Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 10 novembre 2010, 09-71.674

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2010-11-10
Cour d'appel de Paris
2009-11-24

Texte intégral

Sur le moyen

unique, pris en sa première branche :

Vu

les articles 145 et 874 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, qu'alléguant des actes de détournement de clientèle, constitutifs d'une concurrence déloyale qu'elle imputait à la société Progexa, la société Apex a obtenu du président d'un tribunal de commerce, statuant sur requête, la désignation de deux huissiers de justice et d'un expert en informatique aux fins notamment d'audition de personnes, de constatations, remises, copie et séquestre de documents sur tous supports y compris informatiques ; Attendu que pour rétracter l'ordonnance, l'arrêt retient que la mesure d'instruction sollicitée doit être justifiée par son caractère urgent ;

Qu'en statuant ainsi

, alors que l'urgence n'est pas une condition requise pour que soient ordonnées sur requête des mesures d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen

unique, pris en sa deuxième branche :

Vu

l'article 145 du code de procédure civile :

Attendu que pour rétracter l'ordonnance, l'arrêt retient

encore que l'étendue de la mesure d'instruction sollicitée lui confère un caractère d'ordre général qui dépasse le cadre du litige envisageable entre les parties ;

Qu'en statuant ainsi

, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les mesures d'instruction réclamées, quelle qu'ait pu être leur étendue, étaient circonscrites aux faits dont pourrait dépendre la solution du litige, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne la société Progexa aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Progexa, la condamne à payer à la société Apex la somme de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société Apex. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé l'ordonnance déférée et d'AVOIR rétracté l'ordonnance rendue sur requête le 10 mars 2009 ; AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ; que les conditions de mise oeuvre de l'article 145 du code de procédure civile supposent que soit constaté qu'il existe un procès « en germe » possible, sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui ; que l'article 875 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut ordonner sur requête dans les limites de la compétence du tribunal toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ; qu'en conséquence, la mesure sollicitée en dehors de tout débat contradictoire doit, contrairement à ce que soutient l'intimée, être justifiée par son caractère urgent ; qu'en l'espèce, si les circonstances décrites par APEX à l'appui de sa requête déposée le 10 mars 2009, corroborées par une enquête interne, licenciement de M. X... en juillet 2008, suivi de la démission de deux autres salariés en novembre et décembre 2008, puis de leur intégration au sein de la société PROGEXA et du non renouvellement de certains contrats par des sous-traitants pouvaient laisser présumer des agissements de concurrence déloyale de cette société et l'existence d'un différend et donc d'un possible procès "en germe" en concurrence déloyale, il convient de relever que la société APEX, qui ne conteste pas avoir saisi dès le 7 novembre 2008 l'instance ordinale du différend qui l'opposait à la société PROGEXA, ce qui à l'évidence démontre l'ancienneté et la persistance du conflit opposant ces deux sociétés, n'a fait nullement état de cette saisine à l'appui de sa requête, qu'elle n'a, par ailleurs, à l'appui de celle-ci justifié et ne justifie d'aucune circonstance caractérisant l'urgence qui aurait exigé que cette mesure ne soit prise pas contradictoirement ; qu'il convient par ailleurs d'estimer que l'étendue de la mission sollicitée par la société APEX telle que précédemment reprise dans la présente décision (notamment en ses § 1 et 4) lui confère un caractère d'ordre général qui dépasse l'éventuel litige envisageable par la société APEX à l'encontre de la société PROGEXA ; que dans ces conditions, il convient de dire que la mesure sollicitée par société APEX ne satisfait pas aux conditions posées par les articles 145 et 873 du code de procédure civile et d'ordonner la rétraction de l'ordonnance rendue sur requête ; 1°) ALORS QUE l'urgence n'est pas une condition requise pour que soient ordonnées sur requête des mesures d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; qu'en retenant le contraire, pour rétracter l'ordonnance qui avait ordonné de telles mesures sur ce fondement, la Cour d'appel a violé l'article 145 du Code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE toute mesure d'instruction légalement admissible peut être ordonnée à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la mesure d'instruction sollicitée par la société APEX et ordonnée par l'ordonnance du 10 mars 2009 était parfaitement circonscrite aux faits litigieux puisqu'elle visait exclusivement les clients, salariés et sous traitants de cette société, précisément nommés, ainsi que les documents relatifs à sa clientèle, brusquement devenue celle de la société PROGEXA, de nature à établir d'éventuels actes de débauchage de ses salariés et sous traitants et de détournement de sa clientèle ; qu'en affirmant que l'étendue de la mission d'instruction lui conférait un caractère général qui dépassait l'éventuel litige entre cette société et la société PROGEXA, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 145 du Code de procédure civile ; 3°) ALORS QU'en toute hypothèse, une mesure d'instruction ordonnée sur requête ne peut être considérée comme trop générale dès lors qu'elle n'a pour objet que d'ordonner la mise sous séquestre des éléments de preuve recueillis, sans communication au requérant, qui ne pourra en prendre connaissance qu'après avoir saisi le juge en référé d'une demande en ce sens et à l'issue d'un débat contradictoire ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il le lui était demandé, si une telle mesure de séquestre, ordonnée à la demande même de la société APEX par le juge saisi sur requête, ne garantissait pas en toute hypothèse le respect des droits de la société PROGEXA dès lors que la communication des éléments conservés ne pouvait intervenir qu'à l'issue d'un débat contradictoire devant le juge des référés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du Code de procédure civile.