Cour de cassation, Chambre sociale, 22 novembre 1995, 92-41.718

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1995-11-22
Cour d'appel de Limoges (chambre sociale)
1992-03-09

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le pourvoi formé par la société Jean Nougein-Topco, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 9 mars 1992 par la cour d'appel de Limoges (chambre sociale), au profit de Mlle Sandrine Z..., demeurant ... Brive, défenderesse à la cassation ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 octobre 1995, où étaient présents : M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Ferrieu, conseiller rapporteur, M. Monboisse, conseiller, MM. Frouin, Boinot, Mme Bourgeot, conseillers référendaires, M. Terrail, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Ferrieu, les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Limoges, 9 mars 1992), que Mlle Z... a été engagée le 28 août 1989 par la société Nougein comme caissière gondolière dans un magasin Topco ; que l'employeur ayant mis fin verbalement au contrat de travail dès le 22 septembre 1989, la salariée, soutenant avoir signé, le jour de son embauche, un contrat de qualification à durée déterminée de deux ans, qui ne lui avait pas été remis, a engagé une action prud'homale pour réclamer notamment le règlement de son salaire pendant toute la durée du contrat ;

Sur le premier moyen

de cassation :

Attendu que la société fait grief à

l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen, d'une part, que le contrat de qualification possède une durèe comprise entre six mois et deux ans, doit être passé par écrit, fait l'objet d'un dépôt auprès de la Direction départementale du travail, contient l'engagement de l'employeur d'assurer une formation permettant au jeune d'acquérir une formation professionnelle, comporte un terme fixé avec précision dès sa conclusion, est subordonné au dépôt d'un dossier au plus tard dans le mois qui suit le début du contrat, conditions expresses dont aucune n'est remplie en l'espèce ; que, d'autre part, l'existence d'un acte écrit, le dépôt d'un dossier dans le mois à la direction du travail, l'engagement de l'employeur d'assurer une formation professionnelle constituent des conditions formelles de validité du contrat à défaut desquelles la qualification en contrat à durée indéterminée ne fait aucune présomption simple susceptible de preuve contraire ; qu'au surplus, MM. Y... et X... ont attesté que Mlle Z... avait été engagée verbalement avec une période d'essai d'un mois à l'expiration de laquelle un contrat de qualification de deux ans serait conclu si cet essai se révélait satisfaisant, ce qui ne fût pas le cas, d'où la rupture le 23 septembre 1989, moins d'un mois après l'engagement du 28 août ; qu'en outre, le premier bulletin de salaire du mois d'août 1989 ne comportait qu'une rémunération égale à 60 % du SMIC parce qu'il avait été envisagé un contrat de qualification et, de fait, un tel contrat n'ayant pas été conclu, le second bulletin du mois de septembre 1989 a régularisé le salaire d'août sur la base de 100 % du SMIC au moyen de 310,23 francs tout en réglant celui de septembre au taux plein du SMIC (5 074,23 francs), sans protestation ni réserves de Mlle Z..., et que ces bulletins de salaire ne sauraient en tout hypothèse suffire à constituer la preuve contraire susceptible de renverser la présomption simple de contrat à durée indéterminée ; qu'enfin, l'intérêt d'un salarié sans formation suffisante, au sens de l'article L. 980-1 du Code du travail, à accepter un contrat de qualification réside dans la formation professionnelle qui lui est dispensée, et, à l'issue du terme de ce contrat à durée déterminée, dans l'acquisition d'un métier ou d'une fonction lui permettant d'être engagé à un poste plus élevé, moyennant un salaire supérieur et à des conditions meilleures ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel aurait, selon le moyen, violé les articles 1134, 1352 et 1353 du Code civil, L. 122-2, L. 980-2, L. 980-6, R. 980-2 et R. 980-77 du Code du travail, 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a estimé que la salariée justifiait de la conclusion à son profit d'un contrat de qualification à durée déterminée rompu unilatéralement par l'employeur ; Que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen

:

Attendu que la société fait encore grief à

l'arrêt d'avoir déclaré qu'elle avait mis fin abusivement au contrat, alors que, selon le moyen, les conventions et accords collectifs obligent tous ceux qui les ont signés, la convention collective applicable en l'espèce prévoit une période d'essai d'un mois pour les salariés appartenant à la catégorie "employés et ouvriers" et l'engagement à l'essai n'est soumis à aucune forme puisqu'il a été jugé qu'il n'est pas nécessaire que la clause soit écrite, mais que l'arrêt attaqué n'a pas répondu à ce moyen, et s'est contenté de juger satisfaisante l'analyse des premiers juges qui avaient exigé que la période d'essai ait été convenue par écrit, alors que l'exigence d'un écrit est incompatible avec la décision consistant à admettre que les parties pouvaient avoir conclu un contrat de travail sans acte écrit, fût-il qualifié contrat de qualification ;

Mais attendu

que la société s'étant bornée à soutenir que la salariée avait été engagée par contrat à durée indéterminée, la cour d'appel, qui a retenu l'existence d'un contrat à durée déterminée, a légalement justifié sa décision ; Que le moyen n'est donc pas fondé ; Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : Attendu que, sur le fondement de ce texte, Mlle Z... sollicite l'allocation d'une somme de 5 000 francs ; Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Jean Nougein-Topco, envers Mlle Z..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-deux novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze. 4544