Cour de cassation, Troisième chambre civile, 30 mars 2017, 15-18.217

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2017-03-30
Cour d'appel de Nîmes
2015-02-05

Texte intégral

CIV.3 CGA COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 30 mars 2017 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 408 F-D Pourvoi n° M 15-18.217 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

Statuant sur le pourvoi formé par

Mme [J] [B], épouse [U], domiciliée [Adresse 1], contre l'arrêt rendu le 5 février 2015 par la cour d'appel de Nîmes (chambre 2B), dans le litige l'opposant à M. [F] [D], pris en qualité de liquidateur judiciaire de Mme [T] [K], épouse [A], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 28 février 2017, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Provost-Lopin, conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Provost-Lopin, conseiller, les observations de la SCP Capron, avocat de Mme [B], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. [D], ès qualités, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche et le second moyen

, réunis, ci-après annexés : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 5 février 2015), que Mme [B] a donné à bail à Mme [A] des locaux commerciaux qui ont été, dans la nuit du 29 au 30 mai 2003, détruits par un incendie ; qu'un jugement du 5 décembre 2003 a ouvert une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire, à l'égard de Mme [A] ; que, le 16 juin 2005, les loyers n'étant pas payés depuis mars 2005, Mme [B] a délivré à Mme [A] un commandement de payer visant la clause résolutoire ; que le liquidateur de Mme [A] a assigné Mme [B] en restitution des loyers payés du 30 mai 2003 au 28 février 2005 ; que Mme [B] a demandé l'acquisition de la clause résolutoire ;

Attendu que Mme [B] fait grief à

l'arrêt de la condamner à restituer au liquidateur les loyers payés indûment et de rejeter sa demande en acquisition de la clause résolutoire ;

Mais attendu

qu'ayant retenu que le bail avait pris fin par l'effet de la destruction totale de la chose louée, que Mme [A] n'était plus tenue au paiement des loyers tant que l'immeuble n'aurait pas été reconstruit et que le liquidateur était fondé à obtenir restitution des loyers depuis la date de l'incendie sans qu'il y ait lieu de rechercher si le paiement avait été fait par erreur, la cour d'appel, qui n'avait ni à répondre à des conclusions dont il n'était pas tiré de conséquences juridiques ni à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ; Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les trois premières branches du premier moyen qui ne sont pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [B] aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [B] et la condamne à payer à M. [D] en qualité de liquidateur de Mme [A] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille dix-sept

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour Mme [B] PREMIER MOYEN DE CASSATION Le pourvoi fait grief à l'arrêt, sur ce point infirmatif, attaqué D'AVOIR condamné Mme [J] [B], épouse [U], à payer à M. [F] [D], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme [T] [K], épouse [A], la somme de 38 352, 60 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance du 6 octobre 2006 ; AUX MOTIFS QU' « à l'appui de son action en répétition de l'indu, maître [F] [D], ès qualités, fait valoir que la perception du loyer a pour contrepartie l'obligation du bailleur de délivrer le bien loué et d'en assurer la jouissance paisible, de sorte que la réciprocité des obligations autorise l'une ou l'autre des parties d'invoquer l'exception d'inexécution et donc le locataire de refuser le paiement des loyers, quand le local n'est pas exploitable ; / mais attendu que l'exception d'inexécution, qui se distingue de la condition résolutoire, permet seulement de suspendre l'exécution de son obligation pour contraindre le cocontractant à exécuter sa propre obligation, de sorte qu'elle ne saurait justifier une action en répétition de l'indu, puisqu'elle présuppose la reconnaissance du droit de l'accipiens, dont il est réclamé l'exécution de la contrepartie ; / attendu que maître [F] [D], ès qualités, fait ensuite valoir que la poursuite du paiement des loyers n'aurait été consentie qu'en raison de l'assurance du maintien du bail commercial et de la promesse de remise en état des lieux, de sorte que la perception de ces loyers serait dépourvue de contrepartie, puisqu'en définitive l'immeuble n'a pas été reconstruit ; / attendu que la bailleresse invoque pour sa part la clause dérogatoire aux dispositions de l'article 1722 du code civil rappelée supra, ainsi que les dispositions des articles 1733 et 1734 du code civil ; / attendu que cependant cette stipulation impose seulement aux parties de mettre en jeu leurs polices d'assurances respectives et d'affecter les indemnités perçues à la reconstruction des lieux, partiellement ou totalement démolis ; / attendu que pour autant, nonobstant les dispositions de l'article 1722 du code civil et la clause imposant aux parties de parvenir à la reconstruction des lieux loués par affectation des primes d'assurances, le bail prend fin de plein droit par la perte totale de la chose louée survenue par cas fortuit, ou même par la faute de l'une des parties, sauf les dommages et intérêts pouvant être alors mis à la charge de celle des parties reconnue responsable de cette perte ; / or attendu que si maître [F] [D], ès qualités, prétend, pour justifier son action en dommages et intérêts, que la destruction des lieux n'aurait été que partielle, [J] [B] épouse [U] soutient au contraire, pour échapper à cette action, que cette destruction aurait été totale ; / attendu que la thèse de maître [F] [D], ès qualités, selon laquelle cette destruction ne serait que partielle, est en réalité contredite par les propres pièces versées à l'appui de ses conclusions, à savoir : le bilan économique et social établi le 22 juin 2005 par maître [Z] [Z], ès qualités d'administrateur judiciaire de [T] [K] épouse [A], qui a déposé le 26 septembre 2005 un rapport complémentaire, l'un et l'autre rappelant que cette dernière n'a plus été en mesure d'exploiter depuis le jour du sinistre ; l'ordonnance de non-lieu prononcée le 27 août 2007 pour défaut d'identification des auteurs, dont l'examen des motifs confirme que l'incendie, ayant entraîné le décès de deux jeunes femmes d'origine bulgare, a été provoqué par épandage massif de supercarburant dans la cuisine, au bas de la cage d'escalier et derrière le comptoir du bar ; / attendu que la destruction totale des lieux loués est confirmée par les photographies de presse versées aux débats par [J] [B] épouse [U], desquelles il apparaît que seuls les murs demeuraient en place ; / attendu qu'en l'état de ces éléments, il se déduit suffisamment, comme le soutient [J] [B], épouse [U], que les locaux loués ont été entièrement détruits ; / mais attendu que le bail ayant donc pris fin par l'effet de cette destruction, [T] [K] épouse [A] n'était plus tenue au paiement des loyers, à tout le moins aussi longtemps que l'immeuble n'a pas été reconstruit après versement à la bailleresse des indemnités d'assurances devant permettre cette reconstruction, pour les locaux être remis à la disposition de la locataire ; / attendu qu'il s'ensuit que maître [F] [D], ès qualités, est fondé à obtenir restitution des loyers indument versés depuis le 30 mai 2003, sans qu'il y ait lieu de rechercher si le paiement a été fait par erreur, s'agissant d'un indu objectif, en ce que ces paiements étaient dépourvus de contrepartie » (cf., arrêt attaqué, p. 6 et 7) ; ALORS QUE, de première part, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur celui-ci ; qu'en fondant, dès lors, sa décision de condamner Mme [J] [B], épouse [U], à payer à M. [F] [D], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme [T] [K], épouse [A], la somme de 38 352, 60 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2006, sur le moyen, qu'elle a soulevé d'office, tiré de ce que les paiements des loyers, effectués à compter du 30 mai 2003, étaient indus, du fait que le bail conclu entre Mme [J] [B], épouse [U], et Mme [T] [K], épouse [A], avait pris fin de plein droit par l'effet de la destruction totale des lieux loués, sans avoir invité, au préalable, les parties à présenter leurs observations sur celui-ci, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile ; ALORS QUE, de deuxième part, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en considérant, dès lors, pour condamner Mme [J] [B], épouse [U], à payer à M. [F] [D], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme [T] [K], épouse [A], la somme de 38 352, 60 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2006, que les lieux loués avaient été détruits totalement par l'incendie survenu dans la nuit du 29 au 30 mai 2003, quand elle relevait elle-même que M. [F] [D], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme [T] [K], épouse [A], soutenait devant elle que les lieux loués n'avaient été que partiellement détruits par l'incendie survenu dans la nuit du 29 au 30 mai 2003, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé les dispositions de l'article 4 du code de procédure civile ; ALORS QUE, de troisième part, les parties à un bail peuvent convenir, après et en dépit de la résiliation de plein droit de ce bail du fait de la destruction totale de la chose louée, de demeurer liées par ce même bail ; qu'en retenant, dès lors, pour condamner Mme [J] [B], épouse [U], à payer à M. [F] [D], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme [T] [K], épouse [A], la somme de 38 352, 60 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2006, que le bail conclu entre les parties avait pris fin de plein droit par l'effet de la destruction totale des lieux loués par l'incendie survenu dans la nuit du 29 au 30 mai 2003, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par Mme [J] [B], épouse [U], si M. [Z] [Z], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de Mme [T] [K], épouse [A], n'avait pas, postérieurement à la destruction des lieux loués, décidé de la poursuite du bail conclu entre Mme [J] [B], épouse [U], et Mme [T] [K], épouse [A], ce dont il pouvait être déduit que les parties étaient convenues, après et en dépit de la résiliation de plein droit de ce bail du fait de la destruction totale des lieux loués, de demeurer liées par ce même bail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1134, 1235 et 1376 du code civil ; ALORS QUE, de quatrième part, l'ordonnance d'admission d'une créance au passif d'une procédure collective est revêtue de l'autorité de la chose jugée quant à l'existence de cette créance, ce dont il résulte que le paiement de cette créance par le débiteur ne peut être indu ; qu'en condamnant, dès lors, Mme [J] [B], épouse [U], à payer à M. [F] [D], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme [T] [K], épouse [A], la somme de 38 352, 60 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2006, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par Mme [J] [B], épouse [U], si le juge-commissaire de la procédure de redressement judiciaire de Mme [T] [K], épouse [A], n'avait pas admis, par une ordonnance définitive, la créance de Mme [J] [B], épouse [U], correspondant aux loyers qui lui étaient dus au titre de la période du 30 mai au 5 décembre 2003, au passif de la procédure de redressement judiciaire de Mme [T] [K], épouse [A], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1235, 1351 et 1376 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme [J] [B], épouse [U], de sa demande tendant à la constatation de la résiliation du bail commercial l'ayant liée à Mme [T] [K], épouse [A], par le jeu de la clause résolutoire qui y était stipulé ; AUX MOTIFS QUE « [J] [B] épouse [U] soutient à l'appui de sa demande de résiliation du bail commercial aux torts exclusifs de la locataire, que l'administrateur judiciaire a décidé de poursuivre ce bail dans l'attente des expertises d'assurances, malgré le fait que l'immeuble soit inexploitable, de sorte qu'en cessant de payer les loyers après épuisement des indemnités d'assurances perçues, la clause résolutoire aurait acquis ses effets à l'expiration du délai d'un mois suivant la notification du commandement de payer ; / mais attendu que nonobstant le paiement volontaire des loyers au-delà du jour de la perte totale de la chose louée, le bail avait pris fin de plein droit au 30 mai 2003, de sorte que ces paiements étaient indus aussi longtemps que les travaux de remise en état n'ont pas permis de remettre les locaux à la disposition de la locataire ; / attendu qu'il s'ensuit qu'après cessation de ces paiements indus [J] [B] épouse [U] ne pouvait en exiger la poursuite, ni se prévaloir de la clause résolutoire rappelée dans son commandement de payer » (cf., arrêt attaqué, p. 9) ; ALORS QUE les parties à un bail peuvent convenir, après et en dépit de la résiliation de plein droit de ce bail du fait de la destruction totale de la chose louée, de demeurer liées par ce même bail ; qu'en énonçant, dès lors, pour condamner Mme [J] [B], épouse [U], à payer à M. [F] [D], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme [T] [K], épouse [A], la somme de 38 352, 60 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2006, que, nonobstant le paiement volontaire des loyers au-delà du jour de la perte totale de la chose louée, le bail avait pris fin de plein droit au 30 mai 2003 et qu'il s'ensuivait que Mme [J] [B], épouse [U], ne pouvait exiger la poursuite du paiement des loyers après cette date, ni se prévaloir de la clause résolutoire rappelée dans son commandement de payer, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par Mme [J] [B], épouse [U], si M. [Z] [Z], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de Mme [T] [K], épouse [A], n'avait pas, postérieurement à la destruction des lieux loués, décidé de la poursuite du bail conclu entre Mme [J] [B], épouse [U], et Mme [T] [K], épouse [A], ce dont il pouvait être déduit que les parties étaient convenues, après et en dépit de la résiliation de plein droit de ce bail du fait de la destruction totale des lieux loués, de demeurer liées par ce même bail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1134 et L. 145-41 du code de commerce.