Cour de cassation, Troisième chambre civile, 22 juillet 1992, 90-18.071

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1992-07-22
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
1990-05-02

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS I/ Sur le pourvoi n° B 90-18.071 formé par : M. Marcel C..., syndic administrateur judiciaire, agissant tant ès qualités de syndic à la liquidation des biens de M. Fernand B... qu'en son nom personnel, demeurant ... à Saint-Raphaël (Var), en cassation d'un arrêt rendu le 2 mai 1990 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre civile, section B), au profit de : 1°/ M. Joachim, Henri F..., 2°/ Mme Jacqueline, Nelly A..., épouse F..., demeurant tous deux quartier des Issambres, lotissement du Nouveau Parc des Issambres à Roquebrune-sur-Argens (Var), 3°/ La société Finarama AG, société anonyme de droit suisse dont le siège social est ... à Flims (Suisse), prise en la personne de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, 4°/ M. Jean-Pierre Z..., demeurant 4, place Fayères à Puget-sur-Argens (Var), 5°/ M. D..., demeurant à Roquebrune-sur-Argens (Var), 6°/ Mme Y..., Marguerite X..., épouse Crozet, demeurant ..., 7°/ M. Jacques, Marie, Charles X..., demeurant boulevard du Rébori, villa "Le Bois Normant" à Saint-Raphaël (Var), 8°/ Mme B..., demeurant ... à Saint-Aygulf (Var), 9°/ L'association syndicale autorisée des propriétaires du Nouveau Parc des Issambres, société anonyme dont le siège est ... Parc des Issambres, prise en la personne de son directeur en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, défendeurs à la cassation ; II/ Sur le pourvoi n° C 90-18.417 formé par : 1°/ Mme Y..., Marguerite X..., épouse Crozet, 2°/ M. Jacques, Marie, Charles X..., tous deux agissant en qualité d'héritiers de M. Henri X..., décédé le 23 juillet 1988, en cassation du même arrêt, à l'égard de : 1°/ M. Marcel C..., ès qualités, 2°/ L'association syndicale autorisée des propriétaires du Nouveau Parc des Issambres, 3°/ M. Joachim, Henri F..., 4°/ Mme Jacqueline, Nelly A..., épouse F..., 5°/ La société Finarama AG, 6°/ Mme B..., défendeurs à la cassation ; Sur le pourvoi n° B 90-18.071 : L'association syndicale des propriétaires du Nouveau Parc des Issambres a formé, par un mémoire déposé au greffe le 2 avril 1991, un pourvoi incident contre le même arrêt ; Les époux F... ont formé, par un mémoire déposé au greffe le 5 avril 1991, un pourvoi incident contre le même arrêt ; La société Finarama a formé, par un mémoire déposé au greffe le 3 juin 1991, un pourvoi incident contre le même arrêt ; M. C..., ès qualités, demandeur au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; L'association syndicale des propriétaires du Nouveau Parc des Issambres, demanderesse au pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Les époux F..., demandeurs au pourvoi incident, invoquent, à l'appui de leurs recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; La société Finarama, demanderesse au pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Sur le pourvoi n° C 90-18.417 : Les époux F... ont formé, par un mémoire déposé au greffe le 5 avril 1991, un pourvoi incident contre le même arrêt ; Les consorts X..., demandeurs au pourvoi principal, invoquent, à l'appui de leur recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Les époux F..., demandeurs au pourvoi incident, invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; d è d LA COUR, en l'audience publique du 23 juin 1992, où étaient présents : M. Senselme, président, M. Cathala, conseiller rapporteur, MM. Vaissette, Chevreau, Douvreleur, Peyre, Deville, Mme Giannotti, M. Aydalot, conseillers, M. Chollet, Mme Cobert, M. Pronier, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Cathala, les observations de Me Vuitton, avocat de M. C..., ès qualités, de Me Capron, avocat des époux F..., de Me Choucroy, avocat de la société Finarama, de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. Z..., de M. D... et des consorts X..., de la SCP Lesourd et Baudin, avocat de l'association syndicale autorisée des propriétaires du Nouveau Parc des Issambres, les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! Joint les pourvois n°s B 90-18.071 et C 90-18.417 ; Met hors de cause M. D... et M. Z... ;

Sur le premier moyen

du pourvoi principal de M. C... : Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Aix-en-Provence, 2 mai 1990), que les époux B..., qui avaient acquis, en 1965, dans un lotissement créé par la société civile immobilière nouvelle du Parc des Issambres, le lot n° 9, désigné au cadastre sous le numéro 447 de la section CK, pour une surface de 15 ares 20 centiares, ont, après en avoir accru la superficie en réalisant un remblai, fait édifier, sur ce terrain, une villa et une construction indépendante à usage d'abri pour bateau et garage ; qu'à la suite de la liquidation des biens de M. B..., prononcée en 1973, le syndic à cette liquidation, M. C..., après avoir fait procéder à une expertise d'évaluation du lot par M. E..., d'où il résultait que, selon M. B..., les propriétaires avaient une jouissance de 2 720 m , a, dûment autorisé par le juge-commissaire, vendu à la société Finarama, moyennant le prix de 350 000 francs, la villa, le garage indépendant et le terrain "d'une superficie, d'après plan, de 27 ares 60 centiares, et figurant au cadastre rénové de Roquebrune-sur-Argens sous le numéro 447 de la section CK pour 15 ares 20 centiares" ; qu'en 1980, la société Finarama a consenti aux époux F... une promesse de vente de cette propriété pour le prix de 1 340 000 francs ; que l'association syndicale du Nouveau Parc des Issambres, qui s'était constituée en 1973, ayant, avant la réalisation de cette revente, fait connaître à la société Finarama que la surface, dont le terrain s'était accru, constituait un espace vert du lotissement dont les époux B... s'étaient emparé sans droit, les époux F... ont assigné, en réalisation de la promesse de 1980, la société promettante, qui a appelé en garantie M. X..., notaire rédacteur de la vente consentie à cette société, M. C..., M. Z..., géomètre-expert, auteur d'un plan dressé en 1973, et les époux B... ; que l'association syndicale a, de son côté, assigné la société Finarama et les époux F... en restitution et remise en état de la parcelle dépendant des espaces verts du lotissement ; Attendu que M. C..., agissant tant en son nom personnel que comme syndic à la liquidation des biens de M. B..., fait grief à l'arrêt de dire que M. C... et M. X... sont tenus à la réparation des préjudices engendrés par leurs fautes, alors, selon le moyen, d'une part, que l'arrêt attaqué a constaté que l'acte de vente faisait apparaître l'existence d'un doute sur la consistance et la superficie du bien vendu ; que, dès lors, l'acquéreur, qui ne s'est pas renseigné avant de signer cet acte, a commis une erreur inexcusable ; qu'en retenant, néanmoins, la faute de M. C..., l'arrêt attaqué n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article 1382 du Code civil ; d'autre part, que M. C... avait précisé, dans ses conclusions d'appel, qu'il avait remis à l'acquéreur le rapport de M. E..., des termes duquel il résultait clairement que la propriété représentait une superficie totale de 1 520 m ; qu'ainsi, celui-ci avait été renseigné sur la réalité de la situation et l'avait acceptée à ses risques et périls ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, qui a retenu la responsabilité quasidélictuelle de M. C..., a 1°) omis de répondre du chef de ses conclusions et, partant, violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) violé, par fausse application, l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu

qu'ayant, après avoir relevé que les termes de la promesse consentie à la société Finarama, qui pouvaient laisser croire que le bien vendu avait une superficie de 2 760 m , étaient contraires aux plans du géomètre-expert et à l'expertise E..., retenu que la société Finarama, dont le siège social est en Suisse, ne connaissait pas la réalité de la situation, écartant ainsi l'hypothèse que l'acquéreur ait pu avoir un doute sur la contenance du bien vendu, la cour d'appel, devant laquelle M. C... avait seulement soutenu que le rapport E... n'avait jamais été dissimulé à l'acheteur, sans prétendre qu'il lui avait été communiqué, a répondu aux conclusions et légalement justifié sa décision de ce chef en constatant qu'aucun des actes signés par la société ne comportait de référence à l'expertise E... ;

Sur le second moyen

du pourvoi principal de M. C... :

Attendu que M. C... fait grief à

l'arrêt de le condamner à payer des dommages-intérêts à la société Finarama et à garantir celle-ci des condamnations prononcées à son encontre, alors, selon le moyen, que M. C... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, qu'il résultait du rapport E... que la société Finarama avait acquis la propriété selon le prix fixé pour une superficie de 1 520 m et que, de ce fait, elle n'avait subi aucun préjudice ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, l'arrêt attaqué a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

qu'ayant retenu que la société Finarama avait subi un préjudice certain correspondant à l'abattement de prix qu'elle avait dû consentir lors de la vente du seul bien réellement acquis par la société, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à un moyen inopérant, tiré d'une expertise inopposable à la société Finarama ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen

unique du pourvoi incident de l'association syndicale du Nouveau Parc des Issambres :

Attendu que l'association syndicale fait grief à

l'arrêt de la débouter de sa demande en dommages-intérêts, alors, selon le moyen, 1°) que, dans ses conclusions d'appel, l'association syndicale rappelait, notamment, qu'elle n'avait été déclarée propriétaire des espaces verts qu'à une date bien ultérieure à celle de l'annexion de la parcelle litigieuse, qu'aucune négligence ne pouvait donc lui être imputée et qu'elle justifiait de son impossibilité de profiter de la parcelle indûment annexée et des tracasseries qui étaient résultées, pour elle, du défaut de réponse à ses nombreuses demandes amiables d'entretien de ces espaces verts pour des raisons de protection contre l'incendie, qu'ainsi, la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer que la demande n'était pas justifiée, a entaché sa décision d'un défaut manifeste de réponse à conclusions (violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile) ; 2°) qu'en affirmant qu'il convient de faire droit aux diverses demandes de l'association, puis ensuite que "la demande en paiement de dommages-intérêts n'est pas justifiée", la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs (violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile) ;

Mais attendu

, qu'ayant retenu, sans se contredire, pour écarter la demande de l'association syndicale seulement en ce qu'elle tendait à l'obtention de dommages-intérêts, que les époux F... et la société Finarama devaient, in solidum, restituer et remettre en état la parcelle appartenant à l'association, la cour d'appel a, répondant aux conclusions, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le premier moyen

des pourvois incidents des époux F..., réunis :

Attendu que les époux F... font grief à

l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à la réparation de leur préjudice consécutif au fait qu'ils n'ont pu acquérir qu'un fonds d'une superficie inférieure à celle qui étaient indiquée dans la promesse de vente, alors, selon le moyen, que la cour d'appel, qui constate que M. et Mme Joachim F... avaient droit de solliciter la réalisation d'une vente portant sur une superficie de 2 760 m , qui indique qu'ils n'ont pu conclure qu'une vente portant sur 1 520 m2, et qui énonce qu'ils ne justifient pas du préjudice qu'ils ont subi, s'est contredite dans ses motifs ; qu'elle en a privé sa décision ;

Mais attendu

que la cour d'appel, qui a relevé que les époux F... avaient modifié l'objet de leur demande en cours de procédure, pour la limiter à un terrain de 1 520 m , pour lequel le prix a été réduit, passant de 1 340 000 francs à 1 090 000 francs, a, sans se contredire, souverainement apprécié l'absence de préjudice de ce chef ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen

du pourvoi principal des consorts X... :

Attendu que les consorts X... font grief à

l'arrêt de les condamner à payer des dommages-intérêts à la société Finarama et à relever celle-ci des condamnations prononcées contre elle, alors, selon le moyen, que le notaire, rédacteur d'actes, n'est pas responsable des erreurs de contenance du terrain, objet de la vente authentique ; que le vice ayant infesté l'acte litigieux résulte de ce que le terrain vendu a été mentionné pour une superficie supérieure à sa superficie réelle ; qu'en retenant, néanmoins, la responsabilité du notaire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu

que la cour d'appel n'ayant pas retenu contre M. X... la mention, dans l'acte établi par ce notaire, de contenances erronées, mais une rédaction laissant subsister une ambiguïté sur la consistance et la superficie du bien, ainsi que la passation d'un acte pour une parcelle dont l'origine de propriété était inexistante, le moyen manque en fait ;

Sur le deuxième moyen

du pourvoi principal des consorts X... :

Attendu que les consorts X... font grief à

l'arrêt de mettre hors de cause les époux B..., alors, selon le moyen, que, dans leurs conclusions d'appel, les consorts X... faisaient valoir que Mme B..., in bonis, devait sa garantie de vendeur d'immeuble ; qu'en s'abstenant totalement de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

que les consorts X... ayant seulement conclu, devant la cour d'appel, contre Mme B... pour obtenir la garantie de celle-ci au regard des condamnations susceptibles d'être prononcées contre M. X..., notaire, la cour d'appel a répondu aux conclusions en retenant que les époux B... n'étaient pas responsables de la situation découlant des irrégularités commises par le syndic et le notaire ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen

des pourvois incidents des époux F... et le moyen unique du pourvoi incident de la société Finarama, réunis :

Vu

l'article 555 du Code civil ;

Attendu que l'arrêt

condamne la société Finarama et les époux F..., in solidum, à remettre en état la parcelle appartenant à l'association syndicale et que les époux B... avaient incorporée dans le terrain ; Qu'en ordonnant ainsi, la suppression des ouvrages construits, aux frais de la société Finarama et des époux F..., sans rechercher si ceux-ci pouvaient ou non se prévaloir de la bonne foi, au sens de l'article susvisé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi principal des consorts X... : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Finarama et les époux F... à démolir les garages et le studio édifié sur la parcelle à restituer à l'association syndicale, et en ce qu'il a déclaré les consorts X... garants de la société Finarama et des époux F... pour l'exécution de cette condamnation, l'arrêt rendu le 2 mai 1990, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ; Condamne M. C..., ès qualités, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du vingt-deux juillet mil neuf cent quatre vingt douze par M. Douvreleur, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.