Cour de cassation, Troisième chambre civile, 1 décembre 1993, 91-19.491

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1993-12-01
Cour d'appel d'Aix-en-Provence (3e chambre civile)
1991-04-18

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS I. Sur le pourvoi n° R 91-19.491 formé par M. Robert Z..., demeurant ... (Gard), en cassation d'un arrêt rendu le 18 avril 1991 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (3e chambre civile), au profit : 1 / de la société Dauphinoise de carrelages, dont le siège est ..., 2 / de M. Richard X..., demeurant avenue des Templiers, Pontcharra Breda (Isère), 3 / de la société Européenne de blanchisserie hospitalière, dont le siège est ... (8e), 4 / de M. André Y..., demeurant Les Combeaux à Saint-Sauveur, Saint-Marcellin (Isère) défendeurs à la cassation ; II. Sur le pourvoi n° A 91-22.053 formé par M. Richard X..., demeurant ..., en cassation du même arrêt, au profit : 1 / de la société Dauphinoise de carrelages, dont le siège est ..., 2 / de M. Robert Z..., demeurant ... à Villeneuve-les-Avignon (Gard), 3 / de la société Européenne de blanchisserie hospitalière, dont le siège est ... (8e), 4 / de M. André Y..., demeurant Les Combeaux à Saint-Sauveur, Saint-Marcellin (Isère) défendeurs à la cassation ; Sur le pourvoi n° A 91-22.053 : Le demandeur invoque invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Sur le pourvoi n° R 91-19.491 : M. Y... a formé, par un mémoire déposé au greffe le 10 avril 1992, un pourvoi provoqué contre le même arrêt ; Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Le demandeur au pourvoi provoqué invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 27 octobre 1993, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Fromont, conseiller rapporteur, MM. Cathala, Valdès, Capoulade, Mlle Fossereau, M. Chemin, Mme Borra, conseillers, Mme Cobert, M. Chapron, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Fromont, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Z..., de Me Choucroy, avocat de M. X..., de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. Y..., de Me Delvolvé, avocat de la société Européenne de blanchisserie hospitalière, les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Joint les pourvois n° s R 91-19.491 et A 91-22.053 ;

Sur le premier moyen

du pourvoi n° A 91-22.053 et le deuxième moyen, pris en sa première branche du pourvoi provoqué, réunis : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 avril 1991), que la société Européenne de blanchisserie hospitalière (la société EBH), maître de l'ouvrage, a, le 10 mai 1978, chargé des travaux de revêtement de sol de l'immeuble à vocation hospitalière, qu'elle a fait construire, la société Dauphinoise de carrelages (la société DC), qui en a confié les travaux de pose à MM. X..., Y... et Z... ; que les carrelages ayant présenté des désordres après réception, le maître de l'ouvrage, après expertise, a assigné en réparation la société DC qui a appelé en garantie MM. X..., Y... et Z... ;

Attendu que MM. X... et Y... font grief à

l'arrêt de déclarer recevable et fondée l'action dirigée contre eux par la société EBH et de reconnaître leur responsabilité quasi-délictuelle, alors, selon le moyen, "1 ) que le maître de l'ouvrage concluait à la condamnation in solidum de l'entrepreneur principal et des artisans à qui ce dernier avait confié l'exécution des travaux en invoquant à titre principal les règles de la responsabilité décennale, et à titre subsidiaire celles de la responsabilité contractuelle et, notamment, l'obligation de résultat qui incombe aux entrepreneurs ; que ce n'est donc qu'au prix de la méconnaissance des termes du litige et de la violation des articles 4 et 16 du nouveau Code de procédure civile que la cour d'appel a pu retenir la responsabilité des artisans en déclarant d'office recevable et fondée sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle l'action du maître de l'ouvrage ; 2 ) que, tenu de respecter le principe de la contradiction, le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations ; que le maître de l'ouvrage avait fondé son action directe contre les artisans sur la garantie décennale incombant aux constructeurs ou sur la responsabilité contractuelle de droit commun en tant qu'elle repose sur une "présomption de faute" ; qu'en déclarant M. Y... responsable sur le fondement d'une faute quasi-délictuelle, sans provoquer les explications préalables des litigants sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile" ;

Mais attendu

que le maître de l'ouvrage ayant sollicité, dans ses conclusions d'appel, la garantie des constructeurs, "quel que soit le fondement de la responsabilité", la cour d'appel, tenue de trancher le litige conformément aux règles de droit applicables, a pu, sans modifier l'objet du litige, ni violer le principe de la contradiction, faire application de la responsabilité quasi-délictuelle ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé de ce chef ;

Sur le premier moyen

du pourvoi n° R 91-19.491 :

Attendu que M. Z... fait grief à

l'arrêt de juger que l'action de la société EBH relève de la garantie décennale et a été introduite dans le délai légal, alors, selon le moyen, "qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que les désordres sont apparus peu après la réception des travaux en janvier 1979 et que l'expert, commis par le juge des référés, a déposé son rapport en août 1983 ; que cependant le maître de l'ouvrage a, dès après la réception des travaux, affecté les locaux à l'activité de blanchisserie qui leur était réservée et n'a assigné l'entrepreneur en réparation des dommages résultant de ces désordres que le 31 juillet 1986, soit trois ans après le dépôt des conclusions expertales qui définissaient très précisément la nature et l'ampleur des désordres, et plus de sept années après avoir utilisé les locaux pour l'exercice de son activité professionnelle ;

qu'en statuant ainsi

, bien que ces circonstances établissaient que ces désordres n'entraînaient tout au plus qu'un trouble d'exploitation, mais n'empêchaient en rien l'utilisation des locaux conformément à leur destination prévue, ce qui interdisait de retenir la garantie décennale de l'entrepreneur, la cour d'appel a violé les articles 1792 et 2270 du Code civil" ; Mais attendu qu'ayant relevé que le revêtement constituait un gros ouvrage en ce qu'il aurait dû faire corps avec la dalle porteuse, du fait des soudures qui auraient dû être réalisées lors de la pose, si celle-ci avait été correctement exécutée et que les désordres évolutifs affectaient le revêtement de plusieurs locaux dans lesquels le personnel, appelé à circuler, était exposé aux risques d'accident que comportait le décollement des dalles non soudées, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que ces désordres rendaient l'immeuble impropre à sa destination, en a déduit, à bon droit, qu'ils relevaient de la garantie décennale ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen

du pourvoi n° R 91-19.491, les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° A 91-22.053, le deuxième moyen du pourvoi provoqué, pris en sa seconde branche, et le troisième moyen du pourvoi provoqué, réunis :

Attendu que MM. X..., Z... et Y... font grief à

l'arrêt de retenir leur responsabilité, alors, selon le moyen, "1 ) qu'il résulte du rapport d'expertise que le vice affecte les sols de locaux industriels soumis à des contraintes spéciales et qu'il ne provient absolument pas des conditions de pose des dalles mais uniquement de l'absence de soudure des joints, alors que cette soudure était pourtant prévue au devis descriptif de l'entrepreneur principal ; que, dans ces conditions, la cour d'appel, qui ne vérifie pas si les artisans avaient eu connaissance des contraintes spéciales qui seraient imposées au sol des locaux et qui nécessitaient de procéder à une soudure des dalles, n'a pas caractérisé la faute quasi-delictuelle de M. X..., a violé l'article 1382 du Code civil ; 2 ) qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que les locaux litigieux étaient soumis à des contraintes spécifiques liées à leur destination de blanchisserie, telles que l'utilisation d'agents chimiques dissolvants des colles ; qu'en retenant une faute d'exécution contre M. Y..., sans rechercher si la nécessité de souder les dalles s'imposait en raison de la nature même des matériaux utilisés ou résultait de la destination particulière des lieux dont M. Y... n'avait pas été informé par l'entrepreneur principal sous l'autorité duquel il avait exécuté sa prestation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil" ;

Mais attendu

qu'ayant souverainement retenu que les désordres provenaient de l'absence de soudure des joints et relevé la mauvaise exécution du travail de MM. Z..., X... et Y..., lesquels, en leur qualité de spécialistes, auraient dû connaître les règles de pose des dalles Taralay 32, que, dans le cas contraire, ils auraient dû, soit s'informer, soit refuser le travail qui leur était confié, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé la faute commise par les artisans et a souverainement apprécié le partage des responsabilités, a, sans se contredire, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le premier moyen

du pourvoi provoqué :

Attendu que M. Y... fait grief à

l'arrêt de le déclarer responsable des désordres en qualité de sous-traitant, alors, selon le moyen, "que la rémunération à la tâche d'un ouvrier engagé pour exécuter des travaux relevant de sa spécialité n'est pas en soi exclusif d'un lien de subordination ;

qu'en décidant

que M. Y... était intervenu en qualité de sous-traitant de l'entrepreneur titulaire du marché relatif à la réalisation des revêtements de sols, par cela seul qu'il était un spécialiste en la matière et avait été rémunéré au mètre carré, sans autrement caractériser l'absence de lien de subordination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1779 du Code civil et 1er de la loi du 31 décembre 1975" ; Mais attendu qu'ayant retenu que M. Y... était un artisan ayant pour activité le revêtement des sols, qu'il avait été chargé d'une partie de la pose des dalles, sans lien de subordination avec la société DC et qu'il avait facturé son travail au mètre carré et non à l'heure ou à la journée, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE les pourvois ; Dit n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne, ensemble, MM. Y..., X... et Z... aux dépens des pourvois et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du premier décembre mil neuf cent quatre-vingt-treize.