Cour de cassation, Chambre sociale, 29 juin 2017, 15-22.569

Synthèse

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Texte intégral

SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2017 Rejet non spécialement motivé Mme Z..., conseiller le plus ancien faisant fonction de président Décision n° 10711 F Pourvoi n° S 15-22.569 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante : Vu le pourvoi formé par M. Gaëtan X..., domicilié [...], contre l'arrêt rendu le 29 mai 2015 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Peri, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 17 mai 2017, où étaient présents : Mme Z..., conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. A..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Slove, conseiller, M. Y..., avocat général référendaire, Mme Becker, greffier de chambre ; Vu les observations écrites de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de M. X..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Peri ; Sur le rapport de M. A..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé

, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée

;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE

à la présente décision Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X... Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Gaëtan X... de ses demandes tendant à voir juger que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, obtenir le paiement d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et d'une indemnité de congés payés correspondante, d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité de préavis et d'une indemnité de congés payés correspondante, et de dommages et intérêts, et d'avoir condamné M. Gaëtan X... à verser à la SAS Peri la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ; AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement "pour faute grave" faisant suite à l'entretien préalable en date du 24 mars 2011 vise à titre principal une faute grave et au surplus une insuffisance professionnelle ; s'agissant de la faute grave, la lettre de licenciement mentionne l'utilisation par le salarié d'une partie du carburant acquis avec la carte à d'autres fins que professionnelles, pour d'autres objets que les démarches de prospection et d'action commerciale, de visites auprès de clients ou de réunions avec ses collègues ou supérieurs hiérarchiques - auxquelles il ne se rend pas toujours -, soit l'utilisation des fonds de la société de manière déloyale et frauduleuse …en profitant des avantages mis en place par la société ; la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; par ailleurs aux termes de l'article L. 1332-4 du Code du Travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; en l'espèce la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige fait état de l'étude du relevé mensuel de la carte de carburant de M. X... pour février 2011 ainsi que de ses déclarations au cours du même mois sur le nombre de kms parcourus qui, apparaissant incohérentes, ont conduit à l'étude des relevés antérieurs et la société Peri précise que c'est en voulant faire le point sur son activité professionnelle qu'elle s'est intéressée aux états de frais de carburant de M. X... ; ces explications sont cohérentes avec la chronologie des faits telle que rappelée ci dessus ; dès lors M. X... est mal fondé à invoquer la prescription des faits évoqués dans la lettre de licenciement, soit l'utilisation abusive depuis sa prise de possession du véhicule en juillet 2010 du carburant supposé consommé par ce véhicule ; Et AUX MOTIFS QUE, sur l'utilisation de la carte de carburant qualifiée de frauduleuse par l'employeur : à la demande de M. X..., celui-ci s'est vu attribuer en février 2011 un véhicule purement commercial, à usage exclusivement professionnel, alors qu'il bénéficiait précédemment d'un véhicule de fonction dont l'entretien et le carburant était pris en charge par la société, y compris pour les kilomètres à titre personnel, avec cependant en contrepartie une retenue sur son salaire qu'il a rapidement discutée ; dès lors l'utilisation du véhicule était strictement professionnelle de même que l'utilisation de la carte d'essence qui devait être exclusivement affectée aux déplacements professionnels de ce véhicule ; la société PERI démontre d'une part que M. X... a déclaré le 3 février un kilométrage de 28.800 Kms sur son véhicule alors que le garagiste qui a procédé à des réparations sur ce véhicule avait relevé la veille un kilométrage de 25.853 kms, d'autre part qu'entre le 3 et le 24 février 2011, M. X... a fait l'acquisition à l'aide de la carte de carburant, de 290,1 litres de gazole, ce qui correspondrait, compte tenu de la consommation moyenne de son véhicule - de 4,51 pour 100 km, soit 1100 kms parcourus pour un plein de 52 litres - à une distance parcourue de 6.447 kms, et non de 4.000 kms selon les déclarations de celui-ci lors de ses passages en station ; alors qu'elle lui fait reproche par ailleurs une activité professionnelle faible, la société Peri estime à juste titre un tel kilométrage incohérent, M. X... ayant fait au surplus valoir son incapacité physique à effectuer de longues distances ; force est de constater que M. X... ne produit aucun élément de nature à justifier cette consommation de carburant, sauf à avancer une conduite peut être peu économe qui est insuffisante à justifier d'un tel écart ne donnant aucune précision sur son activité commerciale et les distances parcourues dans ce cadre alors qu'il a fait l'objet d'un rappel de la part de Peri en septembre 2010 relativement à la mauvaise tenue de sa plateforme commerciale - facturation, affaires enregistrées, dates de livraison - ; si il reconnaît " ne pas être rigoureux sur les relevés de compteur de la voiture " en indiquant qu'il se contentait à chaque plein de rajouter 800 kms au dernier ticket, la cour ne saurait se satisfaire d'une telle explication, dès lors qu'il appartenait à M. X... de relever le kilométrage réel s'affichant sur son tableau de bord ainsi que le faisaient ses autres collègues, ce qui n'apparaît pas une contrainte insurmontable ; enfin, il doit être également constaté que M. X... effectuait selon ses dires un plein tous les 800 kms alors que la consommation moyenne de son véhicule lui permettait de parcourir une distance de 1100 kms pour un plein de 52 litres - ; il se déduit de l'ensemble de ces éléments que M. X... a fait un usage abusif du carburant obtenu à l'aide de la carte de carburant affecté à son véhicule de fonction, et les constatations faites par les premiers juges de l'achat par deux fois de carburant la veille du début de son arrêt maladie mais également la veille de la fin du même arrêt, viennent confirmer cet usage abusif ; ce faisant, M. X... a commis une faute grave, sa déloyauté et l'usage abusif des fonds de son employeur rendant impossible son maintien dans l'entreprise, justifiant le prononcé de son licenciement ; il ne peut soutenir par ailleurs que le motif réel de son licenciement réside dans sa situation de santé, et son statut de travailleur handicapé dès lors qu'il est établi que la société Peri qui lui reprochait par ailleurs une insuffisance professionnelle, lui avait adressé une lettre de re-cadrage puis une convocation en vue de faire le point sur son activité commerciale avant d'avoir connaissance de l'obtention par M. X... de son statut de travailleur handicapé alors que la visite médicale de reprise de janvier 2011 n'avait formulé aucune réserve sur sa capacité à reprendre son poste ; en outre son insuffisance professionnelle est caractérisée par le simple constat de sa particulièrement faible contribution à l'activité commerciale, à hauteur de 0,36 de l'ensemble du chiffre réalisé par l'équipe technico commerciale, et la comparaison de son chiffre d'affaire avec ceux réalisés précédemment sur son secteur; il résulte également de ses carences relativement à ses obligations de suivi de son activité en dépit des rappels qui lui ont été faits par son employeur ; en conséquence, la cour confirmera le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Et AUX MOTIFS adoptés QUE M. X... adressait un mail le 5 février 2010 à sa direction pour signifier son refus d'avoir à payer une participation aux frais de carburant et de péage occasionnés par l'utilisation de son véhicule de fonction pour son usage personnel et demandait à utiliser un véhicule commercial pour ne pas payer cette participation ; qu'en réponse, la SA Peri a mis à sa disposition en juillet 2010 un véhicule commercial neuf Peugeot, modèle 308 HDI, et que M. X... n'avait plus à payer une participation aux frais de carburant et de péage occasionnés par l'utilisation de son véhicule de fonction pour son usage personnel ; le conseil de prud'hommes dit que M. X... ne pouvait ignorer que l'usage de sa carte de carburant était réservé à un usage strictement professionnel ; qu'en février 2011, la SAS Peri, alertée par des irrégularités sur la consommation de carburant, a examiné les factures Total de juillet 2010 jusqu'à mars 2011 ; que M. X... était en arrêt de travail du 9 au 26 octobre 2010, ainsi qu'il est mentionné sur le bulletin de salaire de novembre 2010 ; que la facture Total du 31 octobre 2010 fait apparaître : - un achat par M. X... de 58,90 litres de gazole le 7 octobre 2010 à 18h32, la veille du début de son arrêt maladie, - un achat de 58,75 litres le 25 octobre à 6h34, la veille de la fin de son arrêt maladie, - un kilométrage de 800 kilomètres effectué pendant son arrêt maladie entre ces deux dates ; que M. X... a eu un deuxième arrêt de travail du 18 décembre 2010 au 9 janvier 2011, tel que mentionné sur le bulletin de salaire de janvier 2011 ; que la facture Total du 31 décembre 2010 fait apparaître un achat par M. X... 52,8 litres de gazole le 16 décembre 10 à 19h12, la veille du début de son arrêt maladie ; que la facture Total du 31 janvier 2011 mentionne un achat par M. X... de 58,24 litres de gazole le 10 janvier 2011 à 10h46, la veille de sa reprise de travail ; que le kilométrage saisi est à nouveau de 800 kilomètres pendant ce deuxième arrêt maladie intervenu pour des problèmes de dos ; le conseil de prud'hommes constate que ces kilométrages et pleins de carburants sont incohérents avec l'usage du véhicule à des fins professionnelles, d'autant plus que la fiche technique de ce véhicule versée aux débats indique une consommation mixte de 4.5 litres/100 kilomètres, soit plus de 1.100 kilomètres avec un plein de 52 litres ; que le relevé de carburant sur la facture Total de février 2011 fait apparaître un kilométrage saisi de 28.800 kilomètres au compteur lors d'un plein d'essence effectué le 3 février 2011 ; que le véhicule de M. X... était au garage la veille pour des réparations du lundi 31 janvier au 2 février 2011 et que le garage a relevé sur le véhicule un kilométrage de 25.853 kilomètres ; qu'un kilométrage de kilomètres a été saisi lors d'un plein effectué le 24 février 2011 alors que, comme indiqué au paragraphe précédent, un kilométrage de 28.800 kilomètres au compteur avait été saisi lors du plein d'essence effectué le 3 février 2011 ; que suivant le même document, il apparaît que M. X... a acheté, entre le 3 et 24 février 2011, via sa carte de carburant, 290 litres de gazole, pour 4.000 kilomètres entre ces deux dates, soit une consommation de 7,25 litres/100 kilomètres ; que la consommation mixte dudit véhicule est 4,5 litres/100 kilomètres ; que suivant le tableau des consommations de carburants de vingt-huit conducteurs de la SAS Peri, il apparaît que M. X... est le seul qui dépasse de 75% la consommation mixte indiquée par le constructeur ; que la lettre de licenciement fixe les termes du litige et stipule : ''Vous avez fait un usage de votre carte carburant, donc des fonds de la société, de manière parfaitement déloyale et frauduleuse ...,.. Ceci démontre que votre démarche repose sur un mensonge permanent et un calcul déloyal à notre encontre justifiant votre licenciement pour faute grave ..." ; vu ce qui précède, le conseil de prud'hommes dit que la faute grave est qualificative des faits reprochés ; en conséquence, le conseil de prud'hommes déboute M. X... de l'ensemble de ses demandes ; ALORS QUE conformément aux dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être licenciée en raison de son état de santé ; que la cour d'appel a retenu que le salarié « ne peut soutenir que le motif réel de son licenciement réside dans sa situation de santé, et son statut de travailleur handicapé dès lors qu'il est établi que la société Peri qui lui reprochait par ailleurs une insuffisance professionnelle, lui avait adressé une lettre de re-cadrage puis une convocation en vue de faire le point sur son activité commerciale avant d'avoir connaissance de l'obtention par M. X... de son statut de travailleur handicapé alors que la visite médicale de reprise de janvier 2011 n'avait formulé aucune réserve sur sa capacité à reprendre son poste » ; qu'en statuant de la sorte alors que le licenciement a été prononcé pour faute grave et qu'elle devait rechercher si la mise en oeuvre de la procédure de licenciement pour faute grave le 16 mars 2011 avec prononcé immédiat d'une mise à pied n'avait pas eu lieu aussitôt après l'envoi, les 25 janvier, 30 janvier et 9 février 2011 de courriers par le salarié dans lesquels il informait son employeur de sa reconnaissance en qualité de travailleur handicapé, lui demandait d'envisager un aménagement de son poste de travail et une formation de reclassement et lui précisait qu'il ne pouvait pas effectuer plus de deux heures de trajet d'affilée en raison de son état de santé, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1134-1 et L. 1232-6 du code du travail ; ALORS surtout QUE l'employeur ne peut pas licencier un salarié en lui reprochant subitement un comportement qu'il a toléré pendant longtemps ; que la cour d'appel a retenu que l'employeur, qui avait engagé la procédure de licenciement en mars 2011, était fondé à reprocher au salarié une utilisation abusive de carburant depuis la prise de possession du véhicule en juillet 2010 ; qu'en se fondant sur des faits anciens et tolérés de longue date par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ; ALORS QUE la charge de la preuve de la faute grave incombe exclusivement à l'employeur ; que le salarié ne rien à démontrer et doit profiter du doute ; que la cour d'appel, après avoir retenu que, selon l'employeur, le kilométrage du véhicule utilisé par le salarié pour ses besoins professionnels était incohérent et ne correspondait pas à la consommation de carburant, a considéré que la faute grave était caractérisée aux motifs que le salarié ne produisait « aucun élément de nature à justifier cette consommation de carburant, sauf à avancer une conduite peut être peu économe, qui est insuffisante à justifier un tel écart ne donnant aucune précision sur son activité commerciale et les distances parcourues…. » et que s'il reconnaissait ne pas être rigoureux sur les relevés de compteur de la voiture, la cour d'appel ne saurait se satisfaire d'une telle explication ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en se fondant sur l'absence ou l'insuffisance d'explication ou de justifications fournies par le salarié, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ; ALORS en tout cas QU'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il n'a eu connaissance des faits fautifs que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire et les juges du fond ne peuvent considérer qu'un fait est établi en se fondant sur les affirmations de la partie sur laquelle repose la charge de la preuve ; que pour écarter la prescription, quand la procédure de licenciement avait été engagée le 16 mars 2011, la cour d'appel a retenu que l'employeur avait constaté des incohérences en février 2011 concernant les kilomètres parcourus et qu'il s'était alors intéressé aux états de frais de carburant de M. X... depuis sa prise de possession du véhicule en juillet 2010 ; qu'en se fondant sur les seules affirmations de l'employeur sur lequel reposait la charge de la preuve qu'il n'avait pas eu connaissance antérieurement des faits survenus plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, la cour d'appel a violé les articles 9 du code de procédure civile et 1315 du code civil ; ALORS enfin QUE l'insuffisance professionnelle ne présente pas un caractère fautif et ne peut justifier un licenciement pour faute grave ; que la cour d'appel a retenu que le licenciement était également fondé sur une insuffisance professionnelle du salarié ; qu'en considérant que le licenciement, prononcé pour faute grave, était justifié par une insuffisance professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail.