Cour d'appel de Nancy, Chambre 1, 4 juillet 2022, 21/00831

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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ------------------------------------ COUR D'APPEL DE NANCY Première Chambre Civile

ARRÊT

N° /2022 DU 04 JUILLET 2022 Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00831 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EXZX Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY, R.G.n° 19/03549, en date du 13 novembre 2020, Jonction n° 560/21 avec le dossier RG n° 21/00898 en date du 7 décembre 2021 APPELANTS : Madame [K] [G], née [O] née le 05 Mars 1974 à ELBISTAN (TURQUIE) domiciliée 8 rue du Général Leclerc - 54410 LANEUVEVILLE DEVANT NANCY Bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 21/4478 du 23/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY Représentée par Me Patrice BUISSON de la SCP BUISSON BRODIEZ, avocat au barreau de NANCY Monsieur [R] [G] né le 01 Février 1959 à ELBISTAN (TURQUIE) domicilié 17 avenue de Metz - Résidence ADOMA - 54320 MAXEVILLE Représenté par Me Patrice BUISSON de la SCP BUISSON BRODIEZ, avocat au barreau de NANCY INTIMÉE : S.A.R.L. BATI RENOV CONSTRUCTIONS, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social sis 154 avenue de Strasbourg - 54000 NANCY Représentée par Me Rui Manuel PEREIRA de la SCP TERTIO AVOCATS, avocat au barreau de NANCY COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 02 Mai 2022, en audience publique devant la Cour composée de : Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller, Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport, qui en ont délibéré ; Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ; en présence de Monsieur Jean-François DEMENGEON, greffier stagiaire ; -------------------------------------------------------------------------------------------------------- Copie exécutoire délivrée le à Copie délivrée le à -------------------------------------------------------------------------------------------------------- A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2022 en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Puis, à cette date, le délibéré a été prorogé au 4 Juillet 2022. ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 4 Juillet 2022, par Madame FOURNIER, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame FOURNIER, Greffier ; EXPOSÉ DU LITIGE : Par acte authentique du 21 février 2003, Monsieur [R] [G] et son épouse Madame [K] [O] ont acquis une parcelle de terrain à bâtir cadastrée AD n°254, située sur la commune de Laneuveville-devant-Nancy, et se sont adressés à Madame [Y], architecte, qui a réalisé en avril 2003, les plans de deux maisons individuelles qui devaient être construites sur ce terrain. Un plan a été établi par un géomètre en vue de la division de la parcelle ainsi acquise en deux nouvelles parcelles cadastrées AD n°631 (sur laquelle a été édifiée la 'maison B', occupée par les maîtres de l'ouvrage) et AD n°632 (sur laquelle a été édifiée la 'maison A', inoccupée). La déclaration d'ouverture du chantier a eu lieu le 20 avril 2004. Au motif que Monsieur et Madame [G] s'étaient engagés, par acte sous seing privé du 28 octobre 2003, à lui céder gratuitement la parcelle cadastrée AD n°632 en échange d'une partie des travaux de construction de la maison édifiée pour leur compte sur la parcelle cadastrée n°631, et qu'ils n'avaient ni régularisé l'acte de cession, ni acquitté le prix des travaux qu'elle avait effectués, la SARL Bati renov constructions, après les avoir mis en demeure, le 14 septembre 2012, de lui payer la somme de 152964,60 euros, montant de la facture établie le 29 février 2012, les a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nancy par acte du 28 février 2013, pour les voir condamner à lui payer cette somme avec les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ainsi qu'une indemnité de procédure. Subsidiairement, elle a demandé la mise en oeuvre d'une procédure afin d'évaluer la valeur et le coût des deux constructions édifiées sur le terrain des époux [G]. Par un jugement mixte en date du 13 juin 2014, le tribunal a requalifié le contrat conclu entre la SARL Bati renov constructions d'une part, et les époux [G] d'autre part, en contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan soumis aux dispositions de l'article L. 232-1 du code de la construction et de l'habitation. Cette convention ne respectant pas les règles d'ordre public applicables, elle a été annulée. Les travaux réalisés étant entrés dans le patrimoine du maître de l'ouvrage, le tribunal a retenu que le constructeur était en droit d'obtenir le remboursement des matériaux et du coût de la main d''uvre. Il a sursis à statuer sur le surplus des demandes des parties et invité ces dernières à faire connaître leur accord éventuel sur la mise en 'uvre d'une mesure de médiation. Par jugement du 30 septembre 2014, le tribunal a ordonné une médiation, laquelle n'a pas abouti à un accord. Monsieur [R] [G] et Madame [K] [O] épouse [G] ont interjeté appel du jugement du 13 juin 2014. Par arrêt contradictoire du 6 novembre 2017, la cour d'appel de Nancy a prononcé la nullité du contrat passé entre les parties et ordonné, avant dire droit sur les restitutions, une expertise judiciaire, aux fins d'évaluer le coût des matériaux mis en 'uvre, en distinguant ceux qui ont été réglés directement par les maîtres d'ouvrage et les autres, ainsi que le coût de la main d''uvre et de faire les comptes entre les parties. Monsieur [J] [C], expert judiciaire, a déposé son rapport en date du 13 juin 2019. Par jugement contradictoire du 13 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Nancy a : - condamné in solidum Monsieur [G] et Madame [O] épouse [G] à payer à la SARL Bati renov constructions la somme de 219483,43 euros TTC correspondant au coût des matériaux et de la main d''uvre, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, - condamné in solidum Monsieur [G] et Madame [O] épouse [G] aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise, - dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, - ordonné l'exécution provisoire de la présente décision. Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que la cour avait écarté le moyen tiré de la prescription qui lui avait été soumis en jugeant que la SARL Bati renov constructions avait droit, à titre de restitution, au coût des matériaux et de la main d'oeuvre employés en application des effets de la rétroactivité découlant de la nullité du contrat de construction et que l'action en justice, n'étant pas une action en paiement d'une prestation mais une restitution des prestations fournies sous la forme de contrepartie financière, consécutive à l'annulation du contrat, n'était pas soumise au délai de prescription de l'article L. 218-2 du code de la consommation. Le tribunal a également estimé que l'arrêt de la cour d'appel de Nancy avait répondu de manière incidente au moyen lié à la potestativité d'une condition affectant l'accord avec Monsieur [T] et qu'il ne pouvait réexaminer un moyen identique au regard de l'autorité de la chose jugée étant attachée à l'arrêt. Les premiers juges ont relevé que la demande des époux [G] concernant la démolition de la seconde maison édifiée sur le terrain devant revenir à Monsieur [T] constituait une nouvelle prétention au titre des restitutions découlant de la nullité du contrat prononcée par la cour d'appel et qu'il ne pouvait pas lui être opposé le principe procédural de la concentration des moyens, celui de l'estoppel ou l'autorité de la chose jugée. Ils l'ont néanmoins rejetée en considérant que le gros oeuvre, clos et couvert, était achevé et qu'il n'était démontré ni grave désordre, ni non conformité au permis de construire et qu'il n'était pas établi que l'immeuble était invendable, de telle sorte que son prononcé serait manifestement disproportionné. Retenant les évaluations de l'expert concernant pour la première maison les coûts de fournitures et location d'engin à hauteur de 64521,71 euros et le coût de la main d''uvre à 483814,81 euros et pour la seconde maison, 73887,43 euros et 47491,01 euros, le tribunal a considéré que le coût des restitutions se montait à 270599,13 euros, en tenant compte de la TVA, d'un coefficient de frais généraux et d'un coefficient de bénéfice et aléas. Il a déduit 51115,70 euros au titre des réglements effectués par les époux [G] et il les a condamnés à payer à la SARL Bati renov constructions la somme de 219483,43 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du jugement. Le tribunal a rejeté la demande d'indemnisation des époux [G] au motif 'du montage particulier imaginé d'un commun accord en dehors de tout cadre légal en raison d'un lien familial les unissant avec Monsieur [T]' lequel évinçait une faute de la société qui était fondée à réclamer les sommes dues. Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 31 mars 2021, Madame [O] épouse [G] a relevé appel de ce jugement, son recours a été enregistré sous le numéro RG 21/00831. Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 7 avril 2021, Monsieur [G] a relevé appel de ce jugement, son recours a été enregistré sous le numéro RG 21/00898. Par ordonnance du 7 décembre 2021, les deux recours ont été joints sous le numéro RG 21/00831. Par ordonnance d'incident du 17 novembre 2021, le conseiller de la mise en état s'est déclaré incompétent pour connaître de la fin de non-recevoir soulevée par les appelants relative au défaut d'intérêt et de qualité à agir de la SARL Bati renov constructions, dont l'examen ressortait de la compétence de la cour. Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 28 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [R] [G] et Madame [K] [O] épouse [G] demandent à la cour, au visa des articles 122, 123 et 146 du code de procédure civile, des articles L. 231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, de l'article L. 218-2 du code de la consommation, des articles 1170 et suivants du code civil de : - faire droit à leur appel et le dire recevable et bien fondé, - infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy du 13 novembre 2020, À titre principal, - constater que la facture du 29 février 2012 d'un montant de 152964,60 euros est afférente à des travaux réalisés courant 2004 et que l'action en paiement de la SARL Bati renov constructions est faite par une société qui n'existait pas en 2004 ce qui constitue une tentative d'escroquerie à jugement, - débouter la société Bati renov constructions de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions, - déclarer irrecevables les demandes de la société Bati renov constructions pour défaut de qualité et défaut d'intérêt à agir, À titre subsidiaire et vu l'article 125 alinéa 2 du code de procédure civile, - relever d'office le défaut d'intérêt et le défaut de qualité de la société Bati renov constructions, À titre subsidiaire, - dire et juger que la cession de la parcelle litigieuse par les époux [G] était soumise à la condition potestative que Monsieur [E] [T], gérant de la SARL Bati renov, procède à la construction préalable et à titre gracieux de leur maison d'habitation, - dire et juger que la SARL Bati renov constructions n'a pas satisfait à cette condition, - dire et juger que l'accord intervenu entre les époux [G] et Monsieur [T] est ainsi devenu caduc par la seule faute de ce dernier, A titre subsidiaire sur la demande en paiement après expertise pour un montant de 219483,43 euros présentée le 24 octobre 2019, - dire et juger que la demande ayant trait au coût de la main d''uvre et au coût des matériaux concerne en réalité une autre société la SARL Bati Renov laquelle a été admise au bénéfice d'une liquidation judiciaire par jugement de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz du 13 octobre 2004 et que seul Maître [U] avait qualité pour engager une procédure,

En conséquence

, - débouter la société Bati Renov Constructions de sa demande en paiement de la somme de 219483,43 euros, Si par extraordinaire le principe d'une demande en paiement de Bati Renov Constructions était accueilli, à titre infiniment subsidiaire, sur les restitutions, Sur le coût des matériaux, - dire et juger qu'il ne doit concerner que la maison B et que le montant desdits matériaux outre la location d'engins doit être fixé hors taxe et sans appliquer de coefficient de frais généraux ni coefficient de bénéfices et aléas conformément à la mission d'expertise fixée par la cour, En conséquence, - fixer à la somme de 61572,86 euros HT l'indemnisation maximum de la société Bati renov constructions dont à déduire les règlements effectués par les concluants à hauteur de 51115,70 euros soit un montant de 10457,15 euros, - condamner la société Bati renov constructions à remettre dans l'état antérieur le terrain des époux [G] et à procéder à la démolition de la maison B qui n'a pas la moindre utilité pour les concluants et que la société demanderesse a édifié pour le compte et dans l'intérêt de son dirigeant et cela sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de deux mois après la signification de la décision à intervenir, En tout état de cause, - condamner la société Bati renov constructions à leur payer la somme de 5000 euros de dommages et intérêts pour préjudice financier et 5000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral, - condamner la SARL Bati renov constructions au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que des entiers dépens. Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 10 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL Bati renov constructions demande à la cour, au visa de l'article 954 du code de procédure civile, de : - confirmer le jugement en toutes ses dispositions, - dire et juger que la cour d'appel n'a pas été saisie dans le délai de trois mois suivant l'appel du moyen tiré du défaut de qualité à agir, - déclarer irrecevables les moyens soulevés pour la première fois devant la cour d'appel tenant à contester la qualité à agir, - déclarer irrecevables les demandes se heurtant à l'autorité de la chose jugée des décisions de première instance, En tout état de cause, - condamner solidairement Monsieur et Madame [G] à lui verser la somme de 219483,43 euros au titre du remboursement des matériaux mis en 'uvre et de sa main d''uvre au taux légal à compter de la mise en demeure qui a été réceptionnée le 14 septembre 2012 par leur soin, - condamner sous la même solidarité Monsieur et Madame [G] à lui verser la somme de 20000 euros en application de l'article 123 du code de procédure civile, - condamner sous la même solidarité Monsieur et Madame [G] à lui verser la somme de 10000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise. La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 29 mars 2022. L'audience de plaidoirie a été fixée le 2 mai 2022 et le délibéré au 27 juin 2022. Puis, le délibéré a été prorogé au 4 juillet 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION Vu les dernières conclusions déposées par les époux [G] le 28 février 2022 et par la SARL Bati renov constructions le 10 mars 2022 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ; Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 29 mars 2022 ; * Sur les fins de non-recevoir Vu les articles 122, 123 du code de procédure civile et 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil, Si une fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause, elle ne peut être admise si elle heurte l'autorité liée à la chose jugée par une précédente décision. Ainsi, il ne peut plus être opposé par une partie après une décision au fond passée en force de chose jugée tranchant dans son dispositif la contestation prétendument irrecevable, même dans le cas d'une poursuite d'instance, et la révélation d'un fait nouveau propre à fonder la fin de non recevoir n'est pas de nature à permettre la remise en cause de la chose ainsi jugée sur le fond (Com, 17 juillet 2001, n°98-18.571). L'article 123 du code de procédure civile autorisant une partie à invoquer une fin de non-recevoir en tout état de cause, il ne peut lui être valablement opposé qu'elle a déjà conclu une première fois au fond avant de soulever ce moyen (iv. 2, 10 octobre 1990, n°88-16.685). Si la fin de non-recevoir a été soulevée tardivement dans une intention dilatoire, la seule sanction est le prononcé de dommages-intérêts. - Les appelants soulèvent l'irrecevabilité de l'intimée à réclamer le montant des restitutions résultant du contrat annulé au motif qu'elle n'aurait pas exécuté les prestations qui auraient été réalisées par une société tierce. A l'appui, les époux [G] font valoir que les accords avaient été en leur temps pris avec Monsieur [E] [T], lequel était alors le gérant d'une SARL Bati renov, immatriculée au RCS de Metz, qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire selon jugement du 13 octobre 2004 et que la SARL Bati renov constructions, dont le représentant légal est le père de celui-ci, Monsieur [N] [T], n'a été enregistrée que le 1er octobre 2004 au RCS de Nancy. Ils soutiennent dans leur écritures que c'est la société SARL Bati renov qui a effectué les travaux de construction et que la SARL Bati renov constructions appuie son action sur de fausses pièces. Ils en déduisent qu'elle n'a donc ni qualité, ni intérêt à agir. L'intimée oppose l'irrecevabilité de cette demande en visant les principes de concentration des moyens, de l'estoppel et de la remise en cause de la chose jugée. Il s'avère effectivement que le moyen ainsi soulevé se heurte à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt rendu le 6 novembre 2017, lequel a définitivement tranché dans son dispositif que : * le contrat conclu entre les parties (à savoir les époux [G] et la SARL Bati renov constructions) devait être qualifié de contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan soumis aux dispositions de l'article L. 232-1 du code de la construction et de l'habitation ; * ce contrat était nul ; * il devait être tenu compte des travaux réalisés par la société Bati renov constructions et que celle-ci était en droit d'obtenir le remboursement des matériaux et de la main d'oeuvre. La fin de non-recevoir soulevée par les appelants tenant au défaut de qualité et d'intérêt de la Sarl Bati renov constructions est irrecevable au regard de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 6 novembre 2017. Il convient de préciser que les prétentions, présentées 'au fond', tendant à faire juger que seul Maître [U], en sa qualité de liquidateur de la Sarl Bati renov, avait qualité pour réclamer les sommes sont la conséquence de la fin de non-recevoir écartée et qu'elles se heurtent également à l'autorité de la chose jugée. - Les appelants opposent également la prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation (devenu L.218-2) au motif que l'intimée, professionnelle, n'a pas interrompu valablement le délai de prescription qui a commencé à s'écouler le 18 juin 2008. Cette prétention, développée dans le corps de leurs conclusions, ne figure pas dans le dispositif, dans lequel seule est mentionnée l'irrecevabilité tirée du défaut de qualité et du défaut d'intérêt à agir de la SARL Bati renov constructions et la cour n'en est donc pas saisie en application de l'article 954 du code de procédure civile. - l'intimée sollicite des dommages-intérêts au regard de la tardiveté avec laquelle ce moyen a été soulevé. Or la fin de non-recevoir n'est pas accueillie et la SARL Bati renov constructions ne démontre pas que les appelants ont agi avec une intention dilatoire. Il convient dès lors de la débouter de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile. ** Sur les moyens de défense opposés au fond par les époux [G] Les époux [G] soulèvent l'existence d'une condition potestative à la charge du débiteur, Monsieur [T], qu'il n'a pas respecté, entraînant la caducité de leur accord par la faute de ce dernier. Il convient de rappeler que Monsieur [T] n'est pas partie à la procédure et que les manquements contractuels allégués à l'encontre de celui-ci ne sont pas opposables, en raison de l'effet relatif des contrats, à la SARL Bati renov constructions, dont il a été jugé qu'elle était liée aux époux [G] par un contrat de construction de maison individuelle, définitivement annulé. Le moyen invoqué est inopérant vis-à-vis de l'intimée et, par ailleurs, comme l'a justement énoncé le premier juge, les prétentions qui en découlent se heurtent également à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 6 novembre 2017 de la cour d'appel qui, saisie de ce moyen, a définitivement établi que cette société était créancière des matériaux et du coût de la main d'oeuvre mis en oeuvre pour les constructions - étant ajouté qu'en tout état de cause l'intimée n'a pas qualité à défendre sur les demandes relatives à l'accord entre les appelants et leur neveu, auquel elle est tiers. Les époux [G] s'opposent également aux demandes de restitution concernant la 'maison A' (désignée de manière erronée dans leurs conclusions comme la 'maison B', dans la mesure où ils visent ainsi la maison inoccupée - comme déjà souligné dans le jugement de première instance) dont ils demandent la démolition au titre de la remise en état antérieure. Le premier juge, après avoir écarté la fin de non-recevoir opposée par la SARL Bati renov constructions à cette prétention, a débouté les époux [G] dans la mesure où la construction était achevée dans le gros oeuvre, close et couverte et qu'ils ne justifiaient pas de graves désordres ou d'une non-conformité au permis de construire. Le tribunal en a déduit que, dans ces conditions, la démolition serait manifestement disproportionnée ; cette analyse reste pertinente au regard des éléments soumis à hauteur d'appel. Néanmoins, sur l'irrecevabilité qui leur est opposée, il a été définitivement tranché au titre de la remise en état antérieure que la SARL Bati renov constructions avait droit au coût des matériaux entrepris et de sa main d'oeuvre ; la demande de démolition n'est pas compatible avec ces dispositions - puisqu'elle priverait l'entrepreneur du droit qui lui a été accordé à la restitution du coût de la main d'oeuvre et des matériaux (Civ 3, 26 juin 2013 n°12-18.121) - et elle se heurte donc à l'autorité de la chose jugée. Il conviendra donc de déclarer la demande irrecevable. *** Sur les restitutions - Sur le matériel et les locations Vu les articles 1178 et 1352 du code civil, L'arrêt du 6 novembre 2017 établit définitivement le droit de la SARL Bati renov constructions au remboursement des matériaux utilisés. Or comme le relève l'expert, aucune facture ne lui a été présentée malgré ses demandes. Pour autant, il a été en mesure d'apprécier l'ampleur des travaux réalisés et de proposer un chiffrage. Celui-ci comprend néanmoins des éléments qui ne se rapportent ni aux matériaux utilisés, ni aux frais de main d'oeuvre et ces éléments doivent être écartés (frais généraux ...). Les époux [G] admettent dans leurs écritures devoir le remboursement des frais des engins loués. S'agissant des frais d'établissement des plans et de permis de construire, il sera rappelé que la convention liant les parties a été requalifiée en construction de maison individuelle sans fourniture de plan. En outre, la société ne peut prétendre au remboursement de la TVA sur les matériaux utilisés dans la mesure où elle ne justifie pas s'en être acquitté. S'agissant de la 'maison A', l'expert a ventilé le coût de différents matériaux employés et a fixé leur coût global à 51397,92 euros HT. Aucune contestation n'est émise concernant les indications de l'expert sur les types, les qualités et les volumes de matériaux utilisés et sur l'actualisation pratiquée. Le montant des locations d'engin est chiffré par l'expert à 2550 euros sans plus d'observation. Concernant la 'maison B', l'expert a réalisé un travail identique au terme duquel le coût des fournitures employées est apprécié à 58252 euros HT, sans observation des parties sur le chiffrage et sur son actualisation. Le montant des locations d'engin est valorisé par l'expert à 3526,78 euros sans plus d'observation. Dans ces conditions, le coût des matériaux et locations pour les deux maisons sera fixé à 115726,70 euros. - Sur le coût de la main d'oeuvre La société n'ayant initialement communiqué aucun justificatif à l'expert, celui-ci avait fixé un coût horaire de la main d'oeuvre de 7,87 euros. Sur justification ultérieure de fiches de paye de 3 salariés, l'expert a retenu un coût horaire de 21,66 euros. Or il s'avère que les trois fiches de paye produites à l'expert -figurant en annexe de son rapport - mentionnent comme date d'ancienneté : * pour Monsieur [X] [T] (maçon) : le 2 mai 2005, * pour Monsieur [E] [T] (chef de chantier) : le 2 mai 2005, * pour Monsieur [N] [T] (maçon) : le 16 août 2005. Il s'ensuit que la Sarl Bati renov constructions ne démontre pas ainsi la réalité du coût de revient de ses salariés intervenus sur le chantier (ouvert le 20 avril 2004) et il convient dès lors de retenir le coût horaire initialement proposé par l'expert de 7,87 euros. Par ailleurs, l'expert a retenu des coûts liés à l'établissement des plans projetés, alors qu'ils ont été réalisés par un architecte et n'ont pas été payés par l'entrepreneur, qui ne justifie d'aucune facture à ce titre, les factures d'Alexander [F] versées aux débats ne permettent pas d'établir qu'elles se rapportent aux constructions édifiées sur les terrains des appelants. Il en va de même des frais imputés sous la rubrique 'implantation maison', pour lesquels l'expert porte la mention 'sous-traitance' alors qu'aucune facture justifiant de la prise en charge de cette dépense par l'entrepreneur n'est produite. Il n'y a pas lieu de tenir compte de la somme de 800 euros pour chaque maison qui a été prise en compte par l'expert à ces titres. Les époux [G] prétendent que la Sarl Bati Renov constructions n'aurait pas procédé à la démolition de la construction antérieure mais ne versent aucune pièce l'établissant. Le nombre d'heures de main d'oeuvre estimé par l'expert - et non contesté utilement par les parties - s'élève à : * 456,9 h pour la 'maison A' * 352,67 h pour la 'maison B', hors pose de l'enduit. L'enduit extérieur n'a été posé que pour la 'maison B', pour laquelle l'expert donne les éléments suivants = durée moyenne : 0,35 h ; coût horaire : 21,66 euros ; prix total de la main d'oeuvre : 2115,71 euros. L'erreur est manifeste et il apparaît que la durée de pose des enduits de façade est en réalité de 97,5 heures (2115,71/21,66). Le volume horaire total est donc de 907,07 heures (456,9 + 352,67 + 97,5). Au coût horaire de 7,87 euros, le coût de la main d'oeuvre représente donc 7138 euros. Le coût de la main d'oeuvre et des matériaux auxquels la SARL Bati renov constructions peut prétendre s'élève donc à 122864,70 euros (7138 + 115726,70). Il convient cependant de déduire de cette somme le montant des frais déjà pris en charge par des règlements des époux [G] de 51115,70 euros. Le reliquat dû par les époux [G] à la SARL Bati renov constructions s'élève donc à 71749 euros. S'agissant d'une condamnation à une indemnité et non à un paiement, les intérêts seront dûs à compter de la décision d'appel en application de l'article 1231-7 du code civil, les éléments de l'espèce ne justifiant pas qu'il soit jugé différemment. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce sens. **** Sur les demandes de dommages-intérêts Vu l'article 1240 du code civil (ancien article 1382 du code civil), Au soutien de leurs demandes d'indemnisation d'un préjudice moral et d'un préjudice financier, les époux [G] font valoir qu'aux termes de l'accord qu'ils avaient conclu avec leur neveu Monsieur [E] [T], ils auraient dû bénéficier d'une construction gratuite (la 'maison B') contre la rétrocession à celui-ci de la parcelle sur laquelle la 'maison A' devait être édifiée. Ils reprochent à celui-ci de n'avoir pas respecté leur accord et de l'avoir fait échouer, entraînant les réclamations de la SARL Bati rénov construction à leur encontre. Néanmoins, la Sarl Bati renov constructions n'a pas à répondre des agissement fautifs imputés à un tiers mais uniquement de son propre fait. Le préjudice matériel imputable aux agissements de la SARL Bati renov constructions résulte selon les époux [G] du fait que la SARL n'a pas réalisé certaines des prestations à sa charge (peinture et extérieur). Or n'ayant le droit qu'aux coûts des matériaux et de la main d'oeuvre employés, les époux [G] n'ont assumé ni frais, ni créance de restitution pour les travaux non réalisés. Ils ne démontrent ni préjudice à ce titre, ni du fait qu'ils ont réalisé eux-mêmes ces prestations. Ils ne justifient pas plus que la 'maison A' serait invendable en l'état. Ils n'établissent pas dès lors subir un préjudice financier. Ils reprochent également à la SARL Bati renov constructions un préjudice moral en raison d'une escroquerie au jugement. Or ils n'ont intenté aucun recours utile pour faire établir l'escroquerie qu'ils reprochent (tel qu'un recours en cassation ou en révision contre l'arrêt du 6 novembre 2017 ou des démarches pour déclencher l'action publique) et l'arrêt du 6 novembre 2017 qui reconnaît à la SARL Bati renov constructions des droits de principe mais non chiffrés à leur encontre ne permet pas de retenir qu'elle a agi de manière fautive. Il convient dès lors de les débouter de leurs demandes de dommages-intérêts. Enfin, il n'appartient pas à la cour de statuer sur les demandes de 'constatation' ou de 'donner acte' ou de 'dire et juger que' relatives à des moyens de fait, car elles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile ; ***** Sur les dépens, les frais d'expertise et les frais irrépétibles La procédure trouve son origine dans l'imprudence de l'ensemble des parties qui se sont engagées dans un projet éminemment risqué. L'imprudence de la SARL Bati renov constructions, professionnel, qui s'est engagée comme constructeur de maison individuelle sans devis et sans contrat écrit, mérite d'être particulièrement soulignée. En outre, l'expertise a été profitable aux deux parties et notamment à l'entrepreneur qui, à défaut de pièces, était dans l'incapacité de permettre à la juridiction de chiffrer le coût de matériaux et de la main d'oeuvre. Dans ces conditions, il convient de dire que les dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise, seront partagés par moitié. Le jugement sera donc infirmé en ce qui concerne les dépens de première instance et les frais d'expertise. Pour les mêmes raisons, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les demandes pour les frais irrépétibles présentées par chacune des parties à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, Vu le jugement du 13 novembre 2020 du tribunal judiciaire de Nancy, Y ajoutant, Déclare irrecevables les prétentions visant à : * faire déclarer la SARL Bati renov constructions irrecevable pour défaut d'intérêt et défaut de qualité à agir, * faire prononcer la caducité de l'accord intervenu entre les époux [G] et Monsieur [T] en raison de la seule faute de ce dernier, * faire juger que la demande ayant trait au coût de la main d''uvre et au coût des matériaux concerne en réalité une autre société la SARL Bati renov laquelle a été admise au bénéfice d'une liquidation judiciaire par jugement de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz du 13 octobre 2004 et que seul Maître [U] avait qualité pour engager une procédure, * obtenir la démolition de la construction inoccupée A (désignée de manière erronnée comme la construction B), le tout sous astreinte ; Confirme le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, L'infirme pour le surplus, Fixe à : - 7138 euros (sept mille cent trente-huit euros) le coût de la main d'oeuvre pour les deux constructions, - 115726,70 euros (cent quinze mille sept cent vingt-six euros et soixante-dix centimes) le coût des matériaux ; Condamne, au regard des versements déjà intervenus, solidairement Monsieur [R] [G] et son épouse Madame [K] [O] à verser à la SARL Bati Renov constructions la somme de 71749 euros (soixante-et-onze mille sept cent quarante-neuf euros) ; Dit que cette condamnation portera intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ; Fait masse des dépens de première instance et des frais d'expertise et condamne Monsieur [R] [G] et son épouse Madame [K] [O] d'une part et la SARL Bati Renov constructions d'autre part à les prendre en charge par moitié ; Y ajoutant, Déboute la SARL Bati Rénov constructions de sa demande de dommages-intérêts fondée sur l'article 123 du code de procédure civile ; Déboute Monsieur [R] [G] et son épouse Madame [K] [O] de leurs demandes de dommages-intérêts contre la SARL Bati Rénov constructions ; Fait masse des dépens d'appel et condamne Monsieur [R] [G] et son épouse Madame [K] [O], d'une part, et la SARL Bati Renov constructions, d'autre part, à les prendre en charge par moitié ; Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel. Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame FOURNIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Signé : I. FOURNIER.- Signé : N. CUNIN-WEBER.- Minute en treize pages.