Cour de cassation, Première chambre civile, 22 janvier 2020, 18-20.040

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Texte intégral

CIV. 1 JT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 janvier 2020 Cassation partielle Mme BATUT, président Arrêt n° 55 F-D Pourvoi n° E 18-20.040 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JANVIER 2020 La commune de Monteneuf, représentée par son maire en exercie, domicilié en cette qualité [...], a formé le pourvoi n° E 18-20.040 contre l'arrêt rendu le 22 mai 2018 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. M... Y..., 2°/ à Mme R... I..., épouse Y..., domiciliés tous deux [...], 3°/ à la société Les Mégalithes, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de la commune de Monteneuf, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme Y... et de la société Les Mégalithes, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 mai 2018), la commune de Monteneuf (la commune) a, suivant acte authentique du 4 janvier 1995, donné à bail à M. Y..., en sa qualité de gérant de l'EURL Les Mégalithes (la société), en cours d'immatriculation, un bâtiment à usage commercial et d'habitation pour une durée de neuf ans à compter du 1er février 1995. Conformément aux stipulations du contrat, qui prévoyaient la possibilité, pour le preneur, d'acquérir les locaux loués « quand bon lui semblera », M. Y... a invoqué, en 2003, le bénéfice de cette promesse de vente. Par délibération du 12 septembre 2003, le conseil municipal a donné pouvoir au maire de la commune de conclure la vente à un certain prix, sous réserve de l'affectation de l'immeuble à usage de restaurant pour une durée de trente ans. La société a refusé cette condition nouvelle et assigné la commune en réalisation forcée de la vente, dans les conditions prévues au bail. 2. Par arrêt du 14 juin 2006, devenu irrévocable par suite de la non-admission du pourvoi formé par la commune (3e Civ., 29 janvier 2008, pourvoi n° 06-21.126), la cour d'appel de Rennes a sursis à statuer sur sa demande jusqu'à l'issue de la procédure pendante devant la juridiction administrative. Par arrêt du 5 novembre 2008, elle a rejeté cette demande, après que, par arrêt du 2 octobre 2007, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête présentée par la société tendant à l'annulation de la délibération du 12 septembre 2003, aux motifs que les locaux litigieux dépendaient du domaine public et que, dès lors, la commune ne pouvait légalement les donner à bail commercial. La société et M. et Mme Y..., qui ont refusé de conclure un nouveau bail avec la commune à la suite du déclassement de l'immeuble par délibération du 11 décembre 2007, ont saisi la juridiction administrative d'un recours en indemnisation du préjudice résultant des conséquences de la passation, par la commune, d'un bail commercial affecté de nullité. Par arrêt du 12 juillet 2013, la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que les locaux en cause ne constituaient pas une dépendance du domaine public et a, en conséquence, rejeté leur requête. 3. Par acte du 12 juillet 2014, M. et Mme Y... et la société ont assigné la commune aux fins de voir dire que celle-ci a commis une faute en résiliant unilatéralement le bail conclu le 4 janvier 1995 et en réparation du préjudice en résultant.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014

, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Énoncé du moyen 5. La commune fait grief à l'arrêt de rejeter sa fin de non-recevoir tirée de la prescription et de la condamner à payer à la société diverses sommes au titre de la perte de son fonds de commerce et de la perte d'une chance d'acquérir les murs, ainsi qu'à M. et Mme Y... certaines sommes en réparation de leur préjudice moral et de la privation de leur logement de fonction, alors « que l'action indemnitaire exercée contre une commune est soumise à la prescription quadriennale qui commence à courir le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué ; qu'en l'espèce, la commune avait fait valoir que l'action de la société et de M. et Mme Y... était irrecevable comme prescrite au regard de la prescription quadriennale édictée par l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, mais la cour d'appel a rejeté cette fin de non-recevoir en ce que M. et Mme Y... ne bénéficiaient d'aucune créance sur la commune ; qu'en statuant ainsi, alors que la prescription quadriennale était applicable à l'action indemnitaire exercée par la société et M. et Mme Y... et avait commencé à courir le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle s'était produit le fait générateur du dommage allégué, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968. » Réponse de la Cour

Vu

les articles 1er alinéa 1er, et 2 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics :

6. Aux termes du premier de ces textes, sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. 7. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la commune, l'arrêt retient

que l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 est inapplicable en l'espèce, dès lors qu'au moment de l'introduction de leur demande, M. et Mme Y... ne bénéficiaient d'aucune créance sur la commune.

8. En statuant ainsi

, alors que l'action indemnitaire exercée par la société et par M. et Mme Y... contre la commune était soumise à la prescription quadriennale, de sorte qu'il lui incombait de déterminer le point de départ de ce délai, qui commence à courir le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué, et de vérifier si des actes interruptifs de prescription étaient intervenus dans un délai de quatre ans à compter de cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception d'incompétence et la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée soulevées par la commune, l'arrêt rendu le 22 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ; Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la commune de Monteneuf PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la commune de Monteneuf et de l'avoir condamnée à payer à l'Eurl Les Mégalithes la somme de 89.000 euros au titre de la perte de son fonds de commerce et celle de 133 268 euros (en réalité 106 614 euros selon les motifs de l'arrêt) au titre de la perte d'une chance d'acquérir les murs, et aux époux Y... les sommes de 10.000 euros en réparation de leur préjudice moral et 5.000 euros au titre de la privation de leur logement de fonction, AUX MOTIFS PROPRES QU'« il résulte des dispositions de l'article L. 145-60 du code de commerce que les actions fondées sur le statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 : « Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissement publics dotés d'un comptable public ». En premier lieu, la prescription biennale s'applique aux seules actions exercées sur le fondement du statut des baux commerciaux. L'action des époux Y... vise à obtenir une indemnisation des préjudices résultant de la résiliation par le bailleur du bail en cours d'exécution. Cette action n'est pas fondée sur une disposition statutaire et relève de la prescription de droit commun. En deuxième lieu, l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 est inapplicable à l'espèce dès lors qu'au moment de l'introduction de leur demande, les époux Y... ne bénéficiaient d'aucune créance sur la commune » (arrêt, p. 6), ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « comme il a été précédemment exposé l'objet du litige s'est déplacé de la réalisation de la promesse de vente immobilière à l'imputabilité de la rupture des relations contractuelles entre les deux parties à ce contrat soit l'EURL Les Mégalithes et la commune de Monteneuf et ses conséquences de cette rupture pour le gérant de cette EURL et son épouse R... I... épouse Y.... Ainsi, les argumentations de la Commune de Monteneuf sur la prescription biennale prévue par l'article L. 145-60 du Code de commerce relative à la résiliation du bail commercial sont rejetées. Il en est de même de la prescription quadriennale issue de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, aucune créance de la commune n'étant prescrite puisque seule l'issue de l'actuelle procédure judiciaire pourra faire naître cette créance » (jugement, p. 9) ; ALORS QUE l'action indemnitaire exercée contre une commune est soumise à la prescription quadriennale qui commence à courir le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué ; qu'en l'espèce, la commune de Monteneuf avait fait valoir (concl. d'appel, p. 29 & s.) que l'action de l'Eurl Les Mégalithes et des époux Y... était irrecevable comme prescrite au regard de la prescription quadriennale édictée par l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, mais la cour d'appel a rejeté cette fin de non-recevoir en ce que les époux Y... ne bénéficiaient d'aucune créance sur la commune ; qu'en statuant ainsi, alors que la prescription quadriennale était applicable à l'action indemnitaire exercée par l'Eurl Les Mégalithes et les époux Y... et avait commencé à courir le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle s'était produit le fait générateur du dommage allégué, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la commune de Monteneuf à payer à l'Eurl Les Mégalithes la somme de 89.000 euros au titre de la perte de son fonds de commerce et celle de 133.268 euros (en réalité 106.614 euros selon les motifs de l'arrêt) au titre de la perte d'une chance d'acquérir les murs, et aux époux Y... les sommes de 10.000 euros en réparation de leur préjudice moral et 5.000 euros au titre de la privation de leur logement de fonction, AUX MOTIFS QUE « Sur l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 2 octobre 2007 de la cour administrative d'appel de Nantes et le jugement du 6 décembre 2011 du tribunal administratif de Rennes : L'arrêt du 2 octobre 2007 de la cour d'appel administrative d'appel de Rennes a statué sur le caractère cessible de l'immeuble. Le jugement du 6 décembre 2011 du tribunal administratif de Rennes a déclaré irrecevable la requête en annulation de la délibération du Conseil Municipal de la commune de Monteneuf décidant le déclassement des murs du restaurant « Les Mégalithes », disposition qui n'a pas été annulée par l'arrêt du 12 juillet 2013 de la cour administrative d'appel de Nantes. Ces décisions, qui n'ont pas statué sur l'objet qui oppose les parties dans le présent litige ne sont pas, à son égard, revêtues de l'autorité de la chose jugée (...) » (arrêt, p. 6), ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, un fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Cette autorité de la chose suppose une identité des parties, des moyens et des demandes. En l'espèce, le premier litige porté devant le juge judiciaire clos par l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 5 novembre 2008, infirmant te jugement du Tribunal de grande instance de Vannes 12 avril 2005 avait pour objet initiale la réalisation forcée de la cession immobilière, cette infirmation était fondée sur l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 2 octobre 2007, estimant la promesse de vente de nulle effet dans la mesure où la commune de Monteneuf ne pouvait donner à bail ses locaux contribuant au service public du développement économique et touristique, en faisant une dépendance de son domaine public. Ce contentieux civil portait ainsi sur un litige opposant les mêmes parties et portant au départ sur la réalisation forcée de la cession immobilière et s'est transformé en demande d'indemnisation sur la faute de la commune, demande rejetée par la cour d'appel en raison de la séparation des pouvoirs et de l'instance en cours devant les juridictions administratives sur ce point. Or par arrêt du 12 juillet 2013, la même cour administrative d'appel a décidé que le contrat revêtait la nature d'un contrat de droit privé et qu'ainsi, la commune de Monteneuf n'ayant pas commis de faute, l'EURL Les Mégalithes et les époux Y... devaient être déboutés de leur d'indemnisation. Il résulte de ce qui précède qu'un événement nouveau et déterminant est survenu après l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 5 novembre 2008 constitué par la reconnaissance par les juridictions du caractère licite et privé du bail commercial. Or l'actuelle procédure a pour objet la rupture des relations contractuelles entre les deux parties à ce contrat soit l'EURL Les Mégalithes et la commune de Monteneuf et les conséquences de cette rupture pour le gérant de cette EURL et son épouse R... I... épouse Y.... Il résulte de ce qui précède que l'exception tirée de l'autorité de la chose jugée n'est pas recevable ( ) » (jugement, p. 8) ; 1) - ALORS QUE l'autorité de la chose jugée en plein contentieux par le juge administratif s'impose à une juridiction civile dans la mesure où la demande est formée entre les mêmes parties, pour le même objet, et en se fondant sur une cause identique ; qu'en l'espèce, la cour a estimé, par motifs propres et adoptés, que la commune de Monteneuf n'était pas fondée à opposer à l'Eurl Les Mégalithes et aux époux Y... l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions rendues antérieurement par la juridiction administrative et notamment par la cour administrative d'appel de Nantes le 12 juillet 2013, celles-ci n'ayant pas statué sur l'objet qui oppose les parties dans le présent litige ; qu'en se déterminant de la sorte, quand l'arrêt rendu le 12 juillet 2013 par la cour administrative d'appel de Nantes entre l'Eurl Les Mégalithes et les époux Y..., d'une part, et la commune de Monteneuf, d'autre part, avait précisément débouté les premiers de leurs demandes dirigées contre la seconde en paiement au profit de l'Eurl Les Mégalithes de dommages et intérêts au titre de la perte de leur fonds de commerce et de la perte de chance d'acquérir l'immeuble, et au profit des époux Y... de dommages et intérêts en raison d'un trouble dans leurs conditions d'existence et de la perte de leur logement, et qu'elle était revêtue de la chose jugée à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la commune de Monteneuf à payer à l'Eurl Les Mégalithes la somme de 89.000 euros au titre de la perte de son fonds de commerce et celle de 133 268 euros (en réalité 106 614 euros selon les motifs de l'arrêt) au titre de la perte d'une chance d'acquérir les murs, et aux époux Y... les sommes de 10.000 euros en réparation de leur préjudice moral et 5.000 euros au titre de la privation de leur logement de fonction, AUX MOTIFS QUE « Sur la faute de la commune de Monteneuf : Il ressort des pièces produites aux débats que les faits se sont succédés dans l'ordre chronologique suivant : Par acte du 4 janvier 1995, la commune de Monteneuf a donné à bail commercial à Monsieur Y..., en qualité de gérant de l'EURL« Les Mégalithe », un bâtiment à usage commercial et d'habitation pour une durée de neuf années pour se terminer le 31 janvier 2004. A défaut de congé, le bail a été renouvelé par tacite reconduction. Le bail prévoit que le bailleur aura la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale s'il entend invoquer les articles 10, 13 et 15 du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 afin de construire, de reconstruire l'immeuble existant, de le surélever ou d'exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d'une opération immobilière. Par arrêt du 2 octobre 2007, la cour administrative d'appel de Nantes a considéré, pour rejeter la requête de l'EURL Les Mégalithes contre le jugement du 24 mai 2006 du tribunal administratif de Rennes, que la commune de Monteneuf ne pouvait légalement louer les locaux en cause par bail commercial du 4 janvier 1995.Par délibération du 11 décembre 2007, la commune de Monteneuf, prenant acte de l'arrêt précité, a déclassé les murs du restaurant Les Mégalithes pour les faire passer de son domaine public à son domaine privé. Afin de régulariser la situation de sa locataire, la commune lui a proposé un nouveau bail identique à celui du 4 janvier 1995 à la seule exclusion de la clause concernant l'acquisition des murs, assorti d'un nouveau loyer par application de l'indice du coût de la construction depuis l995. La commune, considérant que le bail précédant était anéanti à la suite de l'arrêt du 2 octobre 2007, a précisé dans sa délibération que l'EURL Les Mégalithes n'avait plus de titre à son occupation et que si elle n'acceptait pas l'offre de la commune, un nouveau bail serait proposé à un candidat à l'exploitation. L'EURL Les Mégalithes n'a pas accepté le bail qui a été proposé et a quitté les lieux. Ainsi, à l'issue de l'arrêt du 2 octobre 20007 dont les motifs sont sans équivoques, la commune a légitimement pu croire que le bail de1995 était illégal et qu'il lui appartenait de régulariser la situation des locataires par un nouveau bail. Cependant, dès lors que les motifs de l'arrêt n'entraînaient pas de droit l'anéantissement du bail en cours, et que la décision n'en a pas prononcé l'annulation, l'EURL Les Mégalithes n'était pas déchue de son titre d'occupation. Il appartenait à la commune bailleresse, qui souhaitait régulariser la situation, de résilier le bail en cours et de proposer un nouveau bail à sa locataire. Et dès lors que cette résiliation n'était pas faite dans le cadre des conditions contractuelles rappelées ci-dessus, il ne pouvait, sans porter atteinte aux droits de sa locataire, lui proposer un bail différent de celui en cours. En proposant un bail expurgé de la clause d'acquisition des murs, elle a commis une faute à l'origine de la rupture des liens contractuels. Elle doit en conséquence indemniser l'EURL Les Mégalithes et les époux Y... du préjudice qui en résulte pour eux. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute de la commune et rejeté la demande de sursis à statuer jusqu'à la décision du tribunal administratif de Rennes sur la légalité de la délibération du 12 septembre 2003 du Conseil Municipal de la commune de Monteneuf. Par voie de conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce q 'il a débouté la commune de Monteneuf de sa demande indemnitaire au titre e la procédure abusive. Sur le préjudice de l'EURL Les mégalithes : L'EURL Les mégalithes a fait évaluer le fonds de commerce et l'ensemble immobilier par un cabinet d'expert-comptable. Le rapport de ce cabinet n'est pas critiqué par la commune de Monteneuf. * perte du fonds de commerce et ses accessoires : Contrairement à ce que soutient la commune de Monteneuf, la perte du fonds de commerce n'est pas imputable au refus de L'EURL Les Mégalithes d'accepter le bail qui lui était proposé, dès lors que celui- ci ne reprenait pas l'ensemble de dispositions auxquelles elle avait droit jusqu'à l'expiration de la période de neuf années. Monsieur X..., auteur de l'expertise comptable qui a évalué le fonds de commerce, retient que celui-ci a une valeur de 89.000 €. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a retenu une indemnité de 90.000 €, et celle-ci sera de 89.000 €. En ce qui concerne les indemnités accessoires, dès lors que l'EURL Les Mégalithes, pour voir déclarer son action recevable, conteste qu'elle soit fondée sur le statut des baux commerciaux, elle ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 145-14 du code de commerce pour obtenir une indemnisation de son préjudice équivalent à celle de l'indemnité d'éviction prévue par ces dispositions. Par voie de conséquence, elle ne peut prétendre à une indemnité de remploi, et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre des frais de déménagement, de réinstallation, de mailing pour informer la clientèle et les fournisseurs, à défaut de justification. * perte d'une chance d'acquérir les murs : Dès lors que le bail prévoyait la possibilité pour le locataire d'acquérir l'immeuble loué, et que celui-ci était cessible à l'issue de la délibération du 11 décembre 2007, la résiliation du bail a fait perdre à l'EURL Les Mégalithes une chance sérieuse de pouvoir acquérir les murs. Le jugement qui a rejeté ce chef de préjudice sera infirmé sur ce point. Monsieur X... a évalué l'ensemble immobilier à la valeur de 133 268 €. Il convient en conséquence de réparer la perte de chance d'acquérir les murs pour une indemnité de 106 614 €. * préjudice moral : Les époux Y... se sont vus brutalement privés d'une source de revenus et subissent depuis quatre années des tracasseries de procédure. Il en résulte un préjudice moral qui sera justement réparé par une indemnité de 10.000 €. Le jugement sera infirmé sur le montant de la réparation. * perte d'un logement de fonction : Les époux Y... ont été privés d'un logement de fonction mais ne justifient pas qu'ils y avaient investi des travaux. Leur préjudice sera en conséquence réparé justement par une indemnité de 5.000 €. Enfin, ils se bornent à alléguer sans en justifier de ce qu'ils ont personnellement subi des frais de déménagement. Le jugement entrepris sera confirmé sur le montant de l'indemnité de 5000 € et le rejet du surplus de ses demandes » (arrêt, p. 6 à 9), ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur l'imputabilité de la rupture des relations contractuelles : Il résulte de l'exposé des faits et de la procédure antérieure, établi sur la base des pièces régulièrement communiquées que le bail commercial régulièrement conclu entre la Commune de Monteneuf, sur son domaine privé, ainsi que l'a reconnu la Cour administrative d'appel de Nantes dans son arrêt du 12 juillet 2013, et l'EURL Les Mégalithes du 4 janvier 1995 arrivait à échéance le 1er février 2004 contenait une promesse de vente que M... Y... a voulu utiliser. La commune en ne répondant pas à ses obligations contractuelles et en n'honorant pas cette promesse a commis une faute justement caractérisée par le jugement du Tribunal de grande instance de Vannes du 12 avril 2005, confirmée par arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 14 juin 2006. En proposant de surcroît un nouveau bail selon le projet transmis le 12 novembre 2003 à M... Y... imposant une durée d'exploitation de 30 ans, la Commune de Monteneuf a abusé de sa situation contractuelle et conduit l'EURL Les Mégalithes et les époux Y... à en tirer les conséquences. Les procédures tant judiciaires qu'administratives postérieures à l'échéance de ce bail n'enlèvent rien à la faute caractérisée de la Commune de Monteneuf » (jugement, p. 9), 1) - ALORS QUE si la gravité du comportement d'une partie à un contrat à durée déterminée peut justifier que l'autre partie le résilie unilatéralement à ses risques et périls, c'est à la condition que soit identifié un manquement suffisamment grave à une obligation contractuelle ; qu'en l'espèce, la cour a retenu, par motifs propres et adoptés, qu'un arrêt rendu le 2 octobre 2007 par la cour administrative d'appel de Nantes avait considéré que la commune de Monteneuf ne pouvait légalement louer les locaux en cause par bail commercial du 4 janvier 1995, que cette dernière à légitimement pu croire qu'elle devait régulariser le bail, qu'elle avait proposé un bail différent de celui en cours car expurgé de la clause d'acquisition des murs et imposant une durée d'exploitation de trente ans, que l'Eurl Les Mégalithes ne l'avait pas accepté et en avait tiré les conséquence en quittant les lieux, ce dont elle a déduit que la commune de Monteneuf avait commis une faute et était responsable de la rupture des liens contractuels issus du bail du 4 janvier 1995 ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un manquement de la commune de Monteneuf à ses obligations résultant du bail du 4 janvier 1995 et à lui imputer la résiliation fautive de ce contrat, la cour d'appel a violé les articles 1184 et 1134 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, 2) - ALORS QUE le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce la commune de Monteneuf avait fait valoir (concl. d'appel, p. 36) qu'à supposer même qu'elle ait commis une faute, l'Eurl Les Mégalithes était également fautive puisqu'elle avait brutalement quitté les lieux après avoir refusé la proposition de nouveau bail commercial qui lui avait été adressée, et que cette faute était à l'origine de son préjudice et de celui des époux Y..., notamment de la perte du fonds de commerce qui aurait été évitée s'ils n'avaient pas quitté les lieux ; qu'en jugeant que la commune de Monteneuf avait commis une faute à l'origine de la rupture en proposant un bail expurgé de la clause d'acquisition des murs et imposant une durée d'exploitation, et en la condamnant à indemniser l'intégralité du préjudice subi par l'Eurl Les Mégalithes et les époux Y..., sans répondre à ces conclusions prises de la faute commise par l'Eurl Les Mégalithes à l'origine de son préjudice, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, 3) - ALORS QUE la perte d'une chance est caractérisée par la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; qu'en l'espèce, la commune de Monteneuf avait également fait valoir (concl. d'appel, p. 21) que la clause du bail commercial permettant au preneur d'acquérir les murs à des conditions exceptionnellement favorables aux dépens des deniers publics était illégale, ce dont il s'évinçait que l'Eurl Les Mégalithes ne pouvait l'invoquer pour acquérir de préjudice lié à la perte d'une chance d'acquérir les murs ; qu'en condamnant la commune de Monteneuf à indemniser l'Eurl Les Mégalithes au titre de la perte d'une chance d'acquérir les murs, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur la légalité de la clause permettant à l'Eurl Mégalithes d'acquérir les murs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, 4) - ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que l'Eurl Les Mégalithes avait subi un préjudice lié à la perte d'une chance d'acquérir les murs qu'elle a évalué en considérant que « Monsieur X... a évalué l'ensemble immobilier à la valeur de 133.268 €. Il convient en conséquence de réparer la perte de chance d'acquérir les murs pour une indemnité de 106.614 € » ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à justifier l'évaluation du préjudice retenu, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, 5) - ALORS QUE la cassation de l'arrêt qui a retenu que la commune de Monteneuf a commis une faute permettant de lui imputer la rupture du bail du 4 janvier 1995 entraînera sa censure en ce qu'il l'a condamnée à payer aux époux Y... les sommes de 10.000 euros au titre de leur préjudice moral et 5.000 euros au titre de la perte de leur logement de fonction, en application de l'article 625 du code de procédure civile.