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Tribunal administratif de Bastia, 1ère Chambre, 24 janvier 2023, 2100809

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Bastia
  • Numéro d'affaire :
    2100809
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Satisfaction totale
  • Référence abrégée :
    TA Bastia, 24 janv. 2023, n° 2100809
  • Rapporteur : Mme Christine Castany
  • Nature : Décision
  • Avocat(s) : SUSINI
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Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Bastia
24 janvier 2023
Tribunal administratif
24 janvier 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2021, M. A B, représenté par Me Susini, demande au tribunal : 1°) d'annuler l'arrêté en date du 28 janvier 2021 par lequel le maire de Conca a retiré le permis de construire, intervenu tacitement le 17 octobre 2020, sur la parcelle cadastrée section B n° 945, lieudit " Favone " ; 2°) d'enjoindre à la commune de Conca de lui délivrer un certificat d'autorisation tacite, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Conca la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé, en ce qu'il ne comporte pas de considération de droit ; - cet arrêté méconnaît l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, le permis tacite ayant été retiré plus de trois mois après sa naissance ; - cet arrêté méconnaît l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, en ce que le délai de 7 jours laissé par l'administration pour présenter ses observations a été insuffisant et en ce qu'il n'a pu présenter d'observations orales malgré une demande expresse en ce sens ; - cet arrêté est entaché d'illégalité en ce que les travaux projetés ne modifiant pas l'économie générale du projet initial relèvent bien d'une demande de permis de construire modificatif. La requête a été communiquée à la commune de Conca qui n'a pas produit de mémoire en défense, malgré une mise en demeure. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Jan Martin, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Christine Castany, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit

: 1. Par un arrêté du 12 décembre 2018, le maire de Conca a délivré à M. B un permis de construire une maison, une dépendance et une piscine sur la parcelle cadastrée section B n° 945, lieudit " Favone ". Le 17 août 2020, M. B a déposé en mairie de Conca une demande de permis de construire modificatif portant sur la suppression de la dépendance, l'implantation du bâtiment existant, la simplification de la toiture, la création d'un escalier pour l'accès au garage et les menuiseries de cette construction. En application du b) de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme, du silence de l'administration durant deux mois est né, le 17 octobre 2020, un permis tacite. Par l'arrêté du 28 janvier 2021, le maire de Conca a retiré ledit permis tacite. M. B demande au tribunal d'annuler ce dernier arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. () ". 3. Compte tenu de l'objectif de sécurité juridique poursuivi par le législateur, l'autorité compétente ne peut rapporter un permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, que si la décision de retrait est notifiée au bénéficiaire du permis avant l'expiration du délai de trois mois suivant la date à laquelle ce permis a été accordé. 4. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 1, M. B s'est trouvé titulaire d'un permis de construire tacite à compter du 17 octobre 2020. Dès lors, l'arrêté litigieux en date du 28 janvier 2021 ayant été pris postérieurement au délai de trois mois prévu par les dispositions précitées de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, le moyen tiré de l'inexacte application de ces dispositions doit être accueilli. 5. En deuxième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui reprennent les termes de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 que, exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable qui implique que ces décisions n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. L'article L. 211-2 du même code prévoit que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : () 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ". La décision portant retrait d'un permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées au sens de ces dernières dispositions et doit, par suite, être précédée de la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées, qui constitue une garantie pour le titulaire du permis que l'autorité administrative entend rapporter. Ces dispositions font obligation à l'autorité administrative de faire droit, en principe, aux demandes d'audition formées par les personnes intéressées en vue de présenter des observations orales, alors même qu'elles auraient déjà présenté des observations écrites. Seul le caractère abusif d'une telle demande permet à l'autorité administrative de l'écarter. 6. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 17 décembre 2020, le maire de Conca a informé M. B qu'il envisageait de retirer le permis tacite dont il était titulaire en portant à sa connaissance les motifs sur lesquels le préfet entendait se fonder pour prononcer ce retrait. En réponse à cette communication, M. B a adressé à cette commune une lettre, datée du 24 décembre 2020, pour lui faire part de ses observations écrites et a expressément demandé à présenter des observations orales en proposant un rendez-vous. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration ait donné suite à cette demande. Il s'ensuit que M. B ayant été privé d'une garantie, est fondé à soutenir que l'arrêté litigieux est intervenu au terme d'une procédure irrégulière. 7. En troisième lieu, l'autorité compétente, saisie d'une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d'un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n'est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. 8. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la demande de permis modificatif en cause porte sur la suppression d'une dépendance, l'implantation du bâtiment existant, la simplification de la toiture, la création d'un escalier pour l'accès au garage et les menuiseries de cette construction. Dès lors, en l'absence de dénaturation du projet originel de M. B et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les travaux des constructions initialement autorisées auraient été achevés, le requérant est fondé en soutenir qu'en estimant que sa demande était soumise à l'obtention d'un nouveau permis de construire, le maire de Conca a commis une erreur de droit. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Conca du 28 janvier 2021. 10. Enfin, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, l'autre moyen invoqué par le requérant n'est pas susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation prononcée. Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte : 11. Il ressort des pièces du dossier que le 28 octobre 2020, le maire de Conca a délivré à M. B un certificat de permis tacite. Il suit de là que l'annulation de la décision attaquée de retrait dudit permis tacite ayant pour effet de faire renaître ledit permis, les conclusions de M. B à fin d'injonction au maire de Conca de lui délivrer ledit certificat doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'astreinte doivent également être rejetées. Sur les frais liés au litige : 12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Conca une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du maire de Conca du 28 janvier 2021 est annulé. Article 2 : La commune de Conca versera à M. B une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et à la commune de Conca. Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient : M. Thierry Vanhullebus, président ; M. Jan Martin, premier conseiller ; Mme Pauline Muller, conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023. Le rapporteur, signé J. B Le président, signé T. VANHULLEBUS La greffière, signé H. MANNONI La République mande et ordonne au préfet de la Corse-du-Sud en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, H. MANNONI