCE le 28 avril 2009, -annulé pour la société HR CONCEPT le certificat d'enregistrement de dessins et de modèles N° 07 2854, dépôt effectué au nom de la soc iété RC CONCEPT le 20 juin 2007, publié le 7 mars 2008, -annulé pour la société NISSE CARTONNAGE, le certificat d'enregistrement de dessins et modèles N° 08 3390, dépôt effectué au nom de la société NIS SE CARTONNAGE le 29 juillet 2008, publié le 23 janvier 2009, -ordonné la radiation desdits certificats d'enregistrement des registres de dessins et modèles de l'INPI, -ordonné la publication du jugement aux frais des sociétés Holding RC CONCEPT, RC PROMOTION et NISSE C dans COSMETIQUES NEWS et dans trois périodiques au choix de la société ELBA FRANCE, sans que chacune des publications ne dépasse 10.000 € HT, -débouté la société ELBA FRANCE de ses demandes fondées sur l'article 1382 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, - condamné les sociétés Holding RC CONCEPT, RC PROMOTION et NISSE C à payer à la SARL ELBA FRANCE la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ; Vu les dernières conclusions signifiées le 6 septembre 2012 par lesquelles la société Holding RC CONCEPT, la société RC CONCEPT OPERATIONNEL, subrogée par suite d'une fusion- absorption dans les droits de la société RC PROMOTION, et la société NISSE CARTONNAGE, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, demandent à la cour de : -dire qu'il a été commis des actes de contrefaçon et/ou des actes fautifs qui leur sont préjudiciables, -interdire à la société ELBA FRANCE, sous astreinte de 300 € par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, d'importer, de faire importer, de fabriquer, de faire fabriquer, de détenir, d'exposer, d'offrir à la vente, de faire offrir à la vente, de vendre, de faire vendre des présentoirs identiques ou qui dégagent la même impression visuelle que celle de leur présentoir, -ordonner sous astreinte la modification de toutes les pages du site Internet de la société ELBA FRANCE faisant état des présentoirs litigieux, -condamner la société ELBA FRANCE à leur payer la somme de 100.000 € à titre de dommages-intérêts toutes causes confondues, - ordonner une mesure de publication, -condamner la société ELBA FRANCE à leur payer la somme de 3.000 € en remboursement des frais de saisie-contrefaçon, celle de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ; Vu les dernières écritures signifiées le 17 octobre 2012 aux termes desquelles la société ELBA FRANCE conclut à la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il l'a débouté de ses demandes reconventionnelles et prie la cour, statuant à nouveau de ce chef, de condamner solidairement les sociétés Holding RC CONCEPT, RC PROMOTION et NISSE C à lui payer la somme de 150.000 € sur le fondement de l'article 1382 du code civil, de dire que le coût de chaque publication ne dépassera pas 20.000 € HT, de condamner les appelantes au paiement d'une amende civile, de la somme de 40.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

; SUR QUOI,

LA COUR Considérant que la société SARL RC CONCEPT a pour objet l'achat d'espaces publicitaires, la publicité, la communication ; que la société SARL RC PROMOTION, qui par traité du 29 septembre 2011, a fait l'objet d'une opération de fusion absorption par la société RC CONCEPT OPERATIONNEL, a pour activité, notamment la conduite d'opérations et de programmes d'action dans le domaine de la communication ; que la société SARL NISSE CARTONNAGE a pour objet la fabrication, l'achat et la vente de cartonnages sous toutes ses formes ; Que se disant investie des droits d'auteur sur la création d'une colonne de présentation et de stockage de produits qu'elle déclare commercialiser depuis le mois de juillet 2006 et titulaire d'un modèle N° 07 2854 déposé le 20 juin 2007, la SARL RC CONCE PT a déposé, le 10 avril 2009, une requête à fin de saisie-contrefaçon devant le président du tribunal de grande instance de Pontoise qui, par ordonnance datée du même jour, a fait droit à sa demande en l'autorisant à procéder à la saisie description et à la saisie réelle de deux exemplaires du produit litigieux à l'adresse du [...] dans tous bureaux ou locaux occupés ou non par la société LIBELLO SOLO ou toute autre personne physique ou morale qui seraient directement ou indirectement liés à la société ELBA FRANCE ou à Thibault de M ; Qu'en vertu de cette ordonnance signifiée le 28 avril suivant à la société ELBA FRANCE, la société RC CONCEPT a fait pratiquer, le même jour, une saisie contrefaçon à l'adresse sus-visée dans les locaux de la société ELBA FRANCE ; Qu'au vu des renseignements recueillis, les sociétés Holding RC CONCEPT, RC PROMOTION et NISSE C ont assigné la société ELBA FRANCE en contrefaçon de droits d'auteur et de modèles devant le tribunal de grande instance de Pontoise qui a rendu le jugement entrepris les déboutant de leurs demandes ; Que les premiers juges ont retenu qu'à la date des poursuites, la société HRC CONCEPT ne rapportait pas la preuve qu'elle était cessionnaire de droits privatifs sur un dessin original, que les présentoirs, objets du dépôt de dessin et modèle étaient dépourvus de nouveauté et de caractère propre ; qu'ils ont déduit que la société HCR CONCEPT étant dépourvue de tout droit sur la colonne de présentation, la saisie contrefaçon effectuée sur sa requête dans les locaux de la société ELBA FRANCE était nulle pour défaut de qualité et d'intérêt à agir ; Sur la validité des opérations de saisie contrefaçon Considérant que la société ELBA FRANCE soulève la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon pour atteinte au principe de la contradiction et en ce qu'elle excède les limites de l'autorisation présidentielle ; qu'elle soutient, en premier lieu, que le présentoir sur lequel les appelantes fondent leur revendication n'a été versé aux débats que le 25 mars 2010 et qu'il ne fait pas partie des pièces communiquées au juge des requêtes le 10 avril 2009, la seule communication du certificat d'enregistrement de dessins et modèles N° 07 2854 qui ne précise ni la taille, ni la matiè re, ni les caractéristiques esthétiques de l'objet étant insuffisante à permettre au juge des requêtes de fonder une ordonnance ; qu'elle fait valoir, en second lieu, que l'huissier instrumentaire a procédé à la saisie réelle de trois colonnes, et non de deux, et que ces objets, qui n'ont pas été déposés au greffe du tribunal et ne lui ont été communiquées que le 22 juin 2011 dans le cadre de la procédure d'appel, n'ont pas fait l'objet d'un scellé et ne portent pas trace d'un cachet ; Que les appelants répliquent que la société ELBA FRANCE avait parfaitement connaissance de l'ensemble de ses présentoirs comme des trois présentoirs saisis et que les scellés n'étaient pas nécessaires pour authentifier les objets saisis en présence des photographies prises par l'huissier instrumentaire et du fait que le représentant légal de cette société assistait aux opérations de saisie ; Considérant que dans la requête à fin de saisie-contrefaçon par elle déposée, le 10 avril 2009, auprès du président du tribunal de grande instance de Pontoise, la société RC CONCEPT se dit investie des droits d'auteur résultant de la création d'une colonne de présentation et de stockage de produits qu'elle commercialise depuis le mois de juillet 2006 et titulaire d'un modèle français ayant pour objet cette même colonne N° 07 2854 en date du 20 juin 2007 ; Que s'agissant de l'invocation du droit d'auteur, la société RC CONCEPT énonce dans la requête les caractéristiques de la colonne sur laquelle elle revendique ce droit d'auteur ; qu'en outre, étaient jointes à cette requête, en pièce numéro 4, le croquis et les photographies de la colonne de présentation du parfum «Insolence» de GUERLAIN, qui constitue selon elle la représentation concrète du modèle invoqué ; Qu'au vu de ces renseignements, la société ELBA FRANCE avait connaissance des caractéristiques esthétiques tenant à la forme et aux proportions de la colonne revendiquée, peu important que cet objet n'ait été communiqué ni au juge des requêtes, ni à son représentant légal lors des opérations de saisie-contrefaçon, s'agissant d'une mesure probatoire ; Que, par ailleurs, la société RC CONCEPT a joint à sa requête le certificat d'identité du modèle N° 07 2834 déposé s ous son nom le 20 juin 2007 ayant pour objet une «colonne stockeuse de rangement»; qu'en vertu de ce titre, au visa de l'article L.521-4 du CPI, elle avait qualité pour agir en contrefaçon et faire procéder en vertu d'une ordonnance sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, soit à la saisie réelle des objets prétendus contrefaisants ainsi que de tous documents s'y rapportant ; Qu'il n'y a donc pas eu violation du principe de la contradiction, étant relevé que la procédure d'autorisation de saisie contrefaçon devant le juge des requêtes, n'est pas contradictoire; Considérant que l'ordonnance sur requête du 10 avril 2009 autorise la société RC CONCEPT à la saisie réelle de deux exemplaires du produit litigieux contre paiement de son prix au tarif normal ; Qu'il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 28 avril 2009, en vertu de l'ordonnance sus-visée, que l'huissier instrumentaire a procédé à la saisie réelle de 2 colonnes de présentation en bois et d'une colonne de présentation en métal, le tout contre paiement du prix, soit la somme de 1.481,84 € TTC et mentionne que le gérant de la société ELBA FRANCE, en présence duquel a eu lieu la saisie, lui a remis une copie du cahier des charges de la société NOCIBE ; Mais considérant que la saisie réelle a une finalité probatoire en sorte que la saisie de trois colonnes de présentation était justifiée l'une étant composée dans un matériau différent ; qu'il n'est ni établi, ni même allégué que l'une des colonnes appréhendées ne répondrait pas à la description revendiquée dans la requête ; Que si les objets saisis n'ont pas été placés sous scellés et n'ont été réellement communiqués à la société ELBA FRANCE qu'au cours de la procédure d'appel, elle ne pouvait se méprendre sur les colonnes arguées de contrefaçon, qui étaient présentées sur le cahier des charges NOCIBE annexé au procès-verbal de saisie et sur les 18 photographies prises pendant les opérations de saisie-contrefaçon, qui lui ont été signifiées le 29 avril 2009 ; Que la saisie n'a donc pas excédé les limites autorisées par l'ordonnance sur requête du 10 avril 2009 ; Que la saisie-contrefaçon est donc valable ; Sur les droits d'auteur Considérant qu'au soutien de son recours, le Groupe RC CONCEPT demande à la cour de le dire recevable à agir en qualité de titulaire du droit d'auteur sur le dessin de présentoir, objet d'une télécopie du 3 et 4 juillet 2006, sur lequel il justifie d'une possession paisible ; qu'il revendique la combinaison des éléments suivants : colonne de présentation, de mise en valeur et de stockage de produits, destinée aux points de vente desdits produits, notamment dans le domaine de la parfumerie et des produits cosmétiques, susceptible d'être imprimée aux marques et visuels des produits concernés, auto-portante, de format carré, composée d'une à trois niches de stockage de produits sur les façades avant et/ou arrière, niches situées sur les 2/3 supérieurs de la colonne, et pourvue, mais pas nécessairement, d'une cloche transparente venant couvrir la partie supérieure de la colonne, destinée à la présentation, la promotion et la mise en valeur de ces produits qui sont ainsi magnifiés aux yeux des acheteurs ; Qu'il fait valoir que le choix, dans les formes et proportions telles que dessinées, d'une colonne à base carrée, que son auteur a décrit comme un corps en élévation à section carrée, porte l'empreinte de sa personnalité et d'un parti pris esthétique d'où ressort son caractère original ; Que la société ELBA FRANCE réplique que la société HOLDING RC CONCEPT n'établit pas avoir divulgué le présentoir litigieux sous son nom, ni avoir obtenu une cession de droits d'auteur et qu'il ne répond pas au critère d'originalité, la description qui en est faite démontrant son caractère uniquement fonctionnel sans mise en 'œuvre d'un critère esthétique distinct de sa fonction ; qu'il ne fait que reprendre les usages professionnels sans aucun apport qui porterait la marque de la personnalité d'un auteur ; Considérant qu'aux termes de l'article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle, la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'œuvre a été divulguée ; Que la présomption instituée par ce texte s'étend à toute personne physique ou morale qui a révélé l'œuvre à la connaissance du public et l'exploite sous son nom, quelle que soit la qualification de l'œuvre ; Considérant que la société RC CONCEPT produit aux débats une télécopie émise le 3 juillet 2006 par la société LVMH sur laquelle figure, sous le titre SEPHORA I, l'ébauche d'un dessin de colonne de section carrée pour PLV (publicité sur lieu de vente) d'une hauteur de 1,60 m présentant quatre niches de stockage pour produits, comme indiqué de manière manuscrite, et à son sommet un cube en plexiglas, et un croquis d'une vue du dessus à section carrée ; que ce document porte le cachet de la société RC CONCEPT ; qu'en réponse, est versée une télécopie du 4 juillet suivant adressée à la société NISSE reprenant le même croquis sur lequel est apposé le cachet RC CONCEPT ; que suit au cours du mois de juillet 2006, un échange de courriels entre la société RC CONCEPT et la société GUERLAIN sur l'habillement de la colonne et l'offre de prix ; que le 16 septembre 2006, la société RC CONCEPT adresse à la société GUERLAIN une facture d'un montant de 51.266,54 € net, pour la mise en page, création et correction de la colonne stockeuse «I» ; que dans une attestation datée du 24 septembre 2009, Aurélien M, infographiste et responsable studio de création au sein de la société RC CONCEPT, déclare avoir été chargé en juin 2006 par la direction de RC CONCEPT de mettre au point un nouveau type de présentoir destiné à la campagne de lancement du nouveau parfum «Insolence » de Guerlain ...qui a abouti le 20 juillet 2006 à un présentoir dit «colonne stockeuse» et ajoute que les droits de reproduction et représentation ont été cédés à RC CONCEPT pour le monde entier et pour toute la durée des droits ; Considérant qu'en l'absence de revendication de la part de la ou des personnes ayant réalisé la colonne de présentation litigieuse, la société RC CONCEPT qui l'a exploitée sous son nom, dès le mois de septembre 2009, ainsi qu'il résulte de la facture adressée à la société GUERLAIN, est titulaire sur celle-ci du droit de propriété incorporelle de l'auteur ; Mais considérant que dans l'attestation sus-visée, Aurélien M décrit ainsi son travail d'élaboration de la colonne de présentation : «Nous avons travaillé en interne sur un projet de présentoir compatible avec l'image de marque Guerlain, telle que définie par le client, et avons abouti le 20 juillet 2006 à un présentoir dit colonne stockeuse comprenant un corps en élévation à section carrée, pouvant être surmonté d'une cloche de présentation transparente du produit (parfum Insolence) devant renfermer un factice géant et comprenant sur sa partie verticale des niches de formes carrées devant recevoir les produits destinés à la vente ; les autres faces de la colonnes devant servir de support à une affiche publicitaire fixée sur la colonne . Le modèle définitif a été présenté au client qui l'a validé» ; Qu'il résulte des pièces versées aux débats par la société ELBA FRANCE, notamment les modes de présentation utilisés dans le domaine de la parfumerie exposés lors l'exposition POPAI Europe Awards 2003 et 2004 que les colonnes de présentation en forme de parallélépipèdes, comportant des niches de rangement ou surmontées d'une cloche en plexiglas, étaient connues pour être utilisées par la société CHANEL International, ESTEE LAUDER, GUCCI et DIOR ; que la fontaine du parfum « PURE POISON » de Dior reproduite sur la colonne présentée lors de l'exposition des 3-4-5 novembre 2004 divulgue un flacon sous une cloche en plexiglas accompagné de la légende «une forme monolithique, massive pour magnifier le flacon» ; Que la description faite par Aurélien M comme les caractéristiques revendiquées par la société RC CONCEPT mettent en évidence le but fonctionnel de ce présentoir destiné essentiellement à stocker les produits, sans recherche ornementale ; que la possibilité de surmonter la colonne d'une cloche transparente ne traduit pas un effort créatif alors que cet élément a pour objet de recevoir un flacon de parfum factice afin d'assurer la promotion et la mise en valeur de ces produits qui sont ainsi magnifiés aux yeux des acheteurs ; Que si la combinaison de formes connues peut être protégeable, la réunion sur un présentoir en forme de parallélépipède d'une cloche destinée à recevoir un objet, déjà utilisée dans le même domaine, ne traduit pas un effort créatif qui porte l'empreinte de la personnalité de l'auteur et qui lui confère le caractère d'originalité requis pour bénéficier de la protection du droit d'auteur accordée par le livre I du code de la propriété intellectuelle ; Sur le droit des dessins et modèles Considérant que les appelantes soutiennent qu'aucune antériorité de toutes pièces n'est opposée au présentoir RC CONCEPT qui revêt une configuration propre qui le distingue des présentoirs antérieurs et dégage une impression visuelle d'ensemble caractéristique en ce qu'il est d'un seul tenant, sans socle, épuré ; Que la société ELBA FRANCE répond que les deux modèles dont se prévalent la société RC CONCEPT et la société NISSE CARTONNAGE protègent une figure unique, que les écritures ne distinguent pas les deux modèles, qu'il a été divulgué le 20 juin 2007, soit douze mois auparavant par la société LVMH, qu'ils sont purement fonctionnels, dépourvus de tout élément ornemental et de caractère propre ; Considérant que la société ELBA FRANCE est mal fondé à invoquer une divulgation du dessin par la société LVMH alors qu'il a été précédemment relevé qu'il a été commercialisé sous le nom de la société RC CONCEPT, sans revendication d'un tiers, et que cette divulgation est intervenue, moins de douze mois avant le dépôt de la demande d'enregistrement, comme l'autorise l'article L. 511-6 alinéa 3 du CPI; Considérant qu'aux termes de l'article L.511-2 du CPI, seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre ; Que selon l'article L.511-3 du même code, un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants ; Qu'un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée (article L.511-4) ; Que l'article L.511-8 prévoit que n'est pas susceptible de protection l'apparence dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction ; Considérant que la société RC CONCEPT invoque le modèle enregistré sous le N° 07 2854, déposé le 20 juin 20 07, ayant pour titre «colonne stockeuse de rangement » accompagné de la description suivante : meuble carton auto portant et mobile permettant la mise en avant et le stockage de produits dans un point de vente . Valorisation et glorification des produits proposés à la vente ; que ce dépôt comporte quatre croquis de la colonne, dont deux illustrant son montage, le quatrième figurant la colonne surmontée d'une cloche ; Que le 23 janvier 2009, la société NISSE CARTONNAGE a déposé un modèle de colonne stockeuse, enregistré sous le N° 08 3390, comportant six figures, à une, deux ou trois niches de rangement, dont la description revendique un meuble tout matériaux ; Considérant que les sociétés appelantes ne distinguent pas les caractéristiques des deux modèles déposés ; que si la description qui accompagne les dépôts n'a qu'un caractère facultatif et est dépourvue de portée juridique, tant la nature de l'objet que les figures qui décrivent le mode d'assemblage des différents éléments composant la colonne de rangement, présentée avec ou sans la cloche, démontre que la forme adoptée est inspirée par une démarche utilitaire, un but fonctionnel qui prime toute recherche ornementale ; que tous les caractéristiques revendiquées répondent à une fonction précise de présentation, de stockage des produits sur les lieux de vente ; Qu'au surplus, les deux modèles ne présentent pas le caractère propre requis pour bénéficier de la protection au titre du livre V du CPI ; qu'en effet, les colonnes de stockage exposées lors des manifestations POPAI Awards européens 2004 et 2005 divulguent la même forme parallélépipédique comportant des espaces de rangement ; que le fait de surmonter le présentoir d'une cloche ne modifie pas l'impression visuelle d'ensemble pour un observateur averti, alors que dès 2004, les parfums DIOR et GUCCI surmontaient des présentoirs de forme élancée à section carrée d'une coiffe en plexiglas pour mettre en valeur, magnifier le flacon de parfum ; Qu'il s'ensuit que les modèles de colonnes déposés revendiquent des éléments purement fonctionnels et ne présentent pas une physionomie propre ; qu'ainsi, ils ne sont pas protégeables au regard des articles L.511-1 et suivants du CPI ; Que les premiers juges ont, à juste titre, prononcé la nullité des deux dépôts ; Qu'en revanche, la radiation étant une mesure administrative, le présent jugement sera transmis à l'INPI à cette fin ; Sur la concurrence déloyale Considérant que les sociétés appelantes soutiennent que la société ELBA FRANCE a commis des actes distincts de concurrence déloyale en reproduisant une copie servile de leurs présentoirs ce qui a pour effet de les banaliser ; qu'elles font valoir, à cet effet, que le présentoir commercialisé par la société ELBA est formé d'un corps en élévation à section carrée, d'un seul tenant, comportant en sa façade verticale trois niches percées selon la même largeur et profondeur, selon le même intervalle et le même encadrement et qui sont situées sur les 2/3 inférieurs de la colonne, contenant un plateau supérieur de périmètre plus réduit surmonté d'une cloche transparente; Que la société ELBA FRANCE réplique que les appelantes ne procèdent pas à une comparaison entre les trois colonnes saisies et celle sur laquelle ils revendiquent des droits ; Considérant que s'il ressort de l'examen comparatif des colonnes commercialisées par la société RC CONCEPT revêtues des marques «Insolence» de Guerlain telles que reproduites sur des documents publicitaires avec les présentoirs figurant sur les photographies prises lors des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société ELBA FRANCE, qu'ils présentent la même forme élancée dotée d'une section carrée et comportent trois niches sur leur face verticale, les sociétés appelantes ne justifient ni de la largeur, ni de l'espacement des niches entre elles et par rapport à la base de la colonne, ni de la matière dans laquelle sont fabriqués leurs produits ; qu'en l'absence d'une description précise de la colonne qu'ils ont commercialisée sous leur nom et au vu des présentoirs de forme identique utilisés par les tiers, la seule impression visuelle d'ensemble qui se dégage des deux présentoirs ne permet pas de conclure à une copie servile, étant relevé que ces produits s'adressent à une clientèle de professionnels spécialement avertie des modèles disponibles sur le marché ; Que la preuve n'est donc pas rapportée que la société ELBA FRANCE a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice des sociétés du groupe RC CONCEPT; Sur les autres demandes Considérant que la solution du litige commande de rejeter les demandes de dommages-intérêts et de publication formées par les sociétés du Groupe RC CONCEPT ; Considérant que les sociétés appelantes ont pu de bonne foi se méprendre sur la portée des droits attachés à leurs dépôts de modèles ; qu'il s'ensuit que la société ELBA FRANCE sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ; qu'il n'y a lieu davantage au prononcé d'une amende civile ; Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de publication de la société ELBA FRANCE ; Considérant que les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile doivent bénéficier à la société ELBA FRANCE ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme complémentaire de 15.000 € ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a annulé l'ordonnance sur requête du 10 avril 2009 et la saisie contrefaçon du 28 avril 2009, Y ajoutant, Dit que le présent arrêt sera transmis par le greffe à l'INPI aux fins d'inscription sur le registre national des dessins et modèles, Rejette le surplus des demandes, Condamne in solidum les sociétés Holding RC CONCEPT, RC CONCEPT OPERATIONNEL et NISSE C à payer à la société ELBA FRANCE la somme complémentaire de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne in solidum les sociétés Holding RC CONCEPT, RC CONCEPT OPERATIONNEL et NISSE C aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile. - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Présidente et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.