Cour de cassation, Troisième chambre civile, 14 avril 2016, 15-10.505

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2016-04-14
Cour d'appel de Paris
2014-10-15
Tribunal de grande instance de Paris
2012-03-08

Texte intégral

CIV.3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 avril 2016 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 492 F-D Pourvoi n° D 15-10.505 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

Statuant sur le pourvoi formé par

la société GFA, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10], contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2014 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [V] [W], domiciliée [Adresse 6], prise en son nom personnel et en qualité d'administrateur légal de ses enfants mineurs [N] [E] [O] [F], [J] [F] et [U] [F] ès qualités d'héritiers de [B] [F], 2°/ à M. [P] [M], domicilié [Adresse 2], 3°/ à la société BDG boulevard de Clichy, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5], 4°/ à M. [Y] [H], domicilié [Adresse 8], 5°/ au syndicat des copropriétaires [Adresse 4], société par actions simplifiée, représenté par son syndic la société Pagesti, dont le siège est [Adresse 9], 6°/ à la société Marchal Syngest, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], 7°/ à la société Mutuelle du Mans assurances IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], 8°/ à la société Aréas dommages, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 7], pris en qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 15 mars 2016, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Provost-Lopin, conseiller rapporteur, Mme Fossaert, conseiller doyen, M. Dupont, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Provost-Lopin, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société GFA, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [W], l'avis de Mme Salvat, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne acte à la société GFA du désistement partiel de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [H], la société Areas dommages SAMCV, M. [M], la société BDG, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], la société Marchal Syngest SASU et la société Mutuelle du Mans assurances IARD ;

Sur le moyen

unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué ( Paris, 15 octobre 2014), que, le 24 janvier 2003, M. [F] aux droits duquel se trouvent Mme [F] et ses enfants mineurs, [N], [J] et [U] (les consorts [F]), est devenu propriétaire d'un local commercial destiné à l'exploitation d'un cabaret situé au rez-de-chaussée d'un immeuble dont est devenue locataire la société GFA à la suite de l'acquisition du fonds de commerce en 2000 ; qu'invoquant le défaut d'exploitation, M. [F] a assigné la société locataire en résiliation du bail ; qu'à titre reconventionnel, se plaignant de dégâts des eaux l'empêchant d'exploiter le fonds de commerce, la société GFA a demandé l'indemnisation de son préjudice ;

Attendu que la société GFA fait grief à

l'arrêt de limiter la condamnation des consorts [F] à une certaine somme au titre de ce préjudice, alors, selon le moyen : 1°/ que les juges du second degré ont reconnu que l'insalubrité des locaux commerciaux, et partant l'impossibilité d'y exploiter un fonds de commerce, étaient dues au manquement contractuel du bailleur ; que, dès lors, en refusant d'intégrer dans l'évaluation du préjudice subi par la société GFA le montant des redevances de location-gérance qu'elle aurait dû percevoir à compter du troisième trimestre de l'année 2003 quand il découlait pourtant de leurs énonciations que l'impossibilité d'exécuter le contrat de location-gérance était causée par le manquement contractuel du bailleur, les juges du second degré n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs constatations et ont par conséquent violé l'article 1147 du code civil ; 2°/ que le contrat de location-gérance ne constitue pas un contrat de sous-location du local à usage commercial, de sorte que le loueur du fonds de commerce ne saurait être astreint aux obligations du bailleur d'immeuble ; que dès lors, en retenant, pour refuser d'intégrer dans l'évaluation du préjudice subi par la société GFA le montant des redevances de location-gérance qu'elle aurait dû percevoir à compter du troisième trimestre de l'année 2003, que celle-ci avait elle-même l'obligation de délivrer des locaux en bon état de réparation à ses locataires-gérants, la cour d'appel a violé l'article L. 144-1 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu

qu'ayant retenu que M. [F] n'avait pas satisfait à son obligation de délivrance dès lors que le local commercial était inexploitable depuis 2003 du fait de son insalubrité et que ce manquement avait causé un préjudice à la société locataire en l'empêchant d'exploiter le fonds de commerce ou de le donner en location gérance, la cour d'appel a pu retenir que le préjudice subi par la société GFA se limitait à la perte de la clientèle et ne pouvait inclure le montant des redevances d'un contrat de location-gérance qu'elle ne pouvait elle-même consentir en raison de l'état insalubre des lieux ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société GFA aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société GFA et la condamne à payer à Mme [V] [W], agissant en son nom personnel et en qualité d'administrateur légal de ses enfants mineurs, [N], [J] et [U] [F] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille seize.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société GFA. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR réformé le jugement entrepris en ses dispositions relatives au montant des dommages-intérêts alloués au preneur et limité la condamnation des consorts [F] envers la société GFA au titre du préjudice subi à la somme de 95 736,77 euros ; AUX MOTIFS QUE : « La société GFA invoque que son préjudice est constitué de pertes d'exploitation, de frais fixes et des travaux ainsi que de la perte de la valeur du fonds. S'agissant des pertes d'exploitation, la société GFA indique limiter sa réclamation aux pertes de redevances de location gérance qu'elle aurait pu conclure à la suite du départ de la société Tissier qui a quitté les lieux à la fin du 3eme trimestre 2003, les locaux ayant fait l'objet de contrats de location gérance successivement conclus avec les EURL Le Moulin, TVB et Tissier, cette dernière n'ayant jamais réglé les redevances. Elle demande la somme actualisée de 315 000 € pour la période allant du 3ème trimestre 2003 au dernier trimestre 2012. Or la société GFA ne peut tout à la fois invoquer au soutien de sa demande de résiliation le défaut de délivrance de locaux en état de servir à leur destination et la perte de contrats de location gérance qu'elle n'aurait pu de toute façon souscrire au-delà du 1° juillet 2003 en raison de l'état de dégradation de locaux qu'elle était tenue elle-même de délivrer en bon état de réparations à ses locataires gérants et qu'elle décrit comme inexploitables ; Elle peut simplement invoquer la perte de clientèle et donc du fonds dont elle est un élément essentiel en raison du défaut d'exploitation continue liée aux dégradations des locaux. Elle estime que par valorisation du prix d'achat de 350 000 francs en mai 2000, soit 53 357 €, le fonds aurait atteint une valeur de 250 000 € en 2012, hors toute valorisation dans un quartier favorable à l'activité ; Or elle ne produit aucun élément comptable permettant, fut ce dans les premières années d'activité, de connaître la rentabilité du fonds de sorte que le tribunal après avoir souligné que l'activité était en baisse en 1999, au moment de la vente, a justement estimé la valeur actualisée du fonds à la somme de 64 000 €. Le tribunal sera également approuvé en ce qu'il a fait droit à la demande en remboursement des travaux effectués en pure perte sur le fonds à hauteur de 18 234, 78 € ainsi qu' en remboursement des loyers et charges dans la mesure ou le fonds n'a pu être exploité conformément à sa destination à compter du 3ème trimestre 2003; la société GFA est donc fondée à réclamer restitution de l'ensemble des loyers payés à compter de cette date pour partie entre les mains du bailleur pour la somme de 8485, 56 € et pour partie par consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations pour la somme de 5016, 43 €, ce qui représente une somme totale de 13 501, 99 €. Elle ne justifie en revanche du paiement de frais fixes qu'elle indique avoir exposés que par une liste jointe à une attestation de son expert-comptable dont les honoraires sont nécessairement à sa charge, étant souligné qu'aucun document comptable n'a été produit aux débats et sera déboutée en conséquence de cette demande. Le préjudice global de la société GFA s'élève donc à la somme de : 64 000 € + 18 234, 78 € + 13 501, 99 € = 95 736, 77 € » ; ALORS 1/ QUE : les juges du second degré ont reconnu que l'insalubrité des locaux commerciaux, et partant l'impossibilité d'y exploiter un fonds de commerce, étaient dues au manquement contractuel du bailleur (arrêt, p. 7, §§ 7-9) ; que, dès lors, en refusant d'intégrer dans l'évaluation du préjudice subi par la société GFA le montant des redevances de location-gérance qu'elle aurait dû percevoir à compter du troisième trimestre de l'année 2003 quand il découlait pourtant de leurs énonciations que l'impossibilité d'exécuter le contrat de location-gérance était causée par le manquement contractuel du bailleur, les juges du second degré n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs constatations et ont par conséquent violé l'article 1147 du code civil ; ALORS 2/ QUE : le contrat de location-gérance ne constitue pas un contrat de sous-location du local à usage commercial, de sorte que le loueur du fonds de commerce ne saurait être astreint aux obligations du bailleur d'immeuble ; que dès lors, en retenant, pour refuser d'intégrer dans l'évaluation du préjudice subi par la société GFA le montant des redevances de location-gérance qu'elle aurait dû percevoir à compter du troisième trimestre de l'année 2003, que celle-ci avait elle-même l'obligation de délivrer des locaux en bon état de réparations à ses locataires-gérants, la cour d'appel a violé l'article L. 144-1 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil.