Cour de cassation, Première chambre civile, 24 mai 2017, 16-10.519

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2017-05-24
Cour d'appel de Paris
2015-10-30

Texte intégral

CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 mai 2017 Cassation partielle Mme BATUT, président Arrêt n° 654 F-D Pourvoi n° Q 16-10.519 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

Statuant sur le pourvoi formé par

: 1°/ la Société des transports Monin, société par actions simplifiée, actuellement placée sous procédure de sauvegarde, dont le siège est [...], 2°/ la société B... Z..., société d'exercice libérale à responsabilité limitée unipersonnelle, prise en la personne de Mme B... Z..., agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la Société des transports Monin, dont le siège est [...], contre l'arrêt rendu le 30 octobre 2015 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige les opposant à Mme Jacqueline X..., domiciliée [...] (Suisse), défenderesse à la cassation ; Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 25 avril 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Y..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Y..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la Société des transports Monin et de la société B... Z..., ès qualités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme X..., et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne acte de leur reprise d'instance à la Société des transports Monin, placée sous procédure de sauvegarde, et à la société B... Z..., prise en la personne de Mme Z..., agissant en qualité d'administrateur judiciaire, avec mission de surveillance, de la Société des transports Monin ;

Sur le moyen

unique, pris en sa quatrième branche :

Vu

l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que, le 6 avril 2006, Mme X... a conclu avec la Société des transports Monin (la société) un contrat d'entreposage ; qu'à la suite d'un sinistre survenu dans l'entrepôt abritant son mobilier, Mme X... a assigné la société en réparation de son préjudice ; Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt retient qu'il incombe à la société d'indemniser Mme X... en application de l'article 7 du contrat, relatif à l'assurance du mobilier entreposé ;

Qu'en statuant ainsi

, alors que l'article 7 du contrat se bornait à prévoir les modalités de calcul et de facturation d'une assurance ad valorem, sans faire de la société un assureur, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de résiliation du contrat, l'arrêt rendu le 30 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne Mme X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la Société des transports Monin et la société B... Z..., ès qualités. IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société des Transports Monin était tenue d'indemniser l'entier préjudice subi par Mme X... en suite de l'inondation de ses biens déposés dans les locaux de la société des Transports Monin, et ce dans le cadre de l'article 7 «assurance», clause du contrat liant les parties dans les limites de 300.000 euros, et d'avoir ordonné une expertise sur l'évaluation du préjudice ; AUX MOTIFS QUE sur l'obligation d'indemnisation : que Madame Jacqueline X... a conclu le 6 avril 2006 un contrat d'entreposage de meubles de valeur avec mise à disposition d'un emplacement privatif avec la société Transports Monin, contrat pour un an renouvelable par tacite reconduction moyennant un paiement annuel indexé de 9.014,20 € ; qu'un emplacement n° L1 sis [...] était attribué à Madame X... dans ce cadre, la société Transports Monin se réservant la faculté de substituer l'emplacement désigné par une nouvelle case privative par notification écrite au client au moins quinze jours à l'avance ; que ce contrat a été qualifié par les parties de sui generis excluant les dispositions légales du contrat de dépôt et du contrat de bail ; qu'elles ont soumis le contrat aux dispositions de l'article 1134 du code civil ; que les parties sont convenues, nonobstant les dispositions courantes de responsabilité prévues à l'article 6-3 du contrat d'entreposage, d'assurer les objets et meubles entreposés dans le cadre d'un contrat sur la valeur pour une valeur de 300.000 € ; qu'aux termes des paragraphes 3 et 4 de l'article 7 de ce contrat : « un inventaire détaillé portant valeur individuelle de tous les meubles et objets d'art remis à la société doit être établi à l'entrée en garde meubles (A ce jour nous vous faisons parvenir la liste établie par nos soins qu'il vous appartiendra de valoriser.) Dans le cas où les circonstances économiques auraient pour conséquence un changement supérieur à 10 % de la valeur confiée comme dans l'hypothèse de retraits partiels ou de dépôts nouveaux objets, le client s'engage à effectuer une déclaration rectificative auprès de la société » ; qu'il n'est pas contesté que la société Transports Monin a établi le 23 mars 2006 un inventaire sommaire sans évaluation des 200 objets et mobiliers entreposé par elle à la demande de Madame X... ; qu'il est constant que les 27 et 28 juillet 2010, la société Transports Monin, à la demande de Madame X..., a transféré dans la case de celle-ci deux nouveaux lots composés de divers objets stockés chez Christie's ; que suite à ce rajout de meubles et objets, la société Transports Monin n'a pas demandé d'aval au contrat à Madame X... ; que celle-ci, par courrier du 25 janvier 2011, a sollicité la société Transports Monin aux fins d'obtenir une copie de la police d'assurance et s'est interrogée sur le montant de sa facture alors que de nouveaux meubles avaient été entreposés et sollicitait l'obtention dans les meilleurs délais d'une liste complète et chiffrée de ses biens ; qu'en réaction, la société Transports Monin a envoyé à Madame X..., le 22 février 2011, la liste des meubles livrés les 27 et 28 juillet 2010 et lui a réclamé paiement d'un compte débiteur de 15.410,46 € tout en mentionnant qu'il n'avait pas la valeur du lot de mobilier intégré et qu'il ne pouvait souscrire une assurance ; qu'il convient de noter que Madame X... avait la libre disposition de sa case privative dans laquelle elle pouvait à tout moment retirer et entreposer du mobilier et des objets dont la valeur globale a été forfaitairement assuré pour un montant de 300 000 € ; qu'en effet, force est de constater que ni les meubles déposés en 2006 ni ceux déposés en 2010 n'ont fait l'objet d'une évaluation contradictoire lors du dépôt des biens entreposés ; qu'en conséquence, le mobilier et les objets livrés en 2006 et en 2010 sont garantis dans la limite du montant initialement souscrit de 300 000 € ; qu'il n'est pas contesté que l'entrepôt dans lequel avait été déposés en dernier lieu les meubles de Madame X... a été inondé le 5 août 2011 suite à un violent orage ; qu'il résulte des constatations des experts que plusieurs objets mobiliers lui appartenant ont été gravement endommagés suite à l'inondation de l'entrepôt et que des mesures insuffisantes ont été prises pour éviter le sinistre des biens inondés ; qu'au surplus, certains biens (25 selon les dires de Madame X...) ont été égarés ; que l'expert A... a constaté que des biens étaient mêlés avec ceux du client Céline ; qu'en conséquence, il incombe à la société Transports Monin d'indemniser l'entier sinistre subi par Madame X... en application de la clause 7 du contrat sans qu'il ne soit nécessaire de rechercher si la société Transports Monin a commis une faute engageant sa responsabilité civile et d'indemniser Madame X... de son entier dommage sans rechercher la responsabilité de la société Transports Monin sur le fondement de l'article 6 du contrat ; qu'au final, le jugement déféré sera confirmé par substitution de motifs ; 1) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 11, p. 22), Mme X... demandait, à titre principal, la confirmation du jugement du 29 avril 2014 en ce qu'il avait condamné la société Transports Monin à l'indemniser sur le fondement de l'article 6 du contrat d'entreposage relatif à la responsabilité de la société, et seulement à titre subsidiaire, la condamnation de cette société sur le fondement de l'article 7 relatif à l'assurance de valeur ; qu'en statuant uniquement sur ce dernier fondement qui n'était invoqué qu'à titre subsidiaire par la demanderesse, la cour d'appel a modifié les termes du litige, et a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2) ALORS QUE le contrat d'entreposage prévoyait, en son article 6-3, que nonobstant les dispositions de l'article 7 sur l'assurance, la responsabilité de la société Transports Monin qui serait engagée pour manquants ou avaries portant sur les objets mis en garde, ne pourrait excéder une somme de 23 euros par kilogramme avec un maximum de 7623 euros par lot, sans que l'indemnité ne puisse dépasser la valeur initiale de l'objet mobilier et à l'exclusion de tous dommages indirects ou immatériels ; que l'article 7 précisait que ses stipulations ne liaient nullement la société au titre de sa responsabilité qui restait régie par les dispositions de l'article 6 du contrat ; qu'en retenant, à l'inverse, que les dispositions de l'article 7 sur l'assurance pouvaient s'appliquer à la société Transports Monin nonobstant les dispositions courantes de responsabilité prévues à l'article 6-3 du contrat, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des articles 6 et 7 du contrat d'entreposage, et a violé l'article 1134 du code civil ; 3) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'une obligation d'assurance ne s'impose qu'à l'assureur et non à la personne dont la responsabilité est recherchée ; qu'en imposant à la société Transports Monin, dont la responsabilité était recherchée par son cocontractant, les obligations d'un assureur, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1165 du code civil ; 4) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE l'article 7 du contrat d'entreposage se bornait à prévoir les modalités de facturation d'une assurance ad valorem dont le montant était intégré au prix de garde, sans faire de la société Transports Monin un assureur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a dénaturé l'article précité du contrat, et a violé l'article 1134 du code civil ; 5) ALORS QUE Mme X... admettait dans ses conclusions d'appel (notamment p. 6, alinéa 8 ; p. 25, alinéa 2), que l'assurance ad valorem prévue dans le contrat d'entreposage résultait d'un contrat d'assurance souscrit auprès des assureurs de la société Transports Monin ; qu'en statuant comme si cette société était elle-même l'assureur et en se dispensant ainsi d'examiner si la responsabilité de celle-ci était engagée, la cour d'appel a modifié les termes du litige, et a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 6) ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'il résulte des paragraphes 3 et 4 de l'article 7 du contrat d'entreposage, reproduits par l'arrêt attaqué, qu'« un inventaire détaillé portant valeur individuelle de tous les meubles et objets d'art remis à la société doit être établi à l'entrée en garde meubles (A ce jour nous vous faisons parvenir la liste établie par nos soins qu'il vous appartiendra de valoriser.) Dans le cas où les circonstances économiques auraient pour conséquence un changement supérieur à 10 % de la valeur confiée comme dans l'hypothèse de retraits partiels ou de dépôts nouveaux objets, le client s'engage à effectuer une déclaration rectificative auprès de la société » ; qu'il résulte également de l'arrêt attaqué que l'évaluation individuelle des meubles et objets déposés n'a jamais été réalisée ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la garantie litigieuse ne devait pas être écartée en toute hypothèse, dès lors que l'une de ses conditions faisait défaut, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.