Cour de cassation, Troisième chambre civile, 5 novembre 2013, 12-28.310

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2013-11-05
Cour d'appel de Lyon
2012-09-18

Texte intégral

Donne acte à la SCI JPL (la SCI) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. X...;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Lyon, 18 septembre 2012), que la société civile immobilière JPL (la SCI), propriétaire d'un immeuble à usage de salon de coiffure, a fait réaliser des travaux de rénovation de la toiture ; que suite à l'apparition de fuites, la SCI a confié à l'entreprise A... des travaux de reprise sous la maîtrise d'oeuvre de la société Brossard études (la société Brossard) ; que sa locataire se plaignant de nouvelles infiltrations, la SCI a obtenu une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. Y...; que se fondant sur une expertise amiable pour contester le rapport de l'expert judiciaire, la SCI a assigné la société Brossard, l'entreprise A..., leur assureur commun, la société Axa, et MM. Y...et X...en indemnisation de ses préjudices et en remboursement des frais d'expertises ; qu'après contre-expertise judiciaire, confiée à M. Z..., la SCI a maintenu ses demandes en appel ;

Sur le second moyen

, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant

retenu qu'il ressortait des rapports des experts Y...et Z...que ces derniers s'étaient déplacés au cours de plusieurs réunions contradictoires, qu'ils avaient ainsi pu faire toutes constatations indispensables et entendre tout sachant et relevé que l'expert Y...avait parfaitement rempli sa mission, la cour d'appel qui, n'étant pas tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, a pu écarter la responsabilité de l'expert, a légalement justifié sa décision de ce chef ; Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la première branche du moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen

:

Vu

l'article 1792 du code civil ;

Attendu que pour débouter la SCI de ses demandes à l'encontre de la société Brossard, l'entreprise A... et la société Axa, l'arrêt retient

que les constatations et explications contradictoires des deux experts ne permettent pas au juge de déterminer l'origine des désordres invoqués par la SCI défaillante dans l'administration de la preuve ;

Qu'en statuant ainsi

, par des motifs impropres à exclure la responsabilité de plein droit des constructeurs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la SCI de ses demandes en paiement formées contre la société Brossard, M. A... et la société Axa, l'arrêt rendu le 18 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ; Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum la société Axa, M. A... et la société Brossard à payer 3 000 euros à la SCI ; condamne la SCI à payer à M. Y...la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille treize

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société JPL PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI JPL de sa demande en paiement des sommes de 33. 465, 04 euros et 15. 000 euros à titre de dommages-intérêts, formée contre la SARL BROSSARD ETUDES et Monsieur A..., constructeurs, et la Compagnie AXA FRANCE IARD, leur assureur commun ; AUX MOTIFS PROPRES NECESSAIREMENT SUBSTITUES A CEUX DES PREMIERS JUGES QUE « 1/ Sur la réalité des désordres : l'expert Y...qui a déposé son rapport en septembre 2001 a indiqué n'avoir constaté à l'intérieur du salon de coiffure, aucun « sinistre » pouvant être la conséquence des infiltrations invoquées par le propriétaire : absence d'auréole, de traces d'humidité, de peinture écaillée, aucune trace non plus sur le mur extérieur ; que l'expert Z... qui a déposé son rapport en 2011, indique n'avoir pu constater la présence d'infiltrations d'eau à l'intérieur des locaux donnés à bail ; que les seuls éléments ayant permis aux deux experts de donner l'avis qui leur était demandé consistent dans les plaintes du propriétaire de l'immeuble et de son locataire exploitant le salon de coiffure situé en rez-de-chaussée et les constats d'huissier qui ont été dressés à l'initiative de ces derniers ; que plusieurs constats ont en effet été dressés les 4 juillet 2000, 8 juillet 2004, 19 août 2006 et 11 mai 2010 ; que les huissiers intervenus sur place de façon concomitante ou très proche de la survenance de forts orages de pluie, ont alors pu constater que l'eau avait inondé le salon de coiffure, ruisselant notamment à partir des spots installés au plafond du fond du local et dans les toilettes ; que l'expert B...dont le rapport non contradictoire ne permet pas à la cour de tirer des éléments probants incontestables, explique néanmoins sans discussion des parties sur ce point, que ces inondations ont provoqué peu de dommages dans la mesure où l'eau de ruissellement a été filtrée par la laine de verre installée sous les toits dans le cadre de l'isolation du bâtiment ; que l'ensemble de ces éléments suffit à établir la réalité des désordres invoqués par la SCI JPL consistant dans l'inondation de l'immeuble dont elle est propriétaire à TASSIN LA DEMI LUNE, par le ruissellement d'eau provenant des toitures, la survenance de ces derniers limitée aux périodes de très fortes averses de pluie ajoutée à l'absence de traces majeures et persistantes ainsi qu'aux nettoyages immédiats du salon de coiffure pour permettre une bonne exploitation de la clientèle, justifiant l'absence de constatations par les experts judiciaires ; 2/ sur les responsabilités : qu'il ressort des rapports des experts Y...et Z...que ces derniers ont rempli la mission qui leur était confiée en se rendant sur place au cours de plusieurs réunions contradictoires ; qu'ils ont ainsi pu faire toutes les constatations qui leur semblaient indispensables et entendre tous sachants ; que les conclusions qu'ils tirent de l'ensemble de ces éléments sont contradictoires quant à l'origine des désordres, le premier expert Y...concluant à la responsabilité du propriétaire défaillant dans son obligation d'entretien de la toiture et le second indiquant que les infiltrations d'eau à l'intérieur du salon de coiffure proviennent d'erreurs de conception et de construction imputables à la SARL BROSSARD ETUDES et à l'entreprise A... ; que les explications données par les deux experts permettent à la Cour d'appel de constater que : - alors même qu'ils ont pris tous les deux diverses mesures en toiture, leurs conclusions quant au respect des règles de l'art sont très différentes tant au niveau de l'existence ou non d'un effet de cuvette en partie basse liée à une saturation possible des évacuations des eaux pluviales qu'au titre de l'engorgement des caniveaux de rive en bordure contre les murs latéraux ; - les deux experts concordent pour constater que les épines d'un cèdre voisin se déversent sur la toiture et restent stockées entre les tuiles sous lesquelles elles s'infiltrent en créant des colmatages empêchant l'évacuation normale de l'eau sur la toiture, situation pouvant justifier que, malgré la réalisation par la SCI JPL d'un nettoyage de la toiture avec évacuation notamment des gravats qui s'y trouvaient suite à des travaux réalisés en façade conformément à l'invitation qui lui avait été donnée par le premier expert, les fuites persistent en toiture ; que les constatations et explications contradictoires des deux experts ayant visité les lieux ne permettent pas au juge de déterminer l'origine des désordres invoqués par la SCI JPL qui ne peut dès lors, défaillante dans l'administration de la preuve, que succomber en ses demandes indemnitaires ; 1/ ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui, en présence des conclusions de Monsieur B...venant contredire celles de Monsieur Y..., a par arrêt avant-dire droit du 5 mai 2009, ordonné une contre expertise confiée à Monsieur Z..., mais qui, au vu des expertises jugées contradictoires des experts Y...et Z..., a finalement refusé de trancher au motif inopérant qu'elle n'était ainsi pas en mesure de « déterminer l'origine des désordres invoqués par la SCI JPL », a violé l'article 4 du code civil ; 2/ ALORS QUE la détermination de la cause des désordres est sans incidence sur le droit à réparation des victimes invoquant l'article 1792 du Code civil ; que, par ailleurs, en cas de désordres compromettant la solidité de l'immeuble ou le rendant impropre à sa destination au sens de ce texte, le constructeur est responsable de plein droit, sauf preuve lui incombant d'une cause étrangère ; qu'en l'espèce, plaçant la discussion sur le terrain de l'article 1792 du code civil et se fondant sur les constatations de l'expert judiciaire Z..., la SCI JPL invitait la Cour d'appel à rechercher si les infiltrations d'eau se produisant « à l'intérieur du salon de coiffure » constituaient des « vices de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination » voire à mettre l'immeuble « en péril » en raison de la « détérioration de la charpente en bois », soit des désordres relevant de la garantie décennale des constructeurs dont ceux-ci sont responsables de plein droit, sauf à rapporter la preuve leur incombant d'une cause étrangère ; que la Cour d'appel qui, au lieu de procéder à cette recherche, a mis à la charge de la SCI JPL la preuve de « l'origine » des inondations, circonstance sans incidence sur la qualification juridique des désordres et qui a, de surcroît, méconnu le régime de l'objet et de la charge de la preuve en matière de responsabilité décennale des constructeurs, a statué par des motifs impropres à justifier légalement sa décision au regard de l'article 1792 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI JPL de sa demande en responsabilité contre Monsieur Y...; AUX MOTIFS PROPRES QUE, « ainsi que l'a relevé le premier juge, l'expert Y...a parfaitement rempli la mission qui lui était confiée, procédant aux constatations et recherches nécessaires, sans faute de sa part ; que les demandes dirigées à son encontre seront donc rejetées ; » Et AUX MOTIFS ADOPTES DU PREMIER JUGE QU'« il ressort du rapport d'expertise judiciaire qu'il n'existe pas de dommages, que les infiltrations dont se plaint la SCI sont dues au mauvais entretien de la toiture ; que les demandes fondées sur l'article 1792 seront intégralement rejetées ; que la preuve d'une faute de l'expert judiciaire n'est pas rapportée ; que les demandes formées contre Monsieur Y...seront rejetées ; » 1/ ALORS QUE la cassation, sur la base du premier moyen en l'une ou l'autre de ses deux branches, du chef ayant écarté la responsabilité des constructeurs fondée sur l'article 1792 du code civil entraînera la cassation par voie de conséquence du chef qui lui est lié par un lien de dépendance nécessaire, ayant écarté toute faute du premier expert dans la conduite d'une expertise qui a attribué d'emblée et exclusivement la responsabilité des infiltrations à une faute du maître de l'ouvrage, sans aucunement s'interroger sur l'existence de désordres relevant dudit article 1792, par application de l'article 624 du code de procédure civile ; 2/ ALORS QU'engage sa responsabilité l'expert qui commet une erreur d'appréciation, faute de se livrer à toutes les investigations nécessaires à l'identification des désordres allégués ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait écarter toute faute de Monsieur Y..., sans rechercher si l'homme de l'art n'avait pas commis une erreur d'appréciation fautive en limitant à un défaut d'entretien de la toiture, lié à la présence d'épines de cèdre, l'origine des infiltrations alléguées, dès lors qu'elle-même avait constaté, dans son arrêt avant-dire droit du 5 mai 1989, que les infiltrations avaient persisté après enlèvement des épines (p. 7 alinéa 3 in fine) et que, de plus, ainsi que le faisait notamment valoir la SCI JPL dans ses conclusions d'appel (p. 3, paragraphe « colmatage des tuiles », trois premiers alinéas), la contre-expertise de Monsieur Z... établissait que la présence du cèdre à proximité de l'immeuble constituait l'un des éléments que les constructeurs auraient du prendre en compte dans la conception et la réalisation des travaux de reprise de la toiture qui leur avaient été confiés en 1997 ; qu'en l'absence de cette recherche, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.