Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 2 juin 2015, 13-24.917

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2015-06-02
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
2013-06-14

Texte intégral

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que la société De Tourris a vendu à la société Combava 49 un engin que cette dernière a donné en location à la société Terrassement Naze ; que des dysfonctionnements étant survenus, la société Terrassement Naze a assigné la société De Tourris en référé et a obtenu la désignation d'un expert qui a déposé son rapport ; que les sociétés Terrassement Naze et Combava 49 ont assigné la société De Tourris en résolution de la vente et en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de la garantie des vices cachés et de la responsabilité contractuelle ; que la société De Tourris a appelé en garantie la société Volvo construction équipement Europe (la société Volvo) ; que les instances ayant été jointes, le tribunal a prononcé la résolution de la vente et rouvert les débats en réservant certaines demandes ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que les sociétés Terrassement Naze et Combava 49 font grief à

l'arrêt d'annuler le jugement alors, selon le moyen : 1°/ que, tenu de respecter, en toutes circonstances, le principe de la contradiction, le juge ne peut fonder sa décision sur des pièces ou éléments dont les parties n'ont pas été à même de débattre contradictoirement ; que depuis l'entrée en vigueur du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, doivent être systématiquement communiquées en cause d'appel toutes les pièces qui fondent les demandes des parties, peu important qu'elles aient été déjà communiquées en première instance ; qu'en l'espèce, tandis que les sociétés Terrassement Naze et Combava 49, de même que la société De Tourris, s'étaient ouvertement plaintes dans leurs écritures de n'avoir pas eu communication des pièces nécessaires à l'examen du bien-fondé du moyen d'annulation invoqué par la société Volvo, la cour d'appel fonde sa décision d'annulation sur un certain nombre de pièces de procédure, issues du dossier de première instance, sans qu'il résulte d'éléments objectifs du dossier et notamment des bordereaux annexés aux écritures des parties qu'elles ont fait l'objet d'une communication en cause d'appel ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 6, 7, 15, 16, 132 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ que la jonction d'instance ne crée pas une procédure unique et indivisible ; qu'il s'ensuit que le moyen de nullité invoqué par la société Volvo, qui n'affectait que le lien d'instance existant entre les sociétés De Tourris et Volvo et né de l'assignation en garantie diligentée par la première à l'encontre de la seconde, ne pouvait atteindre le lien d'instance distinct né de l'assignation initiale en résolution de la vente pour vice caché des sociétés Terrassement Naze et Combava 49, qui n'était dirigée qu'à l'encontre de leur seul vendeur, la société De Tourris, étant souligné que l'intervention de la société Volvo, fabricant de l'engin litigieux, n'était nullement une condition de la recevabilité et du bien-fondé de l'action rédhibitoire ainsi introduite ; qu'il s'ensuit qu'en annulant purement et simplement le jugement qui lui était déféré, cependant que le moyen de nullité retenu ne pouvait affecter ledit jugement, en ce qu'il avait statué dans les rapports existant entre les sociétés Terrassement Naze et Combava 49, d'une part, et la société De Tourris, d'autre part, la cour d'appel viole les articles 367 et 368 du code de procédure civile, ensemble les articles 1641 et 1644 du code civil ;

Mais attendu

, d'une part, que la constitution de l'avocat de la société Volvo étant un acte de la procédure versé au dossier de première instance qui était joint à celui de la cour en application des articles 727 et 968 du code de procédure civile, c'est sans violer le principe de la contradiction que la cour d'appel, se fondant sur cet acte qui était dans le débat et dont les sociétés Terrassement Naze et Combava 49 n'avaient pas demandé la communication, a annulé le jugement ; Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des conclusions d'appel, que les sociétés Terrassement Naze et Combava 49 aient soutenu que le moyen de nullité invoqué par la société Volvo dans l'instance l'opposant à la société De Tourris ne pouvait pas atteindre l'instance principale ; que le moyen, mélangé de fait et de droit, est nouveau ; D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen

:

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée

sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen

, pris en sa première branche :

Vu

l'article 455 du code de procédure civile ; Attendu qu'après avoir retenu qu'en raison de la nullité du jugement, du caractère non contradictoire à l'égard de la société Volvo de l'expertise et du fait que seul le locataire du bien vendu, et non son acquéreur, a présenté une demande relativement au préjudice allégué, la cour d'appel a estimé ne pas devoir évoquer et a rejeté les demandes ;

Attendu qu'en statuant ainsi

, alors qu'elle ne pouvait statuer sur les demandes de la société Terrassement Naze, pour les rejeter, tout en refusant d'évoquer les points non jugés par le tribunal, la cour d'appel, qui s'est contredite, a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit recevable l'appel de la société Volvo contre le jugement du 6 avril 2012 et annule ce jugement, l'arrêt rendu le 14 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée ; Condamne la société De Tourris et la société Volvo construction équipement Europe aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société De Tourris à payer à la société Terrassement Naze la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille quinze

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour les sociétés Terrassement Naze et Combava 49 PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir annulé le jugement entrepris du 6 avril 2012 ; AUX MOTIFS QUE la société Volvo soulève la nullité du jugement en application des articles 430 et suivants et 756 et 816 du code de procédure civile ; qu'elle fait valoir qu'elle a régulièrement constitué avocat et déposé sa constitution en première instance mais que le greffe n'en a pas tenu compte de sorte qu'elle n'a été appelée à aucune audience et n'a pas conclu, si bien que le tribunal s'est prononcé en son absence et sans lui avoir permis de faire valoir ses observations ; qu'en effet, il résulte du dossier de première instance que la société Volvo, qui a été assignée en intervention forcée par la SAS de Tourris le 1er juillet 2011, a régulièrement constitué avocat et a déposé sa constitution au greffe le 13 juillet 2011 ; que les instances ont d'ailleurs été jointes le 6 octobre 2011 ; qu'il est tout aussi établi qu'aucune des pièces de procédure postérieures à cette date ne porte mention de cette constitution et que notamment ni l'injonction de conclure du 6 octobre 2011 délivrée le jour de l'ordonnance de jonction ni celle du 20 octobre suivant ne font pas mention de cette constitution, qu'elles n'ont pas été notifiées au conseil de la société Volvo qui n'a pas été destinataire des conclusions déposées le 10 octobre 2011 par la société de Tourris, ni de l'ordonnance de clôture du 9 février 2012 et qui apparaît comme étant non comparante sur le jugement ; qu'il s'ensuit que ces irrégularités, qui constituent une atteinte avérée aux droits de la défense faisant incontestablement grief à la société Volvo justifient que la nullité du jugement soit prononcée ; que compte tenu de cette nullité et du fait que l'affaire n'est pas en état de recevoir une solution définitive au regard du caractère non contradictoire à la société Volvo de l'expertise et du fait que le préjudice allégué ne fait l'objet de demande que de la part du locataire du bien vendu et non de son acquéreur, la cour estime ne pas devoir évoquer ; ALORS QUE, D'UNE PART, tenu de respecter, en toutes circonstances, le principe de la contradiction, le juge ne peut fonder sa décision sur des pièces ou éléments dont les parties n'ont pas été à même de débattre contradictoirement ; que depuis l'entrée en vigueur du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, doivent être systématiquement communiquées en cause d'appel toutes les pièces qui fondent les demandes des parties, peu important qu'elles aient été déjà communiquées en première instance ; qu'en l'espèce, tandis que les sociétés Terrassement Naze et Combava 49, de même que la société Tourris, s'étaient ouvertement plaintes dans leurs écritures de n'avoir pas eu communication des pièces nécessaires à l'examen du bien-fondé du moyen d'annulation invoqué par la société Volvo (cf. les dernières écritures des sociétés Terrassement Naze et Combava 49, pages 4 et 5, spéc. p.4 § 2 et p.5 § 7 ; v. aussi les conclusions de la société de Tourris, page 9, dernier §), la Cour fonde sa décision d'annulation sur un certain nombre de pièces de procédure, issues du dossier de première instance, sans qu'il résulte d'éléments objectifs du dossier et notamment des bordereaux annexés aux écritures des parties qu'elles ont fait l'objet d'une communication en cause d'appel ; qu'en statuant de la sorte, la cour viole les articles 6, 7, 15, 16, 132 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en tout état de cause, la jonction d'instance ne crée pas une procédure unique et indivisible ; qu'il s'ensuit que le moyen de nullité invoqué par la société Volvo, qui n'affectait que le lien d'instance existant entre les sociétés de Tourris et Volvo et né de l'assignation en garantie diligentée par la première à l'encontre de la seconde, ne pouvait atteindre le lien d'instance distinct né de l'assignation initiale en résolution de la vente pour vice caché des sociétés Terrassement Naze et Combava 49, qui n'était dirigée qu'à l'encontre de leur seul vendeur, la société de Tourris, étant souligné que l'intervention de la société Volvo, fabricant de l'engin litigieux, n'était nullement une condition de la recevabilité et du bien-fondé de l'action rédhibitoire ainsi introduite ; qu'il s'ensuit qu'en annulant purement et simplement le jugement qui lui était déféré, cependant que le moyen de nullité retenu ne pouvait affecter ledit jugement, en ce qu'il avait statué dans les rapports existant entre les sociétés Terrassement Naze et Combava 49, d'une part, et la société de Tourris, d'autre part, la Cour viole les articles 367 et 368 du Code de procédure civile, ensemble les articles 1641 et 1644 du Code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué de s'être borné à annuler le jugement qui lui était déféré et de s'être par-là même abstenu de réexaminer en droit, comme en fait, la recevabilité et le bien-fondé de l'action rédhibitoire des sociétés Terrassement Naze et Combava 49, la formule de style « déboute les parties de leurs autres demandes » étant sans portée quant à ce ; AUX MOTIFS QUE la société Volvo soulève la nullité du jugement en application des articles 430 et suivants et 756 et 816 du code de procédure civile ; qu'elle fait valoir qu'elle a régulièrement constitué avocat et déposé sa constitution en première instance mais que le greffe n'en a pas tenu compte de sorte qu'elle n'a été appelée à aucune audience et n'a pas conclu, si bien que le tribunal s'est prononcé en son absence et sans lui avoir permis de faire valoir ses observations ; qu'en effet, il résulte du dossier de première instance que la société Volvo, qui a été assignée en intervention forcée par la SAS de Tourris le 1er juillet 2011, a régulièrement constitué avocat et a déposé sa constitution au greffe le 13 juillet 2011 ; que les instances ont d'ailleurs été jointes le 6 octobre 2011 ; qu'il est tout aussi établi qu'aucune des pièces de procédure postérieures à cette date ne porte mention de cette constitution et que notamment ni l'injonction de conclure du 6 octobre 2011 délivrée le jour de l'ordonnance de jonction ni celle du 20 octobre suivant ne font pas mention de cette constitution, qu'elles n'ont pas été notifiées au conseil de la société Volvo qui n'a pas été destinataire des conclusions déposées le 10 octobre 2011 par la société de Tourris, ni de l'ordonnance de clôture du 9 février 2012 et qui apparaît comme étant non comparante sur le jugement ; qu'il s'ensuit que ces irrégularités, qui constituent une atteinte avérée aux droits de la défense faisant incontestablement grief à la société Volvo justifient que la nullité du jugement soit prononcée ; que compte tenu de cette nullité et du fait que l'affaire n'est pas en état de recevoir une solution définitive au regard du caractère non contradictoire à la société Volvo de l'expertise et du fait que le préjudice allégué ne fait l'objet de demande que de la part du locataire du bien vendu et non de son acquéreur, la cour estime ne pas devoir évoquer ; ALORS QUE, D'UNE PART, réserve faite de l'hypothèse de la nullité de l'acte introductif d'instance, la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'aussi bien, si même elle annulait le jugement qui lui était déféré, la cour n'en était pas moins tenue de réexaminer, en fait et en droit, la recevabilité et le bien-fondé de l'action rédhibitoire qui avait été accueillie par les premiers juges ; qu'en s'en abstenant, la cour viole l'article 562 du code de procédure civile, l'article 4 du Code civil et l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, dès lors que la cour était saisie, non seulement de l'appel de la société Volvo, mais également de l'appel de la société de Tourris, qui remettait en question ce qui avait été précédemment jugé par le tribunal quant à la recevabilité et au bien-fondé de l'action rédhibitoire introduite à son encontre par les sociétés Terrassement Naze et Combava 49, la cour était de toute façon tenue de statuer sur le bien-fondé de cet appel et ce quand bien même, pour une raison ou pour une autre, le moyen de nullité invoqué par la société Volvo l'aurait empêchée de connaître de la recevabilité et du bien-fondé du recours en garantie formé par la société de Tourris à l'encontre la société Volvo ; qu'à cet égard également, la cour viole l'article 562 du code de procédure civile, l'article 4 du Code civil, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Terrassement Naze de ses demandes indemnitaires formées au titre des frais de location d'engins de remplacement, des pertes d'exploitation générées par l'immobilisation de l'engin litigieux et des loyers qui avaient été décaissés en pure perte, s'agissant d'un engin immobilisé ; AU SEUL MOTIF QUE compte tenu de la nullité du jugement et du fait que l'affaire n'est pas en état de recevoir une solution définitive au regard du caractère non contradictoire à la société Volvo de l'expertise et du fait que le préjudice allégué ne fait l'objet de demande que de la part du locataire du bien vendu et non de son acquéreur, la cour estime ne pas devoir évoquer ; ALORS QUE, D'UNE PART, la cour ne pouvait, sans entacher sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, déclarer dans les motifs de son arrêt qu'elle décidait de ne pas évoquer sur les points qui n'avaient pas été tranchés par les premiers juges, et notamment sur les demandes indemnitaires formées par la société Terrassement Naze, et néanmoins statuer sur ces demandes, en déclarant les rejeter dans le dispositif de ce même arrêt, ce en quoi la Cour méconnaît les exigences des articles 455 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, la société Terrassement Naze avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'elle était devenue en cours de procédure propriétaire de l'engin de chantier défectueux, pour l'avoir acquis de la SNC Combava 49 à l'expiration du contrat de location avec option d'achat, ce dont elle avait justifié en produisant l'acte de vente (cf. ses dernières écritures, p.3 in fine, p.17 § 2 et dispositif p.21, 6e al., ensemble le bordereau de pièces annexé) ; qu'en retenant néanmoins, pour statuer comme elle le fait, « que le préjudice allégué ne fait l'objet de demande que de la part du locataire du bien vendu et non de son acquéreur », sans rechercher, comme cela le lui était demandé, si la société Terrassement Naze n'était pas devenue propriétaire du bien litigieux et devenue de ce fait habile, au jour où elle statuait, à solliciter l'indemnisation, sur le fondement de la garantie des vices cachés, des préjudices que lui avait causé le vice dont l'engin litigieux était atteint, la Cour prive son arrêt de base légale au regard des articles 1641 et 1645 du Code civil, ensemble au regard de l'article 31 du code de procédure civile.