Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 21 janvier 1997, 94-18.257

Synthèse

Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1997-01-21
Cour d'appel de Lyon (1re chambre)
1994-06-02

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le pourvoi formé par : 1°/ M. Alain Marquet, demeurant "Cortemblain", Malay, 71460 Saint-Gengoux le National, 2°/ la Mutuelle du Mans assurances IARD, sociétéd'assurance à forme mutuelle à cotisations fixes, dont le siège est ... et ayant agence ..., 3°/ la Fiduciaire d'expertise comptable Rhône Alpes (FECRA), société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 2 juin 1994 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre), au profit : 1°/ de la société Gauthrot frères entreprise, société anonyme, dont le siège est ..., 2°/ de la société GF IMMOTEC, société anonyme, dont le siège est ..., 3°/ de la société GF Cabirol, société anonyme, dont le siège est ..., 4°/ de M. Guy, Marcel Y..., demeurant ..., défendeurs à la cassation ; M. Guy Y..., défendeur au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt; Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt; Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 26 novembre 1996, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Métivet, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre; Sur le rapport de M. Métivet, conseiller, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. Z..., de la Mutuelle du Mans assurances IARD, de la Fiduciaire d'expertise comptable Rhône Alpes, de Me Choucroy, avocat de la société Gauthrot frères entreprise, de la société GF IMMOTEC, de la société GF Cabirol et de MM. X... et A..., ès qualités, de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de M. Y..., les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi; Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Lyon 2 juin 1994), que M. Y..., agissant en son nom personnel et se portant fort d'autres actionnaires, a cédé 52 % des actions de la société Technique industrielle appliquée (société TIA) aux sociétés Gauthrot frères entreprise, GF Immotec et GF Cabirol (sociétés du groupe Gauthrot); que la société TIA a été mise en liquidation judiciaire; que prétendant que les comptes de la société TIA présentés avant la signature de la convention n'étaient pas conformes à la réalité, les sociétés cessionnaires ont assigné M. Y..., la société Fiduciaire d'expertise comptable Rhône Alpes (FECRA) qui tenait la comptabilité de la société TIA, M. Marquet, commissaire aux comptes de ladite société et les Mutuelles du Mans, leur assureur, en réparation de leur préjudice;

Sur le premier moyen

, préalable, du pourvoi incident, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Y... fait grief à

l'arrêt de l'avoir condamné, in solidum avec M. Marquet et la société FECRA, garantis par les Mutuelles du Mans à payer une certaine somme aux sociétés du groupe Gauthrot à titre de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, que pour contester l'existence d'une faute à sa charge, il avait fait valoir que la comptabilisation erronée des travaux en cours n'avaient pas échappé au groupe Gauthrot, faute de quoi il n'aurait pas fait insérer la précision relative au respect, pour le futur, des règles comptables en matière de contrats de construction;

qu'en décidant

que M. Y... avait commis une faute en présentant des comptes erronés, motif pris de ce que la précision litigieuse ne signifiait pas que les sociétés cessionnaires connaissaient les insuffisances techniques des documents comptables sans nullement rechercher, comme elle y avait été invitée, la raison d'être de cette stipulation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil; et alors, d'autre part, que c'est au vu des documents comptables établis par l'expert-comptable et vérifiés par le commissaire aux comptes que le groupe Gauthrot s'est engagé à souscrire à une augmentation de capital; qu'il en résulte que la faute de M. Y..., à la supposer établie, ne présentait aucun lien de causalité avec le préjudice subi par le groupe Gauthrot; qu'en condamnant cependant l'exposant à réparer ce préjudice, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres énonciations et a violé l'article 1382 du Code civil; Mais attendu, d'une part, qu'en constatant que la clause relative à la mise en place des programmes informatiques de comptabilité et d'outil de gestion était relative à l'assistance que les sociétés du groupe Gauthrot s'engageaient à apporter à la société TIA, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise; Attendu, d'autre part, que l'arrêt a constaté que M. Y... ne niait pas avoir lui-même su que les comptes ne reflétaient pas la véritable situation de l'entreprise; que la cour d'appel, en retenant notamment qu'il avait nécessairement connaissance qu'avaient été comptabilisés des marchés qui n'avaient jamais été conclus et que le fait de présenter de tels comptes aux représentants du groupe Gauthrot, constituait une manoeuvre engageant sa responsabilité, a pu statuer comme elle l'a fait; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches;

Sur le second moyen

du pourvoi incident :

Attendu que M. Y... fait encore grief à

l'arrêt d'avoir rejeté son appel en garantie dirigé contre M. Marquet et la société FECRA, alors, selon le pourvoi, qu'outre l'obligation d'exécuter leur mission selon les règles et usages professionnels, l'expert-comptable et le commissaire aux comptes ont également une obligation d'information et de conseil vis-à-vis de leur client; qu'ils doivent ainsi attirer son attention sur les conséquences d'une irrégularité constatée dans la comptabilité; qu'en l'espèce, en le déboutant de son appel en garantie, sans avoir recherché, comme elle y était invitée si, en ne mettant pas leur client en garde quant au mode de facturation adoptée par la société TIA, l'expert-comptable et le commissaire aux comptes n'avaient pas manqué à leur devoir de conseil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil;

Mais attendu

qu'ayant relevé, tant par motifs propres qu'adoptés, que M. Y... n'ignorait pas la situation de la société lorsqu'il avait souscrit la convention et qu'il ne niait pas avoir su que les comptes ne reflétaient pas la véritable situation de celle-ci, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé;

Sur le moyen

unique de pourvoi principal, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société

FECRA, M. Marquet et la Mutuelle du Mans reprochent à l'arrêt de les avoir condamnés in solidum à payer aux entreprises du groupe Gauthrot une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans leurs écritures d'appel, ils avaient fait valoir que les acquéreurs avaient commis une faute en ne stipulant pas de convention de garantie de passif, qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une violation de l'article 455 du Code civil; alors, d'autre part, que commet une faute celui qui ne demande pas un audit comptable de la société dans laquelle il souhaite prendre une participation majoritaire; qu'il n'est pas contesté que les sociétés du groupe Gauthrot, avant la signature de la convention du 5 décembre 1989, par laquelle elles ont acquis 52 % des actions de la société TIA, n'ont pas procédé à un audit comptable de cette dernière; qu'en retenant cependant qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à ces sociétés, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; alors, en outre, que dans leurs écritures d'appel, les exposants avaient soutenu qu'il n'était pas précisé que la convention du 5 décembre 1989 avait été signée en fonction des documents comptables et bilans qui auraient été fournis par la société TIA; que cet argument permettait d'établir l'absence de lien de causalité entre les fautes reprochées à l'expert-comptable et au commissaire aux comptes d'une part, et le préjudice subi par les sociétés du groupe Gauthrot d'autre part; qu'en ne répondant pas à cette argumentation, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; et alors, enfin, qu'ils avaient précisé, dans leurs écritures d'appel, que les sommes versées postérieurement à l'acquisition de la majorité du capital de la société TIA l'avaient été en toute connaissance de cause, les acquéreurs détenaient alors le pouvoir de diriger la société et, corrélativement, l'entière responsabilité des décisions prises sur le plan financier; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu

, d'une part, qu'il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que la société FECRA, M. Marquet et leur assureur aient soutenu, devant la cour d'appel, que les sociétés du groupe Gauthrot avaient commis une faute en ne stipulant pas une convention de garantie de passif; que le moyen est donc nouveau et mélangé de fait et de droit; Attendu, d'autre part, qu'en retenant que les sociétés du groupe Gauthrot pouvaient légitimement accorder foi dans les travaux de l'expert-comptable et du commissaire aux comptes, la cour d'appel a pu décider que lesdites sociétés n'avaient commis aucune faute en ne faisant pas procéder à un audit comptable préalablement à la prise de contrôle de la société; Attendu, en outre, que la cour d'appel, qui a retenu que devant l'expert, M. Y... n'avait pas nié que les bilans des exercices 1986, 1987 et 1988 et la situation arrêtée au 30 juin 1989 avaient été remis au groupe Gauthrot, ce qui impliquait que celui-ci avait eu connaissance de ces documents comptables, a répondu aux conclusions invoquées par le troisième branche; Attendu, enfin, qu'ayant constaté, par motifs adoptés, d'un côté, que, la convention de cession des actions de la société TIA ayant été signée le 5 décembre 1989, les versements en compte courant effectués au titre de l'augmentation de capital par le groupe Gauthrot avaient eu lieu entre le 15 décembre 1989 et le 9 février 1990; que le dernier versement, présenté comme nécessaire au paiement des salaires du mois de janvier 1990 des employés de la société TIA ne s'accordant pas avec les données précédentes, avait alerté le groupe Gauthrot; que c'était le 26 février que M. Y... avait révélé la dégradation de la situation de la société TIA et, d'un autre côté, qu'à la fin de l'exercice 1990 s'était avéré un décalage de plus de 12 000 000 francs, la cour d'appel, en retenant par motifs propres que le préjudice subi par les sociétés du groupe Gauthrot était constitué par les sommes versées tant pour l'acquisition des actions de la société TIA que pour la souscription à l'augmentation de capital en apports en compte courant, a répondu aux conclusions invoquées par la quatrième branche; d'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé en ses trois autres branches;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ; Condamne M. Marquet, la Mutuelle du Mans assurances IARD, la Fiduciaire d'expertise comptable Rhône Alpes et M. Y... aux dépens; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.