Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 5 juillet 2017, 16-10.750

Synthèse

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Texte intégral

COMM. CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 juillet 2017 Rejet non spécialement motivé Mme MOUILLARD, président Décision n° 10285 F Pourvoi n° R 16-10.750 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante : Vu le pourvoi formé par Mme Anne X..., domiciliée [...], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. Patrick Y..., contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2015 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Scrigno France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 23 mai 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Z..., conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, M. A..., avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ; Vu les observations écrites de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme X..., ès qualités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Scrigno France ; Sur le rapport de Mme Z..., conseiller, l'avis de M. A..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article

1014 du code de procédure civile ; Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée

;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X..., ès qualités, aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-sept

qu'en statuant ainsi

, sans examiner, ainsi qu'elle y était invitée, si la qualification de faute grave ne présentait pas un caractère disproportionné eu égard au chiffre d'affaires réalisé par l'agent avec son mandant d'une part et avec les concurrents de celui-ci d'autre part, la cour d'appel a violé l'article L.134-13 du code de commerce. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION LE MOYEN REPROCHE à l'arrêt attaqué D'AVOIR, pour dire que M. Y... avait commis une faute grave le privant de toute indemnisation conformément à l'article L.134-13 du code de commerce, retenu qu'il avait manqué à son obligation de rendre des comptes à son mandant, AUX MOTIFS QUE « le mandat prévoit à l'article 2 que l'agent « tient le mandant informé de l'état du marché, du comportement de la clientèle et des initiatives de la concurrence » ; que certes il n'est prévu aucune modalité précise que devrait revêtir le compte-rendu fait par l'agent auprès de son mandant ; que cependant l'obligation de rendre compte est une obligation essentielle de tout mandat et il appartient au mandataire de justifier d'y avoir satisfait ; qu'or M. Patrick Y... n'apporte aucun élément de preuve, se contentant d'affirmer dans ses conclusions avoir « parfaitement respecté son devoir d'information en communiquant à la société Scrigno lors des très nombreux entretiens téléphoniques qui ont émaillé la collaboration tous les éléments nécessaires à l'exécution des affaires » ; que c'est en vain qu'il oppose l'absence de réclamation de la part de la Sarl Scrigno France antérieurement à la rupture du mandat, cela ne pouvant le dispenser de la charge de la preuve, des communications téléphoniques même fréquentes ne pouvant en tout état de cause suffire à transmettre toutes les informations requises sur l'état du marché, la clientèle et la concurrence nécessitant des données chiffrées précises » ; ALORS D'UNE PART QUE la charge de la preuve d'une faute grave commise par l'agent commercial pèse sur le mandant ; que pour retenir l'existence d'une telle faute en l'espèce, la cour d'appel a estimé que l'agent commercial ne rapportait pas la preuve qu'il avait satisfait à son obligation de rendre des comptes à son mandant ; qu'en faisant ainsi peser sur l'agent commercial la preuve de son absence de faute, quand il incombait à son mandant de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article L.134-13 du code de commerce, ensemble l'article 1315 du code civil ; ALORS D'AUTRE PART QUE sauf clause contraire, l'obligation pour le mandataire de rendre compte peut s'exécuter par tous moyens ; qu'en l'espèce la cour d'appel, après avoir relevé que le contrat d'agence commerciale qui liait les parties ne subordonnait le compte-rendu dû par l'agent à son mandant à aucune modalité précise, a néanmoins considéré que « des communications téléphoniques même fréquentes ne [pouvaient] en tout état de cause suffire à transmettre toutes les informations requises sur l'état du marché, la clientèle et la concurrence nécessitant des données chiffrées précises » ; qu'en restreignant ainsi les modalités d'exécution, par l'agent, de son obligation de rendre des comptes, après avoir relevé que cette exécution n'obéissait à aucune modalité précise, ce qui impliquait qu'elle pouvait s'accomplir par tout moyen, y compris par voie de communications téléphoniques, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1993 du code civil, ensemble l'article R.134-1 du code de commerce. TROISIEME MOYEN DE CASSATION LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR, pour dire que M. Y... avait commis une faute grave le privant de toute indemnisation conformément à l'article L.134-13 du code de commerce, retenu à son encontre le grief de dénigrement et estimé qu'il avait manqué de loyauté envers son mandant, AUX MOTIFS QUE « que la société appelante justifie par le courriel adressé le 21 juillet 2009 (sa pièce n°17) par un autre de ses agents commerciaux, Mme E..., que M. Patrick Y... en présence de deux clients, les représentants de Marché Point P et Sicobois, a fait état du projet de la société Scrigno de remplacer, en France et en Italie, ses représentants par des vendeurs usine salariés ; que M. Patrick Y... conteste avoir commis là une faute, en arguant de l'absence de caractère mensonger de cette information relative à la réorganisation de Scrigno dont il avait eu connaissance par ses contacts permanents avec la maison mère en Italie, et communiquée « par correction » envers ces deux clients ; que l'exactitude de l'information ainsi divulguée importe peu en l'espèce ; que cette information, en étant portée à la connaissance de tiers et en présence d'autre agents, jette la suspicion sur les raisons qui pourraient conduire la Sarl Scrigno France à modifier radicalement sa stratégie commerciale et contribue à déstabiliser l'action des autres représentants - à l'instar de Mme E... qui fait part de ses vives inquiétudes à la Sarl Scrigno France dans le document précité- et par là même à mettre en cause l'ensemble du réseau de distribution ; qu'ainsi M. Patrick Y... a bien, nonobstant ce qu'il prétend, commis une faute en manquant là encore à son obligation de loyauté envers son mandant ; que cette faute a d'ailleurs donné lieu de la part à la Sarl Scrigno France à l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception le 4 août 2009 pour mettre en demeure M. Patrick Y... de cesser son comportement, après lui avoir rappelé que ces propos « ne peuvent être tolérés dans le cadre des rapports de confiance et de loyauté qui doivent exister entre un mandant et son mandataire. Je vous rappelle à toutes fins que votre qualité d'agent commercial ne vous autorise pas, en tout état de cause, à vous immiscer dans la gestion de l'entreprise»; ALORS QUE le dénigrement est un abus de la liberté d'expression qui consiste à porter atteinte à l'image de marque d'une entreprise ou d'un produit désigné ou identifiable afin de détourner la clientèle en usant de propos ou d'arguments répréhensibles ayant ou non une base exacte, diffusés ou émis de manière à toucher les clients de l'entreprise visée, concurrente ou non de celle qui en est l'auteur ; qu'il ne saurait donc, par hypothèse, y avoir de dénigrement en l'absence de propos dénigrants ; qu'en affirmant néanmoins que M. Y... avait dénigré son mandant et manqué de loyauté à son égard, pour la raison qu'il avait fait état, en présence de deux clients, du projet de la société Scrigno de remplacer, en France et en Italie, ses représentants par des vendeurs usine salariés, sans constater que l'agent avait tenu le moindre propos dénigrant à l'encontre de son mandant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.134-13 du code de commerce, ensemble l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

MOYENS ANNEXES

à la présente décision Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X..., ès qualités PREMIER MOYEN DE CASSATION LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR considéré que M. Patrick Y... avait, en assurant pendant plusieurs années la représentation d'un concurrent de la société Scrigno France, commis une faute grave justifiant la résiliation du contrat opérée par cette dernière et le privant de toute indemnisation conformément à l'article L.134-13 du code de commerce, AUX MOTIFS QUE « certes l'article L.134-3 du code de commerce énonce que l'agent commercial peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants ; que toutefois il ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de celle de l'un de ses mandants sans accord de ce dernier ; que cependant les parties ont expressément prévu au contrat que l'agent commercial « s'engage à ne pas accepter une représentation directement ou indirectement concurrente », cette clause plus sévère librement choisie et consentie par les parties devant dès lors prévaloir ; que la matérialité de la représentation par M. Patrick Y... F... n'est aucunement contestée par l'intéressé, lequel soutient que « la société Scrigno France a toujours eu connaissance de la collaboration qu'entretenait Monsieur Y... ou la société P2ML avec la société Alfalum, et qu'elle n'y a jamais vu le moindre inconvénient » (page 11 des conclusions de l'intimé) et qu'il admet « en 2003...(être) effectivement devenu l'agent commercial de la société Alfalum qui lui a exclusivement confié la vente en France de portes intérieures et menuiseries extérieures » (page 12 des conclusions) et que « au mois de février 2006, Monsieur Y..., afin de développer ses activités, notamment en réalisant des opérations d'achat pour reventes, a constitué la société P2ML à qui il a transféré le mandat d'agent commercial qu'il détenait de la société Alfalum » ; que par ses pièces n° 22 et 23, l'appelante démontre que M. Patrick Y... était convié en mars 2007 par la société Alfalum à une formation organisée à San Marino et à la foire de Bologne et qu'il a participé à une réunion en juin 2008 ayant pour objet la vente des produits Alfalum ; qu'il est donc établi que M. Y..., agent commercial de la Sarl Scrigno France pour les châssis et une gamme de portes, a accepté de représenter la société Alfalum , commercialisant également des portes et châssis, entreprise directement concurrente de son mandant, contrevenant ainsi à l'obligation prise envers la Sarl Scrigno France de « ne pas accepter une représentation directement ou indirectement concurrente » ; qu'il importe peu dès lors que des produits Alfalum aient ou non été vendus par lui, puisqu'il suffit qu'il ait accepté de proposer à la vente les produits du concurrent dont il a accepté la représentation ; que M. Y... oppose en vain la connaissance de la situation qu'aurait eue la Sarl Scrigno France par ses liens avec la société holding, toutes sociétés détenues par la famille B..., dès lors qu'il s'agit de sociétés dotées d'une personnalité morale autonome et que leur appartenance à un même groupe importe peu ; que c'est aussi vainement qu'il excipe de l'absence de dissimulation et de sa sincérité envers la Sarl Scrigno France, dès lors que M. Y... n'a pas mentionné la représentation d'Alfalum dans son courrier adressé le 2 juin 2003 où il listait les mandats dont il était titulaire - et ce alors pourtant qu'il assurait la représentation d'Alfalum à compter de 2003 - (pièce n° 8 de l'appelante), ni davantage dans le courrier du 30 mars 2009 (pièce n° 9 de l'appelante) ; qu'il ne peut donc sérieusement prétendre à une tolérance de la part de la Sarl Scrigno France qu'il n'a à aucun moment avisé d'une représentation concurrente pour le compte d'Alfalum ; qu'enfin c'est toujours en vain que M. Y... excipe de l'indépendance de l'agent commercial pour déterminer ses modalités d'action dans l'exécution de son mandat, dès lors que l'obligation de loyauté lui impose de toujours respecter l'intérêt du mandant en évitant toute confusion possible vis-à-vis de la clientèle ; qu'or l'appelante démontre par sa pièce n°5 que M. Y... faisait une présentation unique de son activité « Agence Patrick Y... / P2ML », sous la même adresse et des coordonnées uniques de téléphone et télécopie, pour présenter sur son site internet les différentes portes proposées, et ce alors que le mandat, confié intuitu personnae par la Sarl Scrigno France, lie M. Y... personnellement et que ce dernier exerce d'autres mandats d'agent via sa société P2ML ; que cela est corroboré par l'attestation de M. C..., salarié de M. Y..., produite par l'appelante en pièce n°6 ; que surtout la société appelante démontre la confusion qui en résulte pour la clientèle et l'atteinte portée à l'intérêt du mandant ; qu'ainsi elle verse en pièce n°20 le courriel du 25 septembre 2009 par lequel un client, M. D..., chef de marché Menuiserie Trialis, se plaint auprès de la Sarl Scrigno France de l'agent commercial de celle-ci, dans les termes suivants : « Votre marque est représentée par M. Patrick Y... qui se présente dans nos agences sous le nom de sa société P2ML. Or, pour plusieurs raisons qui nous concernent, nous ne sommes plus disposés à faire confiance à cette agence commerciale. Il est de première importance de pouvoir garantir nos engagements à nos partenaires au travers d'un référencement clair. L'agence P2ML représente plusieurs cartes et ce, dans son droit le plus absolu. Malheureusement, le manque de clarté dans le discours de M. Y... nous a posé de récents problèmes commerciaux, ceci explique notre décision. » ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, faisant apparaître que M. Patrick Y... a assuré pendant plusieurs années la représentation d'un concurrent direct de la Sarl Scrigno France dans des conditions qui de plus ont pu être préjudiciables pour l'image de son mandant, au mépris de l'article 2 de son contrat et de l'article L.134-3 du code de commerce, il est ainsi démontré que M. Y..., en manquant de la sorte à son obligation essentielle de loyauté par l'exercice caché d'une activité parallèle au bénéfice d'un concurrent, a commis une faute, laquelle porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel ; que cette faute grave justifie la résiliation du contrat opérée par la Sarl Scrigno France et suffit à priver l'intimé de toute indemnisation conformément à l'article L.134-13 du code de commerce ; que les premiers juges ne pouvaient écarter cette qualification par considération du chiffre d'affaires apporté par M. Y..., lequel est parfaitement inopérant au regard des manquements qui viennent d'être décrits » ; ALORS D'UNE PART QUE s'il résulte de l'article L.134-13 du code de commerce que la réparation prévue à l'article L.134-12 n'est pas due lorsque la cessation du contrat a été provoquée par la faute grave de l'agent, une telle faute n'est pas constituée dans les hypothèses où le mandant a eu connaissance du comportement de l'agent et l'a, fût-ce implicitement, toléré ; qu'en considérant néanmoins que M. Y... opposait en vain la connaissance de la situation qu'aurait eue la Sarl Scrigno France par ses liens avec la société holding, toutes sociétés détenues par la famille B..., dès lors qu'il s'agit de sociétés dotées d'une personnalité morale autonome et que leur appartenance à un même groupe importe peu, alors qu'une telle connaissance, loin d'être indifférente, était au contraire de nature à écarter toute faute grave de la part de l'agent, la cour d'appel a violé l'article L.134-13 du code de commerce ; ALORS D'AUTRE PART QUE Maître X... soutenait dans ses écritures d'appel que ne saurait être constitutif d'un agissement fautif le fait pour un agent commercial de recourir à des sous-agents dans la mesure où il y a là pour l'agent une faculté prévue par la loi, à l'article L.134-1 du code de commerce, qui était au surplus rappelée par le contrat d'agence du 23 octobre 1998 ; que Maître X... en déduisait que M. Y... était parfaitement en droit de déléguer à la société P2ML tout ou partie du mandat d'agent commercial qui lui avait été confié par la société Scrigno France ; qu'en reprochant néanmoins à M. Y... d'avoir, en faisant une présentation unique de son activité « Agence Patrick Y.../P2ML » sous la même adresse et des coordonnées uniques, agi fautivement et manqué à l'obligation de loyauté, sans examiner, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si M. Y... n'avait pas simplement usé de sa faculté légale de recourir à un sous-agent, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, enfin et en toute hypothèse, QUE la qualification de faute grave ne doit pas présenter un caractère disproportionné eu égard au chiffre d'affaires apporté par l'agent commercial à son mandant, comparé à celui réalisé avec les concurrents de celui-ci ; que Maître X... rappelait, dans ses conclusions d'appel, que la preuve n'était pas rapportée de la moindre vente par M. Y... de châssis coulissants Alfalum ; qu'il soutenait au surplus que la société Scrigno France était mal fondée à soutenir que les prétendues fautes commises par M. Y... l'auraient gravement déstabilisée tant vis-à-vis de ses clients que des autres agents commerciaux, dans la mesure où son chiffre d'affaires en France avait progressé de façon spectaculaire ; que la cour d'appel a néanmoins considéré d'une part qu'il importait peu que des produits Alfalum aient été ou non vendus par M. Y... et d'autre part que les premiers juges ne pouvaient écarter la qualification de faute grave par considération du chiffre d'affaires apporté par M. Y..., lequel était parfaitement inopérant au regard des manquements commis par ce-dernier ;