Cour de cassation, Chambre sociale, 12 mai 2021, 19-21.066

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2021-05-12
Cour d'appel de Lyon
2019-06-19
Tribunal de Commerce de LYON
2014-03-11

Texte intégral

SOC. IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 mai 2021 Cassation partielle sans renvoi Mme LEPRIEUR, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 535 F-D Pourvoi n° R 19-21.066 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 MAI 2021 La société Plymouth française, société anonyme à conseil d'administration, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 19-21.066 contre l'arrêt rendu le 19 juin 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [T] [G], domicilié [Adresse 2], 2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Plymouth française, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [G], après débats en l'audience publique du 16 mars 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 19 juin 2019), M. [G], engagé le 7 janvier 2008 en qualité de directeur administratif et financier par la société Plymouth française, a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique fixé au 3 septembre 2015 et a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 21 septembre 2015. 2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester la rupture de son contrat de travail et obtenir le paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014

, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen



Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de lui ordonner de rembourser les allocations de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois, alors « qu'en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ; qu'en l'espèce, il est constant que la rupture du contrat de travail du salarié est intervenue par suite de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle ; qu'en ordonnant cependant à la société Plymouth française de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de trois mois d'indemnités, sans tenir compte de la contribution versée par l'employeur à titre de participation au financement du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-69 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige. » Réponse de la Cour

Vu

l'article L. 1233-69 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, et l'article L. 1235-4 du même code, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 5. En l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail. 6. Après avoir jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a ordonné le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois.

7. En statuant ainsi

, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 10. L'employeur doit être déclaré tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié dans la limite de trois mois, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail. 11. Il convient de condamner la société Plymouth française, qui succombe pour l'essentiel, aux dépens.

PAR CES MOTIFS

, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement par la société Plymouth française des allocations de chômage versées à M. [G] à compter du jour du licenciement jusqu'à la décision, dans la limite de trois mois, l'arrêt rendu le 19 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Condamne la société Plymouth française à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [G] dans la limite de trois mois d'indemnités et sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ; Condamne la société Plymouth française aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Plymouth française et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Plymouth française PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. [G] est sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Plymouth Française à payer à M. [G] les sommes de 27.742, 26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et 85.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné à la société Plymouth Française le remboursement des allocations de chômage versées à M. [G] dans la limite de trois mois ; AUX MOTIFS QUE « Le courrier du 23 septembre 2015 rappelant les motifs du licenciement est postérieur à l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle. Monsieur [G] a donc été informé du motif économique de la rupture du contrat de travail par un courrier de l'employeur qui lui a été remis en main propre le 3 septembre 2015. Ce courrier fait état de différents éléments économiques motivant la suppression de l'emploi de Monsieur [G]. Il relate notamment le plan de redressement judiciaire de la société PLYMOUTH FRANÇAISE, les résultats de la société pour l'exercice 2014 conformes aux engagements pris, une baisse du chiffre d'affaires de près de 22% à fin juin 2015 par rapport à la même période en 2014 (toutes activités confondues), une situation économique préoccupante, non compensée par les faibles résultats de la société PLYMOUTH TUNISIE, nécessitant que soient immédiatement prises toutes mesures afin de permettre à la société d'une part de faire face à ses engagements et d'autre part d'assurer sa pérennité. Le courrier énonce donc des difficultés économiques, objectives, précises et matériellement vérifiables nécessitant la suppression de l'emploi de Monsieur [G], même s'il ne précise pas que la société a des 'difficultés économiques'. Le défaut de motivation de la lettre du 3 septembre 2015 n'est dès lors pas établi. La société PLYMOUTH FRANÇAISE, dont l'effectif est compris entre 50 et 100 salariés, a pour activité commerciale la transformation des caoutchoucs et des matières plastiques. Elle fait partie du même groupe que la société PLYMOUTH TUNISIE, qui intervient dans le même secteur d'activité qu'elle. Monsieur [X] [S] a été nommé directeur général de la société à compter du 1er juillet 2014. Le plan de redressement judiciaire, arrêté le 11 mars 2014 par le Tribunal de Commerce de LYON, impose à la société PLYMOUTH FRANÇAISE de rembourser ses créanciers à 100 % , en 10 annuités, sans intérêts, du 11 mars 2015 au 11 mars 2023, le passif de la société ayant été évalué à 4.782.345,27 euros. Ces annuités, qui s'élèvent respectivement à 2% du passif en mars 2015 et à 3% du passif en mars 2016 augmentent au cours de l'échéancier pour atteindre 15 % du passif à compter du 11 mars 2021. Le tableau d'évolution du chiffre d'affaire rectifié pour l'année 2015 de l'employeur fait apparaître un cumul total de chiffre d'affaires de 6.323.000 euros du 1er janvier au 30 juin 2015 au lieu de 8.150.000 euros pour la même période en 2014, soit 22 % de chiffre d'affaires en moins sur cette période. Néanmoins, il convient d'observer qu'à la date de la rupture du contrat, la baisse de chiffre d'affaires considérée n'était significative que sur le second trimestre 2015 (-36,30 %), étant seulement de 5,6 % pour les premier et troisième trimestres 2015. Les comptes de la société pour l'exercice 2015 n'étaient pas encore connus à la date du licenciement. Ils confirment une baisse du chiffre d'affaires de la société, soit 11.278.727 euros au 31 décembre 2015 au lieu de 14.128.771 euros au 31 décembre 2014 et révèlent un résultat net moindre, soit 64.828 euros au lieu de 681.24 euros. Mais les états financiers joints aux comptes annuels de la société mentionnent en ce qui concerne la continuité de l'exploitation les éléments suivants : 'Le résultat de l'exercice 2014 a très largement dépassé les prévisions arrêtées dans le plan ce qui a permis à la société de placer de la trésorerie en compte à terme d'une valeur d'une échéance. Le résultat de l'exercice 2015 est positif malgré un résultat exceptionnel déficitaire de 235.473 euros et une baisse importante du chiffre d'affaires. Pour 2016, la société a budgété un même niveau d'activité que 2015 et un même résultat. La deuxième échéance de remboursement a été payée en mars 2016 et les comptes à terme restent supérieurs à la prochaine échéance. C'est pour cette raison que les comptes annuels ont été établis sur une base de continuité d'exploitation.' Le détail du résultat exceptionnel déficitaire pour l'année 2015 montre qu'il comprenait notamment l'indemnité de licenciement de Monsieur [G] pour un montant de 146.972 euros. Au surplus, la société PLYMOUTH TUNISIE, dont la situation économique doit également être appréciée du fait qu'elle exerce dans le même secteur d'activité que la société PLYMOUTH FRANÇAISE, a bénéficié d'un résultat net positif tant pour l'année 2014 que pour l'année 2015. Il ressort de ces éléments que la société PLYMOUTH FRANÇAISE pouvait faire face aux échéances du plan de redressement et n'était pas menacée quant à sa survie quand elle a mis en oeuvre le licenciement de Monsieur [G]. La société PLYMOUTH FRANÇAISE ne justifie donc pas qu'elle rencontrait des difficultés économiques, particulières nécessitant la rupture du contrat de travail considéré, en sus de celles déjà prises en compte par le plan de redressement judiciaire. La société PLYMOUTH FRANÇAISE ne justifiant pas du motif économique qu'elle invoque, le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Monsieur [G] était fondé sur une cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du salarié » ; 1. ALORS QUE le juge doit apprécier la réalité et la gravité des difficultés économiques au regard des contraintes qui pèsent sur l'entreprise et de ses prévisions d'activité à court et moyen termes ; que l'inexécution des engagements pris par le débiteur dans le cadre d'un plan de redressement l'expose à la résolution de ce plan et à l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, il est constant que la société Plymouth Française, qui avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, s'est engagée dans le cadre du plan de redressement arrêté par le tribunal de commerce le 11 mars 2014 à rembourser ses créanciers, à hauteur de plus de 4,78 millions d'euros, en dix annuités et que ces annuités devaient progressivement augmenter ; que si, en 2014, elle avait réalisé un résultat supérieur aux prévisions lui ayant permis d'honorer les deux premières échéances de ce plan, elle avait subi, en 2015, une baisse de chiffre d'affaires de l'ordre de 20 % qui avait fortement réduit son résultat d'exploitation et son résultat net et ne prévoyait pas de redressement de son niveau d'activité en 2016 ; que la société Plymouth Française soutenait que la baisse de son chiffre d'affaires était structurelle et que, devant faire face à des échéances plus élevées à compter de l'année 2016, il était nécessaire qu'elle réduise ses charges fixes, le salaire de M. [G] représentant à lui seul environ 150.000 euros an ; qu'en se bornant à relever, pour dire que la société Plymouth Française ne justifiait pas de difficultés économiques nécessitant la rupture du contrat de M. [G], que les résultats de l'exercice 2014 lui ont permis de faire face aux deux premières échéances du plan de redressement, que les comptes 2015 ont été établis sur la base d'une continuité d'exploitation et que le résultat déficitaire d'exploitation de l'année 2015 comprend l'indemnité de licenciement de M. [G] pour un montant de 146.972 euros, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la baisse de chiffre d'affaires enregistrée en 2015 ne présentait pas un caractère structurel qui justifiait que, pour préserver sa capacité à assurer le remboursement de ses créanciers au risque d'une résolution du plan de redressement, la société Plymouth Française réduise ses coûts fixes et qui n'a pas compte, dans son analyse, de l'importance des charges correspondant à l'emploi de M. [G], a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 2. ALORS QU' en se bornant à relever, pour affirmer que la société Plymouth Française ne rencontrait pas de difficultés économiques nécessitant la suppression du poste de M. [G], que les résultats de l'exercice 2014 lui ont permis de faire face aux deux premières échéances du plan de redressement, que les comptes 2015 ont été établis sur la base d'une continuité d'exploitation et que le résultat déficitaire d'exploitation de l'année 2015 comprend l'indemnité de licenciement de M. [G] pour un montant de 146.972 euros, la cour d'appel n'a pas fait ressortir que la société Plymouth Française, qui ne prévoyait pas d'augmentation de son niveau d'activité en 2016, aurait pu, sans la suppression de l'emploi de M. [G] qui représentait des charges fixes d'environ 150.000 euros par an, faire face aux échéances à venir, de plus en plus importantes, du plan de redressement ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ; 3. ALORS QUE si le juge doit apprécier le motif économique du licenciement au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise, il doit mettre en rapport l'importance des pertes d'exploitation de l'entreprise avec les résultats positifs des autres sociétés du groupe ; qu'en l'espèce, la société Plymouth Française soutenait que les résultats positifs de la société Plymouth Tunisie étaient très insuffisants pour compenser ses faibles résultats en 2015, sa filiale tunisienne ayant enregistré un résultat d'exploitation positif à hauteur de 128.000 euros et un résultat net de seulement 59.735 euros ; qu'en relevant encore, pour dire que le licenciement ne repose pas sur un motif économique réel et sérieux, que la société Plymouth Tunisie a bénéficié d'un résultat net positif tant pour l'année 2014 que pour l'année 2015, sans mettre ces résultats en rapport avec les résultats de la société Plymouth Française et le montant de ses échéances, dont le remboursement conditionnait la poursuite de l'activité de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné à la société Plymouth Française le remboursement des allocations de chômage versées à M. [G] dans la limite de trois mois ; AUX MOTIFS QUE « en application de l'article L. 1235-4 du code du travail il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié à compter du jour du licenciement jusqu'à la présente décision, dans la limite de 3 mois » ; ALORS QU' en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ; qu'en l'espèce, il est constant que la rupture du contrat de travail de M. [G] est intervenue par suite de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle ; qu'en ordonnant cependant à la société Plymouth Française de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de trois mois d'indemnités, sans tenir compte de la contribution versée par l'employeur à titre de participation au financement du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-69 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige.