Cour d'appel de Versailles, 21 mai 2019, 2018/02889

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Versailles
  • Numéro de pourvoi :
    2018/02889
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : FERMES ET JARDINS ; Ferme et Jardin
  • Classification pour les marques : CL01 ; CL04 ; CL05 ; CL07 ; CL08 ; CL12 ; CL17 ; CL18 ; CL20 ; CL21 ; CL22 ; CL25 ; CL28 ; CL31 ; CL35 ; CL44
  • Numéros d'enregistrement : 4200702 ; 4202191 ; 4242779
  • Parties : SOCIÉTÉ DE DISTRIBUTION DE PRODUITS ET MATÉRIELS AGRICOLES - FERMES ET JARDINS SAS / FERME ET JARDIN SASU
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Nanterre, 5 avril 2018
  • Président : Madame Thérèse ANDRIEU
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles
2019-05-21
Tribunal de grande instance de Nanterre
2018-04-05

Texte intégral

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

ARRET

DU 21 mai 2019 12e chambre N° RG 18/02889 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SK3P AFFAIRE : Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 05 avril 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre N° Chambre : N° Section : N° RG : 15/14596 La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : SAS SOCIETE DE DISTRIBUTION DE PRODUITS ET MATERIELS A GRICOLES -FERMES ET JARDINS N° SIRET : 323 00 6 3 04 Route nationale 3PK 27 B Murat 97418 LA PLAINE DES CAFRES Représentant : Me Gautier K, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0362 - N° du dossier 3551812 APPELANTE SASU FERME ET JARDIN N° SIRET : 809 821 432 [...] 36240 GEHEE Représentant : Me Sarah G de l'AARPI ABSYS AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0152 - Représentant : Me Isabelle B, Plaidant, avocat au barreau d'ALBI INTIMEE Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 mars 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Thérèse ANDRIEU, Président chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Thérèse ANDRIEU, Président, Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller, Mme Véronique MULLER, Conseiller, Greffier, lors des débats : Madame Patricia G, FAITS ET PROCEDURE La société de distribution de produits et matériels agricoles Fermes et Jardins SA (ci-après, la SDPMA) exerce une activité 'd'import, export, fabrication, reconstitution, conditionnement, commercialisation et distribution de tous produits ou denrées destinés à l'alimentation humaine ou animale ainsi que tous engrais, marchandises ou matériels agricoles". Elle exploite, depuis le 16 novembre 2012, le site internet www.fermes-et-jardins.re afin de proposer divers conseils en matière de jardinerie et d'animalerie et d'assurer la promotion de ses points de vente situés à la Réunion ainsi qu'une page intitulée ' Fermes et Jardins' sur le réseau social Facebook destinée aux mêmes fins. La société Ferme et jardin exerce quant à elle une activité de commerce de gros (commerce inter-entreprises) de matériel agricole. Le 1er décembre 2014, deux noms de domaine et , ont été réservés par la Holding Groupe Cloué, lesquels dirigeaient vers des pages parking OVH. Le 30 juillet 2015, la SDPMA a déposé à l'INPI une demande d'enregistrement de marque verbale française 'FERMES ET JARDINS' n° 4 200 702 pour désigner des produits et services relevant des classes 1, 5, 7, 18, 20, 21, 31, 35 et 44, dont notamment les : 'produits chimiques destinés à l'agriculture, l'horticulture et la sylviculture ; outils et instruments pour l'agriculture et le jardinage, autres que ceux actionnés manuellement ; objets d'art en bois, en plâtre ou en matière plastique; produits agricoles, horticoles, forestiers et graines, ni transformés, ni préparés ; service de vente au détail et de vente en ligne de produits pour l'agriculture, l'horticulture et le jardinage, de produits phytosanitaires, d'outils, d'instruments et de machines pour l'agriculture, l'horticulture et le jardinage ; services d'horticulture et de jardinage ; location de matériel pour l'exploitation agricole et pour le jardinage'. Par lettre du 31 juillet 2015, la SDPMA a mis en demeure la société Ferme et Jardin de cesser tout usage de cette dénomination en raison du risque de confusion induit entre les deux sociétés. La société Ferme et jardin a alors fait valoir, par réponse datée du 5 octobre 2015, l'absence de publication de la dénomination sociale de la société SDPMA et de tout risque de confusion au regard des périmètres d'activités de chaque société, puis, relevant que le dépôt de la marque 'FERMES ET JARDINS' est frauduleux au regard de ses droits antérieurs sur sa dénomination sociale et ses deux noms de domaine, a proposé un accord de coexistence fondée sur l'article L. 713-6 in fine du code de propriété intellectuelle. Entre-temps, la société Ferme et Jardin a déposé le 6 août 2015 à l'INPI la demande d'enregistrement de marque verbale française 'FERME ET JARDIN' n° 4 202 191 pour désigner des produits relevant des classes 4, 7, 8, 12, 17, 22, 25 et 28, dont notamment les 'huiles et graisses industrielles ; machines-outils; instruments agricoles autres que ceux actionnés manuellement ; outils et instruments à main entraînés manuellement ; outils à main actionnés manuellement ; véhicules ; produits en matières plastiques mi-ouvrées ; vêtements, chaussure, chapellerie jeux, jouets. C'est dans ces circonstances que, par acte du 19 novembre 2015, la SDPMA a fait assigner la société Ferme et Jardin devant le tribunal de grande instance de Nanterre, notamment aux fins de nullité partielle de la demande de marque n° 4 202 191, d'indemnisation de son préjudice du fait de l'atteinte à sa demande de marque antérieure n° 4 200 702 et d'interdiction de tout usage de la dénomination 'FERME ET JARDIN'. Le 25 novembre 2015, postérieurement à l'introduction de cette instance, l'INPI a notifié au conseil de la société SDPMA une objection provisoire à l'enregistrement de la marque 'FERMES ET JARDINS' en raison de l'absence de distinctivité du signe pour certains produits visés par la demande. La SDPMA a en conséquence procédé à une demande de marque divisionnaire, déposée le 22 janvier 2016 et enregistrée sans modification le 13 mai 2016 sous le n° 4 242 779, pour les services suivants relevant de la classe 35 : 'Service de vente au détail et de vente en ligne de produits pour l'agriculture, l'horticulture et le jardinage, à savoir : produits chimiques pour l'agriculture, fertilisants, engrais, insecticides, parasiticides, pesticides, produits et préparations pour les soins et l'hygiène des plantes, produits pour la destruction des animaux nuisibles, machines agricoles et leurs parties, instruments agricoles autres que ceux actionnés manuellement, tracteurs, outils à main pour l'agriculture et le jardinage, tondeuses à gazon (machines et instruments à main), films et feuilles plastiques pour l'agriculture, ficelles, sacs, bâches et cordes pour l'agriculture, matières à isoler pour l'agriculture, vêtements pour l'agriculture et le jardinage, gants de jardinage, arrosoirs, pots à fleurs, semences (graines), récipients pour l'agriculture, céréales en grains non travaillés, arbustes, plantes, arbres (végétaux), plants, fourrages et gazon nature, de meubles, d'articles en cuir, à savoir : sacs, sacoches à outils (vides), sacs à roulettes, sacs de campeurs et sacs de voyage en cuir, d'articles de décoration pour jardins, à savoir : statues, statuettes et pots décoratifs, de produits pour les animaux, à savoir : aliments pour les animaux, produits vétérinaires, colliers pour animaux, bacs de propreté, cages et litières, de fleurs et de produits agricoles, horticoles et forestiers (ni préparés, ni transformés)'. La demande d’enregistrement de la marque 'FERME ET JARDIN' n° 4 202 191 de la société Ferme et Jardin a également fait l'objet d'une objection provisoire de l'INPI le 26 octobre 2015 faute de distinctivité et de justification de pouvoir de son mandataire, puis d'une décision de rejet total en date du 30 mars 2017. Par ordonnance du 9 juin 2016, le juge de la mise en état a rejeté l'exception de compétence soulevée par la société Ferme et Jardin et sollicité la production par les parties de toutes pièces utiles quant à la situation de leurs demandes d’enregistrement de marques (décision d'enregistrement ou de rejet de l'INPI). Par jugement du 5 avril 2018, le tribunal de grande instance de Nanterre a : -Rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société Ferme et Jardin, -Dit recevable la demande de nullité de la marque 'Fermes et jardins' n° 4 242 779 formée par la société Ferme et Jardin, -Annulé l'enregistrement de la marque 'Fermes et Jardins' n° 4 242 779 dont la société de distribution de produits et matériels agricoles Fermes et Jardins est titulaire, pour la totalité des services revendiqués au dépôt, -Invité la partie la plus diligente à procéder à l'inscription au Registre national des marques du présent jugement une fois celui-ci passé en force de chose jugée, -Débouté la société de distribution de produits et matériels agricoles Fermes et Jardins de l’ensemble de ses demandes, -Débouté la société Ferme et Jardin de sa demande de dommages et intérêts au titre du dépôt frauduleux de la marque 'Fermes et jardins' n° 4 242 779, -Condamné la société de distribution de produits et matériels agricoles Fermes et Jardins à payer à la société Ferme et jardin la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, -Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, -Condamné la société de distribution de produits et matériels agricoles Fermes et Jardins aux dépens, -Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire. Par déclaration du 23 avril 2018, la SDPMA Fermes et jardins a interjeté appel du jugement.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 16 janvier 2018, la SDPMA Fermes et Jardins demande à la cour de : Infirmer le jugement en ses principales dispositions, Statuant à nouveau : À titre principal, Vu le principe procédural 'nul ne peut se contredire au détriment d'autrui' -Constater que la société de distribution de produits et matériels agricoles fermes et jardins n'oppose pas sa marque « FERMES ET JARDINS » n°15 4 200 702 à la société Ferme et Jardin, -Déclarer en conséquence irrecevable la demande en nullité de la marque « FERMES ET JARDINS » n°154 200 702, À titre subsidiaire, Vu l'article L 711-1 et suivants du code la propriété intellectuelle, -Dire que la marque « FERMES ET JARDINS » n°15 4 200 702 et la marque enregistrée « FERMES ET JARDINS » n°16 4 242 779 issue de la demande divisionnaire présentent un caractère distinctif, Vu l'article L 711-2 dernier alinéa du Code de la Propriété intellectuelle, -Dire que les marques « FERMES ET JARDINS » n°15 4 200 702 et la marque enregistrée « FERMES ET JARDINS » n°16 4 242 779 issue de la demande divisionnaire présentent un caractère distinctif acquis par l'usage, Vu l'article 1240 et suivants du code civil, -Dire que la société de distribution de produits et matériels agricoles fermes et Jardins sa dispose de droits sur le nom commercial FERMES ET JARDINS depuis 1983 et sur l'élément distinctif essentiel de sa dénomination sociale «FERMES ET JARDINS » depuis le 4 mai 2009, date de son immatriculation sous cette dénomination au Registre du Commerce et des Sociétés de Saint-Pierre de la Réunion, -Dire que l'immatriculation et l'usage à titre de dénomination sociale du terme « FERME ET JARDIN » par la société FERME ET JARDIN SAS porte atteinte à l'élément distinctif essentiel de la dénomination sociale de la société de distribution de produits et matériels Agricoles fermes et jardins sa et en constitue l'usurpation, En réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte et de l'usurpation de la dénomination sociale de la société de distribution de produits et matériels agricoles fermes et jardins, - Condamner la société Ferme et Jardin à verser à la société appelante la somme globale de 50 000 € à titre de dommages et intérêts, quitte à parfaire. -Dire que la société Ferme et Jardin devra procéder à la modification de sa dénomination sociale au registre du commerce et des Sociétés de Châteauroux sous astreinte de 1000 € par jour de retard à compter de signification de l'arrêt à partie à intervenir, -Interdire à la société Ferme et Jardin directement ou indirectement, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit l'usage de la dénomination "FERME ET JARDIN", seule ou en combinaison de nature à engendrer un risque de confusion avec les droits antérieurs de la requérante sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, -Ordonner à la société Ferme et Jardin de procéder à la radiation des noms de domaine www.fermeetjardin.fr et www.fermeetjardin.com sous astreinte de 1000 € par jour de retard une semaine à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, En tout état de cause, -Autoriser la société de distribution de produits et matériels Agricoles fermes et jardins à faire procéder à la publication du jugement à intervenir dans 5 journaux ou revues de leurs choix, aux frais avancés de la Société FERME ET JARDIN, le coût global des publications à sa charge ne pouvant excéder la somme de 50 000 € (H.T.) et ce, au besoin, en tant que complément de dommages et intérêts. -Débouter la société FERME ET JARDIN de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles, -Condamner la Société FERME ET JARDIN à payer à la Société de Distribution de produits et matériels agricoles fermes et jardins sa la somme de 12 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. -Condamner la société FERME ET JARDIN en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Gautier K, avocat aux offres de Droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Par dernières conclusions notifiées le 20 septembre 2018, la société Ferme et Jardin prie la cour de : -Confirmer le jugement du 5 avril 2018 en toutes ses dispositions, à l'exception du rejet de la demande de dommages intérêts en réparation du dépôt frauduleux de la marque "Fermes et Jardins" n° 4 242 779, -Prendre acte de l'absence d'opposition de droits de marque en cause d'appel et de l'absence d'action en contrefaçon, In limine litis , -Confirmer la recevabilité de la demande de nullité de la marque n° 4 242 779, contestée sur le fondement du principe selon lequel « Nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ».

Sur le

visa de l'article 564 du code de procédure civile, Rejeter les demandes nouvelles, en cause d’appel, de la société de distribution de produits et matériels agricoles -fermes et jardins-, tendant à faire reconnaître la validité de la marque "Fermes et Jardins" n° 16 4 242 779 issue d'une demande divisionnaire et la marque "Fermes et Jardins" n° 15 4 200 702 pour caractère distinctif acquis par l'usage, À titre principal Rejeter tous moyens et demandes procédant de la contestation de l'immatriculation de la société Ferme et Jardin pour usurpation de la dénomination sociale 'Société de distribution de produits et matériels agricoles-Fermes et jardins', Sur le visa de l'article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle, Rejeter toute demande d'interdiction de l'usage loyal dans la vie des affaires de la dénomination sociale Ferme et Jardin, À titre subsidiaire, Au visa de l'article L711-4 alinéa b du code de la propriété intellectuelle, Déclarer nulles les marques n°15 4 200 702 et la marque n° 16 4 242 779 au motif de l'antériorité de la dénomination sociale de l’intimée, Appel incident, Sur le fondement conjugué de l'article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 1240 du code civil, -Condamner la société de distribution de produits et matériels agricoles-Fermes et jardins à payer 20000 euros de dommages- intérêts en réparation du préjudice subi par le dépôt frauduleux de la marque enregistrée n° 4 242 779, Condamner la société de distribution de produits et matériels agricoles-Fermes et jardins- à payer 12000 euros au titre des frais irrépétibles de la société Ferme et Jardin, et la condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Sarah G conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2019. SUR CE, LA COUR La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de "constatations" qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques; il en est de même des "dire et juger" qui ne sont, en l'espèce, pas des prétentions mais des moyens. Il convient également de constater que la marque n° 15 4 200 702 déposée par la SDPMA le 30 juillet 2015 a fait l'objet d'une objection provisoire de l'INPI ; qu'elle n'a pas été enregistrée ; que dès lors, les demandes en nullité de la marque et de distinctivité sont sans objet tant devant les premiers juges que devant la Cour. Sur la recevabilité de la demande de nullité de la marque FERMES ET JARDINS' n° 164 242 779 par la société Ferme et jardin La SDPMA conclut à l'infirmation du jugement qui a rejeté la fin de non-recevoir qu'elle opposait à la société Ferme et Jardin tirée du principe procédural selon lequel 'nul peut se contredire au détriment d'autrui'. Elle considère que dans la mesure où la société Ferme et Jardin avait déposé une demande d'enregistrement de la marque 'Ferme et Jardin', ce dépôt constituait la reconnaissance du caractère distinctif du signe sans quoi elle ne l'aurait déposée. Elle soutient que le tribunal n'a pas davantage tiré les conséquences du fait que la société Ferme et jardin ait adopté la dénomination sociale 'Ferme et jardin' et ait réservé des noms de domaine www.fermeetjardin.fr et www.fermeetjardin.com, que celle-ci a soulevé l'absence de caractère distinctif de la marque déposée par l'appelante seulement pour les besoins de la cause. Cependant, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté la fin de non- recevoir opposée par la SDPMA en retenant que la société Ferme et Jardin qui avait déposé une marque du même nom qui n' a pas fait l'objet d'un enregistrement par l'INPI n'a pas cherché à induire en erreur l'appelante sur ses intentions, qu'elle n'a pas prétendu que sa marque était distinctive pour l'opposer aux droits de la SDMPA. Le jugement est confirmé sur ce point. Sur le caractère distinctif de la marque divisionnaire n° 164 242 779 déposée en classe 35 Il convient de rappeler que la marque divisionnaire déposée à l'INPI le 22 janvier 2016 suite aux objections partielles opposées par l'INPI quant à la marque n° 4200702 le 30 juillet 2015 par la SDPMA a été publiée à l'INPI le 12 février 2016. Les premiers juges ont prononcé la nullité de la marque en raison de l'absence de caractère distinctif. La société appelante conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de dire que la marque 'FERMES ET JARDINS' n° 164 242 779 issue de la demande divisionnaire présente un caractère distinctif. La SDPMA fait valoir que la marque n° 164 242 779 est parfaitement valable et opposable à compter de la date du dépôt d'origine soit le 31 juillet 2015. Elle soutient que le caractère distinctif de la marque résulte notamment de l'adjonction singulière de deux substantifs porteurs d'évocations très différentes, le terme 'FERMES' désignant le bâtiment d'une exploitation agricole, le lieu où vivent les paysans, que le terme JARDINS désigne un espace extérieur naturel d'une maison, d'un lieu d'agrément. Elle fait valoir que le contraste résultant de l'association d'un substantif évocateur du travail à un autre évocateur de loisir et de détente confère au signe sa singularité. Elle indique l'absence de perception immédiate des caractéristiques des produits et services à travers le signe 'Fermes et Jardins'. Elle ajoute que l'INPI a reconnu le caractère potentiellement distinctif de la marque en enregistrant la demande divisionnaire pour les services visés en classe 35. La société Ferme et Jardin conclut à la confirmation du jugement qui a prononcé la nullité de la marque pour défaut de caractère distinctif. Sur ce : L'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L.711-1 à L. 711-4. Selon les dispositions de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, 'Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif ; a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire générique ou usuelle du produit ou du service ; b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ; c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle ; Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage. ' Le caractère distinctif d'une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés et par-rapport à la perception qu'en a le public auquel cette marque est destinée. La marque verbale 'FERMES ET JARDINS' n° 4 242 779 a été enregistrée pour les services suivants en classe 35 : 'Services de vente au détail et de vente en ligne de produits pour l'agriculture, l'horticulture et le jardinage, à savoir : produits chimiques pour l'agriculture, fertilisants, engrais, insecticides, parasiticides, pesticides, produits et préparations pour les soins et l'hygiène des plantes, produits pour la destruction des animaux nuisibles, machines agricoles et leurs parties, instruments agricoles autres que ceux actionnés manuellement, tracteurs, outils à main pour l'agriculture et le jardinage, tondeuses à gazon (machines et instruments à main), films et feuilles plastiques pour l'agriculture, ficelles, sacs, bâches et cordes pour l'agriculture, matières à isoler pour l'agriculture, vêtements pour l'agriculture et le jardinage, gants de jardinage, arrosoirs, pots de fleurs, semences (graines), récipients pour l'agriculture, céréales en grains non travaillés, arbustes, plantes, arbres (végétaux), plants, fourrages et gazon nature, de meubles, d'articles en cuir, à savoir : sacs, sacoches à outils (vides), sacs à roulettes, sacs de campeurs et sacs de voyage en cuir, d'articles de décoration pour jardins, à savoir : statues, statuettes et pots décoratifs, de produits pour les animaux, à savoir : aliments pour les animaux, produits vétérinaires, colliers pour animaux, bacs de propreté, cages et litières, de fleurs et de produits agricoles, horticoles et forestiers (ni préparés, ni transformés)'. À titre préalable, la cour relève que l'absence d'objection de l'INPI qui a enregistré la marque divisionnaire est sans incidence sur l'appréciation de la distinctivité de la marque pour les services revendiqués au dépôt. Le signe 'FERMES ET JARDINS' est composé de deux mots du langage courant, soit le terme 'fermes' qui désigne les exploitations agricoles comprenant notamment des bâtiments d'exploitation et terrains extérieurs abritant des machines agricoles, des cheptels animaliers ou des produits agricoles, et du mot 'Jardins' qui s'entend de terrains plus ou moins étendus plantés de végétaux. C'est avec pertinence que les premiers juges ont estimé qu'appliqué à des services de vente au détail ou en lignes de produits pour l'agriculture, l'horticulture et le jardinage énumérés dans le dépôt, le signe indiquera au public pertinent les qualités des services qui lui sont offerts consacrés à la vente de produits destinés aux fermes et aux jardins. La simple juxtaposition des deux termes descriptifs 'fermes' et 'jardins' ne renvoie pas à des univers différents comme le soutient la société SDPMA, l'un qui serait celui du travail et l'autre celui du loisir mais au contraire qui sont proches renvoyant tous deux à la terre, à la nature que ce soit dans une unité d'exploitation agricole ou d'agrément. L'adjonction des deux termes 'Fermes' et 'Jardins' ne confère donc pas au signe pris en son ensemble un caractère distinctif, cette dénomination étant immédiatement perçue par le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, comme décrivant la destination des services de vente offerts spécialisés dans le domaine des produits d'équipement, d'exploitation, d'entretien des fermes et de jardins. Le public pertinent établira sans difficulté un lien direct et concret entre le signe 'Fermes et Jardins' et les services revendiqués dans le dépôt de la marque comme pouvant être destinés aux fermes et aux jardins et n'est donc pas susceptible de distinguer les services de la demanderesse de ceux des autres acteurs sur le même marché. En conséquence, il convient de confirmer le jugement qui n'a pas retenu le caractère distinctif de la marque. Sur l'acquisition du caractère distinctif de la marque n° 164 242 779 par l'usage La SDPMA revendique à titre subsidiaire un usage antérieur au dépôt de la marque n° 162 242 779 le 30 juillet 2015. Elle expose utiliser le signe 'FERMES ET JARDINS' à titre de dénomination sociale et depuis 1983 pour désigner les produits et services désignés au dépôt et en avoir fait un usage intensif depuis 2009. La société intimée relève l'irrecevabilité de la demande s'agissant d'une demande nouvelle celle-ci n'ayant pas été portée devant les premiers juges et réplique que seules les pièces produites sont insuffisantes à rapporter la preuve de l'usage invoqué. Sur la recevabilité En application de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. L'article 563 du code de procédure civile dispose que «pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves». En l'espèce, la SDPMA fait valoir un nouveau moyen devant la cour pour faire valoir la distinctivité de sa arque par l'acquisition de celle-ci par l'usage. Il s'agit d'un nouveau moyen développé à l'appui de sa demande principale. Dès lors, la demande est recevable. Sur le fond Pour rapporter la preuve de l'usage du signe 'FERMES ET JARDINS', la société SDPMA verse notamment aux débats : -des extraits de catalogues promotionnels datés depuis 2008 portant un signe en forme d' étiquette sur laquelle figure l'expression 'fermes & Jardins', surlignée et précédée d'une brouette avec notamment un canard ; -la page facebook non datée et éditée le 16 septembre 2016, -le site internet www.fermes-et-jardins.re qui ne révèle aucun élément, -un extrait de presse du 20 avril 2001 sur lequel figure le même signe que sur les extraits de catalogue, -l'usage du signe dans seulement deux courriers commerciaux adressés par la société appelante. Par ces pièces, la SDPMA ne rapporte pas la preuve d'un usage intensif du signe 'FERMES ET JARDINS' à titre de marque antérieurement à son dépôt, celles-ci étant peu nombreuses antérieurement au 31 juillet 2015 d'une part et le signe n'étant pas employé seul d'autre part dans les catalogues promotionnels mais précédé d'éléments figuratifs, et ce en application de l'article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit que le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage. La preuve n'est pas rapportée de l'acquisition de la distinctivité par l'usage en application de l'article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle. En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris qui a prononcé la nullité de la marque ''FERMES ET JARDINS' n° 4 242 779 et qui a invité la partie la plus diligente à procéder à l'inscription du jugement confirmé par le présent arrêt au registre national des marques. Sur l'atteinte portée par la dénomination sociale 'FERME ET JARDIN' à la dénomination sociale antérieure de l'appelante La société SDPMA fait valoir être fondée à se prévaloir de ses droits sur 'son nom commercial' exploité depuis 1983 et sur l'élément distinctif essentiel 'FERMES ET JARDINS' depuis la date de son immatriculation le 3 mai 2009. Elle conclut à l'infirmation du jugement qui l'a déboutée de sa demande. En réplique, la société FERME ET JARDIN fait valoir que si certes la dénomination sociale est protégée sur le territoire national, le risque de confusion s'apprécie au regard de la réalité du rayonnement commercial, qu'en l'espèce, la seule communication sur un site internet par la société appelante est insuffisante à rapporter la preuve d'un risque de confusion. Sur ce : Il résulte de l'article 1382 ancien du code civil applicable à l'espèce que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. La cour relève tout d'abord que la dénomination sociale de la SDPMA telle que mentionnée dans l'extrait K Bis produit au débat est 'société de distribution de produits et matériels-fermes et jardins', que le nom commercial est FERMES ET JARDINS-SDPMA qui inclut l'expression 'fermes et jardins', que la SDPMA explique utiliser 'FERMES ET JARDINS' à titre de nom commercial. La SDPMA dont le siège social est à La Réunion exerce une activité d'import, export, fabrication, reconstitution, conditionnement, commercialisation et distribution de tous produits ou denrées destinées à l'alimentation humaine ou animale ainsi que tous engrais, marchandises ou matériels agricoles. La société Ferme et Jardin exerce une activité d'achat, vente, location de tout matériel agricole et tracteurs cycles motoculteurs matériel de parc et jardin, véhicule terrestre à moteur neuf ou occasion, vente de carburants prestation de formation. L'activité des deux sociétés se rapporte notamment au commerce de matériel agricole. Il appartient à la société appelante de rapporter la preuve d'une faute de la société FERME ET JARDIN immatriculée au registre du commerce à compter du 25 février 2015 en démontrant que celle-ci par l'exploitation du nom commercial 'FERMES ET JARDINS' sur le même territoire national aurait cherché à créer un risque de confusion dans l'esprit du public avec les activités de l'exploitant antérieur du signe. La cour relève que la SDPMA ne rapporte pas la preuve d'un risque de confusion dans l'esprit du public sur l'origine du produit, qu'en effet l'utilisation de son signe par la SDPMA sur son site internet qui certes s'adresse à tout public sans considération géographique ne suffit pas à alléguer d'une faute de la part de la société FERME ET JARDIN qui utilise le signe FERME ET JARDIN pour vendre également du matériel agricole. Les conditions de l'article 1382 du code civil n'étant pas remplies, il convient de confirmer le jugement entrepris. Sur la demande reconventionnelle de la société Ferme et Jardin pour dépôt frauduleux de la marque 'FERMES ET JARDINS' n°4242779 La société Ferme et Jardin fait valoir qu'en application de l'article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle la SDPMA a déposé en fraude la marque 'FERMES ET JARDINS' car postérieurement à la réservation de ses noms de domaines www.fermeetjardin.com et www.fermeetjardin.fr par le groupe de Vincent Cloué à laquelle il a procédé le 1er décembre 2014. La société SDPMA réplique que les noms de domaine ont été déposés par un tiers à la procédure et qu'ils sont inexploités par la société intimée. Elle conclut à la confirmation du jugement qui a débouté la société Ferme et Jardin de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre. Sur ce L'article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que : 'si un enregistrement a été demandée soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut en revendiquer sa propriété en justice'. La société Ferme et Jardin entend opposer ses noms de domaine à la société SDPMA. Pour rapporter la preuve du dépôt de ses noms de domaine elle ne verse pas au débat un extrait WOIS mais une facture d'OVH.com adressée à Holding Group Cloué Vincent Cloué situé à Déols sur laquelle figurent les deux noms de domaine comme ayant été créés la 1er décembre 2014. Il ressort de l'extrait K bis de la société Ferme et Jardin immatriculée le 25 février 2015 que le président de la société est la holding groupe Cloue. Il n'en demeure pas moins que la preuve n'est pas établie de ce que les deux noms de domaine ont été déposés par la société FERME ET JARDIN immatriculée postérieurement au dépôt des noms de domaine, que dès lors c'est de façon pertinente que le premier juge a débouté la société Ferme et Jardin de sa demande, celle-ci n'établissant pas être titulaire des noms de domaine et ni au-surplus de les avoir exploités. Le jugement est confirmé. Sur les autres demandes : Le jugement est confirmé quant aux dispositions concernant les dépens de première instance et l'indemnité accordée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La société SDPMA succombant en cause d'appel est condamnée aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct et à verser une indemnité de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 5 avril 2018 en toutes ses dispositions, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne la société de distribution de produits et matériels agricoles fermes et jardins aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct et à verser à la société Ferme et Jardin la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur G, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.