Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 11 juin 2014, 13-19.041

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2014-06-11
Cour d'appel de Paris
2013-03-26

Texte intégral

Sur moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mars 2013), que la société Anakena a créé et géré, à partir de 2006, deux fonds d'investissement spéculatifs de droit caïmanais, Maximus Master Fund Limited (Maximus) et Sixtina 18, dans lesquels la société Natixis a investi la somme de 100 millions d'euros ; qu'après la faillite de la banque américaine Lehman Brothers en septembre 2008, la société Natixis a décidé de procéder au rachat de ses investissements en faisant usage de son droit de retrait, dit de « redemption » ; que le fonds Maximus a cédé la quasi totalité de ses positions obligataires à la société Natixis ; qu'estimant que la décision de cette dernière, intervenue brutalement, à un moment où les marchés étaient très défavorablement orientés, constituait un abus de droit et leur avait préjudicié, les sociétés Anakena et Maximus ont assigné la société Natixis en paiement de dommages-intérêts ; Attendu que les sociétés Anakena et Maximus font grief à l'arrêt du rejet de leurs demandes tendant à voir condamner la société Natixis à leur verser certaines sommes au titre de l'abus commis dans l'exercice de son droit de remboursement, alors, selon le moyen : 1/ que tout droit, fut-il discrétionnaire, est susceptible d'abus ou de détournement, et partant d'engager la responsabilité de celui qui l'exerce ; qu'en retenant que le rachat d'un investissement dans un « hedge fund » est le simple exercice d'un droit discrétionnaire pour écarter tout abus de la société Natixis dans sa décision de « redemption », la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ; 2/ que le désengagement brutal d'un investisseur d'un fonds d'investissement, effectué déloyalement, caractérise l'abus de son droit de rachat, fut-il discrétionnaire ; que les sociétés Anakena et Maximus exposaient que la société Natixis, qui avait informé la société Anakena le 17 septembre 2008 de la « redemption » et la fermeture du fonds Sixtina 18, l'avait, dès après cette décision, le 30 septembre 2008 et durant tout le mois d'octobre, assuré de sa décision de réinvestir les 25 millions d'euros sortis du fonds Sixtina 18 dans le fonds Maximus ; qu'en ne recherchant pas si la décision prise le 21 octobre 2008 annonçant au contraire la sortie totale et immédiate de la société Natixis de l'ensemble des fonds, ne constituait pas un désengagement brutal et un comportement déloyal caractérisant un abus de droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ; 3/ que les sociétés Anakena et Maximus faisaient valoir que c'était le non-respect soudain et brutal de l'assurance donnée d'un réinvestissement de la société Natixis dans le fonds Maximus qui leur a causé un préjudice, la perte de chance de vendre ses actifs, et leur faillite ; qu'en retenant cependant que les longs développements consacrés par les sociétés exposantes sur l'assurance de ce report d'investissement était sans rapport avec le préjudice qu'elles allèguent, « lequel résulte, aux termes de leurs écritures, non pas de l'absence d'un investissement supplémentaire de Natixis dans ce fonds Maximus, mais de la décision de Natixis de se retirer de ce dernier, la " redemption " de Natixis du fond Sixtina 18 n'étant pas querellée », la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 4°/ que la clause de suspension stipulée dans les statuts de la société Maximus à l'article 44 (1) b et d, ne peut être invoquée qu'en cas d'impossibilité de calculer la juste valeur active des fonds ou de procéder à leur cession ; que les sociétés Anakena et Maximus exposaient qu'en se portant contrepartie des actifs à céder, la société Natixis les avait empêché d'activer ladite clause ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si le comportement de la société Natixis n'avait pas empêché les sociétés Anakena et Maximus d'invoquer la clause de suspension de rachat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ; 5/ que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; que pour écarter tout abus de la société Natixis dans l'exercice de son droit de retrait du fonds Maximus, la cour d'appel relève qu'en soutenant dans leurs écritures que la mise en oeuvre de la clause de suspension « était sans objet dès lors que l'ensemble des positions du fonds avaient été transférées à Natixis avant réception de la lettre officielle de demande de redemption, les appelantes reconnaissent nécessairement avoir arbitré en faveur d'une parfaite coopération avec leur investisseur retrayant Natixis, auquel elles ne reprochaient alors nul manquement à leur égard » ;

qu'en statuant ainsi

, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1382 du code civil ; 6/ que la preuve est libre en matière commerciale ; qu'une telle preuve peut résulter des déclarations faites à une sommation interpellative d'huissier de justice ; qu'en écartant des débats les déclarations de M. X... à la sommation interpellative de l'huissier faute pour l'huissier d'être habilité à auditionner des témoins, la cour d'appel a violé l'article L. 110-3 du code de commerce et l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'a pas fondé le rejet des demandes des sociétés Anakena et Maximus sur le caractère discrétionnaire du droit de retrait de la société Natixis mais sur l'absence de faute de celle-ci dans l'exercice de ce droit ; Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé que la crise de liquidités ayant affecté le marché des obligations convertibles en septembre 2008 et les pertes très importantes subies sur ce marché par la société Natixis avaient pu légitimement la conduire à mettre fin à ses engagements dans un fonds hautement spéculatif dont la performance, sans rapport avec les objectifs annoncés, venait de se modifier, l'arrêt retient que la société Natixis a informé la société Anakena de sa décision de retrait le 21 octobre 2008, que les échanges entre les parties pour mettre en oeuvre ce retrait se sont déroulés en parfaite coopération et que la demande de retrait du fonds Maximus n'a été adressée par écrit à l'administrateur du fonds, comme l'exige le prospectus, qu'à la fin du mois de novembre 2008, quand aucun préavis autre qu'un délai de vingt jours ne s'imposait, lequel n'a pas été méconnu ; qu'en l'état de ces appréciations, la cour d'appel, sans méconnaître les termes du litige, a pu retenir que la société Natixis n'avait pas commis d'abus dans l'exercice de son droit de retrait ; Attendu, en troisième lieu, que l'arrêt retient, par motifs adoptés, que, dès lors que la société Natixis avait légitimement décidé de sortir du fonds Maximus, l'acquisition par elle des actifs de ce fonds répondait, non pas à la volonté de les appréhender à un prix avantageux, mais à l'objectif d'organiser dans les meilleures conditions la liquidation du fonds et que la société Anakena, à laquelle avait été laissée la possibilité de céder à des tiers les actifs dont elle obtenait un meilleur prix, n'avait d'autre solution que de lui en céder la quasi-totalité, en raison de leur absence de liquidité ; qu'il retient encore, par motifs propres, que les dirigeants du fonds Maximus n'ont pas mis oeuvre la clause de suspension cependant qu'ils auraient pu le faire ; que la cour d'appel, qui a ainsi procédé à la recherche visée par la quatrième branche, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la cinquième branche, légalement justifié sa décision ; Attendu, en dernier lieu, qu'ayant souverainement apprécié la valeur probante de la sommation interpellative litigieuse, la cour d'appel a pu écarter cette pièce des débats ; D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Anakena et Maximus Master Fund Limited aux dépens ;

Vu l'article

700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Anakena, la société Maximus Master Fund Limited Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté les sociétés Anakena et Maximus Master Fund Limited de leurs demandes tenant à voir condamner la société Natixis à lui verser certaines sommes au titre de l'abus qu'elle a commis dans l'exercice de son droit de remboursement ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « L'abus de droit dans l'exercice d'une prérogative contractuelle ne peut s'apprécier qu'au regard de la substance même des droits et obligations légalement convenues entre les parties, à laquelle ni celui qui s'en prétend victime ni le juge ne peut porter atteinte. Or, le rachat d'un investissement dans un " hedge fund " constitue le simple exercice d'un droit contractuel dont le caractère discrétionnaire, reconnu par les statuts et le prospectus à l'issue de la période de lock up, est déterminant de la décision d'y souscrire. Les appelantes soutiennent cependant que le caractère brutal de la décision de retrait, entendue comme soudaine et inattendue, caractériserait l'abus de droit. Mais les longs développements qu'elles consacrent sur ce point à l'assurance qui leur aurait été donnée, lors de la liquidation du fonds Sixtina 18, d'un report d'investissement de 25 millions d'euros de Sixtina 18 sur Maximus, est sans rapport avec le préjudice qu'elles allèguent, lequel résulte, aux termes de leurs écritures, non pas de l'absence d'un investissement supplémentaire de Natixis dans ce fonds Maximus, mais de la décision de Natixis de se retirer de ce dernier, la redemption de Natixis du fond Sixtina 18 n'étant pas querellée. S'agissant de la soudaineté du retrait, il résulte des pièces produites, et notamment des échanges de messages électroniques, que M. Rémy Y..., président d'Anakena, a été informé de la décision de Natixis téléphoniquement par M. Z..., responsable du département EDA (chargé des activités convertibles de compte propre de Natixis) le 21 octobre 2008 puis plus complètement à l'occasion d'une rencontre qui a eu lieu le 24 octobre, les échanges en vue de le mise en oeuvre du retrait s'étant poursuivis dans un climat de parfaite coopération qu'atteste la teneur des nombreux courriers électroniques sur cette période, peu important, à cet égard, que certains d'entre eux se rapportent au fonds Sixtina 18 plutôt qu'au fonds Maximus dès lors que la décision de Natixis de se retirer des deux fonds était alors parfaitement connue. En outre, la demande de redemption du fonds Maximus n'a été adressée par écrit à l'administrateur du fonds, comme l'exige le prospectus, qu'à la fin du mois de novembre 2008, soit près d'un mois après qu'Anakena en eut été informée, alors qu'aucun préavis ne s'imposait à Natixis autre qu'un délai de 20 jours entre sa décision de retrait et le rachat de ses actions, lequel n'a pas été méconnu. Enfin, à aucun moment durant cette période, les directeurs du fonds n'ont mis en oeuvre, comme ils l'auraient pu, la clause de suspension prévue dans le prospectus qui permet de différer la détermination de la valeur liquidative du fonds lorsqu'une sortie en urgence impose la cession d'une partie substantielle des actifs impossible à mettre en oeuvre ou en cas de perturbation ou d'absence de liquidité du marché, pourtant alors toutes deux patentes, l'application de cette clause suspendant de plein droit l'exercice des demandes de remboursement (article 45. 1, e des statuts). En soutenant qu'une telle précaution était sans objet dès lors que l'ensemble des positions du fonds avaient été transférées à Natixis avant réception de la lettre officielle de demande de redemption, les appelantes reconnaissent nécessairement avoir arbitré en faveur d'une parfaite coopération avec leur investisseur retrayant Natixis, auquel elles ne reprochaient alors nul manquement à leur égard, ne justifiant pas même avoir émis quelque réserve que ce soit à ce propos, l'expression de dépit, au demeurant très contenue, que traduit un seul message de M. Y... à M. Z...qui fut son supérieur hiérarchique, étant à la fois humainement compréhensible et dépourvue de toute portée juridique. En cet état, il sera jugé que l'exercice de la demande de rachat de ses investissements par Natixis a été dépourvu de brutalité. Les appelantes invoquent encore l'intention de nuire. Elles ne sauraient cependant sous ce couvert et sans inverser la charge de la preuve, exiger d'un investisseur auquel a été garanti un droit de retrait discrétionnaire et à tout moment, qu'il justifie de motifs légitimes de retrait. C'est, au contraire, aux appelants qui invoquent l'abus de droit de démontrer que la décision de redemption de Natixis, dépourvue de tout motif légitime, était destinée à lui nuire. Or, l'état du marché et les orientations stratégiques de Natixis à l'époque des faits suffisent à anéantir la thèse soutenue par l'appelante, indépendamment des discussions qui les opposent sur les performances propres du fonds. Il est constant que la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008, l'un des plus importants prime brokers de hedge funds, s'est trouvée à l'origine d'une crise financière d'une ampleur inédite provoquée à la fois par la vente massive des actifs appartenant aux fonds d'investissements ayant Lehman Brothers pour prime broker, la chute de valeur de ses actifs, le relèvement par les autres prime brokers de leur taux de couverture (haircut) et le désengagement massif des hedge funds pour faire face aux appels de marge, tous phénomènes qui ont contribué à une crise sans précédent de liquidité sur le marché des obligations convertibles, qui pouvait, à elle seule, légitimement conduire les investisseurs dans les fonds spéculatifs, violemment ébranlés, à faire preuve de plus de prudence ou de mesure qu'auparavant. C'est dans ce contexte que Natixis, dont le département EDA (activités de compte propre) avait, par ailleurs, subi d'importantes pertes, a diffusé au public, le 4 septembre 2008 c'est-à-dire avant même la faillite de Lehman Brother, une note de présentation des nouvelles orientations stratégiques du groupe évoquant " l'aggravation de la crise " et " des mesures immédiates de réduction accrue du profil de risque " au titre desquelles " l'extinction des activités non stratégiques ", notamment " les activités de compte propre ", soit le service en charge des obligations convertibles qui constituaient l'essentiel du portefeuille Maximus, de sorte que la décision de retrait de Natixis de ce fonds devait être pour un professionnel normalement avisé et compte tenu de la crise qui allait s'aggraver les jours suivants tout sauf improbable. Enfin, le fonds Maximus, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, ne devait pas échapper aux effets de cette crise. Il est en effet constant que si sa performance a été conforme aux objectifs fixés jusqu'à la fin de l'année 2007, le fonds a enregistré dès le mois de janvier 2008 une baisse de 7 % et, en septembre 2008, une chute de 15 %, plus importante que l'indice de référence, la performance cumulée du fonds depuis son origine devenant négative à compter de cette date, alors qu'une performance dite " absolue ", c'est-à-dire indépendante des effets de marché, de 12 à 15 % avait été annoncée par le prospectus aux investisseurs. Par ailleurs, si le fonds Maximus ne s'est jamais trouvé en défaut des appels de marge des primes brokers (capital requirement), il résulte clairement d'un message adressé par M. Y... (Anakena) à M. Z...(Natixis EDA) le 24 septembre 2008, s'agissant des positions en obligations convertibles de Maximus-et non de Sixtina comme les appelantes le soutiennent vainement en contradiction avec les termes même de cette correspondance-, qu'un risque de liquidité et de capital requirement avait été explicitement évoqué par Aneka, cette dernière ayant suggéré en conséquence à Natixis de racheter, pour " donner un bol d'air " au fonds, des actifs, en l'espèce des obligations remboursables en actions nouvelles (orane) émises par Publicis, lesquelles représentaient 27 % de la valeur des obligations convertibles en position longue du fonds, soit un actif de 34, 4 millions d'euros. Ainsi tant l'évolution à court terme des marchés financiers que les orientations stratégiques de Natixis, qui venait d'annoncer des pertes très importantes sur ses activités liées aux obligations convertibles, pouvaient légitimement conduire un investisseur à mettre fin à ses engagements dans un fonds hautement spéculatif dont la performance, sans rapport avec les objectifs annoncés, venait de se retourner et qui évoquait lui-même, dans ses rapports d'affaire avec l'investisseur, un risque de liquidité ou d'augmentation des marges de couverture des prime brokers. La thèse enfin défendue par les sociétés appelantes d'un stratagème de Natixis destiné à provoquer la liquidation du fonds pour s'emparer de ses positions ne repose sur aucun élément probant. Cette thèse procède, pour une part, des réponses recueillies sur sommation interpellative d'un ancien salarié de Natixis en conflit avec son employeur, pièce dont l'intimée demande à bon droit qu'elle soit écartée des débats. En effet, si aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 les huissiers peuvent être commis en justice pour effectuer des constations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter, ils ne peuvent l'être aux seules fins de procéder à des auditions de témoins, lesquelles relèvent de la procédure d'enquête prévue par les articles 204 et suivants du code de procédure civile, seule propre à garantir l'effet attaché au serment en justice, l'absence de pression ou de persuasion et le respect du principe de la contradiction. Les appelantes se prévalent ensuite d'une note interne à la société Natixis, rédigée par M. Z..., le responsable des activités de compte propre de la banque, pour en inférer que la baisse irrationnelle des cours et la crise du marché financier de septembre/ octobre 2008 représentaient des opportunités de prises de positions exceptionnelles qui auraient précisément déterminé Natixis à exercer son retrait dans le but de mettre le fonds en difficulté afin de pouvoir en reprendre les positions à bas prix. Mais la société Natixis fait justement valoir que cette note ne concerne pas spécifiquement le fonds Maximus et que le souhait alors exprimé par son directeur des activités pour compte propre, dont la mission était précisément menacée, n'a pas été validé, le comité d'investissement du directoire de la banque ayant pris le parti contraire à celui suggéré. Les appelantes soutiennent enfin que la reprise par Natixis des positions du fonds serait la preuve que le motif du retrait tiré d'un risque d'exposition trop grand ne serait que d'apparence. Mais elles ne sauraient être suivies sur ce point, le risque auquel l'investisseur dans un fonds spéculatif entend le plus impérieusement échapper n'étant pas l'évolution à la baisse du cours, seul évoqué par Anakena, mais l'effet de levier, qui était en l'espèce de quatre chez son principal prime broker et de 3, 11 au total. Or, un effet de levier de quatre signifie que si toute somme investie est multipliée par quatre pour acheter des titres grâce aux concours financiers accordés par les prime brokers, les trois quarts des titres ainsi acquis se trouvent bloqués à titre de garantie par ces derniers, de sorte que le retrait par l'investisseur de son investissement initial contraint le fonds à réaliser des actifs pour quatre fois la somme initialement investie, les trois quarts des actifs réalisés étant destinés au prime broker, lequel peut en outre à tout moment si sa marge devient négative obliger le fonds à lui remettre des actifs supplémentaires en garantie, ou lui enjoindre de réaliser ses positions ou encore saisir les actifs dont il est le dépositaire. Si ce risque n'est pas advenu avant la demande de retrait de Natixis du fonds Maximus, la nervosité du marché, les performances en chute du fonds sur le mois de septembre 2008 (-15 %), comme les premières suggestions faites par la société de gestion Anakena à son investisseur dès la mi-septembre 2008 de racheter une partie de son portefeuille (les orane de Publicis), pouvaient inciter Natixis, comme tout autre investisseur normalement avisé, à exercer le droit de retrait qui lui était reconnu. Ainsi, si Natixis, en se retirant, n'a pas sensiblement modifié son exposition à une baisse du cours, elle s'est garantie à l'égard d'une perte de son investissement initial dans le fonds, dont la préservation était suspendue aux exigences des primes brokers, eux-mêmes très affectés par la crise. Enfin, contrairement ce qui est soutenu par les sociétés appelantes, Natixis n'a pas repris la totalité des positions du fonds, une partie d'entre elles ayant pu être vendue à des contreparties tierces, les échanges versés aux débats établissant en outre que les cessions de gré à gré sont intervenues à un prix de " milieu de marché " négocié entre Anakena et Natixis supérieur aux prix alors en vigueur, cette dernière ayant en définitive perdu, à la date de son retrait, 39 millions des 100 millions d'euros qu'elle avait investis dans les fonds gérés par Anakena, laquelle ne conteste pas avoir perçu au titre de sa gestion sur la même période plus de 5, 3 millions d'euros. En cet état, l'intention de nuire qui ne saurait se déduire, pas plus que le préjudice invoqué, du gain réalisé par Natixis, plusieurs mois après son retrait, lors de la vente des actifs qui constituaient le portefeuille du fonds, n'est nullement établie. En définitive, les appelantes font reproche à Natixis, avec laquelle elles entretenaient des liens d'autant plus étroits que leurs dirigeants y avaient fait leurs premières armes, de ne pas leur avoir maintenu sa confiance alors qu'elles estiment leur gestion exempte de critique. Mais l'absence de faute ou d'imprudence d'une société de gestion ne saurait priver un investisseur de son droit de retrait, dès lors que ce dernier est discrétionnaire et a été, en l'espèce, exercé sans brutalité et sans que l'intention de nuire ne soit établie. Les sociétés Anakena et Maximus Master Fund Ltd seront par conséquent déboutées de leurs demandes et le jugement déféré confirmé en toutes ses dispositions ». ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « il n'est pas contesté que, le 17 septembre 2008, deux jours après la faillite de la banque Lehmann Brothers, NAI, filiale de NATIXIS, avait annoncé, compte tenu des performances décevantes et de l'échec des efforts de levée de fonds auprès d'autres investisseurs, sa décision de racheter ses positions dans le fonds SIXTINA 18 et de fermer ce fonds dont sa filiale anglaise était gestionnaire (conseillée par ANAKENA). Attendu qu'en conséquence de cette décision, dont le principe n'est pas contesté par les demandeurs, EDA (Département Equities Derivatives & Arbitrages de NATIXIS) qui avait investi 25 M ¿ dans SIXTINA 18 avait envisagé de racheter cette position et de réinvestir cette somme dans MAXIMUS FOND (mail du 30 septembre 2008). Attendu qu'en examinant la faisabilité de cette opération, le dirigeant de ANAKENA reconnaissait que ce transfert ne permettait pas, compte tenu de l'effet de levier, de transférer tous les actifs de SIXTINA 18 à MAXIMUS MASTER FOND et souhaitait que NATIXIS reprenne les actifs peu liquides (mail du 1er octobre 2008). Attendu que des échanges intervenus les 10 et 13 octobre 2008, il appert que les parties, NATIXIS et ANAKENA, étaient d'accord pour que le cash résultant du rachat des parts de SIXTINA 18 soit utilisé pour racheter des actifs illiquides du même fonds, tout en confirmant un nouvel investissement de EDA dans MAXIMUS FOND. Attendu que, le 24 octobre 2008, le directeur des activités pour compte propre de NATIXIS confirmait le rachat par NATIXIS de tous les actifs de SIXTINA 18. Attendu que, après avoir clairement envisagé qu'un nouvel investissement de 25 M ¿ serait réalisé dans MAXIMUS FUND, NATIXIS, le 21 octobre 2008, annonçait son intention de sortir totalement de ce fonds. Attendu que NATIXIS affirme que sa décision légitime et contractuellement prévue de racheter sa position dans MAXIMUS FUND a entrainé, seule solution pour trouver la liquidité, la vente des actifs du fonds maître alors qu'au contraire les demandeurs soutiennent que c'est la perspective de racheter à un prix très favorable des actifs décotés qui a justifié la décision brutale de sortie de NATIXIS, caractérisant un abus de droit. Attendu que le rachat d'un investissement dans un hedge fund constitue le simple exercice d'un droit contractuel, la décision de l'investisseur à l'entrée dans le fond étant intimement liée aux possibilités de sortie que lui offrent les statuts et le prospectus du dit fond. Attendu que, dès lors que NATIXIS avait une inquiétude sur l'évolution à court terme des marchés financiers, il était justifié d'éviter de rester exposé dans un fonds à effet de levier de plus de 4, supportant des frais de gestion Attendu en conséquence que l'évolution très défavorable des marchés financiers constitue un motif légitime de la décision de la direction générale de NATIXIS, qui venait d'annoncer des pertes très importantes sur ses activités de marché, de mettre fin à ses engagements dans ces deux hedge funds, engagements qui s'étaient déjà traduits par une perte de 29, 8 % du capital investi en 2006. Attendu qu'en l'absence d'acquisition des actifs par NATIXIS, MAXIMUS MASTER FUND et MAXIMUS FUND auraient été liquidés dans des conditions probablement beaucoup moins favorables et que l'activité d'ANAKENA, qui n'avait sous gestion que deux fonds, MAXIMUS MASTER FUND et SIXTINA 18, aurait de toute façon pris fin. Attendu que, le 27 octobre 2008, le président de ANAKENA prévoyait « la liquidation forcée du fonds (MAXIMUS MASTER FUND) à fin novembre ». Attendu que le rachat d'actifs par NATIXIS pour assurer la liquidité du fonds était une solution que ANAKENA, gestionnaire de MAXIMUS MASTER FUND, avait elle-même initiée précédemment puisque, le 24 septembre 2008, le président d'ANAKENA demandait à NATIXIS de lui racheter sa position en ORANE PUBLICIS qui allait poser « dans un futur très proche, un problème en terme de liquidité et de capital requirement » et que ce rachat a été effectué le 10 octobre 2008, avant la décision de sortie de NATIXIS. Attendu qu'ANAKENA n'a formulé alors aucune objection ou réserve au rachat de ces actifs de MAXIMUS MASTER FUND par NATIXIS. Attendu que NATIXIS a laissé ANAKENA vendre à des tiers extérieurs les actifs pour lesquels elle obtenait un meilleur prix mais que, placée devant la décision de NATIXIS de racheter sa participation, ANAKENA de son propre aveu n'avait d'autre solution que de lui vendre la quasi-totalité (98, 8 %) des actifs du fonds, devenus illiquides en l'état des marchés financiers. Attendu qu'il n'est pas contesté que la direction générale de NATIXIS ayant pris la décision d'arrêter les opérations pour compte propre sur obligations convertibles, l'acquisition des titres de MAXIMUS MAS TER FUND ne pouvait être le but principal de cette société, comme le soutiennent les demandeurs, sauf à supposer que des cadres de NATIXIS cherchaient à contourner les instructions de leur direction générale et pouvaient impunément acquérir 200 M ¿ de titres en violation de ces instructions. Attendu d'ailleurs que si tel avait été le cas, la cession des actifs de MAXIMUS MASTER FUND à NATIXIS ayant été réalisée à des prix de milieu de fourchette (bid-offer), NATIXIS aurait été en mesure d'acquérir sur le marché les mêmes actifs à des prix plus favorables au même moment. Attendu qu'il résulte de ces éléments de fait que la décision de sortir du fonds MAXIMUS FUND avait une justification évidente dans la situation de volatilité des marchés, que l'acquisition des actifs répondait non à la volonté d'acquérir ces actifs à un prix avantageux mais à l'objectif d'organiser dans les meilleures conditions la liquidation du fonds, devenue inévitable à la suite ce rachat. Attendu qu'il ne peut donc être fait reproche à NATIXIS d'avoir, en sortant du hedge fund MAXIMUS FUND et en rachetant les actifs, cherché à nuire à MAXIMUS MASTER FUND et à ANAKENA, la banque ayant simplement recherché le moyen de limiter son risque financier. Attendu que, s'il est vrai que la décision de sortir de MAXIMUS FUND a été annoncée brutalement le 21 octobre 2008 alors que, dans les jours précédents, il était envisagé entre ANAKENA et ses correspondants habituels au sein de NATIXIS de souscrire un investissement complémentaire de 25 M €, il est constant cependant que de tels revirements ne sont pas exceptionnels dans le métier de la gestion d'actifs et plus particulièrement dans celui de la gestion alternative et qu'un professionnel averti doit être prêt à y faire face. Attendu que ANAKENA et MAXIMUS FUND, lors de la constitution du fonds avaient explicitement dispensé les actions détenues par NATIXIS (Class A IXIS shares) de l'application de la clause permettant aux directeurs du fonds de suspendre dans certaines circonstances le rachat d'actions (gate), garantissant à NATIXIS liquidité de son investissement et mettant clairement en évidence le risque d'un retrait brutal. Attendu que le rachat MASTER FUND, annoncé le 21 novembre 2008 et réalisé des parts de NATIXIS dans MAXIMUS septembre 2008, a été notifié fin sur la valeur liquidative du 17 décembre 2008, soit deux mois après l'annonce de la décision de sortie, que si la décision du 21 septembre 2008 de sortir de MAXIMUS FUND a pu surprendre ANAKENA, la mise en oeuvre de cette décision s'est effectuée, alors que la clause de lockup avait pris fin, avec un délai supérieur aux stipulations du prospectus qui prévoyait un préavis de 20 jours. Attendu que la brusque décision de NATIXIS ne peut dans ces conditions constituer une faute. Le tribunal dira que NATIXIS n'a commis aucune faute à l'égard de MAXIMUS MASTER FUND et de ANAKENA et déboutera ceux-ci de toutes leurs demandes ». 1°) ALORS QUE tout droit, fut-il discrétionnaire, est susceptible d'abus ou de détournement, et partant d'engager la responsabilité de celui qui l'exerce ; qu'en retenant que le rachat d'un investissement dans un « hedge fund » est le simple exercice d'un droit discrétionnaire pour écarter tout abus de la société Natixis dans sa décision de « redemption », la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ; 2°) ALORS QUE le désengagement brutal d'un investisseur d'un fonds d'investissement, effectué déloyalement, caractérise l'abus de son droit de rachat, fut-il discrétionnaire ; que les sociétés Anakena et Maximus Master Fund Limited exposaient que la société Natixis, qui avait informé Anakena le 17 septembre 2008 de la rédemption et la fermeture du fonds Sixtinia 18, avait dès après cette décision, le 30 septembre 2008 et durant tout le mois d'octobre, assuré Anakena de sa décision de réinvestir les 25 millions d'euros sortis du fonds Sixtinia 18 dans le fonds Maximus ; qu'en ne recherchant pas si la décision prise le 21 octobre 2008 annonçant au contraire la sortie totale et immédiate de Natixis de l'ensemble des fonds, ne constituait pas un désengagement brutal et un comportement déloyal caractérisant un abus de droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ; 3°) ALORS QUE les sociétés exposantes faisaient valoir que c'était le non-respect soudain et brutal de l'assurance donnée d'un réinvestissement de Natixis dans le fonds Maximus qui leur a causé un préjudice ¿ la perte de chance de vendre ses actifs ¿ et leur faillite ; qu'en retenant cependant que les longs développements consacrés par les sociétés exposantes sur l'assurance de ce report d'investissement était sans rapport avec le préjudice qu'elles allèguent, « lequel résulte, aux termes de leurs écritures, non pas de l'absence d'un investissement supplémentaire de Natixis dans ce fonds Maximus, mais de la décision de Natixis de se retirer de ce dernier, la redemption de Natixis du fond Sixtina 18 n'étant pas querellée », la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE la clause de suspension stipulée dans les statuts de la société Maximus à l'article 44 (1) b et d, ne peut être invoquée qu'en cas d'impossibilité de calculer la juste valeur active des fonds ou de procéder à leur cession ; que les sociétés Anakena et Maximus Master Fund Limited exposaient qu'en se portant contrepartie des actifs à céder, la société Natixis les avait empêché d'activer ladite clause (conclusions, p. 35, in fine et 36) ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si le comportement de la société Natixis n'avait pas empêché les sociétés Anakena et Maximus Master Fund Limited d'invoquer la clause de suspension de rachat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ; 5°) ALORS QUE la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; que pour écarter tout abus de la société Natixis dans l'exercice de son droit de retrait du fonds Maximus, la cour d'appel relève qu'en soutenant dans leurs écritures que la mise en oeuvre de la clause de suspension « était sans objet dès lors que l'ensemble des positions du fonds avaient été transférées à Natixis avant réception de la lettre officielle de demande de redemption, les appelantes reconnaissent nécessairement avoir arbitré en faveur d'une parfaite coopération avec leur investisseur retrayant Natixis, auquel elles ne reprochaient alors nul manquement à leur égard » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1382 du code civil ; 6°) ALORS QUE : la preuve est libre en matière commerciale ; qu'une telle preuve peut résulter des déclarations faites à une sommation interpellative d'huissier de justice ; qu'en écartant des débats les déclaration de Monsieur Yves X... à la sommation interpellative de l'huissier faute pour l'huissier d'être habilité à auditionner des témoins, la cour d'appel a violé l'article L. 110-3 du code de commerce et l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945.