Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mai 2000, 98-42.448

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2000-05-31
Cour d'appel de Paris (18e chambre, section A)
1998-03-04

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le pourvoi formé par la société Adia France, société anonyme, dont le siège est ..., Cedex 73, 92041 Paris La Défense, en cassation d'un arrêt rendu le 4 mars 1998 par la cour d'appel de Paris (18e chambre, section A), au profit de Mme X... Piquette, demeurant ..., défenderesse à la cassation ; LA COUR, en l'audience publique du 19 avril 2000, où étaient présents : M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Finance, conseiller rapporteur, M. Texier, conseiller, M. Soury, conseiller référendaire, Mme Barrairon, avocat général, Mme Guénée-Sourie, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Finance, conseiller, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la société Adia France, les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que Mme Y... a été engagée, le 20 juillet 1979, par la société Adia France, en qualité de chef d'agence, pour devenir, en février 1992, directrice d'opérations locales ; que, connaissant d'importantes difficultés, la société Adia France a proposé à sa salariée, par lettre du 18 mars 1994, une réduction de sa rémunération ; que Mme Y... a refusé cette proposition et a été licenciée le 30 mai 1994 ; que, faisant valoir que l'employeur s'était refusé au paiement prorata temporis de la prime d'intéressement, elle a saisi la juridiction prud'homale en paiement d'un rappel de prime, de congés payés y afférents et d'un complément d'indemnité de licenciement ;

Sur les deux premières branches du moyen

unique :

Attendu que la société Adia France fait grief à

l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la salariée, alors, selon le moyen, 1 / que le juge ne peut déterminer la partie variable de la rémunération d'un salarié qu'en l'état d'un contrat de travail accordant au salarié un droit à rémunération variable et qu'à défaut de conclusion par les parties de l'accord prévu par le contrat sur cette rémunération variable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'aucun élément contractuel n'était versé aux débats ; que, dès lors, en estimant néanmoins que la salariée devait bénéficier d'une rémunération variable qu'il lui appartenait de déterminer à défaut d'accord des parties, elle a violé l'article 1134 du Code civil ; 2 / que la cour d'appel ne pouvait tout à la fois relever que le principe d'une rémunération constituée pour partie d'un élément variable n'était établi par aucun élément contractuel versé aux débats et qu'il ne pouvait être sérieusement contesté, dès lors qu'il résulterait des documents versés aux débats que cet élément variable serait conventionnellement inhérent à la fonction même de directeur d'opérations locales ; que, ce faisant, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

que la cour d'appel, tout en relevant l'absence de contrat de travail écrit, a retenu qu'il résultait des éléments de preuve soumis à son appréciation que l'intéressée avait droit au paiement d'une partie variable de rémunération sous la forme d'un intéressement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la troisième branche du moyen

unique :

Vu

les articles L. 122-8 du Code du travail et 1134 du Code civil ; Attendu, selon le premier de ces textes, que l'inobservation du délai-congé n'a pas pour conséquence d'avancer la date à laquelle le contrat prend fin ;

Attendu que pour condamner

l'employeur au paiement d'une somme à titre de rappel de prime d'intéressement, la cour d'appel énonce que les accords salariaux conclus dans l'entreprise sont renégociés chaque année et que le système défini (modalités pratiques d'attribution et de calcul de la prime) n'est applicable que pendant l'année en cours ; que l'accord conclu en 1994 avec les partenaires sociaux, s'il a renvoyé à la négociation individuelle, a néanmoins posé un cadre ; que toutefois cet accord a été régularisé le 31 mai, alors que Mme Y... a été licenciée le 30 mai avec dispense d'exécuter le préavis ; qu'il n'apparaît pas dans ces conditions que le cadre ainsi posé puisse être opposé à la salariée ; que les modalités pratiques d'attribution de 1993 peuvent être maintenues ;

Qu'en statuant ainsi

, alors que la dispense par l'employeur de l'exécution du préavis n'avait pu avoir pour effet de mettre immédiatement fin au contrat de travail à la date du 30 mai 1994, ce dont il résulte que l'accord salarial du 31 mai 1994 devait servir de cadre à la détermination du montant de la prime d'intéressement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne Mme Y... aux dépens ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille.