Cour d'appel de Paris, 17 février 2012, 2011/03273

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2011/03273
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Parties : LEDERER SA ; MAX ET MOI SARL / PELLE SIMO
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Paris, 9 décembre 2009
  • Président : Monsieur Benjamin RAJBAUT
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2012-02-17
Tribunal de grande instance de Paris
2010-09-14
Tribunal de grande instance de Paris
2009-12-09

Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 2 ARRET DU 17 FEVRIER 2012 Numéro d'inscription au répertoire général : 11/03273. Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Septembre 2010 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 1ère Section - RG n° 09/01179. APPELANTES : -SAS LEDERER prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège 14 rue Martel 75010 PARIS, -SARL MAX ET MOI prise en la personne de son gérant, ayant son siège toque : C1864. INTIMÉE : SARL PELLE SIMO prise en la personne de son gérant, Ayant son siège social 26 rue Bichat 75010 PARIS, représentée par Maître Vincent RIBAUT de la SCP RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0051, assistée de son avocat plaidant, Maître Nathalie Z substituant Maître Judith ZAOUI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1459. COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 janvier 2012, en audience publique, devant Madame Sylvie NEROT, conseillère chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Benjamin RAJBAUT, président de chambre, Madame Sylvie NEROT, conseillère. Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.

ARRET

: Contradictoire, -prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. -signé par Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé. La société Lederer, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de pelleterie et de prêt-à-porter, expose que l'une de ses stylistes salariées a créé, le 03 juillet 2006, un modèle de veste référencé 'Bolivie' qu'elle commercialise, à l'instar de la société Max et Moi. Ayant constaté que la société Tell Me offrait à la vente un modèle de veste reprenant, selon elle, les caractéristiques de la veste référencée 'Bolivie', elle a fait l'acquisition de ce modèle, référencé 'David 2", puis, dûment autorisée, a fait procéder, les 09 et 23 décembre 2008, à des opérations de saisie-contrefaçon au siège de la société Tell Me, de la société Pelle Simo (son fournisseur) et de la société Cargo Logistic (transporteur agissant pour le compte du fournisseur), avant d'assigner, conjointement avec la société Max et Moi, la société Pelle Simo en contrefaçon de droits d'auteur et concurrence déloyale. Par jugement rendu le 14 septembre 2010, le tribunal de grande instance de Paris a : -dit que le modèle 'Bolivie' commercialisé par la société Lederer n'est pas original, qu'il n'est donc pas protégeable par les dispositions des Livres I et III du code de la propriété intellectuelle et déclaré en conséquence la société Lederer irrecevable en ses demandes au titre de la contrefaçon, -déclaré la société Max et Moi mal fondée en ses demandes au titre de la concurrence déloyale et l'en a déboutée, -débouté la société Lederer de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et de publication judiciaire, -condamné in solidum les sociétés Lederer et Max et Moi à payer à la société Pelle Simo la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens. Par dernières conclusions signifiées le 19 septembre 2011, la société par actions simplifiée Lederer et la société à responsabilité limitée Max et Moi, appelantes, demandent en substance à la cour, au visa des dispositions des Livres I et III du code de la propriété intellectuelle et notamment de ses articles L 112-2, L 122-4, L 331-1-2, ainsi que des articles 1382 et 1383 du code civil, d'infirmer le jugement et : - à titre principal : * de dire que le modèle référencé 'Bolivie' est original et protégeable par les dispositions sus-visées, que la société Pelle Simo a commis des actes de contrefaçon en faisant fabriquer et en commercialisant deux gilets reproduisant pour l'un intégralement ('David 2") pour l'autre partiellement ('David 7") les caractéristiques du modèle 'Bolivie' et commis une faute à l'égard de la société Max et Moi en commercialisant le gilet acquis par elle auprès de la société Lederer, * en conséquence, de prononcer les interdictions d'usage, ce sous astreinte ; de faire injonction à la société Pelle Simo de produire aux débats les modèles 'David 1", 'David 3", 'David 4", 'David 5" et 'David 6", également sous astreinte ; de lui enjoindre de leur communiquer l'ensemble des factures d'achats et de vente desdits modèles, outre une attestation certifiée conforme de son expert-comptable relative aux quantités de produits portant ces références achetés en Chine, ce sous astreinte ; de condamner la société Pelle Simo à verser à la société Lederer les sommes provisionnelles de 40.000 euros et encore de 40.000 euros ainsi que celles de 20.000 euros et de 100.000 euros au titre, respectivement, du préjudice commercial subi, de la compensation des bénéfices indûment réalisés (sous réserve des informations à produire sur ces postes de préjudice), de l'atteinte aux investissements engagés et enfin, ensemble, du préjudice moral subi, de l'atteinte à son image de marque et de la banalisation du modèle référencé 'Bolivie' ; de condamner l'intimée à verser à la société Max et Moi la somme provisionnelle de 150.000 euros en réparation de ses préjudices distincts résultant de son comportement fautif, sous réserve des informations obtenues sur la masse contrefaisante, - subsidiairement : de constater que la commercialisation du modèle 'David 7", si elle ne constitue pas une contrefaçon, est une faute constitutive de concurrence déloyale, qu'il en est de même de la commercialisation du modèle 'David 2" s'il n'était pas jugé original et de condamner la société Pelle Simo à verser à la société Lederer la somme de 50.000 euros au titre de la concurrence déloyale, - en tout état de cause : d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, de condamner la société Pelle Simo à verser à chacune d'entre elles, au titre des frais non compris dans les dépens, la somme de 10.000 euros et cette même somme, au titre des frais exposés en première instance puis en cause d'appel, à supporter tous les dépens et à rembourser les frais de saisie-contrefaçon exposés (soit la somme de 4.167,78 euros). Par dernières conclusions signifiées le 17 novembre 2011, la société à responsabilité limitée Pelle Simo demande à la cour, au visa des articles L 111-1, L 111-2, L 112-2, L 131-3, L 331-1-2, L 511-2 et L 511-3 du code de la propriété intellectuelle ainsi que de l'article 9 du code de procédure civile : - à titre principal : de confirmer le jugement, de dire que la société Lederer n'a aucune qualité à agir en contrefaçon à l'égard de la société Pelle Simo relativement au modèle 'Bolivie', de la débouter en conséquence de son action en contrefaçon et de toutes ses prétentions, de débouter la société Max et Moi de son action en concurrence déloyale à son encontre comme étant mal fondée et injustifiée, tant à l'égard du modèle 'David 2" que du modèle 'David 7", et de débouter les appelantes de leur demande de communication de pièces, - à titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la cour estimerait que la société Lederer a qualité à agir en contrefaçon à son égard : de la débouter de l'ensemble de ses demandes principales et subsidiaires, fins et prétentions concernant le modèle 'David 7" comme étant irrecevables et injustifiées et, de la débouter de ses entières prétentions concernant le modèle 'David 2" comme étant injustifiées, - à titre infiniment subsidiaire : de dire que la somme de 200.000 euros qui lui est réclamée en réparation des préjudices invoqués est totalement injustifiée et disproportionnée et de la ramener à une somme de 28.000 euros, - en tout état de cause : de condamner in solidum les appelantes à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

SUR CE

, Sur la titularité des droits : Considérant que les appelantes, rappelant que les dispositions légales relatives au droit d'auteur protègent les oeuvres de l'esprit indépendamment de toute formalité du fait de leur création et qu'un tiers ne peut contester ni l'existence ni la validité d'une cession, font grief au tribunal d'avoir porté une appréciation erronée sur les faits de la cSet d'avoir, en particulier, considéré qu'elles ne rapportaient pas la preuve du lien salarial unissant 'la société demanderesse' à la styliste créatrice du modèle 'Bolivie' pas plus que n'était établie la preuve de la date de création des modèles opposés de Qu'elles soutiennent que le modèle 'Bolivie' a été créé par Madame Sylvie Simah en juillet 2006 et que le lien salarial ne fait pas de doute ; qu'elles versent des éléments extrinsèques attestant de l'antériorité de son modèle sur le modèle argué de contrefaçon alors que l'intimée ne produit qu'une attestation critiquable, non corroborée par des éléments extérieurs, pour tenter de prouver que son modèle aurait été créé en mai 2006 ; qu'en tout état de cause, elles justifient d'une date de divulgation de son modèle (en juin 2007) antérieure à celle du modèle contesté (en août 2008) et que, démontrant l'exploitation sous son nom du modèle référencé 'Bolivie', la société Lederer peut se prévaloir de la présomption de titularité des droits à son profit ; Que l'intimée rétorque que la société Lederer ne peut bénéficier de la protection du modèle 'Bolivie' au titre du droit d'auteur en l'absence de preuve de la cession des droits d'auteur à son profit et faute de prouver l'antériorité de ce modèle ; que l'attestation de la styliste produite par les appelantes est insuffisante pour donner date certaine à la création revendiquée et qu'elle-même produit l'attestation d'une styliste free-lance selon laquelle le modèle 'David' a été créé en mai 2006 ; que la commercialisation de ce modèle, en mai 2008 seulement, s'explique par la circonstance qu'il ne fait pas partie des modèles de base de ses collections, que le fait que le modèle revendiqué ait été commercialisé antérieurement à la divulgation du modèle 'David' est inopérant dès lors que prime la date de création et que la mention 'like your sample' figurant sur l'attestation de sa propre styliste n'est pas révélatrice d'une contrefaçon du modèle 'Bolivie' ; Considérant, ceci exposé, que c'est à bon droit que les appelantes soutiennent que les dispositions de l'articlS31-3 du code de la propriété intellectuelle qui requiert un écrit pour prouver la cession de droits n'ont pas vocation à trouver application en l'espèce, ces dispositions prises dans le seul intérêt de l'auteur ne concernant que les rapports de celui-ci et de son cocontractant ; Que le lien salarial unissant Madame Sylvie Simah et la société d'exploitation Max Lederer (ancienne dénomination de la société Lederer SAS) est attesté par la production de bulletins de salaires établis de juin à novembre 2006 (pièce n°18 des appelantes) et ne fait pas, au demeurant, l'objet de contestation en cause d'appel, l'intimée se bornant à affirmer, selon un moyen qu'elle n'est pas recevable à opposer, que 'le fait que la styliste, auteur du modèle, aiSé salariée de la société Lederer ne la prive en aucun cas de ses droits patrimoniaux sur son 'uvre' ; Que, s'agissant des deux attestations opposées, c'est par motifs pertinenSe la cour fait siens que le tribunal a considéré qu'aucune d'elles ne permettait de donner date certaine à la création dans la mesure où l'attestation de Madame Simah - selon laquelle le modèle 'Bolivie' aurait été créé le 03 juillet 2006 - n'est pas accompagnée de dessin de création du modèle 'Bolivie' ayant servi à sa fabrication mais qu'y est jointe une facture émise par le façonnier en juillet 2007 alors que l'attestation de Madame Almuth Stahl produite par la société Tell Me - sSlaquelle le modèle 'David' aurait été créé en mai 2006 - si elle est accompagnée de croquis et d'indications de matières ou de mesures, n'est corroborée par aucun élément de preuve extrinsèque ; Qu'il y sera ajouté, que l'indication de la styliste 'like a sample', sujette à diverses interprétations, laisse sans réponse la question du contexte dans lequel Madame Stahl aurait créé ce modèle en mai 2006 ; Qu'il n'en demeure pas moins que la personne morale qui commercialise sous son nom de façon non équivoque une 'uvre de l'esprit est présumée à l'égard des tiers poursuivis en contrefaçon et en l'absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite oeuvre les droits patrimoniaux de l'auteur ; Qu'en l'espèce, les sociétés appelantes, qui caractérisent l'oeuvre revendiquée, justifient de la date à laquelle la société Lederer a commencé à assurer la commercialisation de cette 'uvre précise, à savoir en juin 2007, en versant aux débats de nombreuses factures éditées à compter de cette date attestant de la vente du modèle référencé 'Bolivie' et ceci tant en FranBhors du territoire national (piècKbsp;; Qu'elle justifie ainsi d'actes d'exploitation, à compter de juin 2007, propres à la faire bénéficier de la présomption de titularité des droits alors que la société intimée ne peut rapporter la preuve de la commercialisation du modèle de veste incriminé qu'à compter du mois d'août 2008, ce qu'ont d'ailleurs indiqué les personnes interrogées (Monsieur Bohbot de la société Pelle Simo, Madame Klochendler de la société Tell Me) lors des opérations de saisie-contrefaçon ; Qu'il suit qu'à tort le jugement énonce dans ses motifs, sans le reprendre dans son dispositif, que la société Lederer ne peut prétendre détenir des droits antérieurs sur le modèle revendiqué ; Sur l'originalité : Considérant que les appelantes revendiquent comme suit les caractéristiques de l''uvre référencée 'Bolivie' décrite comme une veste taille haute, froncée sous la poitrine, plus évasée sur les hanches : - les manches sont mi-longues et évasées sur les coudes, - les emmanchures de forme raglan (c'est à dire une manche remontant jusqu'au col) présentent des coutures diminuées et des mailles à motifs ajourés, - les panneaux hauts et bas sont cousus entre eux, -la fermeture est sur le devant, au centre, et est assurée au moyen de gros boutons ; elle est présentée dans une maille plus grosse que l'ensemble du vêtement, -le col en vison est amovible, par un système de petits boutons accrochés par des brides ; Qu'elles font grief au tribunal d'avoir dénié toute originalité à ce modèle en s'arrêtant à la description faite par la styliste, jugée succincte, et d'avoir considéré, alors qu'il traduit des choix délibérés artistiques et arbitraires reflétant la personnalité de son auteur et est le fruit d'un vrai parti-pris esthétique, qu'il se rattachait à un style de vêtements suffisamment connu, évoquant un style 'baby-doll' inconnu du dictionnaire des textiles, et ceci sans tirer les conséquences des caractéristiques relevées ; Qu'elles contestent, de plus, l'argument tiré de l'appartenance à un genre outre les documents qui leur sont opposés par l'intimée qui ne reprennent pas les caractéristiques revendiquées et qui n'ont pas date certaine ; Que la société Tell Me réplique que les dispositions des articles L 511-2 et L 511-13 du code de la propriété intellectuelle doivent recevoir application au cas d'espèce, qu'en conséquence le modèle 'Bolivie' ne pourra être digne de protection que s'il est à la fois démontré qu'il est nouveau, original et bénéficie d'un caractère propre et que tel n'est pas le cas ; Qu'elle soutient, à cet égard, que ce modèle n'a fait que s'inspirer des tendances de la mode remettant au goût du jour d'anciennes modes, peu important le nom qui lui est donné, que la société Franck Namani vend des gilets en cashmere de même style et quasi-identiques, que le modèle revendiqué n'est donc ni nouveau ni original, que la société Lederer n'établit pas que le public associe la combinaison des caractéristiques revendiquées au nom de la société Lederer, que le seul élément distinguant ce modèle des 'gilets baby-doll' dont internet fournit des illustrations, à savoir la présence d'un col en vison amovible, ne lui permet pas d'accéder au rang d'oeuvre de l'esprit, ainsi que l'a retenu le tribunal ; Considérant, ceci rappelé, que la réforme opérée par l'ordonnance du 25 juillet 2001, distinguant les critères de protection, conduit à considérer que la protection réservée par le droit des dessins et modèles est subordonnée aux seules conditions de nouveauté et de caractère propre tandis que seule l'originalité, définie comme l'empreinte de la personnalité de l'aN peut permettre l'application du droit d'auteur ; que l'invocation par l'intimée des dispositions du Livre V du code de la propriété intellectuelle est donc, en l'espèce, inopérante ; Que, de la même façon, l'impression produite sur le public dont fait état l'intimée n'a pas vocation à constituer un critère de protection d'une 'uvre dont la protection est réclamée au titre du droit d'auteur Que, s'agissant du document opposé par l'appelante pour ruiner l'originalité du modèle revendiqué - à savoir : la première page d'un catalogue 'Franck Namani Paris' 'automne-hiver' (pièce 3)-, outre le fait qu'il ne comporte aucune indication de date et qu'il est présenté dans une photocopie peu lisible, il ne divulgue, à l'examen, qu'une infime partie des caractéristiques du modèle référencé 'Bolivie' ; Que les 'gilets baby-doll' figurant en pièce 30 de l'intimée, dont la divulgation n'a au demeurant pas date certaine, sont, certes, exemplatifs d'une tendance de la mode dans laquelle s'inscrit le modèle 'Bolivie' ; Qu'ils ne reprennent, toutefois, pas l'ensemble des caractéristiques sus-indiquées dont la combinaison confère au modèle 'Bolivie' une physionomie particulière - tenant, notamment, à la juxtaposition de points de maille très différents sur les diverses parties du vêtement, à l'agencement singulier des panneaux, au choix d'un type particulier d'emmanchures et de manches, à l'association d'un col de fourrure amovible et d'un vêtement en maille - qui le distingue des autres modèles du même genre et traduit un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur ; Qu'il en résulte que le modèle 'Bolivie' est éligible à la protection par le droit d'auteur et que doit être infirmé le jugement de ce chef ; Sur la contrefaçon : Sur le modèle référencé'David 2" : Considérant que les appelantes font valoir que la combinaison des caractéristiques du modèle 'Bolivie' est intégralement reprise dans le modèle 'David 2" qu'elles décrivent ainsi : -une veste taille haute froncée sous la poitrine, plus évasée sur les hanches, - les manches sont mi-longues et évasées sur les coudes, - les emmanchures de forme raglan présentent des coutures diminuées et des mailles à motifs ajourés, - les panneaux hauts et bas sont cousus entre eux, -la fermeture est sur le devant, au centre, et est assurée au moyen de gros boutons ; elle est présentée dans une maille plus grosse que l'ensemble du vêtement, -le col en vison est amovible, par un système de petits boutons accrochés par des brides ; Que l'intimée rétorque qu'il ressort de la comparaison des modèles qu'ils diffèrent du fait du nombre, du positionnement et de la texture des boutons ainsi que de la présence de deux poches dans le modèle 'David 2" absentes du modèle revendiqué ; que ces différences ne sont pas de détail dès lors qu'elles altèrent la vision d'ensemble du vêtement et qu'elles sont perceptibles par une consommatrice d'attention moyenne ; Considérant, ceci rappelé, que la contrefaçon s'apprécie par les ressemblances et non par les différences ; Que la matérialité des faits de contrefaçon est établie en l'espèce par la comparaison des deux modèles en présence dont il ressort que le modèle incriminé reprend à l'identique l'ensemble des caractéristiques au fondement de l'originalité du modèle référencé 'Bolivie', les quelques différences relevées telle que l'aspect des boutons ou l'adjonction de poches ne constituant que des éléments mineurs ; Que les appelantes sont, par voie de conséquence, fondées à se prévaloir de la contrefaçon de leur Sur le modèle référencé 'David 7" : Considérant qu'il convient liminairement de reprendre les termes du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par l'huissier instrumentaire le 09 décembre 2008 au siège social de la société Pelle Simo : 'Par ailleurs, je relève l'existence d'un modèle portant la griffe Zoé & Co, référence style David 7. Ce modèle est constitué d'une boutonnière deux boutons en partie supérieure. Il s'agit d'une veste haute avec panneaux hauts et bas cousus, des manches longues, deux poches avec petits boutons sont situées en partie inférieure du vêtement et le col en fourrure est détachable à l'aide de petits boutons. Monsieur Bohbot refuse de me céder le modèle. Je prends immédiatement quatre clichés photographiques. Seul un modèle référencé David 2 et David 7 sont existants.' ; Qu'alors que les appelantes soutiennent que ce modèle 'David 7" contrefait le modèle 'Bolivie' du fait de la reprise de ses caractéristiques, l'intimée leur oppose un moyen d'irrecevabilité tiré de l'absence de lien suffisant avec la demande présentée dans l'assignation, qui ne portait que sur le modèle 'David 2", et d'une décision du juge de la mise en état rejetant leurs demandes tendant à la communication dudit modèle et des pièces comptables y afférentes ; Que ce moyen ne saurait, cependant, prospérer, dès lors que dans leurs dernières conclusions (reprises dans le corps du jugement) les appelantes formaient des demandes au titre de ce modèle, que si elles ne figuraient pas dans l'assignation, elles ne sont pas nouvelles en cause d'appel, qu'elles se rattachent par un lien suffisant avec la demande présentée au titre du modèle 'David 2" dont ce modèle 'David 7" serait, selon les appelantes, une déclinaison et qu'enfin, le juge de la mise en état qui était saisi d'une demande d'information l'a rejetée en considérant qu'elle ne pouvait être accueillie au stade de la mise en état ; Que, sur le fond, force est de relever que si les appelantes décrivent comme suit ce modèle : -une veste haute dont les panneaux hauts et bas sont cousus entre eux, -les emmanchures présentent des coutures diminuées et des mailles à motifs ajourés, -la fermeture est sur le devant, au centre, et est assurée au moyen de gros boutons ; elle est présentée dans une maille plus grosse que l'ensemble du vêtement, -le col en fourrure est détachable à l'aide de petits boutons accrochés par des brides ; les clichés photographiques annexés au procès-verbal de l'huissier à l'examen desquels elles renvoient la cour ne lui permettent pas de se forger une opinion valable sur la reprise des éléments dont la combinaison caractérise l'originalité du modèle 'Bolivie' tant sont estompées, sur ces clichés, les caractéristiques qu'elles décrivent ; Qu'en toute hypothèse, ne se retrouvent pas cette veste haute, droite, sans fronces et dotée de manches longues, la juxtaposition de points de maille très différents sur les diverses parties du vêtement, l'agencement singulier des panneaux, le type particulier d'emmanchures et de manches dont la combinaison fonde l'originalité du modèle 'Bolivie' de sorte qu'en dépit d'un référencement trompeur, ce modèle référencé 'David 7" qui présente une allure générale différente de celle du modèle revendiqué, ne peut être considéré comme contrefaisant ; Qu'il suit que les appelantes, dont les demandes d'information à ce titre deviennent sans objet, doivent être déboutées de leur action en contrefaçon en ce qu'elle porte sur le modèle référencé 'David 7" ; Sur la demande d'information et les mesures réparatrices au titre de la contrefaçon : Considérant que les appelantes présentent des demandes indemnitaires pour partie à titre provisionnel en poursuivant, sur le fondement de l'article L 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle, la production de divers éléments d'information ; qu'à cette fin, elles indiquent que des modèles référencés 'David 1", 'David 3", 'David 4", 'David 5", 'David 6" apparaissent dans des documents comptables saisis par l'huissier et qu'il est 'fort probable' que ces cinq autres modèles soient des déclinaisons du modèle 'David 2" ; Qu'elles ajoutent que la société Pelle Simo n'a fourni à l'huissier que des documents comptables relatifs à la vente du modèle 'David 2" à la société Tell Me, à l'exclusion de tout autre client, et qu'elles sont 'fondées à croire' que les quantités de produits litigieux commercialisées sont plus importantes que celles révélées lors des opérations de saisie-contrefaçon ; Mais considérant que les demandes relatives aux modèles précités ne reposent que sur des éléments hypothétiques qui ne sont étayés par aucune pièce ; que la seule circonstance qu'ils portent une référence commune n'est pas suffisante, comme relevé par le juge de la mise en état, pour établir des ressemblances, la demande formulée au titre du modèle 'David 7" ci-avant appréciée étant de nature à en constituer une illustration ; Qu'en ce qui concerne les éléments comptables portant sur le modèle contrefaisant référencé 'David 2", les dispositions précitées, codifiant une loi dont la finalité était de lutter contre la contrefaçon, n'ont pas vocation à permettre au demandeur à l'action en contrefaçon, qui plus est lorsque, comme en l'espèce, il n'émet que des suppositions, de chiffrer un préjudice qu'il lui a été permis d'apprécier lors des opérations de saisie-contrefaçon ; Qu'il suit que cette demande d'information sera rejetée et qu'il sera statué sur l'indemnisation du préjudice sans qu'il n'y ait lieu à fixation de dommages-intérêts provisionnels ; Considérant qu'au titre des différents chefs de préjudice invoqués, la société Lederer fait état : -d'une masse contrefaisante de 118 gilets saisis auxquels devraient être ajoutés 23 retours de marchandise, - au titre de son manque à gagner, d'une marge brute de 94,35 euros sur des gilets vendus 280 euros (soit un préjudice de 11.133,30 euros sur la base d'une masse contrefaisante de 118 gilets), - au titre du bénéfice indûment réalisé par la société Pelle Simo, d'un prix d'achat de 145 US$ payé à son revendeur chinois (soit : 104 euros) pour des gilets qu'elle vend 230 euros avec un bénéfice de 126 euros par gilet (soit un bénéfice indu de 14.868 euros sur la base d'une masse contrefaisante de 118 gilets), -de l'atteinte à ses investissements cumulant, notamment, le coût de son bureau de style et ses frais de promotion et qu'elle chiffre à 138.431 euros pour l'exercice 2007/2008 (évaluant son préjudice à 20.000 euros), -de l'atteinte à son image de marque et de la banalisation du modèle original (générant un préjudice évalué à 100.000 euros) ; Que la société Pelle Simo rétorque que la masse contrefaisante ne peut tout au plus être évaluée qu'à 100 modèles, notamment du fait que ce type de vêtement en cashmere était marginal dans ses collections de vêtements en peau, qu'aucun élément ne permet de dire que les clients ayant acheté un gilet 'David 2" auraient nécessairement acheté un gilet 'Bolivie', que les ventes qu'elle a elle-même pu réaliser ont été faites en considération de sa marque et non du modèle, qu'elle réalise de son côté des investissements et n'a pas tiré profit de ceux réalisés par la société Lederer et que son modèle, de bonne qualité vendu sous une griffe renommée, n'a nullement avili le modèle 'Bolivie' pas plus qu'il n'a porté atteinte à l'image de la société ; Considérant, ceci rappelé, que les chefs de préjudice invoqués sont expressément visés dans les dispositions des articles L 331-1-3 et L 331-1-4 alinéa 4 du code de la propriété intellectuelle qui permettent de fixer les dommages-intérêts susceptibles d'être alloués en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon ; que le préjudice résultant de l'atteinte aux investissements s'analyse en une Qu'aucun élément ne permet d'envisager que la masse contrefaisante aurait été sous-évaluée ou sur évaluée ; Qu'eu égard à l'ensemble des données soumises à l'appréciation de la cour et en particulier aux éléments chiffrées fournis mais aussi au fait que rien ne permet d'affirmer que la société Lederer aurait vendu 118 gilets supplémentaires, aux prix pratiqués (la société Max et Moi précisant par ailleurs que le prix de vente public de ce modèle s'établit à 590 euros TTC) et qu'il n'est pas démontré que le modèle 'Bolivie' constitue un produit-phare de ses collections qui aurait fait l'objet d'une promotion particulière, le préjudice subi du fait de la contrefaçon de ce modèle par le modèle 'David 2" sera indemnisé par l'octroi d'une somme totale de 40.000 euros ; Qu'au titre de mesures réparatrices complémentaires, il sera fait droit à la demande portant sur les mesures d'interdiction, ce dans les termes du dispositif ; Que ces mesures réparant à suffisance le préjudice, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande de publication par ailleurs réclamée ; Sur les actes de concurrence déloyale : Considérant que chacune des appelantes poursuit la réparation d'un préjudice à ce titre, la société Max et Moi à titre principal et du fait de la commercialisation, par la société Pelle Simo, du modèle 'David 2" la société Lederer à titre subsidiaire et du fait de la commercialisation du modèle référencé 'David 7" ; Qu'elles se prévalent, l'une et l'autre, du comportement fautif de la société Pelle Simo du fait de la commercialisation d'une copie servile ou quasi-servile du modèle référencé 'Bolivie' et d'un risque de confusion selon elles incontestable ; Que la société Max et Moi fait, de plus, état de la qualité moindre des produits commercialisés par la société Pelle Simo, ceci à un prix significativement inférieur à celui qu'elle pratique pour vendre le modèle revendiqué ; Que la société Lederer ajoute que son propre préjudice est aggravé par la déclinaison d'une gamme de modèles reproduisant les caractéristiques du modèle 'Bolivie' ; Considérant, ceci rappelé et s'agissant du modèle référencé 'David 7" que l'absence de similitude de ce modèle avec le modèle référencé 'Bolivie' exclut tout risque de confusion ; Que, s'agissant du modèle référencé 'David 2", le caractère servile de la contrefaçon ne constitue pas en lui-même un acte distinct susceptible de fonder une demande au titre de la concurrence déloyale ; Que le grief tenant à la pratique de prix qui, sans être dérisoires, sont inférieurs et qui peut s'expliquer par la qualité moindre des articles litigieux ne constitue pas en lui-même un acte de concurrence déloyale mais procède du principe de la liberté du commerce ; Qu'enfin, eu égard à ce qui précède sur les modèles référencés 'David' suivi d'un numéro de 1 à 7, la société Lederer ne peut se prévaloir du préjudice résultant de la déclinaison du modèle 'David 2" par la société intimée ; Que le jugement sera, par conséquent confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes au titre de la concurrence déloyale ; Sur les demandes complémentaires : Considérant que l'équité conduit à condamner la société Pelle Simo à verser à chacune des appelantes la somme de 6.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ; Qu'elle sera, de plus, condamnée à rembourser les frais de saisie-contrefaçon exposés, chiffrés à la somme de 4.167,78 euros sans contestation de leur montant par l'intimée ; Que, succombante, la société Pelle Simo sera déboutée de sa demande au titre de ses frais non répétibles et condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

, Infirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions qui ont rejeté les demandes formées au titre de la concurrence déloyale et, statuant à nouveau ; Dit que la société par actions simplifiée Lederer est recevable à agir en contrefaçon des droits d'auteur portant sur le modèle référencé 'Bolivie' dans ses collections et que ce modèle de gilet est éligible à la protection instaurée par les Livres I et III du code de la propriété intellectuelle en raison de son originalité ; Dit qu'en faisant fabriquer, en important et en commercialisant le modèle référencé 'David 2" la société à responsabilité limitée Pelle Simo a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société Lederer ; Fait interdiction à la société Pelle Simo et à ses éventuelles filiales, établissements secondaires, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autres revendeurs de fabriquer, faire fabriquer, importer et/ou commercialiser tout produit reproduisant le modèle référencé 'Bolivie' de la collection de la société Lederer, ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt, la cour se réservant la liquidation de cette astreinte; Rejette les demandes présentées par la société Lederer et par la société à responsabilité limitée Max et Moi sur le fondement de l'article L 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle ; Condamne la société Pelle Simo à verser à la société Lederer la somme de 40.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de son modèle référencé 'Bolivie' par le modèle référencé 'David 2" ; Rejette le surplus des prétentions des parties ; Condamne la société Pelle Simo à verser aux sociétés Lederer et Max et Moi, la somme de 6.000 euros, au profit de chacune, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à leur rembourser la somme de 4.167,78 euros représentant les frais de saisie-contrefaçon exposés ; Condamne la société Pelle Simo aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.