Cour d'appel de Paris, 16 octobre 2020, 19/02912

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    19/02912
  • Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Paris, 9 novembre 2018
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/6253cdd9bd3db21cbdd94b56
  • Président : M. Claude CRETON
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2020-10-16
Tribunal de grande instance de Paris
2018-11-09

Texte intégral

Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Cour d'appel de Paris Pôle 4 - chambre 1

Arrêt

du 16 octobre 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : RG 19/02912-Portalis 35L7-V-B7D-B7HZV Décision déférée à la cour : jugement du 09 novembre 2018 -tribunal de grande instance de Paris - RG 16/13886 APPELANT Monsieur D... C... [...] [...] Représenté par Me Valérie TOUTAIN de HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0848 INTIMES Monsieur I... T... [...] [...] n'a pas constitué avocat SA ALLIANZ IARD [...] [...] [...] Représentée par Me Damien JOST de la SELEURL CABINET JOST JURIDIAG, avocat au barreau de PARIS, toque : B0229 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Claude CRETON, président et Mme Christine BARBEROT, conseillère, chargée du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. Claude CRETON, président Mme Christine BARBEROT, conseillère Mme Monique CHAULET, conseillère Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER ARRET : - défaut - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Claude CRETON, président et par Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition. *** Par acte authentique du 29 décembre 2015, M. D... C... a vendu à M. G... V..., au prix de 705 000 €, le lot no 8 de l'état de division d'un ensemble immobilier en copropriété sis [...] , soit un appartement au 4e étage composé de quatre pièces et d'une cuisine, étant précisé à l'acte que, dans sa désignation actuelle, l'appartement, situé au 5e étage, était composé ainsi qu'il suit : entrée, séjour, deux chambres, cuisine, salle de bains, water-closets, sa superficie au sens de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 étant de 80,05 m2 selon le certificat de mesurage établi le 21 août 2015 par M. I... T..., exploitant sous l'enseigne "[...] ". Par acte extra judiciaire du 20 septembre 2016, M. V... a assigné M. C... en paiement de la somme de 50 199,95 € au titre de la réduction du prix, invoquant une superficie du lot de 74,35 m2 au sens du texte précité. Par acte extra judiciaire du 27 février 2017, M. C... a assigné M. T... et son assureur, la société Allianz IARD, en paiement de dommages-intérêts. Les deux instance ont été jointes. C'est dans ces conditions que, par jugement du 9 novembre 2018, le Tribunal de grande instance de Paris a : - condamné M. C... à payer à M. V... la somme de 46 853 € au titre de la diminution du prix de vente à raison de la moindre superficie, - débouté M. V... de ses demandes de condamnation de M. T... et de son assureur à lui verser une quelconque somme d'argent au titre de la diminution du prix de vente à raison de la moindre mesure, - condamné M. T... à verser à M. V... la somme de 960 € de dommages-intérêts au titre des frais de géomètre, - débouté M. C... de ses demandes de dommages-intérêts à l'encontre de M. T... et de son assureur, - débouté la société Allianz IARD de sa demande en paiement par M. C... de la somme de 1 000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive, ainsi que de celle tendant à ce qu'il la relève de toute condamnation prononcée contre elle, - condamné M. T... aux dépens et à payer, en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 3 000 € à M. V... et la même somme à M. C.... Par dernières conclusions, M. C..., appelant, demande à la Cour de : - réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de M. T... et de son assureur, - statuant à nouveau : - condamner in solidum M. T... et la société Allianz IARD à lui payer la somme de 45 000 € de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de vendre le bien au prix escompté de 705 000 €, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2019, - condamner in solidum M. T... et la société Allianz IARD à lui payer la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus. Par dernières conclusions, la société Allianz IARD prie la Cour de : - vu les articles 1104, 1199, 1240, 1241 du Code civil, 46 de la loi du 10 juillet 1965, L. 112-6 du Code des assurances, - débouter M. C... de l'intégralité de ses demandes, - à titre principal : . confirmer le jugement entrepris, en particulier en ce qu'il a débouté M. C... de ses demandes de condamnation formulées contre elle, . condamner M. C... à lui payer la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus ; - à titre subsidiaire, dire que sa garantie ne peut être mobilisée que dans les conditions et limites définies par la police no 49614626, à savoir, notamment, une franchise contractuelle d'un montant de 1 500 € laquelle demeure opposable aux tiers. M. T..., assigné par acte délivré à son domicile, n'a pas constitué avocat.

SUR CE,

LA COUR L'instance à l'encontre du mesureur et de son assureur a été introduite le 27 février 2017, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la réforme du droit des obligations le 1er octobre 2016. Le jugement entrepris, qui n'est pas critiqué sur ce point, a retenu que le certificat de mesurage établi le 21 août 2015 par M. T..., figurant dans l'acte authentique de vente du 29 décembre 2015, était erroné en ce qu'il mentionnait que le lot no 8 avait une surface totale de 80,05 m2 au sens de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965. D'ailleurs, cette erreur de mesurage a été admise par le mesureur qui a conclu, dans un second certificat de mesurage qu'il a daté du 15 septembre 2015, à une superficie totale du lot de 74,35 m2. Ni le mesureur en première instance ni son assureur en cause d'appel n'établissent que le second certificat, qui ne mentionne pas qu'il serait fait en rectification du premier, aurait été porté à la connaissance du vendeur antérieurement à la vente du 29 décembre 2015 pour laquelle le mesurage avait été demandé. Si le vendeur a remercié le mesureur par courriel du 12 octobre 2015 de son envoi, rien n'indique que ce dernier renfermait le second mesurage. Au contraire, dans son courriel précité, le vendeur protestait de la qualité du document envoyé : "il me semble qu'il ne s'agit que d'une première version (vierge). En effet : . vous avez oublié de signaler l'existence d'une fenêtre dans le séjour (côté cour), . votre plan ne comporte aucune cote (longueur, largeur, hauteur qui doivent obligatoirement figurer sur tout plan digne de ce nom). Je vous envoie à titre d'exemple un plan(que je viens de commander et de recevoir pour un tarif identique) concernant l'appartement que je viens d'acheter dans une autre ville". M. T... a répondu le même jour : "oui c'est vrai. Je vais signaler à mon collègue". Aucun plan de l'appartement n'étayant les surfaces retenues dans les certificats, il s'en déduit que l'échange de courriels précités porte sur la confection d'un plan de l'appartement et non sur l'erreur de mesurage dont le certificat du 21 août 2015 était affecté. Par suite, M. T..., requis en sa qualité de professionnel du mesurage, a commis une faute en délivrant à M. C..., qui n'est pas professionnel du mesurage et avait acquis le bien le 19 décembre 1996, soit antérieurement à l'entrée en vigueur le 19 juin 1997 de la loi du 18 décembre 1996, un certificat erroné établi sur le fondement de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 et annexé par le notaire à l'acte authentique de la vente immobilière qu'il rédigeait. S'agissant des conséquences de cette faute, si la restitution, à laquelle le vendeur est tenu en vertu de la loi à la suite de la diminution du prix résultant d'une moindre mesure par rapport à la superficie convenue, ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable permettant une action en garantie, cependant, le vendeur peut se prévaloir à l'encontre du mesureur ayant réalisé un mesurage erroné, d'une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre, dès lors, d'une part, que la vente a porté sur un appartement et non sur des mètres carrés et, d'autre part, que la réduction de prix prescrite par l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 n'a pour objet, ni nécessairement pour effet, de ramener le prix de vente au juste prix, mais de sanctionner la violation d'une obligation légale. Au cas d'espèce, l'appartement est situé au 5e étage de l'immeuble situé [...] . La photographie en couleur incluse dans les conclusions de la société Allianz IARD montre un immeuble du 19e siècle de bonne facture dont la façade concave épouse la forme de la place en demi-lune au débouché de la [...] . Les photographies versées aux débats par M. C... attestent que l'appartement, qui dispose d'un balcon filant concave sur lequel donnent six portes-fenêtres, est lumineux et jouit d'une belle vue sur Montmartre, ainsi que sur le Sacré-Coeur, l'immeuble étant lui-même juché sur le flanc de cette colline. Les mêmes photographies montrant que les six fenêtres précitées, dont cinq donnent sur le boulevard de Rochechouart, sont pourvues de double-vitrage. Intérieurement, l'appartement, composé de trois pièces, respectivement selon le second mesurage de M. T..., de 23,90 m2, 23,63 m2 et 12,51 m2, ainsi que d'une cuisine de 10,67 m2, présente les caractéristiques requises pour un logement familial. Le 9e arrondissement dans le secteur de Montmartre est un quartier actuellement recherché par les acquéreurs. Le vendeur ayant offert de vendre le bien au prix de 819 000 €, commission de l'agent immobilier incluse et l'acquéreur ayant offert de l'acquérir au prix de 735 000 € frais d'agence inclus, c'est donc en fonction des caractéristiques précitées que le vendeur et l'acquéreur ont estimé le juste prix à la somme de 705 000 €, étant observé que ce n'est que par la volonté du législateur, qui a entendu réglementer, par un texte d'ordre public, l'information relative à la superficie des parties privatives vendues, contraignant les vendeurs à recourir aux services d'un professionnel du mesurage, que M. C... a dû restituer à l'acquéreur une partie du prix convenu avec lui. Ainsi, à la suite de l'erreur de mesurage de M. T..., M. C... a perdu la chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre, les éléments précités permettant d'évaluer le préjudice du vendeur à la somme de 45 000 € au paiement de laquelle il y a lieu de condamner in solidum M. T... et la société Allianz IARD avec intérêt au taux légal à compter du présent arrêt, la condamnation à l'encontre de l'assureur étant prononcée sous réserve de l'application de la franchise contractuelle d'un montant de 1 500 €. La solution donnée au litige emporte le rejet de la demande, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, de la société Allianz IARD. L'équité commande qu'il soit fait droit à la demande de M. C..., sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a débouté M. D... C... de ses demandes de dommages-intérêts à l'encontre de M. I... T... et de son assureur ; Statuant à nouveau : Condamne in solidum de M. I... T... et la SA Allianz IARD à payer à M. D... C... la somme de 45 000 € de dommages-intérêts sous réserve, s'agissant de la condamnation à l'encontre de la SA Allianz IARD de l'application de la franchise contractuelle d'un montant de 1 500 € ; Rejette les autres demandes ; Condamne in solidum de M. I... T... et la SA Allianz IARD aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Condamne in solidum de M. I... T... et la SA Allianz IARD à payer à M. D... C... la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel. Le greffier, Le président,