Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 13 octobre 1998, 96-19.165

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1998-10-13
Cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre)
1996-06-03

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le pourvoi formé par la Société maritime et commerciale internationale (SMCI), société à responsabilité limitée, dont le siège est ..., En présence de : - M. Paul-Marie B..., ès qualités de liquidateur de la SMCI, domicilié ..., en cassation d'un arrêt rendu le 3 juin 1996 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre), au profit : 1 / de M. Bernard Y..., demeurant ..., 2 / de la Banque française commerciale Antilles-Guyane, société anonyme, dont le siège est ..., 3 / de Mme X... Ravise Bes, représentant des créanciers de M. Bernard Y..., domiciliée en cette qualité à La Digue, Bas du Fort, 97190 Le Gosier, défendeurs à la cassation ; Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 9 juin 1998, où étaient présents : M. Grimaldi, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Rémery, conseiller référendaire rapporteur, M. Apollis, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Rémery, conseiller référendaire, les observations de Me Vuitton, avocat de la Société maritime et commerciale internationale (SMCI) et de M. B..., ès qualités, de Me Guinard, avocat de M. Y... et de Mme A... Bes, ès qualités, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la Banque française commerciale Antilles-Guyane, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Basse-Terre, 3 juin 1996), que la Société maritime et commerciale internationale (le fréteur), propriétaire du navire "Marie-Galante I", a frété celui-ci à M. Y..., suivant une charte-partie d'affrètement "coque nue", pour effectuer une liaison maritime entre les îles des Caraïbes et la Guyane ; qu'après résiliation du contrat, des difficultés ont opposé les parties sur la liquidation de leurs comptes ; qu'au cours de l'instance d'appel, M. Y... a été mis en redressement judiciaire ;

Sur le premier moyen

: Attendu que le fréteur, subrogé dans les droits de l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM) pour avoir payé diverses cotisations sociales, outre majorations de retard, liées à l'engagement du capitaine et de l'équipage du navire affrété, reproche d'abord à l'arrêt d'avoir fixé sa créance à ce titre à la somme de 196 068,16 francs au lieu de celle de 379 000 francs, alors, selon le pourvoi, qu'en se déterminant de la sorte, sans se prononcer, même sommairement, sur les quittances subrogatives émanant de l'ENIM que le fréteur avait produites à l'appui de sa demande de remboursement de la somme de 379 000 francs, correspondant aux montants des charges sociales par elle acquittées auprès de cet organisme pendant la période d'armement du navire au profit de M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

que l'arrêt retient que les charges sociales que l'affréteur devait supporter, en tant que dépenses annexes d'équipage, correspondent à la période faisant l'objet des quittances subrogatives délivrées par l'ENIM les 18 janvier et 2 mars 1990, écartant par là-même la troisième quittance invoquée ; que la cour d'appel s'est ainsi prononcée sur les quittances produites et n'encourt pas le grief du moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen

: Attendu que le fréteur reproche ensuite à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de paiement de certains loyers, alors, selon le pourvoi, qu'en énonçant que les loyers réclamés "porteraient sur les mois d'avril, mai et juin 1989", la cour d'appel a dénaturé les conclusions du fréteur qui indiquaient expressément que le montant réclamé correspondait aux trois derniers mois de location du navire jusqu'à reprise par l'armateur le 29 avril 1989 ; qu'ainsi elle a violé les articles 1134 du Code civil et 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

que les conclusions invoquées s'étant bornées, sans la précision de date mentionnée par le moyen, à réclamer "les loyers impayés..., relatifs aux trois derniers mois de location du navire", la cour d'appel s'est trouvée dans l'obligation d'interpréter ce chef de demande ; qu'en relevant, au vu des déclarations de M. Y... et d'un télex du fréteur lui-même, que les prétentions de celui-ci portaient, en réalité, sur les mois d'avril à juin 1989, tandis que le fréteur "avait repris possession de son navire dès le 13 mars 1989", c'est sans méconnaître l'objet du litige que la cour d'appel a rejeté la demande comme portant sur des loyers postérieurs à la redélivraison du navire ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen

, pris en ses deux branches : Attendu que le fréteur reproche encore à l'arrêt d'avoir mis hors de cause la Banque française commerciale Antilles-Guyane (la banque), qui s'était portée caution envers lui du paiement des loyers, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en application des dispositions de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera celle du chef de l'arrêt visé par le présent moyen ; et alors, d'autre part, qu'il incombe aux juges du fond de se prononcer sur les documents régulièrement versés aux débats sur lesquels reposent les moyens des parties ; qu'en s'abstenant d'examiner le télex du 29 juin 1989 adressé par le fréteur et aux termes duquel la banque demandait à son interlocuteur de lui préciser le montant exact de la somme à elle due et le mode de règlement qu'il avait choisi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1353 du Code civil ;

Mais attendu

que les deux premiers moyens ayant été rejetés, il en résulte que la banque ne peut être tenue en qualité de caution, dès lors que M. Y... n'est pas lui-même tenu en qualité de débiteur principal ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le quatrième moyen

, pris en ses trois branches : Attendu que le fréteur reproche enfin à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. Y... une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, selon l'article 25 du décret du 31 décembre 1966, le fréteur s'oblige à présenter, à la date et au lieu convenus, le navire désigné en bon état de navigabilité et apte au service auquel il est destiné ; qu'en l'espèce, le procès-verbal de livraison signé le 16 août 1988 ne faisant état d'aucune réserve, et aucune réclamation pour vice caché n'ayant été formulée par M. Y... dans le délai de six mois qui lui était imparti aux termes de la charte-partie (case 32), la cour d'appel devait en tirer les conséquences qui s'en évinçaient et rejeter les demandes d'indemnisation formulées par M. Y... ; qu'à défaut, elle a violé l'article 25 du décret précité, ensemble l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en affirmant que n'était pas apportée la preuve d'un défaut d'entretien du navire, ni d'un défaut d'assurance, sans s'expliquer sur la lettre de l'assureur Chalus du 26 avril 1989 et sur les rapports de l'expert Z... en date du 20 mars 1989 qui exposaient très clairement la teneur de ces manquements, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1315 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en accueillant la demande d'indemnisation de M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 28 du décret précité aux termes duquel l'affréteur doit supporter seul tous les frais d'exploitation du navire ;

Mais attendu

, en premier lieu, que, sans constater que M. Y... n'aurait pas présenté de réclamation pour vices cachés dans les six mois de la livraison du navire, l'arrêt retient que ce navire avait subi, ainsi qu'il résultait du télex émanant du fréteur lui-même, des avaries consécutives à un problème d'étanchéité et à une fuite d'huile sur les arbres porte-hélices qui démontraient que le bâtiment n'était pas en bon état de navigabilité à sa présentation et avaient entraîné son indisponibilité jusqu'au 4 octobre 1988 ; qu'il ajoute que les parties étaient convenues de la livraison d'un navire pouvant atteindre, en charge, la vitesse de 8,5 noeuds entre les îles des Caraïbes et la Guyane mais que cette performance entrée dans le champ contractuel n'avait jamais été réalisée, ce qui traduisait un manquement du fréteur à son obligation de délivrance conforme ; qu'après avoir écarté, par un motif non critiqué, l'expertise effectuée par M. Z... et précisé, par un motif qui rend inopérante l'argumentation tirée de la lettre de l'assureur, que la procédure contractuelle de résiliation du contrat d'affrètement pour défaut de paiement des primes d'assurance par l'affréteur n'avait pas été mise régulièrement en oeuvre par le fréteur, l'arrêt retient encore que la résiliation du contrat a eu lieu dans des conditions critiquables ; que, par ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu décider que le fréteur devait réparation à l'affréteur du préjudice résultant pour celui-ci de la brièveté de la période d'exploitation du navire et de l'insuffisance de ses performances pendant le temps où il n'était pas immobilisé ; Attendu, en second lieu, qu'à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel a pu allouer à M. Y... une somme égale, non seulement aux loyers payés pour la période d'immobilisation, par application des dispositions de l'article 26 du décret du 31 décembre 1966, suivant lesquelles aucun loyer n'est dû pendant l'immobilisation du navire par suite d'un vice propre, mais encore aux frais d'exploitation exposés en pure perte par l'affréteur pendant ce même temps ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la Société maritime et commerciale internationale (SMCI) aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la Société maritime et commerciale internationale (SMCI), de la Banque française commerciale Antilles-Guyane, de M. Y... et de Mme A... Bes, ès qualités de représentant des créanciers de celui-ci ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en son audience publique du treize octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.