Cour de cassation, Troisième chambre civile, 22 mars 1995, 93-13.153

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1995-03-22
Cour d'appel de Nîmes (2e chambre)
1993-01-21

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le pourvoi formé par Mme Mireille Z..., épouse Y..., demeurant à Piolenc (Vaucluse), quartier de Recalibert, en cassation d'un arrêt rendu le 21 janvier 1993 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre), au profit de M. Jean X..., demeurant à Orange (Vaucluse), ..., défendeur à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 7 février 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, Mme Giannotti, conseiller rapporteur, MM. Douvreleur, Peyre, Aydalot, Boscheron, Toitot, Mmes Di Marino, Borra, M. Bourrelly, conseillers, MM. Chollet, Pronier, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme le conseiller Giannotti, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mme Y..., les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur les trois premiers moyens

, réunis : Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Nîmes, 21 janvier 1993), que la société civile immobilière Vauclusienne (SCI), ayant pour gérante Mme Y..., a acquis, par acte du 29 septembre 1975, un tènement immobilier dont le prix a été partiellement payé au moyen d'un prêt consenti par l'Union de crédit pour le bâtiment (UCB) ; que Mme Y... est intervenue à l'acte de vente comme "codébitrice solidaire" ; que le 1er juillet 1980, en sa qualité de gérante de la SCI, elle a donné à bail une partie des biens acquis aux Etablissements Y..., enseigne sous laquelle elle exerçait une activité commerciale personnelle ; qu'un jugement du 17 octobre 1980, confirmé par arrêt du 17 mars 1982 devenu irrévocable, a prononcé la liquidation des biens de la SCI Vauclusienne ; que le bail a été déclaré nul et inopposable à la masse par un arrêt du 10 décembre 1987 qui a ordonné l'expulsion de Mme Y... ; que celle-ci a réclamé à M. X..., syndic de la liquidation des biens de la SCI, la somme qu'elle a déclaré avoir remboursé personnellement à l'UCB, ainsi que la valeur des constructions édifiées par elle sur le terrain de la SCI ;

Attendu que Mme Y... fait grief à

l'arrêt de la condamner à supprimer à ses frais les constructions édifiées sur le terrain appartenant à la SCI Vauclusienne et de la condamner au paiement d'une indemnité d'occupation, ainsi que de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'encombrement du terrain, alors, selon le moyen, "1 ) qu'ayant édifié la totalité des constructions litigieuses, avec l'autorisation du bailleur, avant que le contrat de bail soit annulé, Mme Y... était réputée de bonne foi ; qu'en se bornant, dès lors, pour ordonner la suppression de constructions qui avaient été édifiées par un constructeur de bonne foi, à relever qu'elle avait été "privée rétroactivement de la qualité de locataire autorisée à construire par l'arrêt du 10 décembre 1987 qui a annulé le bail", la cour d'appel, qui s'est déterminée à partir de motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du Code civil ; 2 ) qu'aux termes de l'article 555, alinéa 4, du Code civil, "si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé, qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations" ; qu'en ne répondant pas aux conclusions de Mme Y..., qui faisait valoir que sa bonne foi était irréfragablement établie, puisqu'elle n'avait pas été condamnée à la restitution des fruits par l'arrêt rendu, le 10 décembre 1987, qui avait ordonné son expulsion des lieux, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 3 ) que la censure qui s'attache à un arrêt de cassation n'est pas limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation au cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'il y a dépendance nécessaire entre deux dispositions du même arrêt dans le cas où l'un des motifs de la décision, dont le caractère erroné a entraîné la cassation d'une disposition dont il était le support, constitue également le soutien indispensable d'une autre disposition de l'arrêt ; que le preneur qui a construit avec l'autorisation du bailleur, réputé de bonne foi, peut exercer sur le fonds un droit de rétention, exclusif de toute indemnité, jusqu'à la fixation de l'indemnité à lui revenir ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation aura donc pour conséquence l'annulation de la condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation prononcée à l'encontre de Mme Y... ; 4 ) que, "l'encombrement du terrain" résultant de la présence des constructions litigieuses ne pouvait, en soit, être imputé à la faute de Mme Y..., lorsque la cour d'appel a statué, puisqu'elle n'avait, à cette date, pas encore été condamnée à les supprimer ; qu'en ne précisant pas la faute qui aurait été à l'origine du préjudice ainsi réparé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555, alinéa 2, du Code civil" ;

Mais attendu

qu'ayant relevé, à bon droit, que le bail ayant été jugé frauduleux, Mme Y... avait été privée rétroactivement de la qualité de locataire autorisé à construire par l'arrêt du 10 décembre 1987 qui a annulé le bail, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, en a justement déduit que Mme Y... ne pouvait être considérée comme un constructeur de bonne foi, ni réclamer le bénéfice de l'article 555, alinéa 4, du Code civil, et qu'elle avait créé une situation préjudiciable à la masse des créanciers en se maintenant dans les lieux malgré l'ordre d'expulsion et en interdisant la réalisation du bien tant que subsisteraient les constructions édifiées sans droit ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen

:

Attendu que Mme Y... fait grief à

l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en paiement des sommes versées par elle à l'UCB en remboursement du prêt contracté par la SCI Vauclusienne, alors, selon le moyen, "d'une part, qu'en l'état des conclusions de Mme Y..., qui faisait valoir, à l'appui de la demande en paiement qu'elle avait formée à l'encontre de M. X..., pris en sa qualité de syndic à la liquidation des biens de la SCI Vauclusienne, qu'elle avait procédé au remboursement intégral du prêt contracté par la société auprès de l'UCB, en ses lieux et place, postérieurement au jugement de liquidation des biens dont celle-ci avait fait l'objet, de sorte qu'elle avait ainsi acquis la qualité de créancière de la masse, à concurrence de la somme de 217 530 francs, M. X... se bornait à soutenir qu'il convenait d'opérer une ventilation entre les différents paiements effectués par Mme Y..., au regard de la date du jugement de liquidation, et que, codébitrice solidaire, elle ne pouvait prétendre répéter sa part ; qu'il ne concluait pas à l'irrecevabilité de la demande en paiement, dont il admettait au contraire le principe, non plus qu'il ne contestait le montant total des versements intervenus ; qu'en déclarant cette demande irrecevable, dans sa totalité, en ce qu'il appartiendrait à Mme Y... de "produire au passif de la SCI Vauclusienne ou à profiter de la production de l'UCB, mais pas à réclamer directement le paiement de 114 382,50 francs à M. X..., ni à se soustraire à la procédure collective, la cour d'appel a, dès lors, méconnu les limites du litige qui lui était soumis, violant ainsi l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; d'autre part, qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que les paiements effectués par Mme Y... au profit de l'UCB aux lieux et place de la SCI Vauclusienne, l'avaient été, pour l'essentiel d'entre eux, postérieurement à la mise en liquidation des biens de la société, prononcée le 17 octobre 1980 par le tribunal de commerce de Carpentras, puisqu'ils étaient intervenus entre le 1er janvier 1980 et le 30 septembre 1989, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qu'elles appelaient nécessairement au regard des articles 13 et 35 de la loi du 13 juillet 1967" ;

Mais attendu

que la cour d'appel ayant constaté que Mme Y..., en sa qualité de codébitrice solidaire à l'acte de vente du 29 septembre 1975, avait effectué des paiements à l'UCB en remboursement du prêt contracté par la SCI Vauclusienne pour l'acquisition des biens immobiliers, en a justement déduit, cette société ayant été déclarée en liquidation des biens par jugement du 17 octobre 1980 confirmé par arrêt du 14 mars 1982, que Mme Y... ne pouvait se soustraire à la procédure collective en réclamant directement le paiement au syndic et que sa demande était irrecevable ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme Y..., envers M. X..., ès qualités, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-deux mars mil neuf cent quatre-vingt-quinze. 561