Tribunal de grande instance de Paris, 21 mai 2010, 2009/01083

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2009/01083
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : NINETY EIGHT
  • Classification pour les marques : CL24 ; CL25
  • Numéros d'enregistrement : 3434226
  • Parties : CAD SNC / ESPRIT DE CORP FRANCE SA ; ESPRIT RETAIL BV ET Co. KG (Allemagne)

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2012-05-09
Tribunal de grande instance de Paris
2010-05-21

Texte intégral

TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS3ème chambre 3ème sectionN°RG: 09/01083Assignation du : 14 Janvier 2009JUGEMENT rendu le 21 Mai 2010 DEMANDERESSE Société CAD SNC[...] - ZA La Mottais 35140 ST AUBIN DU CORMIER représentée par Me Guillaume LE FOYER DE COSTIL, de la SCP LE FOYER DE COSTIL avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0019 DÉFENDERESSES Société ESPRIT DE CORP FRANCE SA[...] Société ESPRIT RETAIL BV & CO KGEsprit allée,40882 RATINGEN (ALLEMAGNE) représentées par Me Alexandra NERI, du CABINET HERBERT SMITH LLP avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0025 COMPOSITION DU TRIBUNAL Agnès T. Vice-Président, signataire de la décision Myriam Z, Vice Président, Mélanie BESSAUD, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DEBATS A l'audience du 23 Mars 2010 tenue en audience publique JUGEMENT Prononcée par remise de la décision au greffeContradictoire en premier ressort Faits constants: La société CAD est titulaire de la marque française "NINETY EIGHT" enregistrée à l'INPI le 9 juin 2006 sous le numéro 3434226 notamment pour des vêtements en classe 25. La société CAD indique qu'elle exploite cette marque soit directement soit dans le cadre de conventions conclues avec les sociétés du groupe DISTRICENTER, auquel elle appartient, qui exploitent un réseau de 115 magasins de vêtements sur le territoire français. Les sociétés ESPRIT DE CORP FRANCE et ESPRIT RETAIL BV&CO appartiennent au groupe ESPRIT qui commercialise depuis la fin des années 60 des articles de prêt à porter ainsi que divers accessoires. La société CAD dit avoir constaté que la société ESPRIT DE CORP FRANCE propose à la vente, sur le site internet "www.esprit.fr", des Tee-shirts sur lesquels est apposé le signe NINETY EIGHT. Le 27 août 2008 la société CAD a mis en demeure la société ESPRIT DE CORP FRANCE de retirer l'ensemble des produits litigieux de la vente et de lui fournir une copie de la vente des produits concernés afin d'en identifier le fournisseur. Cette mise en demeure est demeurée infructueuse. Le 31 octobre 2008 la société CAD a fait dresser par Maître Jérôme L, huissier de justice, un procès-verbal constatant la vente des Tee-shirts litigieux sur le site internet "www.esprit.fr". Par acte sous seing privé en date du 14 janvier 2009, la société CAD a assigné la société ESPRIT DE CORP FRANCE devant le tribunal de grande instance en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire. Par conclusions signifiées le 28 avril 2009, la société ESPRIT DE CORP FRANCE a indiqué qu'elle n'est pas l'éditrice du site internet litigieux "www.esprit.fr" et qu'elle doit donc être mise hors de cause, elle est juste titulaire du nom de domaine puisqu'en application de la charte de nommage du ".fr" de l'AFNIC, le déposant personne morale doit avoir son siège social ou à tout le moins un établissement situé en France. La société ESPRIT DE CORP fait valoir qu'il convient de faire intervenir à l'instance la société éditrice et exploitante du site internet litigieux qui est la société allemande ESPRIT RETAIL B.V &CO. Par acte d'huissier de justice en date du 23 juillet 2009. la société CAD a donc assigné la société ESPRIT RETAIL B.V&CO. Les deux instances ont été jointes le 27 octobre 2009, par le juge de la mise en état. Par dernières conclusions signifiées le 23 Février 2010, la société CAD a principalement demandé au tribunal, au visa des articles L 713-2, L 716-1 et L 716-14 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 1382 du code civil, de : Dire et juger que la marque «NINETY EIGHT» inscrite sur les T-shirts litigieux constitue une copie servile de la marque «NINETY EIGHT» antérieurement déposée par la société CAD; Dire et juger que les sociétés ESPRIT DE CORP FRANCE et ESPRIT RETAIL BV & CO KG ont commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société CAD

; En conséquence

: Condamner solidairement les sociétés ESPRIT DE CORP FRANCE et ESPRIT RETAIL BV & CO KG à payer à la société CAD la somme forfaitaire de 50.000 € à titre de dommages-intérêts pour contrefaçon de marque par reproduction et usage de marque reproduite ; Les condamner solidairement à verser à la demanderesse la somme de 50.000 € à titre de dommages- intérêts pour concurrence déloyale ; Les condamner solidairement à verser à la demanderesse la somme de 50 000 € à titre de dommages- intérêts pour parasitisme; Faire interdiction aux sociétés ESPRIT DE CORP FRANCE et ESPRIT RETAIL BV & CO KG de faire usage à quelque titre que ce soit de la marque numéro 3434226 dont la société CAD est titulaire sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée à compter de la signification du jugement ; Ordonner la destruction de tous modèles de T-shirts reproduisant la marque numéro 3434226, en quelque lieu que ce soit, aux frais des sociétés ESPRIT DE CORP FRANCE et ESPRIT RETAIL BV & CO KG, sous contrôle d'un Huissier de Justice et sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ; Ordonner lapublication de la décision à intervenir dans quatre journaux au choix de la société CAD et aux frais des sociétés ESPRIT DE CORP FRANCE et ESPRIT RETAIL BV & CO KG dans la limite de 1.000 € par insertion; - Condamner solidairement les sociétés ESPRIT DE CORP FRANCE et ESPRIT RETAIL BV & CO KG à payer à la société CAD la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir; - Les condamner aux entiers dépens qui comprendront les frais et honoraires de l'Huissier ayant effectué le procès-verbal de saisie et admettre la SCP LE FOYER DE COSTIL au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.La société CAD soutient principalement : Sur la contrefaçon de la marque -que la mention "NINETY EIGHT" sur les vêtements litigieux constitue une reproduction servile de sa marque NINETY EIGHT qu'elle utilise également pour des vêtements.-que l'inscription de la marque de la défenderesse "edc by esprit" en dessous de la mention NINETY EIGHT est totalement distincte de la marque NINETY EIGHT reproduite. Ainsi contrairement à ce qu'affirme la défenderesse l'article L. 713-2 a) du code de la propriété intellectuelle relatif à la contrefaçon par reproduction est donc applicable. Sur la concurrence déloyale et parasitaire.-que le risque de confusion engendré par l'acte de contrefaçon justifie une condamnation sur la base de la concurrence déloyale.-que la mention de la marque "edc by esprit" sous la marque de la demanderesse est fautive car elle peut laisser croire à une opération de co-branding: opération par laquelle des marques collaborent pour présenter une collection commune.-qu'en reprenant à l'identique une marque exploitée par un concurrent, et en s'inscrivant dans son sillage, les sociétés ESPRIT ont bénéficié des investissements réalisés par la société CAD sans bourse délier et en ont tiré un profit commercial. Sur le préjudice.-que la société CAD a subi un manque à gagner du fait de l'exploitation contrefaisante de sa marque pour des produits vendus sur internet, -que l'atteinte portée à la valeur distinctive de la marque NINETY EIGHT entraîne une perte de sa valeur patrimoniale et corrélativement une perte financière.-que les sociétés défenderesses ont détourné la clientèle de la société CAD et profité des efforts de promotion et de commercialisation de cette dernière pour valoriser sa marque et fidéliser sa clientèle, - qu'en conséquence, la société CAD sollicite du tribunal la condamnation solidaire des sociétés défenderesses à lui verse la somme forfaitaire de 50.000 euros au titre de la contrefaçon ; 50.000 euros au titre de la concurrence déloyale et 50.000 euros au titre des agissements parasitaires. Par dernières conclusions signifiées le 12 janvier 2010, les sociétés ESPRIT DE CORP FRANCE SA et ESPRIT RETAIL BV & CO KG, demandent principalement au tribunal de : - Mettre hors de cause la société ESPRIT DE CORP FRANCE; - Constater que la société ESPRIT RETAIL BV & CO KG est le seul éditeur du site "www.esprit.fr" ; En conséquence, - Débouter la société CAD de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à rencontre de la société ESPRIT DE CORP FRANCE. En tout état de cause, - Vu l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, - Dire et juger que l'usage du syntagme "NINETYEIGHT EDC BY ESPRIT" effectué par ESPRIT RETAIL BV & CO KG en association aux marques EDC et ESPRIT est fait à des seules fins décoratives et non à titre de marque; - Dire et juger qu'il n'existe aucun risque de confusion entre le syntagme "NINETYEIGHT EDC BY ESPRIT" et la marque de la société CAD; - Dire et juger que la société ESPRIT RETAIL BV & CO KG n'a commis aucun acte de contrefaçon de la marque "NINETY EIGHT" n°3 434 226 détenue par la so ciété CAD; - Dire et juger que la société ESPRIT RETAIL BV & CO KG n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ou de parasitisme au détriment de la société CAD; - Dire et juger que la société CAD ne démontre aucun préjudice du fait de l'utilisation du syntagme "NINETYEIGHT EDC BY ESPRIT" par ESPRIT RETAIL BV & CO KG; - Dire et juger que les mesures de destructions sollicitées par la société CAD sont disproportionnées et ne sauraient au surplus être prononcées en dehors du territoire français; - Dire et juger que les mesures de publication sollicitées par la société CAD sont disproportionnées et inappropriées; En conséquence, - Débouter la société CAD de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions. - Condamner la société CAD à verser à la société ESPRIT DE CORP FRANCE la somme de 10.000 euros pour procédure abusive; - Condamner la société CAD à verser à chacune des sociétés ESPRIT DE CORP FRANCE et ESPRIT RETAIL BV & CO KG la somme de 10.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Ordonner l'exécution provisoire; - Condamner la société CAD aux dépens, dont distraction au profit du cabinet Herbert Smith LLP, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Ces sociétés ont principalement fait valoir : Sur la mise hors de cause de la société ESPRIT DE CORP -qu'il est de jurisprudence constante que le seul responsable du contenu d'un site internet est son éditeur et non celui qui a réservé le nom de domaine. En l'espèce, la société ESPRIT DE CORP détient le nom de domaine "www.esprit.fr" mais, comme le font apparaître les conditions générales de vente du site "www. esprit.fr", l'exploitant du site internet litigieux est la société ESPRIT RETAIL B.V &CO dont le siège est en Allemagne,En conséquence, la société ESPRIT DE CORP n'étant pas l'éditrice du site litigieux, elle sera mise hors de cause. Sur l'absence de contrefaçon de marque. -qu'il n'est pas porté atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir l'identité d'origine du produit qu'elle désigne. En l'espèce le nombre NINETY EIGHT figure sur les T-shirts litigieux comme élément décoratif, il ne permet pas d'identifier une entreprise et l'origine du produit.-que la société CAD ne peut s'octroyer le monopole sur le nombre "NINETY EIGHT' que l'usage de ce signe serait lié à la date de lancement de la marque "edc by esprit" en 1998. -que contrairement à ce que prétend la société CAD, il n'y a pas reproduction à l'identique de la marque. Les marques "EDC" "BY ESPRIT" apparaissent sur le T-shirt litigieux accolées au nombre NINETY EIGHT. Il faut donc comparer l'ensemble de la combinaison NINETY EIGHT EDC BY ESPRIT" avec la marque NINETY EIGHT de la demanderesse.-que le risque de confusion est inexistant. En effet, le signe NINETY EIGHT n' a été utilisé qu'à titre décoratif. Il est accompagné de manière visible des marques "EDC" et "BY ESPRIT"; les consommateurs savent donc que les T-shirts litigieux proviennent de chez ESPRIT. La présence des marques EDC BY ESPRIT exclut toute ressemblance visuelle, phonétique et conceptuelle entre les signes en cause. Enfin la marque NINETY EIGHT est très faiblement distinctive. Sur l'absence de concurrence déloyale et parasitaire.-que la société CAD, qui ne démontre pas exploiter elle-même la marque NINETY EIGHT, est irrecevable à agir en concurrence déloyale et parasitaire.-que la société demanderesse ne rapporte pas la preuve que les faits invoqués au fondement de son action en concurrence déloyale soient distincts de ceux invoqués au fondement de son action en contrefaçon. -que les agissements parasitaires ne sont pas caractérisés. La société CAD prétend que les sociétés ESPRIT auraient bénéficié de ses investissements pour développer la marque NINETY EIGHT mais ne verse aux débats aucun élément justifiant desdits investissements. Sur l'absence de préjudice subi par la société CAD.-que la société CAD ne démontre pas que la commercialisation des T-shirts litigieux ait entraîné des conséquences économiques négatives sur ses ventes ou un gain manqué.-que la société CAD ne rapporte aucun élément permettant de justifier l'octroi à son profit d'une somme forfaitaire. MOTIFS DE LA DÉCISION - Sur la contrefaçon La société CAD fonde ses prétentions sur l'application de l'article L 713-2 a) du Code de la Propriété Intellectuelle, aux termes duquel : "Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : "formule, façon, système, imitation, genre, méthode ", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement", la marque verbale "ninety eight" dont elle est titulaire étant selon elle reproduite à l'identique sur les tee shirts litigieux. La société défenderesse soutient que ce texte n'est pas applicable à l'espèce car le signe litigieux qui doit être comparé avec la marque opposée est constitué par le syntagme "NINETY EIGHT EDC BY ESPRIT", qui doit être pris dans son ensemble, seul l'article L713-3 du code de la propriété intellectuelle serait applicable. En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats, notamment du procès-verbal dressé le 31 octobre 2008, sur internet par Maître L, Huissier de Justice à Paris, que sont proposés à la vente sur internet des tee shirts sur lesquels figurent en caractères majuscules et en arc de cercle les mots "NINETY EIGHT " et juste en dessous sur deux lignes écrits en caractères cursifs, plus petits, le signe "edc" puis les mots "by esprit", les cinq mots étant regroupés au niveau de la poitrine. Il convient de relever que si les mots " edc by esprit" sont écrits en plus petits caractères que le signe "NINETY EIGHT" pour autant, ils sont visuellement très apparents et ils sont situés à proximité immédiate du signe "NINETY EIGHT", de telle sorte qu'ils forment avec celui-ci un ensemble, qui doit être appréhendé dans sa globalité. Il est constant qu'un signe n'est identique à la marque que s'il reproduit, sans modification, ni ajout tous les éléments constituant la marque ou si considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen. Les signes "edc" et "by esprit" qui figurent sous le signe "NINETY EIGHT", même s'il sont écrits en caractères plus petits que le signe "NINETY EIGHT", ne sauraient, pour autant être considérés comme constituant des différences insignifiantes entre la marque opposée et le signe argué de contrefaçon. Dès lors, l'appréciation des signes en présence doit se faire dans leur globalité et le syntagme apposé sur les vêtements litigieux ne constitue pas la reproduction à l'identique de la marque opposée. Dans ces conditions les signes en présence étant différents, c'est au regard de l'article 713-3 b) du Code de la Propriété Intellectuelle qui dispose que "sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement', qu'il convient d'apprécier le grief de contrefaçon. Les produits commercialisés sous le signe litigieux sont identiques, aux produits visés dans l'enregistrement de la marque opposée s'agissant dans les deux cas de vêtements. L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. D'un point de vue visuel, il y a une reprise à l'identique des mots "ninety eight". Phonétiquement, les deux signes sont distincts puisque la marque opposée est composée de deux mots et le signe argué de contrefaçon est composé de cinq mots. Sur le plan intellectuel, il y a reprise à l'identique du nombre 98 écrit en langue anglaise, mais dans le signe argué de contrefaçon il est accompagné des signes "edc" et "by esprit" qui font références aux marques "edc" et "esprit" de la société ESPRIT INTERNATIONAL, appartenant au même groupe que les sociétés défenderesses. Pour que l'atteinte à la marque soit constituée il faut que le signe litigieux ait été utilisé à titre de marque pour désigner des produits et services. Il n'est pas contestable que les marques ne sont plus reproduites uniquement sur des étiquettes mais également sur les vêtements eux mêmes et peuvent également constituer des motifs décoratifs. L'article L713-3 b) doit être interprété au regard de l'article 5, 1 aux termes duquel :"la marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement de faire usage, dans la vie des affaires : b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe il existe , dans l'esprit du public , un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque". Il est constant que la perception par le public d'un signe comme constituant un ornement ne saurait faire obstacle à la protection conférée par l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive lorsque, malgré son caractère décoratif, ledit signe présente une similitude avec la marque enregistrée telle que le public concerné est susceptible de croire que les produits proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement. En l'espèce, il convient donc d'apprécier si le consommateur moyen, lorsqu'il perçoit les vêtements litigieux sur lesquels est apposée l'inscription "NINETY EIGHT EDC BY ESPRIT", peut se méprendre sur l'origine de ce produit, en croyant que celui-ci est commercialisé par la société CAD titulaire de la marque "NINETY EIGHT". Cette appréciation dépend non pas uniquement du degré de similitude entre la marque et le signe, mais également de la facilité avec laquelle le signe peut être associé à la marque eu égard, notamment, à la connaissance de cette dernière sur le marché. En effet, plus la marque est connue, plus grand sera le nombre d'opérateurs qui voudront utiliser des signes similaires. En l'espèce le signe "ninety eight" , est une marque faiblement distinctive et il n'est pas démontré qu'elle aurait une notoriété quelconque pour désigner des vêtements. En revanche, il est constant que la marque "esprit" bénéficie d'une certaine notoriété dans le domaine du vêtement. Dès lors, le consommateur sera amené à penser que dans le syntagme figurant sur le tee shirt litigieux, ce sont les mots "by esprit" qui sont importants et qui renvoient à l'origine du produit. Dans ces conditions , il résulte de l'ensemble de ces éléments que malgré l'identité des produits concernés, le consommateur moyen de la catégorie des produits concernés, s'agissant de tee shirts, normalement attentif et raisonnablement attentif et avisé , qui ne disposera pas en même temps des deux signes sous les yeux ne sera pas conduit à leur attribuer une origine commune, ni même à les associer, puisqu'il ne sera pas conduit à dissocier le signe NINETY EIGHT du signe "EDC BY ESPRIT" . La société CAD sera donc déboutée de ses demandes formées à ce titre, le caractère contrefaisant des produits proposés à la vente n'étant pas établi. - Sur la concurrence déloyale La société CAD soutient que les sociétés défenderesses auraient commis à son encontre des actes de concurrence déloyale et parasitaire. Cependant elle ne vise aucun acte distinct de ceux relevés au titre de la contrefaçon. Le tribunal relève, qu'il a été ci dessus démontré que le consommateur en présence des tee shirts litigieux n'isolera pas le signe "NINETY EIGHT" dans le syntagme " NINETY EIGHT edc by esprit", dès lors, aucune confusion n'est possible entre les produits. La société CAD soutient également que la mention de la marque "edc by esprit" sous la marque de la demanderesse est fautive car elle peut laisser croire à une opération de "co-branding", or de telles opérations qui donnent lieu à des collaborations entre marques ou entre marque et personnalité sont de plus en plus fréquentes, c'est ainsi qu'on a pu voir une collection "H&M by Madonna" "Lagerfed for H&M" ou "Eritokritos " pour Monoprix. Le tribunal relève qu'il ressort des pièces communiquées par la société CAD que "pour dorer, ou redorer leur image, se donner une légitimité créative ou conquérir de nouveaux publics les marques n'en finissent plus de "se" marier aux talents les plus en vue de la mode", ce phénomène ayant pour nom le "co- branding". En l'espèce, à supposer que le consommateur moyennement attentif et avisé, isole le signe "NINETY EIGHT " du signe "edc by esprit", il ne pourra faute d'une suffisante notoriété du signe "NINETY EIGHT" en déduire qu'il y aurait une opération de co-branding entre la marque "NINETY EIGHT" et la marque "edc by esrpit". Dans ces conditions, la société demanderesse n'établit aucune faute à l'encontre des sociétés défenderesses susceptibles d'ouvrir droit à réparation. Dès lors, il y lieu de débouter la demanderesse de ce chef de demande. - Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive Les sociétés défenderesses soutiennent que la société CAD en assignant à tort la société ESPRIT DE CORP FRANCE et en maintenant ses demandes à son encontre lui a causé un préjudice dont elle demande réparation. En l'espèce, il y a lieu d'observer que le procès verbal d'huissier établi sur internet le 31 Octobre 2008, sur le site "esprit.fr", ne fait pas ressortir qui est l'éditeur du site. Les sociétés défenderesses qui soutiennent que la société ESPRIT RETAIL BV &CO KG est l'éditeur du site, versent à l'appui de leurs dires des pages écrans dudit site éditées le 20 avril 2009, lesquelles à l'évidence n'établissent pas leur qualité à l'époque de la délivrance de l'assignation. Par ailleurs, elles reconnaissent que le titulaire de ce site est bien la société ESPRIT DE CORP FRANCE, la charte de nommage AFNIC imposant à l'époque que le titulaire d'un nom de domaine avec une extension ".fr" ait son siège social en France. Elles prétendent que seul l'éditeur du site serait responsable de son contenu et non celui qui réservé le nom de domaine. Pour autant, elles se prévalent d'une décision du tribunal de grande instance de Nanterre et de deux décisions du tribunal de grande instance de Paris, qui à l'évidence ne sauraient à elles seules justifier de l'existence d'une jurisprudence constante quant à la détermination de la responsabilité de l'éditeur du site plutôt que de celle du titulaire du nom de domaine. Dès lors, la demanderesse n'a commis aucune faute en maintenant ses poursuites à l'encontre de la société ESPRIT DE CORP FRANCE, titulaire du nom de domaine litigieux, le tribunal étant appelé, dans l'hypothèse où les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale étaient retenus, à définir la responsabilité de chacune des sociétés défenderesses dans leur commission. La société ESPRIT DE CORP FRANCE, sera déboutée de sa demande à ce titre, faute pour elle de rapporter la preuve d'une quelconque faute, intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de la société CAD. - Sur les autres demandes II y a lieu de condamner la société CAD, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; En outre, elle doit être condamnée à verser aux sociétés défenderesses, qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une somme totale qu'il est équitable de fixer à la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.L'exécution provisoire, n'apparaît pas nécessaire en l'espèce.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort, Déboute la société CAD de l'ensemble de ses demandes, Déboute la société ESPRIT DE CORP FRANCE de sa demande reconventionnelle en procédure abusive, Condamne la société CAD à payer aux sociétés ESPRIT DE CORP FRANCE et ESPRIT RETAIL BV & CO KG R la somme totale de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société CAD aux dépens, avec distraction au profit du cabinet HERBERT SMITH LLP, en application de l'article 699 du code de procédure civile. Fait et jugé à PARIS le 21 mai 2010.