Cour d'appel de Versailles, 2 avril 1999, 1997-2432

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles
1999-04-02
tribunal d'instance d'ASNIERES
1997-02-06

Résumé

Selon les dispositions de l'article 1731 du Code civil, les locataires sont tenus des réparations locatives telles que celles-ci sont définies par l'article 1754 dudit Code et par l'article 7 d) de la loi du 6 juillet 1989. La formule figurant dans l'état des lieux de sortie d'un "manque d'entretien du locataire", par sa formulation vague et trop générale ne peut ainsi concerner que l'obligation de "maintien en propreté" qui pèse sur le locataire et non des dégradations ou pertes qui elles seules pourraient justifier une remise à neuf générale de l'appartement à la charge du locataire

Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE

, Selon acte sous seing privé en date du 1er septembre 1982 la SA CRIT a donné à bail à Monsieur et Madame Nicolas X... un local à usage d'habitation sis à ASNIERES, 11 rue des Bruyères. Suite à l'établissement d'un constat des lieux de sortie le 27 octobre 1994 faisant apparaître de nombreux désordres dont les frais de remise en état s'élevaient à la somme de 156.245,75 francs, la SA CRIT, par exploits d'huissier en date des 11 et 13 décembre 1995, a fait citer Monsieur et Madame X... devant le tribunal d'instance d'ASNIERES afin de les voir condamnés à lui payer la somme de 156.245,75 francs à titre principal et celle de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur Nicolas X... s'est opposé à ces demandes exposant que le constat des lieux d'entrée établit le 1er septembre 1982 comportait de nombreuses réserves ; que les désordres résultaient d'un défaut d'entretien du propriétaire. Il a sollicité reconventionnellement la condamnation de la SA CRIT à lui payer la somme de 6.400 francs représentant le dépôt de garantie outre la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile portée à 30.000 francs dans ses dernières conclusions. En réplique la SA CRIT a fait valoir que l'état des lieux de sortie a été approuvé sans réserves par Monsieur X... et qu'elle a fait procéder, pendant la durée du bail, à de nombreux travaux. Monsieur X... a reconnu ne pas avoir acquitté le loyer du mois d'octobre 1994, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour 1994, qu'en conséquence, la SA CRIT ne lui devait plus que 856,37 francs sur le dépôt de garantie. Madame X... assignée selon procès-verbal de recherches infructueuses suivant les formes de l'article 659 du Nouveau Code de Procédure Civile n'a pas comparu ni personne pour la représenter. Par jugement réputé contradictoire en date du 6 février 1997 le tribunal d'instance d'ASNIERES a rendu la décision suivante : - déboute la SA CRIT de sa demande de paiement à l'encontre de Monsieur et Madame X... et de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamne la SA CRIT à payer à Monsieur X... la somme de 856,37 francs au titre du solde du dépôt de garantie, celle de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts et celle de 3.000 francs (HT) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, - déboute les parties du surplus de leurs prétentions, - condamne la SA CRIT aux dépens. A l'appui de son appel interjeté le 10 mars 1997 la SA CRIT soutient que la remise en état des papiers peints, boiserie et moquette qui ont été détériorés en raison d'un défaut d'entretien des locataires, incombe à ces derniers ; que le premier juge n'a pas pris en compte les éléments rénovés à ses frais ; que la conclusion d'un contrat de maintenance relatif aux radiateurs et canalisations ne lui est pas opposable, dès lors, que des dégradations imputables au locataire sont constatées. Par conséquent, elle prie la Cour de : Au principal, réformer en son entier le jugement rendu par le tribunal d'instance d'ASNIERES le 6 février 1997, Statuant à nouveau, - condamner les époux X... à verser à la SA CRIT la somme de 129.557 francs HT soit 156.245,75 francs TTC, - débouter les époux X... de toutes leurs demandes, fins et conclusions, Subsidiairement, - condamner les mêmes époux à verser au profit de la SA CRIT la somme de 20.683 francs HT soit 24.943,69 francs TTC, - condamner les époux X... à verser à la SA CRIT la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Monsieur et Madame X... aux entiers dépens dont recouvrement par Maître Daniel et Benoit GAS, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur X... réplique qu'il a parfaitement rempli son obligation légale d'entretien des lieux ; que les travaux de remise en état mentionnés par la SA CRIT incombent au propriétaire et non au locataire ; qu'il est fondé, selon lui, a solliciter la condamnation de la SA CRIT à lui payer la somme de 30.000 francs en réparation du préjudice subi pendant 12 ans et ce sur le triple fondement des articles 1721 et 1382 du Code civil et 6-b) de la loi du 6 juillet 1989. Par conséquent, il prie la Cour de : Vu le bail d'habitation du 1er septembre 1982 : Vu la loi du 6 juillet 1989 : Vu les articles 1382 et 1721 du Code civil et l'article 6b) de la loi du 6 juillet 1989, - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que les réparations sollicitées par la SA CRIT sur la base du devis établi par la SA AS EUROPE le 27 décembre 1994, ne sont pas des réparations locatives et incombent exclusivement au bailleur, En conséquence, débouter la SA CRIT de son appel, - infirmer le jugement entrepris du chef des dommages et intérêts alloués à Monsieur X... à hauteur de 10.000 Francs et fixer ces dommages et intérêts à la somme de 30.000 francs, - condamner la SA CRIT à verser à Monsieur X... la somme de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner la SA CRIT aux entiers dépens dont recouvrement par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Madame X... assignée selon procès-verbal de recherches infructueuses selon les formes de l'article 659 du Nouveau Code de Procédure Civile n'a pas constitué avoué. L'ordonnance de clôture a été signée le 7 janvier 1999 et l'affaire plaidée, pour Monsieur X..., la SA CRIT ayant fait déposer son dossier à l'audience du 2 mars 1999.

SUR CE,

LA COUR, A/ Considérant qu'en vertu de l'article 1731 du Code civil, les locataires sont tenus des réparations locatives, telles que celles-ci sont définies par l'article 1754 dudit code, ainsi que par l'article 7-d) de la loi du 6 juillet 1989, applicable en l'espèce, ces réparations locatives étant limitativement énumérées par le décret n° 87-712 du 26 août 1987 ; Considérant que la SA CRIT ne prévaut des constatations du procès-verbal de constat de l'état des lieux, à la sortie des époux X..., établi contradictoirement le 27 octobre 1994, mais qu'il convient d'apprécier la portée de ce document en tenant compte de l'état des lieux, à l'entrée, tel qu'il résulte du constat rédigé contradictoirement le 1er septembre 1982 et qui contenait des réserves relatives à la présence d'infiltrations sur un mur de la salle de séjour, à des traces d'humidité dans la pièce n° 3 sur le mur et, à une vérification à faire de la toiture et du mur (côté est) une infiltration étant notée, ainsi qu'à un robinet de la salle de bains et à un robinet du bidet du 1er étage à vérifier ; Considérant que l'état des lieux de sortie du 27 octobre 1994 porte la mention très générale -certes signée par le locataire- rédigée en les termes suivants : "Manque d'entretien du locataire ", et ce, sans autre précision, de sorte que cette absence de constatations détaillées et complètes ne permet pas à la SA CRIT de venir maintenant, au vu d'un devis établi à sa demande, le 16 juin 1995, réclamer une remise à neuf quasi générale des lieux et ce, pour la somme importante de 156.245,75 francs T.T.C ; Considérant, qu'à toutes fins utiles, il est souligné que l'appelant ne parle pas de dégradations et de pertes (au sens de l'article 7-c) de la loi du 6 juillet 1989), alors que la remise en état réclamée suppose nécessairement que de telles dégradations auraient été commises ; qu'en réalité, l'état des lieux de sortie ne parle que "d'un manque d'entretien du locataire" et que cette formule, trop vague et trop générale ne peut concerner que l'obligation de "maintien en état de propreté" qui pèse sur le locataire (décret n°87-712 du 26 août 1987 - annexe III "parties intérieures") ; que par contre, tout ce qui touche aux canalisations ou aux radiateurs, tels que ceux-ci sont énumérés dans le devis, ne correspond pas aux réparations locatives prévues par ce même décret (annexe IV), dans la partie "installations de plomberie" ; Considérant, en définitive, que seule l'obligation de "maintien en état de propreté" pour les parties intérieures est retenue à la charge des locataires, ce qui implique la nécessité de travaux de nettoyage, et non pas de remise en état générale de toutes les peintures, des moquettes et des papiers peints ; que la Cour fixe à 15.000 francs le coût de ces travaux qui correspondent à ces réparations locatives (stricto sensu) et non pas à des dégradations ou des pertes qui ne sont même pas expressément invoquées et qui, en tout état de cause, ne sont pas décrites ni précisées par l'état des lieux de sortie qui s'est contenté de la formule trop large de "manque d'entretien du locataire" ; qu'il appartient à la SA CRIT qui est une professionnelle de l'immobilier et de la location d'immeubles à usage d'habitation, d'utiliser des imprimés et des formules détaillées et précises qui permettent au juge de déterminer avec exactitude le véritable état de chaque pièce et chacun de ses équipements, et de fixer ce qui relève des réparations locatives (stricto sensu) ou des dégradations et pertes ; Considérant que les époux X... sont donc condamnés à payer à l'appelante ces 15.000 francs de réparations locatives ; Considérant que la SA CRIT est donc déboutée de sa demande en paiement de 156.245,75 francs ; Considérant que, compte tenu de l'équité, la SA CRIT est déboutée de sa demande en paiement de 10.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; B/ Considérant qu'il a été ci-dessus indiqué que déjà l'état des lieux d'entrée, établi le 1er septembre 1982, mentionnait l'existence d'infiltrations et de traces d'humidité, et que de plus, il est démontré que pendant les douze années de leur occupation, les locataires ont formulé par écrit des réclamations et des doléances à leur sujet ; que notamment par leurs courriers du 9 septembre 1989 et du 8 novembre 1990, les époux X... faisant état, de manière précise, du mauvais état de la toiture, de la nécessité d'un ravalement de tout le bâtiment et de la vétusté de la chaudière ; que de plus, il est constant que, malgré les arrêtés du Maire d'ASNIERES sur SEINE, du 3 Mars 1989 puis du 20 Juillet 1990 ordonnant le ravalement des immeubles et des pavillons sur l'ensemble de la commune, la SA CRIT n'a procédé à aucun ravalement ; que d'une manière générale, cette bailleresse ne fait état d'aucun travaux qu'elle aurait fait exécuter dans ce pavillon, pendant douze années, au titre de sa propre obligation d'entretien (article 6-c) de la loi du 6 juillet 1989) ou au titre de la garantie qu'elle doit à ses locataires par les vices et défauts de son immeuble (article 6-b) de cette loi) ; Considérant que ce défaut d'entretien et de réparations imputable à cette bailleresse a causé à Monsieur X... un trouble de jouissance certain et direct en réparation duquel la SA CRIT est condamnée à payer 15.000 francs de dommages-intérêts ; Considérant que, compte tenu de l'équité, Monsieur X... est débouté de sa demande en paiement de 15.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que le jugement déféré est réformé sur ce point ; Considérant que le montant du dépôt de garantie (6.400 francs) reste acquis à la SA CRIT, compte tenu de la somme totale de 5.543,63 francs restant due par les locataires au titre du mois d'octobre 1994 et de la taxe de 1994, et des 15.000 francs de dommages-intérêts ci-dessus mis à leur charge ;

PAR CES MOTIFS

, LA COUR statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort : A) REFORMANT ET STATUANT A NOUVEAU : . DEBOUTE la SA CRIT de sa demande en paiement de 156.245,75 Francs TTC ; . CONDAMNE les époux X... à payer à la société appelante 15.000 francs (QUINZE MILLE FRANCS) au titre des réparations locatives ; . DEBOUTE la SA CRIT de sa demande en paiement fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; B/ CONDAMNE la SA CRIT à payer 15.000 francs (QUINZE MILLE FRANCS) de dommages-intérêts à Monsieur X... ; . DEBOUTE Monsieur X... de sa demande en paiement de 15.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et réforme sur ce point le jugement déféré ; . DIT ET JUGE que le dépôt de garantie de 6.400 francs reste acquis à la SA CRIT, compte tenu de la somme et 5.543,63 francs lui restant due par les époux X..., et des 15.000 francs de réparations locatives ci-dessus fixés contre eux . FAIT masse de tous les dépens de première instance et d'appel qui seront supportés pour les 3/4 par la SA CRIT et pour 1/4 par les époux X..., et qui seront recouvrés directement contre eux, dans ces proportions, par la SCP d'avoués JULLIEN & LECHARNY & ROL et par la SCP d'avoués GAS, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier, Le Président, Marie Hélène EDET Alban CHAIX