Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 7 avril 2010, 09-66.519

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2010-04-07
Cour d'appel de Paris
2008-12-04

Texte intégral

Sur le premier moyen

, pris en sa première branche :

Vu

les articles 1147 du code civil, 58 de la loi du 2 juillet 1996 et 19 du règlement COB n° 96-03, alors applicables ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que M. X... a confié, le 8 avril 1999 à la société Financière Meeschaert (la société), deux mandats de gestion d'avoirs qu'il détenait dans deux PEA et a ouvert auprès d'elle un compte titres non géré ; qu'ayant constaté la diminution de valeur de son portefeuille, il en a ordonné la liquidation et a demandé que la société soit condamnée à l'indemniser des pertes subies ; Attendu que pour rejeter la demande de M. X... au titre du manquement par la société à son obligation de s'enquérir de la situation financière de son client, de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs en ce qui concerne les services demandés, l'arrêt retient que si le mandat litigieux ne précise pas expressément que la gestion du portefeuille est à orientation dynamique, il précise les objectifs de la gestion, à savoir le placement à moyen ou long terme permettant l'accroissement de l'épargne, ce qui correspond à une gestion à orientation dynamique, tout en excluant les opérations à risque ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi

, par des motifs desquels il ne résulte ni que la banque avait procédé, lors de la conclusion des mandats de gestion, à l'évaluation de la situation financière de M. X..., de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs concernant les services demandés, ni qu'elle lui avait fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société Financière Meeschaert aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille dix

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt. Moyens produits par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils, pour M. X.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de son action indemnitaire formée à l'encontre de la Société FINANCIERE MEESCHAERT ; AUX MOTIFS QUE M. X... expose qu'il ne peut pas être considéré comme un opérateur averti ; qu'il est établi que lors de la signature des contrats, M. X... était directeur général des sociétés CIEL, qu'il venait de céder au groupe SAGE et de la société IDYLIS, premier éditeur français de logiciels de gestion hébergée ; que faute pour la société MEESCHAERT d'établir qu'il était averti en matière boursière, il convient de considérer qu'il était en tout état de cause professionnel averti dans le domaine des TMT ; que M. X... reproche à la société MEESCHAERT de ne pas s'être informée sur sa situation et sa connaissance des marchés boursiers en violation de l'article L. 533 du Code monétaire et financier, de ne pas lui avoir fourni d'information ni de conseil sur les profils de gestion et choix d'investissements possibles et de ne pas avoir précisément indiqué dans les mandats les objectifs et le profil de gestion ; que si la société de bourse est tenue à l'égard de son client d'une obligation d'information pré-contractuelle conformément à l'article 11 du règlement 96-02 de la COB applicable en l'espèce, l'intensité de cette obligation dépend, à la fois, de la connaissance que le client a des risques encourus et du caractère spéculatif des opérations entreprises ; que l'article 2 du contrat de mandat stipule que « ce mandat de gestion est destiné à répondre aux besoins des particuliers souhaitant placer leurs capitaux à moyen et long terme et voir croître leur épargne ; les investissements sont effectués essentiellement en actions françaises et étrangères, en placements rattachés à l'or, en obligations libellées en francs ou en devises, en placements monétaires » ; que l'article 3 détaille les opérations autorisées et précise que « toutes les autres opérations sont interdites, notamment celles portant directement sur les marchés à terme, d'indices ou d'options ainsi que les opérations de report et de vente ou d'achat à découvert » ; que si le mandat ne précise pas explicitement que la gestion du portefeuille est à orientation dynamique, ce qui n'était pas obligatoire en ces termes à la date de signature des contrats, il précise les objectifs de la gestion, à savoir le placement à moyen et long terme permettant l'accroissement de l'épargne qui correspond à une gestion à orientation dynamique, tout en excluant les opérations à risque ; que la société MEESCHAERT n'était pas tenue d'une obligation d'information renforcée, dès lors que les mandats excluaient les opérations à terme et les opérations risquées ; que le mandat indique enfin le mode de rémunération du mandataire, la durée et les modalités de reconduction et de résiliation du mandat ; que la société MEESCHAERT a ainsi rempli les conditions prévues à l'article 11 du règlement de la COB ; ET, AUX MOTIFS REPRIS DES PREMIERS JUGES, QUE Monsieur Philippe X..., qui s'est entretenu avec Monsieur Y... et Monsieur Z... avant de confier la gestion à la société MEESCHAERT, souhaitait « une gestion dynamique essentiellement orientée en actions » et que de plus, « il souhaitait que les investissements soient dirigés prioritairement vers les entreprises du secteur technologique et du secteur médias qu'il connaissait particulièrement bien » ; que Monsieur X... a ouvert le même jour un compte non géré sur lequel il a procédé personnellement à des achats et à des ventes de titres de valeurs du secteur technologique du mois de mai 1999 jusqu'au mois de novembre 2001 ; que toutes les opérations d'achat que Monsieur X... indique lui-même avoir ordonné dans le cadre du mandat de gestion ont toujours porté sur des actions du secteur technologique ; 1°) ALORS QU 'en se déterminant ainsi, par des motifs desquels il ne résulte ni que la banque avait procédé, lors de la conclusion des mandats de gestion, à l'évaluation de la situation financière de Monsieur X..., de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs concernant les services demandés, ni qu'elle lui avait fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des dispositions des articles 1147 du Code civil, 58 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 et 19 du règlement COB n° 96-03 alors applicables ; 2°) ALORS QUE le mandat de gestion de portefeuille doit mentionner les objectifs de la gestion souhaités par le mandant ; que ne constitue pas un objectif de gestion la mention des mandats donnés par Monsieur X... à la Société FINANCIERE MEESCHAERT selon laquelle « ce mandat de gestion de portefeuille est destiné à répondre aux besoins des particuliers souhaitant placer leurs capitaux à moyen et long terme et voir croître leur épargne » ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1147 du Code civil, 64 de la loi n° 96-597 du 2 6 juillet 1996, 11 du règlement COB n° 96-02 et 19 du règlement COB n° 96-03 alors applicables ; 3°) ALORS QU' en déduisant de ce que le mandat de gestion de portefeuille donné par Monsieur X... à la Société FINANCIERE MEESCHAERT « précise les objectifs de la gestion, à savoir le placement à moyen et long terme permettant l'accroissement de l'épargne » la conséquence qui ne s'en évince nullement que ce mandat avait été donné pour une « gestion à orientation dynamique » du portefeuille, ce que Monsieur X... contestait en faisant valoir qu'un document mentionnant une telle orientation lui avait été adressé « pour régularisation » le 29 novembre 2000, soit vingt mois après la signature des mandats, document qu'il avait refusé de signer n'ayant pas fait le choix d'une gestion dynamique, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1147 du Code civil, 64 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996, 11 du règlement COB n° 96-02 et 19 du règlement COB n° 96-03 alors applicables ; 4°) ALORS QUE la solution de la Cour d'appel ne peut être justifiée par les considérations des premiers juges ayant consisté à retenir que Monsieur X... aurait avant de conclure les mandats de gestion avec la Société FINANCIERE MEERSCHAERT déclaré qu'il souhaitait une gestion dynamique essentiellement orientée en actions et que les investissements fussent dirigés prioritairement vers des entreprises du secteur technologique, de tels motifs ne mettant aucunement en évidence qu'il eût reçu l'information préalable qui lui était due en sa qualité d'investisseur néophyte en matière d'actions ; que partant, l'arrêt attaqué n'a, une fois encore, pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1147 du Code civil, 64 de la loi n° 96 -597 du 2 juillet 1966, 11 du règlement COB n° 96-02 et 19 du règlement COB n° 96-03 applicables. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de son action indemnitaire formée à l'encontre de la Société FINANCIERE MEESCHAERT ; AUX MOTIFS QUE M. X... expose qu'il ne peut pas être considéré comme un opérateur averti ; qu'il est établi que lors de la signature des contrats, M. X... était directeur général des sociétés CIEL, qu'il venait de céder au groupe SAGE et de la société IDYLIS, premier éditeur français de logiciels de gestion hébergée ; que faute pour la société MEESCHAERT d'établir qu'il était averti en matière boursière, il convient de considérer qu'il était en tout état de cause professionnel averti dans le domaine des TMT (arrêt, p. 3) ; ET AUX MOTIFS QUE M. X... fait grief à la société MEESCHAERT, en 2ème lieu, d'avoir opéré une gestion spéculative de ses comptes ; qu'il conteste des prises de positions sur le secteur des TMT, des achats de warrants, des opérations à court terme, un pourcentage d'actions trop élevé et enfin un désengagement de la société à partir de 2001 ; mais que le mandat a été analysé ci-dessus comme étant à orientation dynamique ; que s'agissant des prises de positions sur le secteur des TMT, la société MEESCHAERT répond qu'elle a progressivement constitué le portefeuille, conformément aux souhaits de son client, avec principalement des actions TMT à hauteur de 66 % du portefeuille au 31 décembre 2000 ; qu'elle indique que ces valeurs TMT ont été réparties sur des entreprises cotées au CAC 40, ce qui représentait des opérations non spéculatives ; que, dans les circonstances de l'époque, marquée par une envolée des marchés boursiers, il n'est pas établi que constituait une violation du mandat le fait d'introduire des titres TMT, d'autant que M. X... était un professionnel de ce secteur ; que cette pratique, suivie par la plupart des gestionnaires, avait pour objet de faire profiter leurs clients de plus-values spectaculaires dont peu auraient accepté, par prudence, d'être privés ; que si l'évolution ultérieure des marchés a souligné la fragilité de telles stratégies, elle ne permet pas de retenir une faute en intégrant rétrospectivement des éléments d'information que les prestataires de services d'investissement n'avaient pas à leur disposition lorsqu'ils ont pris les décisions contestées (arrêt, p. 4) ; 1°) ALORS QUE le juge doit préciser sur quels éléments de preuve il fonde sa décision ; qu'en se bornant à énoncer que « la société MEESCHAERT répond qu'elle a progressivement constitué le portefeuille, conformément aux souhaits de son client, avec principalement des actions TMT », sans indiquer par quels éléments de preuve la Société FINANCIERE MEESCHAERT justifiait son affirmation, tandis que Monsieur X... reprochait à cette société de gestion financière d'avoir pris l'initiative d'introduire dans le portefeuille une quantité excessive d'actions TMT, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; 2°) ALORS QUE la Cour d'appel, en se bornant à relever que lors de la signature des contrats avec la Société FINANCIERE MEESCHAERT, Monsieur X... avait été directeur général de la société CIEL, puis de la société IDYLIS, premier éditeur français de logiciels de gestion hébergée, les activités de ces entreprises étant spécialement limitées à l'édition de logiciels de gestion et de logiciels de comptabilité destinés aux PME, n'a aucunement justifié sa déduction selon laquelle Monsieur X... était un professionnel averti « dans le domaine des TMT », soit les technologies, les médias et les télécommunications ; qu'en statuant au prix d'un pareil motif afin d'écarter la responsabilité de la Société FINANCIERE MEESCHAERT, l'arrêt attaqué n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; 3°) ALORS QUE à supposer qu'il puisse se déduire, comme le fait l'arrêt attaqué, de ce que Monsieur X... avait été directeur général d'une société éditant des logiciels de gestion qu'il était « un professionnel averti dans le domaine des TMT », cette circonstance n'était pas de nature à justifier les choix opérés par la Société FINANCIERE MEESCHAERT dans la gestion du portefeuille qui lui avait été confiée, alors surtout que la Cour d'appel relève qu'il n'était pas établi que Monsieur X... était averti en matière boursière ; qu'en énonçant pour exclure toute faute de la part de la Société MEESCHAERT du fait de ses investissements excessifs en actions TMT « que M. X... était un professionnel de ce secteur » la Cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; 4°) ALORS QUE les prestataires de services d'investissement sont tenus de respecter des règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations qui obligent notamment à exercer leur activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ; qu'en se bornant à énoncer, pour exclure toute faute de la part de la Société FINANCIERE MEESCHAERT du fait de ses investissements excessifs en actions TMT, « que cette pratique, suivie par la plupart des gestionnaires, avait pour objet de faire profiter leurs clients de plus-values spectaculaires dont peu auraient accepté, par prudence, d'être privés » sans rechercher si cette attitude respectait les règles de bonne conduite qui s'imposaient à cette société de bourse, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du Code civil et 58 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de son action indemnitaire formée à l'encontre de la Société FINANCIERE MEESCHAERT ; AUX MOTIFS QUE le pourcentage d'actions du portefeuille hors PEA était de 76,41 % au 31 décembre 2000 et de 95,98 % au 20 juin 2001 ; que M. X... reproche à la société MEESCHAERT de ne pas avoir réparti les placements, en l'absence de stipulation dans le mandat ; mais que le pourcentage des actions n'est pas contraire au mandat qui n'interdisait pas de façon certaine de faire un placement en actions ; ALORS QU'en ne recherchant pas si la Société FINANCIERE MEESCHAERT avait agi au mieux des intérêts de Monsieur X... en investissant les fonds de son mandant presque exclusivement en actions, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1147 du Code civil et 58 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de son action indemnitaire formée à l'encontre de la Société FINANCIERE MEESCHAERT ; AUX MOTIFS QUE M. X... reproche, en 3ème lieu à la société MEESCHAERT d'avoir liquidé son portefeuille le 17 septembre 2001 et d'avoir accédé à sa demande sans le mettre en garde des risques et conséquences de cette opération ; qu'il conclut qu'elle aurait dû proposer des solutions alternatives, voire même refuser l'opération, d'autant que c'est elle-même qui le lui avait suggéré ; (…) qu'il n'appartenait pas à la société MEESCHAERT de refuser d'exécuter un ordre précis de son client, d'autant qu'aucune obligation de conseil ne pesait sur elle ; que le fait que M. Z... ait, le premier, demandé à M. X... s'il voulait liquider, n'est qu'une interrogation qui s'explique dans le contexte de l'époque et qui était la question que toute société de bourse se posait en septembre 2001 ; qu'au surplus, dans le contexte de l'époque, à la date du 17 septembre 2001, il ne peut pas être fait grief à M. Z... de ne pas avoir mis en garde M. X... contre le risque qu'il prenait en vendant tous ses titres, dès lors qu'aucun prestataire de service d'investissement ne pouvait, à cette date, prévoir l'évolution à court et moyen terme de la situation mondiale et des marchés boursiers ; que la société MEESCHAERT n'a donc commis aucune faute à l'égard de M. X... ; ALORS QUE le prestataire de services d'investissement est tenu d'un devoir d'information et de conseil qui comporte la mise en garde contre les risques courus ; que ce devoir de conseil s'étend aux conséquences de la décision du mandant de faire procéder à la vente de l'intégralité du portefeuille donné en gestion ; qu'en énonçant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1147 du Code civil, 58 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 et 20 du règlement COB n° 96- 03 alors applicables.