Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 20 octobre 2022, 22/01490

Synthèse

Voir plus

Texte intégral

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE Chambre 3-1

ARRÊT

DU 20 OCTOBRE 2022 N° 2022/ N° RG 22/01490 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIZCL S.A.S. MAUNIER AUTOMATION S.A.S.U. MAUNIER 1986 C/ S.A.S. 3 J DEVELOPPEMENT Copie exécutoire délivrée le : à : Me Stéphanie DEIRMENDJIAN Me Joseph MAGNAN Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du Tribunal de Commerce de Toulon en date du 26 Janvier 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 2021R00073. APPELANTES S.A.S. MAUNIER AUTOMATION, dont le siège social est sis [Adresse 2] représentée par Me Stéphanie DEIRMENDJIAN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant S.A.S.U. MAUNIER 1986, dont le siège social est sis [Adresse 2] représentée par Me Stéphanie DEIRMENDJIAN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant INTIMEE S.A.S. 3 J DEVELOPPEMENT, dont le siège social est sis [Adresse 1] représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Nicolas LE PAYS DU TEILLEUL, avocat au barreau de PARIS, plaidant *-*-*-*-* COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 05 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Pierre CALLOCH, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries. La Cour était composée de : Monsieur Pierre CALLOCH, Président Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE. Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2022. ARRÊT Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2022, Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *** FAITS ET PROCÉDURE Le 21 juin 2021, la société 3J DÉVELOPPEMENT, ci après société 3JD, a déposé devant président du tribunal de commerce de TOULON une requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile afin d'être autorisée à procéder par voie d'huissier à diverses constatations et saisies dans les locaux de la société MAUNIER AUTOMATION et MAUNIER 1986 afin d'établir l'existence de faits de concurrence déloyale. Le président du tribunal de commerce a prononcé une ordonnance conforme le 21 juin 2021, puis une ordonnance rectificative le 1er juillet 2021 désignant la SELARL HUISSIERS MED afin de procéder aux mesures de constatations et saisies. Par acte en date du 2 août 2021, les sociétés MAUNIER AUTOMATION et MAUNIER 1986 ont fait assigner devant le président du tribunal de commerce de TOULON la société 3J en référé rétractation. Suivant ordonnance en date du 26 janvier 2022, le président a débouté les sociétés MAUNIER AUTOMATION et MAUNIER 1986 de leur demande de rétractation et a confirmé l'ordonnance du 1er juillet 2021. Les sociétés MAUNIER AUTOMATION et MAUNIER 1986 ont interjeté appel de cette décision par déclarations enregistrées au greffe le 31 janvier 2022 et le 1er février 2022. Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du président de la chambre du 15 février 2022 et celui ci a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance en date du 27 juin 2022, l'audience étant fixée au 5 septembre 2022. A l'appui de leur appel, par conclusions déposées par voie électronique le 20 avril 2022, les sociétés MAUNIER 1986 et MAUNIER AUTOMATION relèvent l'absence de réelle motivation de la décision attaquée et soutiennent qu'en toute hypothèse il n'existe aucune motivation sur les circonstances permettant de déroger au principe du contradictoire, motivation devant figurer tant dans la requête que dans l'ordonnance elle-même. Elles contestent les allégations concernant la nécessité d'une violation du principe du contradictoire avancées par la partie adverse et font observer qu'en toute hypothèse l'ordonnance elle-même ne relève pas l'existence de circonstances justificatives. En outre, elles affirment que les mesures ordonnées constituent par leur étendue une violation manifeste du secret des affaires et auraient pour conséquence de permettre à la société défenderesse de s'emparer de la technologie déployée. Ces mesures seraient en outre disproportionnées par rapport au but recherché, accordant à l'huissier un pouvoir général d'investigation. Pour le surplus, elles contestent les allégations factuelles de la société 3J DÉVELOPPEMENT et affirment qu'il n'existe en l'espèce aucun risque de confusion entre les appareils commercialisés par les parties, ni aucun acte de concurrence déloyale ou de parasitisme pouvant leur être imputés. Elles affirment enfin que les éléments par elles avancés sur les qualités des machines adverses ne revêtent aucun caractère diffamatoire. Au terme de leurs conclusions, elles demandent en conséquence à la cour de réformer l'ordonnance, sauf en ce qu'elle a débouté la requérante de sa demande en dommages intérêts, en ordonnant la rétractation de l'ordonnance sur requête du 1er juillet 2021, la restitution des pièces et documents saisis ainsi que la destruction des copies et en interdisant leur utilisation dans le cadre d'une procédure judiciaire, la société 3JD étant condamnée au versement des sommes de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance, puis d'appel. La société 3J, par conclusions déposées par voie électronique le 20 juin 2022, après avoir rappelé les éléments factuels du litige opposant les parties, soutient que l'absence de motivation alléguée peut donner lieu à une éventuelle annulation, mais non à une réformation de la décision. Elle soutient que la requête était parfaitement motivée en ce qui concerne la légitimité des mesures demandées, mais aussi la nécessité de déroger au principe du contradictoire, notamment les relations conflictuelles entre les parties, la possession d'une machine par la partie adverse et le risque de confusion dans la clientèle. Elle conteste que les mesures ordonnées puissent porter atteinte au secret des affaires et le caractère disproportionné des mesures excipé par la partie adverse. Elle soutient que les allégations contenues dans l'assignation en référé rétractation ont un caractère diffamatoire et doivent être sanctionnées par l'allocation de dommages intérêts. Elle conclut en conséquence à la confirmation de l'ordonnance ayant débouté les sociétés MAUNIER 1986 et MAUNIER AUTOMATION de leur demande en rétractation et l'infirmation concernant la demande en dommages intérêts et reconventionnellement sollicite l'octroi à ce titre d'une somme de 4 000 € en réparation du dommage subi du fait des imputations diffamatoires, outre 15 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

DE LA DÉCISION L'article 493 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance sur requête est une décision rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. Il résulte de ces dispositions que le juge saisi d'une requête tendant à obtenir sur le fondement de l'article 145 une mesure d'instruction et le juge saisi d'une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête doivent motiver leur décision en relevant les circonstances permettant ou non de déroger au principe du contradictoire. En l'espèce, l'ordonnance daté du 1er juillet 2021 a fait droit à la requête en la désignation d'un huissier déposée par la société 3 J en indiquant dans ses motifs qu'il était 'démontré l'existence de circonstances exigeant qu'une mesure urgente ne soit pas prise contradictoirement', et ce sans préciser concrètement ce qu'étaient ces circonstances ; il appartenait au juge chargé du référé rétractation, dont l'objet est précisément de rétablir le contradictoire, de vérifier la réalité et la pertinence de ces circonstances. L'ordonnance datée du 26 janvier 2022 indique dans sa motivation que les sociétés MAUNIER AUTOMATISATION et SAS MAUNIER 1986 invoquent expressément l'absence de mentions dans la décision sur requête relatives aux circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire ; dans ses mêmes motivations, elle indique que ' l'on verrait mal la juridiction de céans venir rétracter l'ordonnance' et qu' 'au vu des pièces versées aux débats, le tribunal jugera qu'il existe un motif légitime de confirmer l'ordonnance rendue par le juge délégué', sans expliciter en quoi il existait des circonstances dérogatoires au principe du contradictoire. La requête déposée le 1er juillet 2021 ne comporte aucune motivation relative à la nécessité de déroger au principe du contradictoire, invoquant les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile et l'urgence ; en cause d'appel, les requérantes invoquent outre l'urgence, la nécessité de préserver l'effet de surprise et de lutter contre la disparition des preuves ; elle ne fournit cependant aucun élément permettant de constater concrètement la nécessité d'un effet de surprise au vu des preuves à collecter, ni l'existence d'un réel risque de disparition des preuves. Il apparaît en conséquence que le premier juge a refusé à tort de rétracter l'ordonnance datée du 1er juillet 2021 n'ayant pas caractérisé les circonstances rendant nécessaires de déroger au principe du contradictoire ; il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée et d'ordonner la remise des pièces saisies ou copies en exécution de l'ordonnance sur requête. La société 3J DÉVELOPPEMENT succombant en appel, elle devra verser pour l'ensemble de la procédure la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

, LA COUR : - INFIRME l'ordonnance du 26 janvier 2022 du tribunal de commerce de TOULON ayant débouté les sociétés MAUNIER AUTOMATION et MAUNIER 1986 de leur demande en rétractation de l'ordonnance sur requête datée du 1er juillet 2022. Statuant à nouveau, - ORDONNE la rétractation de l'ordonnance en date du 1er juillet 2021 rendue sur requête déposée par la société 3J DÉVELOPPEMENT. - ORDONNE en conséquence la restitution de l'ensemble des documents et informations recueillis ou saisis en exécution de cette ordonnance ainsi que la destruction des copies et DIT que ces pièces ne pourront être produites en justice. - CONDAMNE la société 3J DÉVELOPPEMENT à verser aux sociétés MAUNIER AUTOMATION et MAUNIER 1986 la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. - MET l'intégralité des dépens à la charge de la société 3J DÉVELOPPEMENT. LE GREFFIERLE PRÉSIDENT