Cour de cassation, Première chambre civile, 9 novembre 1999, 96-14.391

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1999-11-09
Cour d'appel de Versailles (12e chambre, 2e section)
1996-01-25

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS I - Sur le pourvoi n° A 96-14.391 formé par la Mutuelle du Mans Assurances IARD, société d'assurance à forme mutuelle à cotisations fixes, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 25 janvier 1996 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre, 2e section), au profit : 1 / de la société Carlier Plastiques, société anonyme, dont le siège est ..., 2 / de la compagnie AGF, Assurances générales de France, société anonyme, dont le siège est ... et ..., 3 / de la société Financière Fraikin, société anonyme, dont le siège est ..., 4 / de la société Fraikin, société anonyme, dont le siège est ... Nanterre, 5 / de la SNE Labbe, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesses à la cassation ; La société Carlier Plastiques a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; II - Sur le pourvoi n° R 96-14.681 formé par : 1 / la société Financière Fraikin, 2 / la société Fraikin, en cassation du même arrêt en ce qu'il est rendu au profit : 1 / de la société Carlier Plastiques, 2 / de la compagnie AGF, Assurances générales de France, 3 / de la SNE Labbe, 4 / de la Mutuelle du Mans Assurances IARD, défenderesses à la cassation ; La société Carlier Plastiques a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; La Mutuelle du Mans Assurances, demanderesse au pourvoi principal n° A 96-14.391, invoque à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Les sociétés Financière Fraikin et Fraikin, demanderesses au pourvoi principal n° R 96-14.681, invoquent, à l'appui de leurs recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ; La société Carlier Plastiques, demanderesse au pourvoi incident dans les affaires n° A 96-14.391 et R 96-14.681, invoque, à l'appui de ses recours trois moyens identiques de cassation également annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 5 octobre 1999, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Bouscharain, conseiller rapporteur, M. Z..., Mme Y..., MM. Aubert, Cottin, conseillers, Mmes X..., Verdun, conseillers référendaires, Mme Petit, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Bouscharain, conseiller, les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la Mutuelle du Mans Assurances, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Carlier Plastiques, de Me Cossa, avocat des sociétés Financière Fraikin et Fraikin, de la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de la compagnie AGF, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la SNE Labbe, les conclusions de Mme Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Joint les pourvois A. 96.14-391 et R. 96.14-681 : Attendu que la société financière Fraikin, agissant pour le compte de ses filiales, a commandé à la société SNE Labbe, assurée auprès des Assurances générales de France (AGF), des carrosseries pour équiper des véhicules destinés à la location ; que, pour la réalisation de ces travaux, la société Labbe a acheté des panneaux à la société Carlier Plastiques, assurée auprès de la Mutuelle du Mans ; qu'à la suite de l'apparition de désordres affectant les panneaux, et au résultat d'expertises, la société Financière Fraikin et la société Fraikin ont attrait leur fournisseur en justice, pour obtenir la réparation de leur préjudice ; que ce dernier a appelé à sa garantie son assureur ainsi que la société Carlier et l'assureur de celle-ci ;

Sur le moyen

unique du pourvoi principal des sociétés Fraikin :

Attendu que ces sociétés font grief à

l'arrêt attaqué d'avoir évalué à une certaine somme l'indemnité leur revenant, alors que si les éléments constitutifs du dommage se trouvent déterminés au jour de sa réalisation, l'évaluation monétaire de l'indemnité destinée à compenser le dommage doit nécessairement être faite au jour de la décision qui l'alloue ; qu'en refusant d'actualiser l'indemnité au jour où elle statuait, la cour d'appel aurait violé les articles 1147 et 1149 du Code civil ;

Mais attendu

que la cour d'appel, qui a évalué au moment où elle statuait, et par une appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus devant elle, l'indemnité réparatrice de différents chefs de préjudice des sociétés Fraikin, a, pour écarter la demande relative à des frais financiers, retenu, que n'étaient pas justifiées les dates de réalisation des dépenses dont ces frais devaient compenser l'engagement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur les deux premiers moyens

réunis du pourvoi incident de la société Carlier Plastiques :

Attendu que la société Carlier Plastiques fait grief à

l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement de certaines sommes évaluées toutes taxes comprises, alors qu'en allouant de telles sommes, tant aux sociétés Fraikin, qu'à la société SNE Labbe, sans rechercher si chacune de ces sociétés n'était pas en mesure de récupérer la taxe à la valeur ajoutée qu'elle pouvait être amenée à payer, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1149 du Code civil ;

Mais attendu

que la société Carlier Plastiques, que le Tribunal avait condamnée à payer des sommes incluant la taxe à la valeur ajoutée n'avait pas, en cause d'appel, prétendu qu'il convenait de rechercher si les bénéficiaires des condamnations, n'étaient pas en mesure de récupérer cette taxe ; que nouveaux et mélangés de fait, les moyens sont irrecevables ;

Mais sur le troisième moyen

, pris en sa seconde branche, du pourvoi incident de la société Carlier Plastiques :

Vu

l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner

la société Carlier Plastiques à payer aux AGF la somme de 214 528,99 francs, la cour d'appel a retenu que cet assureur, justifiant avoir versé la somme de 288 327,60 francs à la société Fraikin, par l'effet de l'exécution provisoire, est fondé à réclamer à la société Carlier Plastiques, qui doit seule le garantir du montant de la condamnation en garantie de son assurée, la société Labbe, le remboursement de la différence entre la somme précitée et la condamnation réparant le préjudice d'immobilisation subi par la société Fraikin ;

Attendu qu'en statuant par

des motifs inopérants quant à la justification de la condamnation de la société Carlier Plastiques au paiement de la somme de 214 528,99 francs aux AGF, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Et sur le moyen

unique du pourvoi principal de la Mutuelle du Mans Assurances, qui n'est pas nouveau :

Vu

l'article L. 113-1 du Code des assurances ;

Attendu que pour décider

que la Mutuelle du Mans Assurances devait sa garantie à la société Carlier Plastiques, la cour d'appel a retenu que cette société s'était assurée pour garantir les risques inhérents à l'exploitation de son entreprise de fabrication de produits composés de matières plastiques et que la police souscrite à cette fin la garantissait "contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qui peut lui incomber en raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs à des dommages corporels et matériels garantis subis par autrui et imputables à l'exploitation de son entreprise" ; qu'elle a relevé que l'article 4-B du titre I des conditions générales excluait de la garantie, sauf mention expresse aux conditions particulières ou souscription d'un contrat séparé, "les dommages subis par les biens fournis par le sociétaire ou sur lesquels il exerce ou a exercé son activité professionnelle, ainsi que leur remplacement, remboursement ou modification" ; qu'elle a encore relevé que, par avenant, la garantie avait été étendue "aux dommages immatériels non consécutifs à des dommages matériels garantis" lorsque ces dommages résultent d'un accident, sont imputables à l'exploitation de l'entreprise du sociétaire et sont la conséquence directe après travaux "d'un vice dans les ouvrages ou travaux effectués ou fournis par le sociétaire ayant entraîné la destruction des biens sur lesquels celui-ci a exercé son activité", mais qu'étaient exclus de cette garantie "les dommages ne résultant pas d'un événement soudain et imprévu pour l'assuré" et, pour les ouvrages et travaux exécutés par le sociétaire, les conséquences de "leur non-conformité aux obligations contractuelles du sociétaire et de déficiences constatées dans les résultats techniques" ; qu'elle en a déduit que la clause prévue à l'article 4-B précité, qui exclut sans restriction tous les dommages matériels subis par les biens fabriqués par l'assuré, quelle qu'en soit la cause ou l'origine, et à l'égard de quiconque, vide pratiquement de toute portée la garantie stipulée par les mêmes conditions générales ;

Attendu, cependant, que si elle écartait de la garantie les conséquences pécuniaires de l'obligation de remplacer, rembourser ou modifier les biens fournis par l'assuré ou sur lesquels il exerce ou a exercé son activité professionnelle, la clause d'exclusion prévue par l'article 4-B précité laissait dans le champ de la garantie les dommages causés aux tiers par les produits fournis par l'assuré ; qu'en retenant que cette clause n'était pas limitée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du troisième moyen du pourvoi incident de la société Carlier Plastiques : CASSE ET ANNULE, en sa disposition condamnant la société Carlier Plastiques à rembourser aux Assurances générales de France la somme de 214 528,99 francs ainsi qu'en ses dispositions annulant la clause d'exclusion de l'article 4-B du titre I des conditions générales de la police souscrite auprès de la Mutuelle du Mans Assurances par la société Carlier Plastiques et condamnant cet assureur à exécuter sa garantie, l'arrêt rendu le 25 janvier 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ; Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.