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Cour d'appel de Caen, 8 décembre 2022, 21/00910

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Caen
8 décembre 2022
Tribunal judiciaire de Caen
16 mars 2021
Tribunal du contentieux de l'incapacité de Bordeaux
5 janvier 2016

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 21/00910 N° Portalis DBVC-V-B7F-GXAF Code Aff. :

ARRET

N° C.P ORIGINE : Décision du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 16 Mars 2021 - RG n° 19/00890 COUR D'APPEL DE CAEN Chambre sociale section 3 ARRET DU 08 DECEMBRE 2022 APPELANT : Monsieur [R] [M] [Adresse 3] [Localité 1] Représenté par la FNATH, en la personne de Mme [X], mandatée INTIMEE : CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE DORDOGNE [Adresse 4] [Localité 2] Dispensée de comparaître en vertu des articles 946 et 446-1 du code de procédure civile DEBATS : A l'audience publique du 03 octobre 2022, tenue par Monsieur LE BOURVELLEC, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré GREFFIER : Mme GOULARD COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE : Mme CHAUX, Présidente de Chambre, M. LE BOURVELLEC, Conseiller, M. GANCE, Conseiller, ARRET prononcé publiquement le 08 décembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [M] d'un jugement rendu le 16 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Caen dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne. FAITS et PROCEDURE M. [M], alors salarié de la société [5] en qualité de conducteur 'VEH', a souscrit une déclaration d'accident du travail le 23 mars 1989, suite à une chute survenue la veille en descendant de son camion. Le certificat médical initial du 22 mars 1989 mentionnait 'douleur genou gauche avec impotence fonctionnelle, cervicalgies'. L'état de santé du salarié a été considéré comme consolidé le 3 octobre 1989. L'accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de Dordogne (ci-après 'la caisse') et un taux d'incapacité de 5 % a été attribué. Celui-ci a demandé la prise en charge d'une rechute le 30 octobre 2008 au titre de son accident du travail du 22 mars 1989. Un refus de prise en charge a été adressé par la caisse à l'assuré le 26 janvier 2009. Suite à ce refus, M. [M] a sollicité la mise en place d'une expertise, qui a été réalisée le 12 mars 2009. Le médecin expert a conclu qu'il n'existait aucun lien de causalité directe entre l'accident du travail dont l'assuré a été victime le 22 mars 1989 et les lésions et troubles invoqués à la date du 30 octobre 2008. Suite à une révision du 12 mars 2014, la caisse a fixé l'incapacité permanente partielle (IPP) à 15 % pour cervicalgies avec syndrome cervico-céphalique. M. [M] ayant contesté le taux d'IPP, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Bordeaux a, par jugement du 5 janvier 2016, annulé la décision de la caisse et fixé à 18 % le taux d'IPP de l'assuré. Le 20 novembre 2017, M. [M] a demandé une nouvelle révision de son taux d'incapacité. Après avis du médecin conseil de la caisse, ce taux a été porté à 25 % au 20 novembre 2017. Le 4 mai 2018, la caisse a adressé à M. [M] la notification de la décision relative au taux d'IPP de 25 %. Contestant ce taux, M. [M] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Caen le 28 mai 2018. Le tribunal judiciaire de Caen, auquel a été transféré le contentieux du tribunal du contentieux de l'incapacité à compter du 1er janvier 2019, a, par jugement du 16 mars 2021 : - entériné les conclusions médicales du docteur [Z], médecin désigné par le tribunal, - déclaré le recours mal fondé et l'a rejeté, - en conséquence, 'rappelé que la décision de la caisse du 4 mai 2018, ayant fixé à 25 % le taux d'IPP consécutif à la demande de la révision pour aggravation du 20 novembre 2017 de l'accident du travail survenu le 22 mars 1989", - condamné M. [M], en tant que de besoin, aux dépens. Par déclaration du 29 mars 2021, M. [M] a interjeté appel de cette décision. Par conclusions déposées le 7 juin 2021, soutenues oralement par la représentante de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, M. [M] demande à la cour de : - dire que le recours exercé par M. [M] est recevable, - infirmer le jugement dans toutes ses dispositions, A titre principal, - reconnaître que le nouveau taux d'incapacité de 25 % au 20 novembre 2017 attribué par la caisse est insuffisant au vu de la réglementation, - attribuer un nouveau taux d'incapacité global de 32 % à compter du 20 novembre 2017 suite à l'aggravation des séquelles de M. [M] de son accident du travail du 22 mars 1989, au regard du barème indicatif d'invalidité, - renvoyer M. [M] devant la caisse pour la liquidation de ses droits, A titre subsidiaire, - avant-dire-droit, ordonner une expertise médicale complémentaire confiée à un spécialiste ORL, avec pour mission de prendre connaissance de l'entier dossier de M. [M] et de décrire ses lésion auditives en lien avec son accident du travail de 1989 et fixer le taux d'incapacité permanente partielle consécutif à l'aggravation des séquelles auditives de M. [M] à compter du 20 novembre 2017 consécutif à son accident du travail du 22 mars 1989, s'ajoutant au taux d'incapacité de 25 % fixé pour l'aggravation de ses autres séquelles. La caisse a sollicité par courrier du 23 mai 2022 à être dispensée de comparution à l'audience du 3 octobre 2022. La cour a fait droit à cette demande. Par écritures déposées le 23 mai 2022, la caisse demande à la cour de : - confirmer le jugement entrepris, - confirmer le taux d'IPP de 25 % déterminé en réparation des séquelles de l'accident du travail de M. [M] du 22 mars 1989 suite à la révision du 20 novembre 2017, - débouter en conséquence M. [M] de ses demandes. Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

SUR CE,

LA COUR, Aux termes de l'article L.434-2 alinéa 1 du code de sécurité sociale, Le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité. En l'espèce, le taux de 25 % a été évalué par le médecin conseil de la caisse pour l'indemnisation des séquelles 'syndrome cervico céphalique et syndrome subjectif post commotionnel après traumatisme cervical avec fracture des apophyses épineuses de C4 à C7 consistant en des cervicalgies, des vertiges de position, des troubles de l'humeur et du caractère, de la concentration' résultant de l'accident du travail de M. [M] du 22 mars 1989 après révision du 20 novembre 2017. Le docteur [Z], médecin expert désigné par le tribunal, a estimé que le taux d'IPP de 25 % retenu au 20 novembre 2017 était conforme à la situation médicale au motif que 'le déficit auditif ne peut être imputé de façon directe unique et certaine avec l'accident du 22 mars 1989. Cet accident a entraîné un traumatisme cervical et crânien, suivi d'une évolution de type syndrome subjectif des traumatisés crâniens et cervicaux tels que décrits ci-dessous. L'évolution actuelle uncarthrosique étagée concernant tout le rachis cervical n'est pas en lien unique direct et certain avec l'accident de travail initial (état indépendant '). Le rhumatologue ne retient pas d'atteinte en C1-C2 en août 2020, confirme l'uncarthrose étagée. Il s'agit donc bien d'une névralgie d'Arnold rentrant dans le syndrome subjectif des traumatisés cervicaux. Le barème UCANSS reprend la définition médicale du syndrome post-commotionnel des traumatisés du crâne (...) et le syndrome cervicocéphalique (...). Ce syndrome associé à un syndrome post-commotionnel, le taux n'excédera pas 25 %.' Il résulte du rapport du docteur [Z], en page 3, qu'il s'est fondé sur le fait que le docteur [F] n'a pas retenu, à la date du 30 octobre 2008, de lien de causalité direct entre l'accident du travail et les lésions évoquées (acouphènes, surdité), pour exclure de l'évaluation de l'IPP de l'appelant les doléances en relation avec ses problèmes auditifs. Le docteur [Z] ajoute 'le docteur [U], Orl, précise le 19 juin 2014 'suivi depuis 2010 pour entre autres des acouphènes bilatéraux importants, en particulier depuis un traumatisme crânien ancien du 22 mars 1989", sous-entendant la présence d'un état antérieur.' Le médecin expert n'a donc pas tiré les conclusions logiques des constatations du docteur [U], qui faisait expressément le lien entre les acouphènes et le traumatisme crânien du 22 mars 1989, date de l'accident du travail initial, sans faire aucune référence à un état antérieur. De plus, le tribunal de l'incapacité de Bordeaux, dans sa décision du 5 janvier 2016, a retenu pour évaluer l'IPP de M. [M] à 18 % à la date du 12 mars 2014 'un état dépressif majeur avec des cervicalgies invalidantes, des vertiges angoissants qui ne régressent pas malgré divers traitements ; les acouphènes et la surdité appareillée sont très mal vécus'. Il apparaît ainsi qu'à compter de cette décision, rendue après avis d'un médecin expert, le lien entre l'accident du travail du 22 mars 1989 et les problèmes auditifs de M. [M] avait été reconnu, au contraire de la précédente expertise mise en place par la caisse en 2008. M. [M] produit par ailleurs : - un certificat médical du professeur [K], ORL, en date du 17 décembre 2015, mentionnant 'surdité sévère à profonde bilatérale appareillée accompagnée d'acouphènes difficilement supportables en rapport avec l'accident du travail de 1989". - un certificat du docteur [D], neurologue, en date du 7 septembre 2015, indiquant 'surdité bilatérale et acouphènes bilatéraux invalidants post traumatiques AT 1989". Le barème indicatif d'invalidité (accidents du travail) mentionne : 4.2.1.1 Syndrome post-commotionnel des traumatisés du crâne Les traumatisés du crâne se plaignent souvent de troubles divers constituant le syndrome subjectif. On ne doit conclure à la réalité d'un tel syndrome qu'avec prudence. Il ne sera admis que s'il y a eu à l'origine un traumatisme crânien ou une commotion cérébrale par l'intermédiaire de l'axe cérébral plus particulièrement du rachis cervical. Ce syndrome se manifeste par des céphalées, des étourdissements ou une sensation d'instabilité, une difficulté de la concentration intellectuelle et de l'association des idées. La victime peut accuser également une fatigabilité intellectuelle à la lecture (par hétérophorie), des troubles amnésiques portant sur les faits récents, une modification de l'humeur et du caractère, ainsi que des troubles du sommeil. Lors de l'interrogatoire, il y aura lieu de faire préciser au blessé les signes accusés, de les lui faire décrire. Cependant, le médecin évitera de diriger l'interrogatoire par des questions pouvant orienter les réponses. - Syndrome subjectif, post-commotionnel 5 à 20 On ne doit pas additionner au taux du syndrome post-commotionnel les taux inhérents à des séquelles neurologiques, sans que celles-ci soient individualisées et objectivées par des examens paracliniques éventuels : bilans ophtalmo et O.R.L., E.C.G., tomodensitométrie, etc. 4.2.1.2 Syndrome cervico-céphalique Il s'accompagne éventuellement de vertiges de position avec obnubilation visuelle, "arnoldalgie", point d'Erb, contracture du trapèze, redressement de la lordose cervicale physiologique, limitation plus ou moins douloureuse de la mobilité du cou. - Syndrome isolé 5 à 15 - Syndrome associé à un syndrome post-commotionnel, le taux global n'excèdera pas 25. C'est en se fondant sur la situation de M. [M] à la date du 20 novembre 2017, à l'exclusion des troubles de l'audition, que la caisse a fixé l'IPP de M. [M] à 25 % conformément au barème en ses articles 4.2.1.1 et 4.2.1.2. Elle a cependant exclu à tort, ainsi que cela a été précédemment démontré, les problèmes auditifs de M. [M], pourtant directement rattachables à l'accident de 1989. Le barème prévoit : 5.5.3 ACOUPHÈNES. En général, les acouphènes d'origine traumatique (bourdonnements, sifflements, tintements, etc.), n'existent pas à l'état isolé, c'est-à-dire, en dehors de tout déficit auditif ; mais ils ne sont pas expressément conditionnés par un déficit important. Souvent, ils échappent à tous contrôles objectifs : ils ne seront pris en considération que si le sujet a manifesté par ailleurs une bonne foi évidente au cours de l'examen acoumétrique. Il sera tenu compte, pour l'estimation du taux d'incapacité, de leur durée, de leur intensité, de leur retentissement sur le sommeil, voire sur l'état général, moral et psychique. - Acouphène gênant le sommeil, accompagnant une baisse de l'acuité auditive 2 à 5 Compte tenu de l'intensité des acouphènes dont souffre M. [M], qui l'empêchent de dormir correctement, il y a lieu d'ajouter 5 % au titre de l'IPP, par application du barème précité. C'est donc par voie d'infirmation qu'il convient d'attribuer un taux d'IPP global de 30 % à compter du 20 novembre 2017 suite à l'aggravation des séquelles de M. [M] de son accident du travail du 22 mars 1989 et de le renvoyer devant la caisse pour la liquidation de ses droits. Partie perdante, la caisse supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Attribue à M. [M] un taux d'incapacité permanente partielle de 30 % à compter du 20 novembre 2017 suite à l'aggravation des séquelles de son accident du travail du 22 mars 1989 ; Renvoie M. [M] devant la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne pour la liquidation de ses droits ; Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne aux dépens de première instance et d'appel. LE GREFFIER LE PRESIDENT E. GOULARD C. CHAUX