Cour de cassation, Troisième chambre civile, 27 avril 2017, 16-12.847, 16-12.895

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2017-04-27
Cour d'appel de Versailles
2015-11-26

Texte intégral

CIV.3 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 27 avril 2017 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 448 F-D Pourvoi n° V 16-12.847 X 16-12.895 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ I - Statuant sur le pourvoi n° V 16-12.847 formé par : 1°/ Mme [U] [C], épouse [U], domiciliée [Adresse 1], [Localité 1], 2°/ Mme [E] [X], épouse [K], domiciliée [Adresse 2], [Localité 1], contre un arrêt rendu le 26 novembre 2015 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige les opposant : 1°/ à la société MPC, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 2], 2°/ à M. [I] [N], domicilié [Adresse 3], [Localité 2], défendeurs à la cassation ; II - Statuant sur le pourvoi n° X 16-12.895 formé par : 1°/ M. [I] [N], 2°/ la société MPC, société civile immobilière, contre le même arrêt, dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [U] [C], épouse [U], 2°/ à Mme [O] [K], veuve [X], défenderesses à la cassation ; Les demanderesses au pourvoi n° V 16-12.847 invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Les demandeurs au pourvoi n° X 16-12.895 invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 14 mars 2017, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Brenot, conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Brenot, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de M. [N] et de la société MPC, de la SCP Le Griel, avocat de Mme [U] et de Mme [K], et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Vu leur connexité, joint les pourvois n° V 16-12.847 et n° X 16-12.895 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Versailles, 26 novembre 2015), que Mme [U] et Mme [K], respectivement nue-propriétaire et usufruitière d'une parcelle cadastrée AL [Cadastre 1] sur laquelle se trouvent deux maisons, ont assigné la SCI MPC (la SCI), ayant M. [N] pour gérant, en reconnaissance d'une servitude de vue et d'ensoleillement sur la parcelle cadastrée AL [Cadastre 2] appartenant à la SCI ;

Sur le moyen

unique du pourvoi n° X 16-12.895, ci-après annexé :

Attendu que M. [N] et la SCI font grief à

l'arrêt de refuser d'annuler le rapport d'expertise et de dire que le fonds cadastré AL [Cadastre 2] est grevé d'une servitude de vue au profit du fonds appartenant à Mmes [U] et [K] ;

Mais attendu

qu'ayant constaté, que l'expert judiciaire avait soumis son estimation du préjudice à la discussion contradictoire des parties, que celles-ci s'accordaient pour situer dans les années 1920 la construction de la maison en fond de parcelle, qu'il résultait du constat d'huissier de justice réalisé avant les travaux et des constatations de l'expert que cette maison disposait de deux vues donnant sur le fonds appartenant à la SCI et que les attestations produites établissaient que les deux fenêtres litigieuses avaient toujours existé, la cour d'appel, qui n'a pas violé les articles 16 et 160 du code de procédure civile, a pu, sans inverser la charge de la preuve, retenir que la SCI n'établissait pas l'interruption de la possession et en déduire, abstraction faite d'un motif surabondant, que la prescription acquisitive trentenaire d'une servitude de vue était accomplie ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen

unique du pourvoi n° V 16-12.847, ci-après annexé :

Attendu que Mme [U] et Mme [K] font grief à

l'arrêt de limiter la condamnation de la SCI à ramener la hauteur du mur se trouvant entre les deux fonds à celle de l'ancien mur qui a été conservé et à réduire de 5,50 mètres la longueur du nouveau bâtiment ;

Mais attendu

qu'ayant relevé que deux fenêtres de la maison de Mmes [U] et [K] étaient totalement obstruées par un mur de 5,53 mètres de haut et une construction de 5 mètres de haut qui privaient totalement de vue trois pièces de cette maison et en affectait l'habitabilité, la cour d'appel a souverainement retenu que la démolition complète du mur et la réduction de la volumétrie de la construction et sa réimplantation sur l'emplacement antérieur du hangar n'était pas de nature à réparer l'atteinte à la servitude de vue ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE les pourvois ; Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son propre pourvoi ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept avril deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit au pourvoi n° V 16-12.847par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour Mmes [U] et [K] Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué, qui a dit que la construction en fond de parcelle appartenant à Mmes [U] et [K] située au [Adresse 2] à [Localité 1], sur le terrain cadastré AL n° [Cadastre 1], bénéficiait d'une servitude de vue dont le fonds servant est situé au n° 66 de la même rue, cadastré AL n° [Cadastre 2], appartenant actuellement à a société MPC, d'avoir seulement condamné cette société à ramener la hauteur du mur se trouvant entre les deux fonds à hauteur de l'ancien mur qui a été conservé (1,26 m à 1,38 m) et à réduire de 5,50 m la longueur du nouveau bâtiment, sous astreinte, Aux motifs que s'il existe une servitude de vue sur le fonds cadastré AL [Cadastre 2] au profit du fonds appartenant à Mmes [K] et [U], celles-ci ne sont pas fondées à revendiquer le bénéfice d'une servitude d'ensoleillement ou d'éclairement, l'ensoleillement et l'éclairement n'étant que la conséquence de la servitude de vue dont bénéficie le fonds et de l'exposition des bâtiments ; qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire que des trois fenêtres des pièces principales de la maison située en second rang, correspondant à une chambre et un séjour-salle à manger, sont totalement obstruées par un mur d'une hauteur de 5,53 m, implanté à une distance de 68 à 72 cm de la façade sur laquelle elles se trouvent ; que l'expert a en outre relevé que la construction réalisée par la société MPC, haute de 5 m, occupe toute la largeur de la parcelle jusqu'à la limite séparative de sorte que la vue des deux fenêtres des deux pièces principales, qui se trouvent entre 68 et 72 cm de la date limite séparative, est également obstruée par la hauteur de ladite construction ; que ces seules constatations, que la cour adopte dès lors qu'elles sont étayées par les photographies et plans cotés joints au rapport, suffisent, sans qu'il y ait lieu à investigations complémentaires, à établir l'atteinte portée à la servitude de vue dont bénéficie la maison située en second rang sur le fond de Mmes [U] et [K] ; qu'en raison de l'atteinte portée à la servitude de vue, constituée par a privation totale de vue de deux des trois pièces de la maison en second rang ce qui affecté l'habitabilité, ainsi que l'a relevé l'expert judiciaire, la société MPC sera condamnée à ramener la hauteur du mur séparant les deux fonds à la hauteur de l'ancien mur qui a été conservé (1,26 m à 1,38 m) et à réduire de 5,50 m la longueur du nouveau bâtiment ; que cette condamnation sera assortie d'une astreinte dans les termes du dispositif ; que la remise en état étant ordonnée, Mmes [U] et [K] seront déboutées au titre de la perte de la valeur du bien ; qu'elles seront également déboutées de leurs demandes tendant à voir rétablir la volumétrie et la construction de l'extension sur l'emplacement antérieur du hangar, ces mesures n'étant pas de nature à réparer l'atteinte à la servitude de vue, mais visant à redonner l'ensoleillement et la clarté existant avant les travaux ; qu'il ne ressort pourtant d'aucune des pièces produites, qu'une fois la servitude de vue rétablie conformément aux dispositions du présent arrêt, la perte d'ensoleillement ou de clarté des deux pièces principales de la seconde maison, de la cour séparant les deux maisons ou de la pièce, avec la baie vitrée, de la maison en façade perdurera d'une façon telle qu'elle constitue un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage eu égard au milieu urbain dans lequel les constructions litigieuses ont été édifiées ; 1° Alors que le propriétaire du fonds débiteur d'une servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode et ne peut ni changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée ; que la démolition est la sanction d'un droit réel transgressé ; qu'en l'espèce la cour a constaté, sur le fondement du rapport d'expertise, que le mur édifié par la société MPC, d'une hauteur de 5,53 m, implanté à une distance de 68 à 72 cm de la façade de la maison de second rang de Mmes [U] et [K], en obstruait totalement les fenêtres ; que cette atteinte à la servitude de vue attachée au fonds n° AL [Cadastre 1], dûment établie, et qui revenait à emmurer la maison de second rang du fonds dominant, appelait la remise en état des lieux, et donc la démolition de ce mur ; qu'en se bornant dès lors à ordonner la réduction de la hauteur dudit mur à environ 1,30 m, au lieu d'en ordonner la démolition complète, au motif inopérant que cette hauteur correspondait à un ancien mur toujours existant, la cour a violé l'article 701 du code civil ; 2° Alors que le propriétaire du fonds débiteur d'une servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode et ne peut ni changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée ; que la démolition est la sanction d'un droit réel transgressé ; que la cour a constaté, avec l'expert, que la société MPC avait fait édifier une construction haute de 5 m occupant toute la largeur de la parcelle jusqu'à la limite séparative, de sorte que la vue des deux fenêtres des deux pièces principales, qui se trouvent entre 68 et 72 cm de ladite limite séparative, était obstruée par la hauteur de cette construction ; que la cour, pour remettre prétendument les lieux en état, s'est bornée à ordonner la réduction de 5,50 m de la longueur de ce bâtiment illégal ; qu'en revanche, elle a refusé, contrairement à ce préconisait l'expert et à ce que demandaient les exposantes, à ordonner à la société MPC de réduire la volumétrie de sa construction et de réimplanter cette dernière à l'emplacement qui était antérieurement celui d'un hangar, afin de rendre cette construction nouvelle conforme à l'existant antérieur ; qu'en se déterminant ainsi, la cour, qui n'a pas sanctionné adéquatement la transgression du droit réel attaché au fonds dominant appartement à Mmes [U] et [K], a violé l'article 701 du code civil. Moyen produit au pourvoi n° X 16-12.895 par Me Bouthors, avocat aux Conseils pour M. [N] et la société MPC Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir refusé d'annuler le rapport de l'expert et d'avoir dit que le fonds de la SCI cadastré AL. [Cadastre 2] était grevé d'une servitude de vue au profit du fonds appartenant aux dames [K] et [U] ; Aux motifs, d'une part, que les intimés font valoir, en premier lieu, que l'expert judiciaire a violé le principe du contradictoire en pénétrant dans les lieux sans leur présence ; que cette allégation, qui n'est corroborée par aucun élément, est au surplus contredite par la mention au rapport d'expertise de leur présence aux deux réunions organisées par l'expert ; que la SCI MPC et M. [N] reprochent ensuite à l'expert judiciaire de n'avoir pas procédé à la visite complète des lieux, de n'avoir pas décrit la composition de la maison principale et de n'avoir donné aucune description complète de la maison en fond de parcelle ; que ces allégations sont également contredites par le rapport d'expertise et les photographies annexées, l'expert ayant bien procédé à la visite contradictoire des lieux, après convocation des parties, lors de la première réunion d'expertise ; qu'il sera ajouté qu'il ne relevait pas de la mission de l'expert de décrire de façon exhaustive l'ensemble des lieux ni l'état de chacune des pièces ; que les intimés font ensuite grief à l'expert judiciaire de n'avoir pas fait estimer le préjudice pouvant résulter de la perte de vue et d'ensoleillement par un expert foncier ; mais que s'il est établi que Mme [K] a refusé de laisser pénétrer chez elle l'agence Pôle Immobilier mandatée par la SCI MPC et M. [N] puis de laisser intervenir le sapiteur désigné par l'expert judiciaire, ce refus n'est pas de nature à porter atteinte au caractère contradictoire des opérations d'expertise ; qu'il revient à la cour d'en tirer éventuellement les conséquences pour l'évaluation du préjudice prétendu ; que les intimés font enfin grief à l'expert judiciaire de n'avoir pas annexé ni mentionné dans son rapport les références, recueillies auprès de la chambre des notaires, dont il s'est servi pour évaluer le préjudice ; mais que la violation du principe du contradictoire n'est pas non plus établie à cet égard, l'expert judiciaire ayant soumis sa propre estimation, qu'il a explicitée, à la discussion contradictoire des parties ; qu'il ressort du rapport d'expertise, qu'il a diffusé à celles-ci, successivement les 24 mai et 13 septembre 2011, deux notes de synthèse avec l'explication de la méthodologie adoptée, que le conseil de la SCI MPC et de M. [N] lui a adressé, le 4 octobre 2011, un dire qui s'il critiquait sa proposition d'évaluation du préjudice, ne s'interrogeait pas sur le détail des références retenues, que l'expert a complètement répondu à ce dire ; que la SCI MPC et M. [N] seront en conséquence déboutés de leur demande tendant à la nullité du rapport d'expertise et à la désignation d'un nouvel expert » (arrêt p. 5 et 6) ; Et aux motifs, d'autre part, que pour le surplus, les parties s'accordent dans leurs écritures pour situer dans les années 1920 la construction de la maison en fond de parcelle, date corroborée par la police d'assurance produite souscrite au nom de M. [X] à la fin des années 1920 mentionnant une maison d'habitation se trouvant à cette adresse ; que les nombreuses attestations circonstanciées produites par les appelantes (pièces 38 à 46) établissent que les deux fenêtres litigieuses ont toujours existé ; que notamment, Mme [B], née le [Date naissance 1] 1944, atteste avoir habité une cinquantaine d'années à [Localité 1], avoir fréquenté la même école que [J] (Mme [U]) et être venue jouer chez ses parents, témoignant de ce que chacune des deux pièces donnant sur la parcelle de gauche était éclairée par une fenêtre ; que ces déclarations sont confortées par le témoignage de Mme [J] (née le [Date naissance 2] 1934) qui atteste avoir habité jusqu'en 1950 à [Localité 1] et avoir, avec ses parents, fréquenté régulièrement la maison de la famille de Mme [K] ; qu'elles sont également corroborées par l'attestation de Mme [S] (née le [Date naissance 3] 1948), amie d'enfance de Mme [U], habitant toujours [Localité 1] ou encore par celle de Mme [E] (née le [Date naissance 3] 1945) déclarant avoir toujours connu la maison des parents de Mme [K] avec deux fenêtres éclairant les deux pièces donnant sur la propriété voisine ; que si l'attestation produite par Mme [O], qui a travaillé quinze mois, entre 2007 et 2008, dans le fonds de commerce de M. [L] exploité sur la parcelle AL [Cadastre 2], fait ressortir que pendant cette période la maison en fond de parcelle ne semblait pas occupée, l'attestation de M. [L] établit que jusqu'au décès, en 1998, de l'oncle de Mme [K], la dépendance était occupée ; Les intimés n'établissent pas l'interruption de la possession entre le 1er janvier 1929 et 1998 concernant la dépendance, ni entre 1960, date de sa construction et le 16 août 2012, date de l'assignation, concernant la maison en façade, de sorte qu'à cette date, la prescription acquisitive trentenaire d'une servitude de vue était accomplie ; Que le caractère paisible, public, non équivoque et à titre de propriétaire n'étant pas contesté, il sera fait droit à la demande de reconnaissance de l'existence d'une servitude de vue sur le fonds cadastré AL [Cadastre 2] au profit du fonds appartenant à Mmes [K] et [U]» (arrêt p 8). 1°) alors que, d'une part, aux termes des articles 16 et 160 du code de procédure civile, le juge ne peut se déterminer en méconnaissance d'un contradictoire effectif ; que ne satisfait pas à cette exigence le rapport d'expertise ayant unilatéralement établi des valeurs foncières sur un bien auquel il n'a pu accéder du fait de la partie demanderesse ; qu'en refusant d'annuler l'expertise ainsi établie et critiquée par les requérants, la cour a violé les textes susvisés ; 2°) alors que, d'autre part, il résulte des articles 690 et 1341 du code civile que la charge de la preuve d'une possession trentenaire utile incombe à celui qui se prévaut de l'acquisition d'une servitude de vue par l'effet d'une prescription ; qu'en l'absence de commencement de preuve par écrit, la cour, qui s'est vainement déterminée par référence exclusive aux « témoignages» produits par les demanderesses, ne pouvait légalement mettre à la charge du défendeur la preuve d'un défaut d'interruption d'une prescription dont elle n'avait précisément pas caractérisé les éléments générateurs ; qu'en se déterminant ainsi, la cour a renversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ; 3°) alors, en tout état de cause, qu'en affirmant, pour reconnaître l'existence d'une servitude de vue, que les défendeurs n'en avaient pas contesté « le caractère paisible, public, non équivoque et à titre de propriétaire » (arrêt p. 8), quand il ressort au contraire des conclusions des requérants qu'une contestation avait été précisément élevée sur ces points (concl. p. 15), la cour a dénaturé les conclusions des défendeurs en violation de l'articles 4 du code de procédure civile.