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Cour d'appel de Paris, 14 décembre 2022, 19/11103

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
14 décembre 2022
Conseil de Prud'hommes de Créteil
24 octobre 2019

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6 - Chambre 3

ARRET

DU 14 DECEMBRE 2022 (n° , 10 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11103 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA45J Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL - RG n° 15/02922 APPELANTE Société SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D ACHATS DES CENTR ES LECLERC [Adresse 1] [Adresse 1] Représentée par Me Antoine GILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0178 INTIME Monsieur [E] [M] [Adresse 2] [Adresse 2] Représenté par Me Pierre ROBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0622 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne ROUGE, Présidente de chambre, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : Madame Fabienne ROUGE, Présidente de chambre Madame Anne MENARD, Présidente de chambre Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Fabienne ROUGE, Présidente de chambre et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSE DU LITIGE M. [E] [M] [T] (M. [E] [M]) a été engagé par la société coopérative groupements d'achats des centres E. Leclerc (SC GALEC), selon un contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2007, en qualité de chargé d'achats confirmé puis, à compter du 1er mai 2013 en qualité de chef de groupe catégorie junior, statut cadre niveau VII de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire. La société compte plus de 11 salariés. M. [E] [M] a été convoqué le 8 octobre 2015 pour le 21 octobre suivant à un entretien préalable à son éventuel licenciement et a fait en outre l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire. La SC GALEC lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée en date du 6 novembre 2015. Contestant son licenciement, M. [E] [M] a, le 18 décembre 2015, saisi le conseil de prud'hommes de Créteil. Par jugement en date du 24 octobre 2019, le conseil de prud'hommes a : - fixé le salaire de [E] [M] à 5 022, 82 euros - dit que le licenciement de M. [Z] [M] [T] est abusif - condamné la société Coopérative Groupements d'achats des centres Leclerc opérant sous le sigle «SG Galec» à payer à M. [Z] [M] [T] dont le salaire s'élève à 5 022,82 euros : ' 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse '1 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile - débouté M. [Z] [M] [T] du surplus de ses demandes - débouté la SC GALEC de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile - condamné la SC GALEC Galec à rembourser à Pôle Emploi la somme de : ' 5 022, 82 euros à titre d'indemnités de chômage ; - rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit en application de l'article R. 1454-28 du code du travail - rappelé que l'intérêt légal avec anatocisme (article 1343-2 du code civil) est applicable à partir de la saisine du conseil pour la partie compensée des salaires et accessoires de salaires dus à monsieur [Z] [M] [T] (article 1231-6 du code civil) et à partir de la mise à disposition du jugement en ce qui concerne les dommages et intérêts (article 1231-7 du code civil) - condamné la SC GALEC aux éventuels dépens comprenant les éventuels frais d'exécution en application de l'article 699 du code de procédure civile. La société Coopérative Groupements d'achats des centres Leclerc a interjeté appel par déclaration du 08 novembre 2019. Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 08 août 2022 auxquelles il convient de se reporter, la société Coopérative Groupements d'achats des centres Leclerc (SC GALEC) demande à la cour de : - la juger recevable et fondée en son appel partiel du 8 novembre 2019 et y faisant droit - infirmer le jugement du 24 octobre 2019 en ce qu'il a jugé abusif et dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [E] [M] - infirmer le jugement du 24 octobre 2019 en ce qu'il l'a condamnée à régler à M. [E] [M] la somme de 35 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre 1 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens - infirmer le jugement du 24 octobre 2019 en ce qu'il l'a condamné à rembourser à Pôle Emploi la somme de 5 022,82 € à titre d'indemnités de chômage - confirmer le jugement du 24 octobre 2019 pour le surplus et juger M. [E] [M] irrecevable et non fondé en ses demandes incidentes et l'en débouter purement et simplement - condamner M. [E] [M] au paiement de la somme de 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel. Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 27 avril 2020 auxquelles il convient de se reporter, M. [E] [M] demande à la cour de : - confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a : ' fixé le salaire de référence à 5 022, 82 € ' dit son licenciement abusif ' condamné la SC GALEC aux entiers dépens en ce compris les frais éventuels d'exécution du jugement à intervenir ' assorti les condamnations des intérêts à taux légal à compter du jugement à intervenir ' débouté la SC GALEC de l'ensemble de ses demandes ' condamné la SC GALEC à lui verser la somme de 1 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile - infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a : ' limité la condamnation de la SC GALEC au paiement de la somme de 35 000 € titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ' rejeté l'ensemble de ses autres demandes Statuant à nouveau : - constater les manquements de l'employeur dans le cadre de l'exécution du contrat de travail ; - condamner la SC GALEC au paiement des sommes suivantes : 75 342,30 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif 15 068,46 € à titre de dommages et intérêts en raison des conditions vexatoires de la rupture du contrat travail 10 045,24 € à titre de dommages et intérêts en raison de l'exécution fautive du contrat par elle 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens dont distraction sera ordonnée au profit de Maître Pierre Robin conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions développées lors de l'audience des dé

MOTIFS

S licenciement : Tout licenciement pour motif personnel est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Selon l'article L.1235-1 du code du travail, à défaut d'accord convenu entre les parties lors de la conciliation, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la SC GALEC reproche à M. [E] [M] [T] : 'Parmi les missions liées à votre fonction, vous devez notamment : Piloter l'activité de votre groupe au sein du marché de la maison ; Développer le chiffre d'affaires et la rentabilité des catégories de produits de votre périmètre ; Optimiser les assortiments, les promotions et le merchandising dans le respect de la politique définie par la direction commerciale et selon les axes de travail donnés par le marketing ; Encadrer plusieurs chargé(e)s de catégorie et assistantes commerciales ; Développer les produits marque d'enseigne. Initialement, il vous avait été confié la responsabilité de quatre catégories de produits : le petit électroménager (PEM), le gros électroménager (GEM), le déco-meuble et le soin du linge-ménage. Au regard des difficultés rencontrées, dès mars 2014 il a été décidé de recentrer votre activité sur le secteur PEM et GEM. Il a en effet été mis en évidence votre manque de souplesse et d'adaptation, notamment par votre volonté tenace d'appliquer les mêmes méthodes de travail aux catégories de produits non électroménager sans prise en compte des spécificités propres à celles-ci. Cette décision devait vous permettre de vous concentrer davantage sur votre rôle de manager d'activité et d'équipe avec le périmètre que vous connaissez le mieux. Outre votre poste, le groupe électroménager (PEM et GEM) est composé actuellement de cinq collaborateurs : deux chargées de catégorie, deux assistantes commerciales et une assistante marketing en contrat de professionnalisation. Depuis de nombreux mois, votre hiérarchie a tenté d'attirer votre attention sur plusieurs points d'amélioration quant à votre management d'activité et à l'animation de votre équipe afin que vous puissiez prendre la réelle mesure de votre fonction. Nous vous avons d'ailleurs accompagné dans cette démarche par des formations en management (stage « prendre ses nouvelles fonctions de responsable hiérarchique » en Jin 2013 et stage « Manager développeur » de mars à juin 2015). Cependant, malgré les axes de progrès identifiés dès le mois d'avril et les objectifs qui vous étaient fixés lors de votre entretien annuel de juin 2015, il a été observé un comportement de plus en plus inapproprié et persistant de votre part. Plusieurs évènements tant dans la conduite de votre activité que dans le management de vos équipes sont venus aggraver une situation que vous refusiez de reconnaître. A différentes reprises, votre responsable direct a essayé de vous alerter et de vous aider à prendre la dimension et la posture d'un vrai chef de groupe, puis ce furent vos responsables N+2 et N+3 qui vous ont reçu en entretien au début du mois d'octobre pour vous demander de réagir, et enfin le Directeur des Ressources Humaines le 7 octobre dernier. Vos deux chargées de catégorie ont, elles aussi, tenté d'attirer votre attention sur votre manière inappropriée, et particulièrement démotivante de gérer et de suivre leur travail depuis le mois de juin 2015. Les griefs qui vous sont faits vont de votre refus de tenir compte des orientations de la politique commerciale à l'épuisement de vos équipes auxquelles s'ajoutent des actions non réalisées, des négligences et une désorganisation préjudiciable à l'activité des marchés électroménagers. Vos décisions sont en contradiction avec la dynamique de l'enseigne relative aux marques distributeurs (MDD). Compte tenu de votre fonction et des orientations commerciales qui vous sont régulièrement communiquées, vous ne pouvez ignorer que le développement des gammes MDD est un axe stratégique pour l'enseigne E. Leclerc au sein de ses marchés non-alimentaires. Ce sujet doit être par conséquent l'une de vos priorités dans le pilotage de votre activité. Or, dans le cadre de la préparation du pal promotionnel national (prospectus) 2016 sur le PEM, vous aves pris la décision de réduire radicalement la gamme MDD passant de 38 produits pour 2015 à 6 produits en 2016. Cette décision est d'autant plus incompréhensible sachant que la refonte de la gamme MDD du petit électroménager pour l'année 2016 avait permis de continuer le référencement de 53 produits. Vous avez sciemment écarté ces produits de marques nationales. Vous avez indiqué lors de l'entretien du 21 octobre 2015 que votre choix était justifié et qu'il s'agissait d'une mesure préventive de votre part afin d'éviter des ruptures d'approvisionnement en raison du renouvellement prochain de 60% des produits de la gamme MDD. Ceci est totalement erroné car ne sont référencés que des produits dont le suivi est assuré en permanence par la Siplec, autre société du mouvement E. Leclerc qui suit les achats auprès des fournisseurs de produits MDD et dont les collaborateurs travaillent à proximité des chargées de catégorie. Votre hostilité à l'égard des produits MDD s'est à nouveau révélée récemment. Alors que l'assortiment des produits prévu au catalogue avait été validé par la commission en charge du PEM (c'est-à-dire le groupe de travail permanent au sein d'un marché qui réunit le ou les chargés de catégorie et les adhérents du mouvement E.Leclerc) et mis en ligne sur le serveur informatique afin que dès le 1er octobre 2015 tous les magasins puissent effectuer leur commande, vous avez invectivé votre chargée de catégorie. Vous lui avez demandé de retirer immédiatement un produit MDD sans la moindre explication. Il est à noter que ce produit n'avait fait jusqu'à présent l'objet d'aucune remise en cause de votre part et qu'il avait déjà rencontré un succès commercial à l'occasion d'un précédent catalogue. Vous aviez par ailleurs validé le guide d'achat initial quelques jours auparavant. Nous avons également constaté une supervision approximative de vos activités. Ainsi, alors qu'il vous avait été demandé, dès le mois d'avril 2015, de prévoir un chantier de travail sur la gestion des accessoires afin d'optimiser les amortissements et de définir un référencement plus performant pour les magasins, vous avez simplement acté en réunion de commission de juin 2015 que ce sujet n'était pas faisable par manque de ressource interne, et ce, sans proposer la moindre solution alternative. Vous connaissez pourtant l'enjeu de cet axe de développement pour la catégorie et l'importance de débuter ce chantier avant les négociations 2016. L'absence de préparation et d'analyse du sujet ainsi que votre incapacité à présenter les enjeux de la gamme accessoires a conduit à cette décision qui n'a été relayée à votre hiérarchie qu'au dernier moment pour la préparation des négociations 2016. De même, contrairement à ce que vous nous avez affirmé lors de l'entretien préalable, vous n'avez lancé aucune action concernant l'analyse des premiers prix du GEM ciblés sur les besoins des centrales Socamil et Scapalsace (centrales d'achats régionales) afin de comparer leurs résultats avec ceux obtenus par votre marché. Une étude a effectivement été réalisée sur les prix d'achat des premiers prix par votre chargée de catégorie GEM, mais sur le catalogue d'une autre centrale (LECASUD). Aucune demande d'analyse sur les centrales d'achats régionales précitées n'a été effectuée contrairement aux objectifs et besoins spécifiés. A cela s'ajoute votre indifférence totale à la refonte et à l'harmonisation de la signalétique de nos produits en magasin. Ce point a pu être constaté lors du salon électroménager des 21 et 22 septembre 2015 (organisé en interne dans les locaux du Galec pour les magasins du mouvement). Au-delà du respect des obligations d'affichage en la matière, ce projet devait permettre d'améliorer l'image qualité et professionnelle des assortiments tout en valorisant le travail effectué par nos équipes sur l'électroménager. Sur les sujets traités, on remarque également votre manque d'analyse et d'approfondissement. Cela s'illustre par votre absence de suivi sur "l'encastrable". Alors qu'il s'agit d'un des très rares sujets pour lequel vous aviez proposé une action de développement, vous n'êtes pas allé au but de votre démarche. À ce jour et malgré la demande de votre hiérarchie, alors que vous avez notamment réalisé deux guides "encastrables "pour les magasins, vous n'avez pas été en capacité de mesurer la plus-value de votre action (rapport de la dynamique, rapport investissements/résultats, préconisations d'amélioration et suite de l'action (rapport de la dynamique, rapport investissements/résultats, préconisations d'amélioration et suite de l'action compte tenu du chiffre d'affaires de 240 000€). Par ailleurs, malgré les rappels périodiques de votre responsable, votre manque de coordination et de communication provoque une désorganisation de l'activité de vos marchés et l'insatisfaction croissante de vos interlocuteurs. Pour exemple, votre absence d'anticipation dans l'envoi de la présentation électroménager à diffuser au salon BTLec Est du mois de juin dernier a généré à la fois des remarques désobligeantes et des mécontentements de vos interlocuteurs du salon à l'égard de vos collaborateurs. L'une de vos chargées de catégorie en a été très affectée (cf intra p4). De même, les adhérents responsables des commissions électroménagers (PEM et GEM) ont interpellé votre hiérarchie sur votre gestion de l'activité à plusieurs reprises. Ils ont souligné votre manque d'anticipation et de préparation dans la planification des points d'avancement, et en particulier, la redondance systématique des sujets abordés lors de ces points avec ceux déjà instruits et traités en commission à votre demande. Pour ces adhérents comme pour vos chargées de catégorie, cela se traduit par des pertes de temps, du travail répétitif inutile et un agacement compréhensible. Pour illustrer ce propos, il suffit d'évoquer la question des PPMI (prix de vente consommateur), sujet récurrent traité le matin du 5 octobre en réunion par la commission PEM, réabordé à nouveau le midi par vous-même avec les membres de la commission; ceci ne faisant l'objet d'aucune plus-value de votre part et créant une atmosphère pesante auprès de vos interlocuteurs. D'une manière générale, vos interventions fréquentes en lieu et place des commissions sur des sujets qu'elles maîtrisent et dont leur rôle est justement de les traiter, désorganisent le travail de chacun et déstabilisent vos équipes au quotidien. En définitive, vous empiétez sur les attributions fondamentales de vos chargées de catégorie qui ont par ailleurs des collaboratrices expérimentées et reconnues, au lieu de vous consacrer à vos missions globales de coordination, de pilotage et de contrôle qui sont dévolues à un Chef de Groupe. En septembre 2015, s'agissant d'un contrat de distribution sélective, vous avez décidé de prendre en charge directement une partie du contrat. Vous avez finalisé le contrat de distribution sélective et instruit le dossier seul avec le service juridique alors que la commission PEM l'avait déjà géré en partie en amont. Cela a entrainé des dysfonctionnements et produit des confusions telles que votre chargée de catégorie ne savait plus ce qu'elle devait faire ou non. Cela peut aussi aller jusqu'à contredire voire décrédibiliser l'action de vos propres collaboratrices. Ainsi, lors de la préparation de l'électroménager des 21 et 22 septembre 2015, vos avez autorisé un fournisseur à stocker du matériel, et ce, en contradiction avec les règles de sécurité fixées en interne par les services généraux et auxquels vos équipes veillent à l'application. Outre que vous ne respectez pas les règles de sécurité en la matière, l'incompréhension de vos équipes a été totale. Au manque de pilotage de l'activité, vient s'ajouter une planification improvisée des congés de vos chargées de catégorie qui ne fait que dégrader davantage une ambiance déjà tendue au sein de vos équipes. Ainsi, vous faites soudainement et fermement modifier les demandes de congés d'été de vos collaboratrices, le 29 juin 2015, considérant alors que la succession de leurs périodes d'absences annoncées ne conviennent pas à vos souhaits d'organisation. Par ailleurs, au cours des derniers mois, vous avez amené vos chargées de catégorie à un sentiment de découragement et de lassitude par des propos déplacés et portés récemment à notre connaissance. Suite à un incident qui s'est déroulé lors du salon BTLec Est de juin 2015 qui a provoqué une forte tension (voir intra, p3), vous avez blessé moralement votre chargée de catégorie GEM. Le 9 juin dernier, lors d'un déplacement professionnel, en présence de sa collègue chargée de catégorie (PEM) et de l'assistante marketing en alternance, vous avez été très virulent à son égard en la qualifiant "d'incontrôlable", "d'insupportable" et d'avoir un "égo surdimensionné". Votre collaboratrice qui cherchait en définitive votre soutien lors de cet échange, a été très perturbée et est partie aussitôt en sanglots. Votre chargée de catégorie venait de vous exprimer sa surprise quant aux remarques désagréables qu''elle avait reçues à son arrivée au salon en raison de l'absence d'envoi dans les temps de la présentation sur l'encastrable; elle vous précisait qu'elle avait préparé celle ci bien en amont du salon et vous l'avait adressée dans les délais demandés. Vous avez alors réagi par des propos pour le moins déplacés et injustifiés, puisque l'envoi tardif était de votre fait (voir intra, p3). Suite à cet événement et au manque de communication, votre chargée de catégorie a perdu toute confiance en vous et sa démotivation n'a fait que s'accroitre l'amenant à alerter votre hiérarchie sur les difficultés qu'elle rencontrait avec vous et à envisager la recherche d'un nouvel employeur. Pourtant votre chargée de catégorie GEM vous avait exprimé ses regrets et attentes dans la manière dont vous la supervisiez lors de son dernier entretien annuel. Plusieurs évènements sont également à déplorer à l'égard de votre seconde chargée de catégorie PEM que vous avez amenée aussi à un état de découragement significatif. Vos relations professionnelles avec votre chargée de catégorie PEM sont devenues très tendues, ponctuées de remarques régulières, qui compte tenu du contexte, s'avéraient souvent inappropriées. A titre d'exemple, vous avez qualifié votre chargée de catégorie PEM de "moyenne" lors de son entretien annuel alors que ses résultats sont plus que conformes aux attentes et que l'évolution récente de sa rémunération le confirme. Un incident notable s'est produit le 9 juillet 2015 lorsque vous avez demandé à votre responsable hiérarchique de recevoir votre chargée de catégorie suite à une remarque irrespectueuse qu'elle vous aurait faite. Il s'est avéré que vous aviez fait une erreur dans l'interprétation de la remarque, ce qui a été confirmé par un membre de l'équipe témoin de l'échange. Votre collaboratrice a été très affectée par cette situation suspicieuse à son encontre et l'ampleur que vous lui avez donnée. De même, vos échanges par mails du 2 octobre 2015 relatifs au dossier "prix barré Black Friday" démontrent un problème de communication dont l'initiative vous revient. Ainsi, vous avez adressé un mail de recadrage à votre chargée de catégorie pour exiger que dans la rédaction de ses mails vers les adhérents des commissions, il soit bien mentionné «vu avec [E], » pour que ceux-ci sachent que vous êtes le seul décideur. Votre chargée de catégorie vous exprime son étonnement face à cette injonction et vous rappelle qu'elle a toujours appliqué vos instructions. La discussion se prolonge par un entretien le 6 octobre 2015 au cours duquel votre collaboratrice vous déclare qu'elle est lassée de votre attitude et de la défiance continue que vous avez à son encontre. Elle vous informe par ailleurs que vous l'avez fortement démotivée en agissant ainsi. Cependant, sans tirer le moindre enseignement de cette entrevue, dès le jeudi 8 octobre 2015, lors d'un nouvel échange avec votre chargée de catégorie PEM, relatif au lancement du prospectus de mai 2016 et l'intégration d'un produit MDD, vous remettez en cause son travail sur un sujet déjà traité en commission (cf intra, votre attitude vis-à-vis des produits MDD, p2). À l'issue de cet entretien, votre collaboratrice fortement éprouvée par ce nouveau reproche fond en larmes, se rend à l'infirmerie et demande à rencontrer le médecin du travail. À retour, elle informe son responsable N+2 et la Direction des Ressources Humaines des nombreuses difficultés rencontrées et consécutives à votre management. Nous tenons à souligner le fait que vous refusez de prendre en considération les remarques et alertes de vos responsables hiérarchiques concernant vos points d'amélioration. Ainsi, lors de votre entretien annuel en juin 2015, vous réagissez aux observations initialement écrites par votre responsable car elles ne vous convenaient pas: "pas de leadership de son groupe au niveau des projets à initier et dynamique d'animation avec les équipes"; "reste trop dans l'opérationnel et ne sait pas prendre de la hauteur dans sa mission"; "progresser dans la communication". Vous lui avez demandé par mail du 18 juin 2015 de modifier son appréciation que vous jugez trop négative. Votre hiérarchie a accepté de modifier son commentaire dans un souci d'apaisement et d'encouragement tout en rappelant oralement vos axes d'amélioration. Toutefois, suite au constat de la dégradation de la situation et à l'épuisement croissant de vos équipes, vous avez été reçu le 1er octobre 2015 par vos responsables N+2 et N+3, et le 7 octobre par le Directeur des Ressources Humaines. À chaque entretien, vous avez alors répondu d'une manière surprenante puisque vous avez nié toute situation dégradée tout en reconnaissant quelques tensions passagères dans l'équipe mais rien de grave selon vous. Cependant, le 8 octobre 2015, il s'avère qu'un nouvel accrochage est intervenu avec votre chargée de catégorie, celui-ci l'ayant conduit à un état d'épuisement avéré et de démotivation avancée. Force est de constater que vous n'avez pas pris la mesure de votre poste de Chef de Groupe depuis votre évolution. Vous avez du mal à prendre de la hauteur. Le constat a été fait que le management de l'activité et de votre équipe n'est pas approprié et se dégrade de manière accélérée depuis plusieurs mois. Malgré l'accompagnement dont vous avez fait l'objet dans votre prise de fonction (formations, adaptation de votre périmètre d'activité, cadrage de votre hiérarchie et diverses alertes), vos manquements portent préjudice tant à l'activité qu'aux membres de votre équipe. Les explications que vous nous avez apportées ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation sur les insuffisances et agissements fautifs que nous vous avons décrits au cours de l'entretien du 21 octobre 2015. Aussi, au vu de l'ensemble des éléments évoqués ci-dessus, nous sommes amenés à vous notifier par la présente votre licenciement. La société Coopérative Groupements d'achats des centres E. Leclerc (SC GALEC) soutient que le licenciement du salarié est fondé et que la lettre de licenciement fait état de motifs précis et matériellement vérifiables, à savoir des insuffisances professionnelles et agissements fautifs. Elle invoque son management inapproprié car trop agressif à l'égard de ses collaboratrices ainsi que ses manquements dans l'exécution des tâches lui incombant, soulignant le fait que M [E] [M] a effectué deux formations en management à l'occasion de sa promotion au poste de chef de groupe de catégorie. La SC GALEC lui reproche d'avoir empiété de manière intempestive sur les fonctions de ses collaboratrices, ce qui a engendré tensions et désorganisation, et do ne pas avoir tenu compte des observations de sa hiérarchie. M. [E] [M] fait valoir que la SC GALEC se prévaut de faits qui ne sont pas matériellement vérifiables, l'employeur utilisant des formules vagues et superficielles et que la relation de travail s'est dégradée à l'arrivée en septembre 2013 de M. [B] [R] remplaçant de M. [K] [A]. Il expose qu'il a toujours conservé calme et recul devant les réactions inappropriées de ses deux collaboratrices, faisant observer que quatorze salariés lui ont apporté leur soutien, et qu'en réalité son licenciement repose sur un motif économique, la SC GALEC ayant fait l'objet d'un arrêt rendu le 1er juillet 2015 par la chambre 4 du pôle 5 de cette cour, la condamnant à verser au Trésor Public la somme de 61 288 677 euros indûment perçue, en vue de sa restitution à divers fournisseurs, et qu'il a alors été décidé de procéder à des économies. Il fait observer que de fait son poste a été supprimé dès lors qu'il n'a jamais été remplacé. L'examen des entretiens d'évaluation de M. [E] [M] montre que jusqu'en 2013, M. [E] [M] a fait l'objet d'appréciations élogieuses ce qui a alors conduit sa hiérarchie à lui confier de nouvelles responsabilités impliquant 'une nouvelle dimension d'encadrement d'équipe', qu'en 2014, année qualifiée d'atypique, il a été décidé de recentrer son activité sur le seul groupe électroménager, qu'en 2015, alors que globalement ses objectifs 'négociations' et 'Mdd' sont atteints, il lui est demandé d'axer le management du groupe selon trois axes : 'Management de son équipe de manière plus percutante [...] ; Définition des objectifs de son groupe à moyen terme réalisés, [E] devra piloter mensuellement ces points auprès de ses équipes et savoir être plus exigeant sur les résultats du timing. Son management participatif doit être complété par un management plus directif; La communication totalement orale où [E] doit progresser afin d'être plus clair et précis'. Force est de constater que le 22 juin 2015, date de signature de l'évaluation par le responsable du salarié aucun reproche ne lui a été formulé concernant son management brutal, ce dernier au contraire faisant état d'un manque d'exigence et d'un management insuffisamment 'percutant', ce alors même qu'il était nécessairement informé de la tension consécutive à un incident survenu lors d'un salon professionnel durant ce même mois, évoquée dans la lettre de licenciement. S'il résulte des attestations de Mme [Y] et de Mme [I] que la relation de travail s'est tendue avec M. [E] [M], aucune pièce en revanche ne permet de lui en imputer la seule responsabilité, ce dernier versant aux débats une lettre signée par l'équipe du marché personne constituée de quatorze personnes ainsi rédigée : ' C'est à notre grande surprise et avec beaucoup de regrets que nous avons appris la suspension des fonctions de M. [E] [M], chef de groupe du pôle électroménager au sein du marché de la maison. Nous souhaitons donc lui apporter notre soutien et attestons par cette présente que nous n'avons jamais assisté sur le plateau de la maison à quelque incident qu'il soit verbal ou autre et qui aurait pu justifier le moindre problème entre M. [M] et les membres de l'équipe maison' et d'un courriel de Mme [Y] évoquant la fait qu'elle ait un caractère parfois explosif et louant sa disponibilité à son égard . Par ailleurs, la SC GALEC ne verse aucune pièces pertinente justifiant des insuffisances dont aurait fait preuve M. [E] [M], de son inaction, de son indifférence à certaines exigences, de son absence de suivi sur l'«encastrable», de son absence d'anticipation à l'origine de remarques désobligeantes et du mécontentement de ses interlocuteurs. Les élements fournis par l'employeur ne permettent pas d'établir le caractère réel et sérieux des motifs invoqués dans la lettre de licenciement. Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement de M. [E] [M] sans cause réelle et sérieuse. Le conseil de prud'hommes, compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [E] [M], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et explications fournies, a procédé à une exacte appréciation de l'indemnité à laquelle l'intéressé peut prétendre en application de l'article L.1235-3 du code du travail. Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire : M. [E] [M] ne verse aucun élément permettant de démontrer que son licenciement est intervenu dans des conditions vexatoires. Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté ce dernier de la demande de dommages-intérêts formée à ce titre. Sur l'exécution déloyale du contrat de travail : M. [E] [M] dont il y a lieu de relever qu'il a fait l'objet de promotion et augmentation de rémunération au cours de la relation de travail, ne justifie nullement de manquement de la SC GALEC à son égard en cours d'exécution du contrat de travail. Sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail n'est pas fondée. Sur le remboursement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi : Le conseil de prud'hommes, dès lors que le licenciement de M. [E] [M] est sans cause réelle et sérieuse, a fait une juste application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail. Il convient de confirmer le jugement sur ce point. Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement en ce qu'il a accordé à M. [E] [M] la somme de 1 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer la somme de 1 500 euros sur le même fondement au titre des sommes exposées en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, CONDAMNE la société coopérative groupements d'achats des centres E. Leclerc (SC GALEC) à payer à M. [E] [M] [T] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes, CONDAMNE la société coopérative groupements d'achats des centres E. Leclerc (SC GALEC) aux entiers dépens. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE