Cour de cassation, Première chambre civile, 31 janvier 2018, 16-17.820

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2018-01-31
Cour d'appel de Toulouse
2016-03-14

Texte intégral

CIV. 1 IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 31 janvier 2018 Cassation partielle Mme BATUT, président Arrêt n° 122 F-D Pourvoi n° A 16-17.820 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ Statuant sur le pourvoi formé par la société Financo, société anonyme, dont le siège est [...] , contre l'arrêt rendu le 14 mars 2016 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. Laurent X..., 2°/ à Mme Eliane Y..., épouse X..., tous deux domiciliés [...] , 3°/ à la société François Legrand, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Pam cuisines, défendeurs à la cassation ; M. et Mme X... ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ; La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 19 décembre 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Z..., conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Z..., conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Financo, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme X..., et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne acte à la société Financo du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société François Legrand, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Pam cuisines ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que, le 14 octobre 2010, M. et Mme X... (les emprunteurs) ont passé commande d'une cuisine équipée auprès de la société Pam cuisines (le vendeur), placée depuis en liquidation judiciaire, et ont souscrit le même jour auprès de la société Financo (le prêteur) un crédit affecté d'un montant de 9 000 euros ; qu'invoquant l'existence de désordres, les emprunteurs ont assigné le liquidateur judiciaire du vendeur, ès qualités, en résolution des contrats de vente et de prêt, et en indemnisation de leur préjudice ;

Sur le moyen

unique du pourvoi principal, pris en ses troisième et quatrième branches :

Vu

les articles L. 311-31 et L. 311-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour condamner les emprunteurs à payer à la banque la somme de 4 750 euros au titre du capital restant dû, l'arrêt retient

que, si les emprunteurs évoquent une faute du prêteur dans la libération des fonds, ils ne demandent pas expressément le rejet de la demande de remboursement du capital formulée par la banque, ces derniers invoquant ladite faute à l'appui d'une demande de dommages-intérêts ;

Qu'en statuant ainsi

, alors que la résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit accessoire, en conséquence de l'annulation du contrat constatant la vente qu'il finançait, emporte pour l'emprunteur l'obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, hors les cas d'absence de livraison du bien vendu ou de faute du prêteur dans la remise des fonds prêtés, et qu'elle avait constaté qu'en libérant les fonds au vu de la seule « demande de financement », la banque avait commis une faute, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ; Et sur la sixième branche du même moyen :

Vu

l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Attendu que, pour condamner la banque à payer aux emprunteurs, la somme de 11 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que le manquement de celle-ci dans l'exécution de ses obligations a privé les emprunteurs de la chance de voir leur bien remis en état par le vendeur avant son placement en liquidation judiciaire ; Qu'en statuant ainsi, par un moyen relevé d'office, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et sur le pourvoi incident éventuel : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. et Mme X... à restituer à la société Financo le capital restant dû à hauteur de 4 750 euros et en ce qu'il condamne celle-ci à leur payer la somme de 11 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 14 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. et Mme X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société Financo - IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, après avoir prononcé la résolution du contrat du 14 octobre 2010 conclu entre les époux X... et la société Design et Tradition enseigne « Pam Cuisines » ; prononcé en conséquence la résolution du contrat de crédit du 14 octobre 2010 conclu entre les époux X... et la société Financo, condamné la société Financo à verser aux époux X... la somme de 4250 € au titre des échéances acquittées par ces derniers et condamné les époux X... à restituer à la société Financo le capital restant dû à hauteur de 4750 € et d'avoir condamné la société Financo à verser aux époux X... la somme de 11.000 € à titre de dommages-intérêts, outre 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. - AU MOTIF QUE La résolution judiciaire d'un contrat emporte anéantissement de celui-ci et remise des choses en leur état antérieur. Toutefois, la faute du prêteur lors de la libération des fonds peut être de nature à exclure le remboursement du capital emprunté. Du fait de la résolution du contrat de crédit affecté, il y a lieu de condamner la société Financo à rembourser aux époux X... les échéances payées par ces derniers à hauteur de 4250 euros. Si les époux X... évoquent une faute du prêteur dans la libération des fonds, ils ne demandent pas expressément à la cour de rejeter la demande de remboursement du capital formulée par Financo, ces deniers invoquant ladite faute à l'appui d'une demande de dommages intérêts à hauteur de 12012, 27 euros. Il y a donc lieu de condamner ces derniers à rembourser à Financo, suite à la résolution du contrat de crédit affecté, la somme de 4750 euros. Sur la demande de dommages intérêts : M. et Mme X... allèguent une faute de l'organisme de crédit lors de la libération des fonds. Il n'est pas contesté que cette opération a été réalisée sur la base du document intitulé "Demande de financement". M. X... conteste que c'est sa signature qui figure sur ce document, dont l'original n'est pas produit par Financo. Par ailleurs, la "demande de financement" datée du mois de novembre 2010 ne mentionne aucune date de livraison ou d'exécution de la prestation, circonstance qui faisait obstacle au déblocage des fonds, alors par ailleurs qu'il n'est pas contesté que la livraison de la cuisine est intervenue entre le 3 et le 5 décembre 2010, tel que cela est précisé dans le rapport de l'expert. Ainsi en libérant les fonds au vu de cette seule attestation, sans s'assurer de l'exécution complète du contrat principal, la société Financo a commis une faute. Le manquement de ta société Financo dans l'exécution de ses obligations a privé les appelants de la chance de voir leur bien remis en état par la société Design et Tradition enseigne Pam Cuisines avant son placement en liquidation judiciaire. Ainsi la société Financo sera condamnée à verser aux époux X... la somme de 11000 euros de dommages intérêts. Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la SA Financo qui succombe, laquelle devra, également, verser à Monsieur et Madame X... la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles que ces derniers ont pu être amenés à exposer pour assurer la défense de leurs intérêts, la SA Financo étant, elle-même par voie de conséquence, déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. ALORS QUE D'UNE PART il résulte de l'article 1234 du code civil et des articles 287 et 288 du code de procédure civile que lorsque l'écriture et la signature d'un acte sous seing privés sont contestées, il appartient au juge de vérifier l'acte contesté s'il entend en tenir compte pour statuer ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour que M. X... contestait que c'était sa signature qui figurait sur le document intitulé demande de financement, dont l'original n'était pas produit par Financo ; qu'en tenant compte de ce document pour en déduire que la société Financo avait commis une faute sans procéder à la vérification de l'écriture désavouée, alors qu'il lui appartenait d'enjoindre aux parties de produire tous documents utiles à comparer à l'écrit contesté et, au besoin, d'ordonner une expertise, la cour d'appel a violé les textes susvisés - ALORS QUE D'AUTRE PART dans ses dernières conclusions d'appel (cf notamment p 2 § 3 et p 3 § 5), la société Financo faisait valoir qu'elle n'avait commis aucune faute dès lors qu'à la date du 30 novembre 2010, il était attesté de l'exécution du contrat et donc de la livraison ; qu'en énonçant cependant qu'il n'était pas contesté que la livraison de la cuisine était intervenue entre le 3 et le 5 décembre 2010, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile - ALORS QUE DE TROISIEME PART la résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit constatant la vente qu'il finançait emporte pour l'emprunteur, hors les cas d'absence de livraison du bien vendu ou de faute du prêteur dans la remise des fonds prêtés, l'obligation de rembourser au prêteur le capital prêté sauf la faculté pour le prêteur d'appeler le vendeur en garantie ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour que les époux X..., qui évoquaient une faute de la société Financo sans cependant solliciter le rejet de la demande de remboursement du capital formulé par la société Financo, ont souscrit auprès de la société Financo un crédit affecté à hauteur de 9000€ afin de réaliser l'opération et qu'ils ont payé au titre des échéances du prêt la somme de 4250 € ; qu'il en résultait à suivre le raisonnement de la cour que les époux X... devaient restituer à la société Financo la somme de 9000 € et la société Financo la somme de 4250 € de telle sorte qu'après compensation, les époux X... devait restituer à la société Financo la somme de 4750 € (9000 € - 4250 €), ce que cette dernière sollicitait d'ailleurs dans ses conclusions ; qu'en condamnant néanmoins la société Financo à verser aux époux X... la somme de 4250 € au titre des échéances acquittées par ces derniers et les époux X... à restituer à la société Financo uniquement le capital restant dû, soit une somme de 4750 € et non l'intégralité du capital versé, soit la somme de 9.000 €, la cour d'appel a violé les articles L 311-31 et L 311-33 du code de la consommation, ensemble 1184 du code civil ; - ALORS QUE DE QUATRIEME PART et subsidiairement en tout état de cause, en condamnant la société Financo à verser aux époux X... la somme de 4250 € au titre des échéances acquittées par ces derniers et les époux X... à restituer à la société Financo uniquement le capital restant dû, soit une somme de 4750 € soit après compensation une somme de 500 € et non le capital versé soit 9000 €, la cour d'appel qui a en réalité condamné la société Financo à rembourser deux fois les échéances acquittées par les époux X... a violé les articles L 311-31 et L 311-33 du code de la consommation, ensemble 1184 du code civil ; - ALORS QUE DE CINQUIEME PART la résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit accessoire, en conséquence de l'annulation du contrat constatant la vente qu'il finançait, emporte pour l'emprunteur l'obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, hors les cas d'absence de livraison du bien vendu ou de faute du prêteur dans la remise des fonds prêtés ; qu'en condamnant néanmoins les époux X... à restituer le capital restant dû tout en retenant une faute à l'encontre de la société Financo dans le déblocage des fonds et en la condamnant à verser des dommages-intérêts à hauteur de 11000 € en réparation d'une prétendue perte de chance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L 311-31 et L 311-33 du code de la consommation, ensemble 1184 du code civil ; - ALORS QUE DE SIXIEME PART le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe du contradictoire ; qu'il ne peut soulever un moyen d'office sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, aucune des parties au litige n'avaient analysé le préjudice subi par les époux X... en une perte de chance ; que, dès lors, la Cour d'appel en relevant d'office le moyen tiré de ce que le manquement de la société Financo dans l'exécution de ses obligations aurait privé les époux X... de la chance de voir leur bien remis en état par le cuisiniste sans inviter les parties à s'en expliquer préalablement, a violé l'article 16 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ; - ALORS QUE DE SEPTIEME PART le juge est tenu de préciser le fondement de la décision qu'il adopte ; qu'en condamnant dès lors la SA Financo à verser aux époux X... la somme de 11.000 € à titre de dommages-intérêts, sans préciser dans ses motifs propres si elle se plaçait sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou délictuelle, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ; - ALORS QUE DE HUITIEME PART et à supposer que la cour se soit fondée sur le fondement de la responsabilité contractuelle, seul peut être réparé le préjudice auquel le manquement invoqué a directement contribué ; que pour condamner la SA Financo à verser aux époux X... la somme de 11000 € à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel a retenu que le manquement de la société Financo dans l'exécution de ses obligations avait privé les époux X... de la chance de voir leur bien remis en état par la société Design et Tradition enseigne Pam Cuisines avant son placement en redressement judiciaire ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser le lien de causalité direct entre la faute qu'elle avait retenu à la charge de la société Financo dans le déblocage des fonds et le préjudice invoqué par les époux X... résultant des inexécutions techniques par le cuisiniste, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ; - ALORS QUE DE NEUVIEME PART et subsidiairement à supposer même que la cour se soit fondée sur le fondement de la responsabilité délictuelle, elle ne pouvait pas pour condamner la SA Financo à verser aux époux X... la somme de 11000 € à titre de dommages-intérêts, retenir que le manquement de la société Financo dans l'exécution de ses obligations avait privé les époux X... de la chance de voir leur bien remis en état par la société Design et Tradition enseigne Pam Cuisines avant son placement en redressement judiciaire ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser le lien de causalité direct entre la faute qu'elle avait retenu à la charge de la société Financo dans le déblocage des fonds et le préjudice invoqué par les époux X... résultant des inexécutions techniques par le cuisiniste, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du code civil ; - ALORS QU'ENFIN pour condamner la SA Financo à verser aux époux X... la somme de 11000 € à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel a retenu que le manquement de la société Financo dans l'exécution de ses obligations avait privé les époux X... de la chance de voir leur bien remis en état par la société Design et tradition enseigne Pam Cuisines avant son placement en redressement judiciaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans répondre aux dernières conclusions de la SA Financo (cf conclusions n° 1 p 5 point c) faisant valoir que le déblocage des fonds par la société Financo n'était en rien à l'origine des inexécutions techniques du contrat principal de telle sorte qu'elle ne pouvait être condamnée à des dommages-intérêts correspondant au coût des travaux de remise en état de la cuisine, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusion en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;