Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 5 juin 2014, 13-20.333

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2014-06-05
Cour d'appel de Limoges
2013-03-28

Texte intégral

Sur le moyen

unique :

Vu

les articles 145, 493 et 494 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que par ordonnance du 13 juin 2012, le juge des requêtes d'un tribunal de grande instance a, sur requête du même jour de la société Clinique Saint-Germain et de la société Limousin hospitalier, ordonné une mesure d'instruction avant tout procès sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; que sur recours de la société Centre médico-chirurgical Les Cèdres et de trois médecins supportant l'exécution de la mesure, le juge des référés a, par ordonnance du 2 août 2012, refusé de rétracter la requête ; Attendu que pour confirmer cette ordonnance, l'arrêt retient, que les éléments présentés dans la requête et les pièces jointes permettaient raisonnablement de considérer justifiée la recherche de preuve litigieuse et que cette nature de la motivation de la requête fondait légalement le caractère non contradictoire de la procédure suivie, dès lors qu'il pouvait exister un risque de modification ou de disparition des éléments recherchés ;

Qu'en se déterminant ainsi

, par des motifs impropres à justifier l'existence dans la requête ou dans l'ordonnance de circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ; Condamne la société Clinique Saint-Germain et la société Limousin hospitalier aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Clinique Saint-Germain et la société Limousin hospitalier à payer à la société Centre médico-chirurgical Les Cèdres la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt. Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Centre médico-chirurgical Les Cèdres. Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Brive en date du 2 août 2012 ayant rejeté les demandes de rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 13 juin 2012 au profit des sociétés Clinique Saint-Germain et Limousin hospitalier ; AUX MOTIFS PROPRES QUE les demandes et moyens des parties demeurent les mêmes qu'en première instance et qu'il n'a été produit à l'occasion de l'appel aucun élément nouveau qui n'ait été connu de la juridiction du premier degré ; que celle-ci, par des motifs suffisants et pertinents que la cour adopte a, aux termes d'une décision qu'il apparaît tout à fait inutile de paraphraser dès lors qu'il a été répondu de façon complète et précise à l'ensemble des moyens qui avaient été soulevés et qui sont repris devant la cour, fait une exacte appréciation des faits et circonstances de la cause et du droit des parties ; que notamment le premier juge, après avoir visé les dispositions des articles 145 et 493 du code de procédure civile, a exactement estimé que les éléments présentés dans la requête ainsi que les pièces jointes permettaient de fonder, en application de ces textes dont il a rappelé la teneur, le caractère non contradictoire de la procédure suivie, étant observé qu'il n'appartenait pas au juge amené à statuer sur la requête d'apprécier les droits des parties au regard du contrat qui les liait mais seulement de rechercher si, comme il était soutenu, il existait en l'espèce des éléments pouvant laisser suspecter de la part des médecins concernés, un abus de leur droit reconnu et non contesté d'y mettre fin ; qu'au surplus, pour les motifs repris dans l'ordonnance dont appel, c'est à bon droit qu'il a été considéré par le premier juge que l'ordonnance sur requête ne portait atteinte ni à la vie privée ni au secret médical ; que le juge des référés a exactement, par ailleurs, s'agissant de la violation éventuelle du secret professionnel de l'avocat, considéré qu'il convenait de préciser les termes de l'ordonnance du 12 juin 2012 pour exclure des documents et supports communiqués au requérant tout document, fichier, élément, émanant ou reçu des docteurs X..., Y...et de la société Centre médico-chirurgical Les Cèdres qui aurait pour expéditeur ou destinataire un avocat, ce qui met fin à la difficulté liée au secret professionnel de l'avocat ; que le secret professionnel de l'avocat ne peut être opposé en effet, à défaut d'un intérêt légitime qui n'est en l'espèce ni justifié ni même allégué, à un huissier de justice, officier ministériel, qui agit dans le strict respect d'une ordonnance judiciaire ; qu'en conséquence, l'ordonnance du juge des référés mérite confirmation ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, s'agissant de la justification de la procédure suivie sur requête, le principe premier d'action en justice est la procédure contradictoire permettant à chaque partie d'exposer devant le juge ses demandes et moyens, en faisant valoir tous arguments et pièces au soutien de celles-ci et à l'encontre des prétentions adverses, mais qu'il est des cas où le législateur, conscient de nécessités particulières, permet de former des demandes et d'obtenir une décision du juge hors de ce cadre de procédure contradictoire ; qu'ainsi l'article 145 du code de procédure civile, visé expressément par la requête et par le dispositif de l'ordonnance, prévoit que « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé » ; que la possibilité offerte de la voie de la requête n'est alors admissible que dans les conditions définies par l'article 493 du code de procédure civile selon lequel « l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse » ; qu'il appartient à celui qui a présenté la requête d'établir les éléments qui fondent et justifient cette voie procédurale ; qu'il n'y a pas lieu d'exiger des formules spécifiques dans la requête présentée pour assurer sa validité ; qu'il faut mais qu'il suffit qu'elle contienne l'argumentation suffisante et plausible en fonction des pièces produites pour caractériser la situation justifiant cette voie non contradictoire ; que le rôle du juge est d'apprécier, non la certitude absolue des éléments exposés, sinon cela tendrait à démontrer l'inutilité même de recherche de preuve puisque tout paraîtrait établi, mais leur vraisemblance sérieuse ; qu'en l'espèce, la motivation fondamentale ressortant de la présentation de la requête et des pièces jointes est le risque d'abus par les docteurs Y..., Z... et X..., et avec le concours de la Clinique médico-chirurgicale Les Cèdres, du droit, reconnu et non contesté par la Clinique Saint-Germain, de rupture contractuelle à l'initiative et à la décision d'une seule partie, s'agissant de contrat à durée indéterminée ; que les éléments présentés dans la requête et les pièces jointes (notamment la chronologie entre la cession des actions de la société Clinique Saint-Germain par les médecins concernés, avec une estimation de valeur en fonction d'une activité complète de la clinique, puis moins de six mois après, leur notification concomitante et identique de rupture de leurs contrats d'exercice avec la Clinique Saint-Germain ; les bilans significatifs des chiffres d'affaires et de la part des activités des différents services de la Clinique Saint-Germain ; le rappel de l'évolution de la situation des établissements de santé sur Brive) permettaient raisonnablement de considérer justifiée la recherche de preuves sur les modalités exactes dans lesquelles les docteurs Y..., Z... et X...et la société Clinique médico-chirurgicale Les Cèdres avaient pu envisager ce départ et leur intégration dans le nouvel établissement, pour déterminer l'existence, ou non, en fonction de l'appréciation qu'en fera le juge du fond, de l'abus dans l'exercice de ce droit de rupture contractuelle ; que, par là même, cette nature de la motivation de la requête fondait légalement le caractère non contradictoire de la procédure suivie, dès lors qu'il pouvait exister un risque de modification ou de disparition des éléments recherchés ; que la discussion soutenue par les demandeurs en rétractation de l'ordonnance, sur la déloyauté de la présentation de la situation par les requérants auprès du président n'est pas pertinente ; que, d'une part, tous les raisonnements entre les parties sur la nature et la portée de leurs obligations contractuelles respectives, notamment en raison de l'interprétation divergente qu'elles font des articles 11 et 12 des contrats liant les docteurs Y...et Z... à la Clinique Saint-Germain et de l'obligation ou non de présenter un successeur, démontrent simplement l'absence d'évidence sur ce point et surtout la nécessité de rappeler qu'il s'agit là d'un point qui relève de la compétence exclusive du juge du fond, mais qui ne saurait faire obstacle à la recherche de preuves par ailleurs sur les circonstances réelles de la rupture, et sur les éléments de fait utiles pour en apprécier les conséquences juridiques ; que, d'autre part, l'absence lors de la présentation de la requête de l'existence et de la teneur de la lettre envoyée le 1er mars 2012 par la société Clinique Saint-Germain aux trois médecins en suite de leur notification de leur décision de rupture du 1er février 2012 ne peut être analysée comme une volonté de présenter la situation de manière déloyale parce que ce courrier démontrerait l'acceptation de la société Clinique Saint-Germain et donc l'inutilité de recherche de quelque preuve que ce soit ; qu'en effet, cette lettre comporte notamment les termes suivants : « Nous prenons acte de cette décision que nous déplorons dans la mesure où elle intervient dans un contexte pour le moins troublant / Celle-ci, compte tenu de sa soudaineté, pourrait avoir pour effet de porter un grave préjudice à la clinique en compromettant la pérennité de l'activité de gastro-entérologie si toutefois vous n'étiez pas en mesure de nous proposer des solutions / Par ailleurs, cette situation qui fait suite à la cession de 100 % du capital de la clinique, intervenue récemment et à laquelle vous étiez partie prenante, nous laisse perplexes quant à sa motivation » ; qu'ils établissent sous des formes variées l'absence d'une acceptation pure et simple, et l'existence d'interrogations et de réserves sur la décision des médecin de rupture des contrats ; qu'en définitive, il est relevé la teneur notamment du premier paragraphe du dispositif de l'ordonnance querellée « Autorisons ¿ au constat permettant d'établir d'une part l'existence de tout acte juridique, lettres et documents portant sur la préparation de la rupture des contrats d'exercice ayant existé entre la Clinique Saint-Germain et les docteurs X..., Z... et Y..., les conditions de la poursuite de leur activité au Centre médico-chirurgical Les Cèdres, et de tous accords existant entre eux portant sur les conséquences de cette rupture, d'autre part la date de ces différents documents, y compris en projet », parfaitement significative de la prise en considération des éléments justifiant une procédure sur requête ; qu'il a été donc justement utilisé la procédure sur requête ; ALORS, D'UNE PART, QUE les mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement ; que, pour saisir valablement le juge, la requête présentée sur le fondement des articles 145 et 493 du code de procédure civile doit elle-même exposer les motifs qui justifient qu'il soit dérogé au principe de la contradiction et ne saurait abandonner au juge le pouvoir d'en apprécier rétrospectivement l'utilité ; qu'en l'espèce, pour débouter la société exposante de sa demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 13 juin 2012, la cour d'appel a énoncé, par motifs propres et adoptés du premier juge, que les éléments présentés dans la requête et les pièces jointes permettaient raisonnablement de considérer justifiée la recherche de preuve litigieuse et que cette nature de la motivation de la requête fondait légalement le caractère non contradictoire de la procédure suivie, dès lors qu'il pouvait exister un risque de modification ou de disparition des éléments recherchés ; qu'en statuant ainsi, alors que dans leur requête, la société Clinique Saint-Germain et la société Limousin Hospitalier ne se prévalaient pas expressément de la nécessité de ne pas appeler la partie adverse, la cour d'appel a violé les articles 145, 493 et 494 du code de procédure civile ; ALORS, D'AUTRE PART, QU'en toute hypothèse, en se bornant à énoncer que les éléments présentés dans la requête et les pièces jointes permettaient raisonnablement de considérer justifiée la recherche de preuve litigieuse et que cette nature de la motivation de la requête fondait légalement le caractère non contradictoire de la procédure suivie, dès lors qu'il pouvait exister un risque de modification ou de disparition des éléments recherchés, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel de la société exposante (p. 5 à 7), si le recours à la procédure de l'article 493 du code de procédure civile n'était pas inadéquat, dès lors que les circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction n'avaient pas été alléguées par les sociétés Clinique Saint-Germain et Limousin Hospitalier dans leur requête, la cour d'appel, qui s'est déterminée par une motivation inopérante, a privé sa décision de base légale au regard des articles 145, 493 et 494 du code de procédure civile.