Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 19 juin 2014, 13-19.532

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2014-06-19
Cour d'appel de Nîmes
2013-04-16

Texte intégral

Attendu, selon l'arrêt attaqué

et les productions, que le 24 juin 2004, M. X..., salarié de la société France BTP services (l'employeur), assurée auprès de la MAAF, a été victime d'un accident qui a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse (la caisse) ; que saisie à cette fin par le salarié, une cour d'appel, dans un arrêt irrévocable du 24 janvier 2012, a dit que l'accident était la conséquence de la faute inexcusable de l'employeur, fixé la majoration de la rente à son maximum et ordonné avant dire droit une expertise sur les préjudices à caractère personnel de la victime ;

Sur le moyen

unique, pris en sa quatrième branche :

Vu

les articles 1351 du code civil et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que pour rejeter la demande d'expertise complémentaire formée par le salarié, l'arrêt retient

, d'une part, que l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt avant-dire droit est acquise sur l'assiette exacte de l'indemnisation à réparer, d'autre part, que le salarié avait abandonné ses prétentions en l'absence de toute référence à ce sujet par les experts successifs, enfin, que la victime d'un accident du travail causé par la faute inexcusable de son employeur ne dispose d'aucune action complémentaire au titre des préjudices réparés même forfaitairement ou avec limitation par le livre IV du code de la sécurité sociale, seuls les dommages qui ne font l'objet d'aucune indemnisation par celui-ci, ouvrant droit à une action en réparation distincte ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi

, alors, d'une part, qu'aucune autorité de chose jugée ne s'attachait quant à l'assiette d'indemnisation des préjudices à l'arrêt avant dire droit ordonnant une expertise, d'autre part, que la victime n'avait, à aucun stade de la procédure, renoncé à l'indemnisation de ses préjudices extra-patrimoniaux, enfin, qu'il ressortait de ses propres constatations que la demande d'expertise portait notamment sur des préjudices non indemnisés par le livre IV du code de la sécurité sociale, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que ces derniers avaient déjà été réparés, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le moyen

unique, pris en sa première branche :

Vu

les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Attendu que la cour d'appel qui a fixé l'indemnisation des souffrances physiques et morales, du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément de la victime, sans qu'aucune partie n'ait demandé la liquidation de ces préjudices, ni chiffré le montant de leur indemnisation, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne la société France BTP services aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société France BTP services ; la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse la somme de 2 400 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. X... Il est fait grief à l'arrêt attaqué, après avoir entériné les conclusions du rapport d'expertise, D'AVOIR fixé l'indemnisation de M. X... à la suite de l'accident du travail aux sommes de 8. 000 euros en réparation de ses souffrances physiques et morales, 1. 500 euros en réparation du préjudice esthétique et 1. 500 euros en réparation du préjudice d'agrément ; AUX MOTIFS QUE « selon les explications de l'appelant, que celui-ci se fondant sur les articles L 450-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, sollicite un complément de mission confié à l'expert Y...en lui confiant le soin de déterminer ;- la perte de gains professionnels actuels, - le déficit fonctionnel temporaire, - le déficit fonctionnel permanent,- les dépenses de santé futures, - la perte de gains professionnels futurs et-le préjudice esthétique temporaire, - le préjudice sexuel ; l'incidence professionnelle, que la société et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie soutiennent que ces demandes relèvent, pour certaines, du Livre IV du Code de la sécurité sociale et sont donc irrecevables car -la perte de gains professionnels actuels est indemnisée par les indemnités journalières, - la perte de gains professionnels futurs est indemnisée par la rente et la majoration de la rente,- le déficit fonctionnel permanent est indemnisé par la rente, et sa majoration, - les dépenses de santé futures sont prises en charge par la Caisse dans les conditions légales, - l'incidence professionnelle est indemnisée par la rente et la majoration de la rente,- le préjudice esthétique temporaire est en application de l'article L 452-3 indemnisé au titre des souffrances endurées, du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément comme étant avant et après la consolidation ; qu'il convient en outre de préciser que la Cour a bien indiqué dans son arrêt antérieur que les demandes de l'appelant se bornaient à demander une expertise pour solliciter une évaluation des souffrances morales et physiques endurées, le préjudice esthétique et un préjudice d'agrément ; qu'en outre à la page 9 l'arrêt énonce que : Une expertise sera ordonnée dans les termes de la demande, exclusive de tout chef relatif au préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, aux fins d'évaluer les postes de préjudices complémentaires de Monsieur X.... Qu'ainsi il a été relevé que la demande de l'appelant était exclusive de tout autre chef relatif au préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle et aux fins d'évaluer les postes de préjudices complémentaires ; que de plus l'arrêt est avant dire droit sur les préjudices à caractère personnel précisément énumérés dans la mission de l'expert figurant au dispositif ; qu'enfin selon l'expertise médicale du docteur Z...du 28 novembre 2008, réalisée dans le cadre d'une rechute de l'accident de travail, cet expert n'a pas retenu toutes les doléances de Monsieur X... exposées à la page 3 dudit rapport notamment celles relatives à des troubles sexuels, retenant seulement des problèmes rhumatologique et des lésions dermatologiques, dont l'expert note que le lien direct entre ces lésions et l'exposition radioactive ne pouvait être établi mais ne pouvait être exclu ; que, dans ces conditions, de première part en application de l'article 1351 du Code civil, et l'arrêt précédant s'étant bien prononcé, dans son dispositif ; sur l'assiette exacte de l'indemnisation à évaluer, l'autorité de la chose jugée est acquise, de seconde part il apparaît que cette nouvelle allégation de Monsieur X... avait été abandonnée en l'absence de toute référence à ce sujet par les experts successifs y compris ceux qui sont intervenus dans la procédure de révision du taux d'incapacité et la fixation de ce taux à 25 % au lieu de 15 %, et de troisième part lorsque les préjudices sont réparés, même forfaitairement ou avec limitation, par le livre IV du Code de la sécurité sociale, la victime d'un accident du travail causé par la faute inexcusable de son employeur ne dispose d'aucune action complémentaire au titre de ces préjudices, seuls les dommages qui ne font l'objet d'aucune indemnisation par le livre IV du Code de la sécurité ouvrent droit à une action en réparation distincte ; qu'en conséquence il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise médicale pour des demandes irrecevables. Sur l'indemnisation : l'expert indique dans la partie discussion de son rapport : L'examen expertal du 19 juillet 2012, à huit ans du traumatisme, retrouve des doléances concernant sur le plan articulaire des douleurs diffuses traitées par vitaminothérapie et antalgique de grade 1, des lésions dermatologiques contraignant à l'application d'onguent hydratant voire anti-inflammatoire alors que sur le plan neuropsychologique le blessé a abandonné consultation et traitement psychotrope. L'examen clinique ne retrouve pas de limitation importante sur le plan locomoteur et sur le plan dermatologique une dermatose fissurée palmo-plantaire est constatée sans gêne majeure au chaussage, ni à la préhension. Concernant les souffrances physiques et morales imputables à l'accident : il conviendra de tenir compte de l'inquiétude à la révélation de l'exposition radioactive puis à la dépendance anxieuse dans laquelle a été placée le patient dans l'attente réitérée des résultats d'investigation et ce pendant plusieurs années. Il conviendra également de prendre en compte l'astreinte à l'application d'onguents sur cette dermatose fissuraire qui reste douloureuse surtout lors de l'exposition à l'eau salée lors des baignades. L'ensemble de ces éléments, en l'absence de toute intervention chirurgicale, de toute période d'invalidation imputable, les souffrances physiques et morales imputables peuvent être appréciées à trois sur sept (3/ 7) selon une échelle comportant sept degrés de gravité. que l'expert observe à juste titre que Monsieur X... a vécu pendant plusieurs années dans une inquiétude continuelle de voir apparaître sur son corps les conséquences de l'exposition radioactive ; qu'également il a vécu dans l'attente réitérée de multiples résultats d'analyses médicales ou d'investigations sanguines pendant plusieurs années, outre souffrances occasionnées par ces multiples examens ; que de ce chef il convient de lui allouer la somme de 8. 000 euros ; que, concernant le préjudice esthétique : l'accident en cause et ses conséquences alléguées articulaires n'ont pas entraîné de boiterie, ni de déformations ; que l'expert retient, sur le plan cutané des éléments fissuraires retrouvés au niveau de la face dorsale de chacune des deux mains, ce qui constitue un préjudice esthétique qu'il apprécie à un sur sept selon une échelle comportant sept degrés de gravité. Qu'il convient d'allouer la somme de 1. 500 euros ; que, concernant les activités d'agrément, l'expert note que la pratique du VIT peut être reprise sans réserve en sorte qu'il n'existe pas de préjudice ; que pour les activités de plongée sous-marine sa pratique est gênée par la douleur que provoque l'exposition saline en particulier au niveau des mains qui doit nécessiter une protection de sorte que cette plongée est toujours entravée par les séquelles de cet accident ; qu'il sera alloué la somme de 1. 500 suros à ce titre ;. 1./ ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les parties et le juge ne doit se prononcer que sur ce qu'il lui est demandé ; qu'en l'espèce, sans même statuer sur la demande d'expertise complémentaire, la cour d'appel a fixé d'office le montant des préjudices de souffrances physiques et morales, esthétiques et d'agrément de M. X..., quand, d'une part, M. X... avait seulement demandé une expertise complémentaire et que, d'autre part, aucune des parties n'avait demandé la liquidation des préjudices ni proposé une indemnisation chiffrée de sorte qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ; 2./ ALORS QUE le juge doit observer et faire observer en toutes circonstances le principe du contradictoire ; que les parties doivent contradictoirement pouvoir discuter du montant des préjudices après évaluation de l'expert ; qu'en liquidant d'office les préjudices de souffrances physiques et morales, esthétiques et d'agrément de M. X..., sans qu'au préalable les parties aient conclu sur ce point et sans même leur permettre d'en débattre contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 3./ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE les dommages-intérêts alloués à la victime d'un accident causé par la faute inexcusable de l'employeur doivent intégrer l'entier préjudice subi ; que la réparation concerne non seulement les préjudices énumérés au livre IV du Code de la sécurité sociale mais aussi l'ensemble des dommages non couverts par ce livre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a entériné les conclusions du rapport d'expertise qui avait uniquement porté sur les préjudices de souffrances physiques et morales, esthétiques et d'agrément de M. X..., de sorte que les préjudices liés à l'incidence professionnelle de l'accident, au déficit fonctionnel permanent et au déficit fonctionnel temporaire invoqués par M. X..., n'avaient été ni examinés ni évalués ni réparés, et qui a, de ce chef, limité l'indemnisation de M. X..., a violé l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale et le principe de la réparation intégrale du préjudice subi ; 4./ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE ENFIN, QUE les dommages-intérêts alloués à la victime d'un accident causé par la faute inexcusable de l'employeur doivent intégrer l'entier préjudice subi ; que la réparation concerne non seulement les préjudices énumérés au livre IV du Code de la sécurité sociale mais aussi l'ensemble des dommages non couverts par ce livre ; qu'en l'espèce, en jugeant, par un motif inopérant, que M. X... est irrecevable à demander un complément d'expertise sur les chefs de préjudices qui n'ont pas été visés par lui lors de la demande de première expertise au prétexte que « lorsque les préjudices sont réparés, même forfaitairement ou avec limitation, par le livre IV du Code de la sécurité sociale, la victime d'un accident du travail causé par la faute inexcusable de son employeur ne dispose d'aucune action complémentaire au titre de ces préjudices », quand, d'une part, les textes relatifs au dédommagement de la victime d'un accident du travail résultant de la faute inexcusable de l'employeur interdisent seulement de demander le paiement d'un préjudice qui est déjà pris en charge au titre du livre IV, et que, d'autre part, M. X... faisait expressément valoir que son préjudice résultant de l'incidence professionnelle de l'accident, du déficit fonctionnel permanent et du déficit fonctionnel temporaire n'avaient pas fait l'objet d'une évaluation par l'expert, la cour d'appel qui n'a pas constaté qu'ils avaient déjà été réparés, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 à L. 452-3 du Code de la sécurité sociale.