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Cour d'appel de Pau, 17 juin 2022, 21/04184

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Pau
17 juin 2022
Tribunal de commerce de Dax
14 décembre 2021
Tribunal de commerce de Dax
29 juillet 2021

Texte intégral

MM/ND Numéro 22/2404 COUR D'APPEL DE PAU 2ème CH - Section 1

ARRET

DU 17/06/2022 Dossier : N° RG 21/04184 - N° Portalis DBVV-V-B7F-ICOL Nature affaire : Demande en cessation de concurrence déloyale ou illicite et/ou en dommages et intérêts Affaire : S.A.S.U TEREVA C/ S.A.S. SISCA Grosse délivrée le : à : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS A R R E T Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. * * * * * APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 12 Avril 2022, devant : Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport, assisté de Madame SAYOUS, Greffière présente à l'appel des causes, Marc MAGNON, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de : Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente Monsieur Marc MAGNON, Conseiller Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller qui en ont délibéré conformément à la loi. dans l'affaire opposant : APPELANTE : S.A.S TEREVA immatriculée au RCS de Bourg en Bresse sous le n° B 434 004 198, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 5] prise en son établissement [Adresse 2] [Localité 3] Représentée par Me François PIAULT de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU Assistée de Me Frédérique CECCALDI (AGUERA AVOCATS), avocat au barreau de LYON INTIMEE : S.A.S. SISCA immatriculée au RCS de Tarbes sous le n° 352 747 018, prise en la personne de son président domicilié es qualité au siège social [Adresse 1] [Localité 4] Représentée par Me Olivia MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU Assistée de Me Catherine CARRIERE-PONSAN (SCP CANDELIER CARRIERE-PONSAN), avocat au barreau de TOULOUSE sur appel de la décision en date du 14 DECEMBRE 2021 rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE DAX EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE : Les sociétés Sisca et Tereva sont deux sociétés qui opèrent dans un même secteur d'activité, notamment la distribution d'équipements de plomberie, sanitaire et chauffage. M [P] [W] a travaillé pendant sept années pour la société Tereva, à partir de 2012, puis est devenu salarié de la société Sisca à compter du 23 septembre 2019. Il a démissionné de cet emploi un an plus tard, le 14 octobre 2020, son préavis prenant fin le 31 décembre 2020, pour rejoindre de nouveau la société Tereva. Le contrat de travail de Monsieur [W] au sein de la société Sisca comportait une clause de non-concurrence lui interdisant : « de s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute activité concurrente » et ce pour une durée d'un an dans les départements 40, 32, 33, 47, 64. Soupçonnant son ancien salarié d'avoir démarché, pour le compte de son nouvel employeur, des clients habituels de la société Sisca, dans le département des Landes, ( [T] [B], la société Clim Service et la société Spie ) cette dernière a saisi le président du tribunal de commerce de Dax d'une requête en application des articles 145 et 493 du code de procédure civile, aux fins d'obtenir la désignation d'un huissier de justice avec notamment pour mission de se rendre dans les locaux de la société Tereva, au besoin assisté d'un expert informatique de son choix, afin : « ... ' d'obtenir le numéro du code vendeur de Monsieur [P] [W] ' d'obtenir le listing informatique des commandes portant ce numéro de code ' d'obtenir toutes les factures clientèle portant le numéro de code de vendeur de Monsieur [W] ' d'obtenir le portefeuille clients nominatifs affecté à ce code avec le chiffre d'affaires individuel par client avec pour chacun son adresse postale ... ». Par ordonnance du 29 juillet 2021, le président du tribunal de commerce de Dax a ordonné la désignation d'un Huissier de Justice aux 'ns de réaliser les divers constats demandés par la société Sisca. Selon ordonnance du 31/08/2021, il a également ordonné le séquestre des pièces recueillies par l'huissier avec maintien du séquestre jusqu'à la signification d'une décision dé'nitive statuant sur une demande de rétractation. Par exploit d'huissier de justice en date du 16/09/2021, la société Tereva a fait assigner la société Sisca devant le président du tribunal de commerce de Dax, aux 'ns de voir : ' Rétracter l'ordonnance du 29/07/2021, ' Annuler les constatations faites par l'huissier de justice en exécution de l'ordonnance rétractée. ' Condamner Sisca à lui restituer le procès-verbal de constat et l'intégralité des éléments appréhendés par l'huissier de justice précités, sous astreinte de 500€ par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance, ' Faire défense à la société Sisca d'utiliser de quelque manière que ce soit, les informations et pièces portées à sa connaissance dans le cadre des mesures d'instruction effectuées en exécution de l'ordonnance rétractée et ce sous astreinte de 5.000€ par infraction constatée à compter de la signification de l'ordonnance, ' Se réserver le pouvoir de liquider les astreintes, ' Condamner la société SISCA à lui payer une somme de 10.000€ au titre de l'article 700 du CPC et les entiers dépens. Par ordonnance du 14 décembre 2021, le président du tribunal de commerce de Dax a :

Vu les articles

145 et 493 du CPC, Statuant en premier ressort, Débouté la société Tereva de sa demande en rétractation de son ordonnance 2021001223 du 29/07/2021, Débouté la société Tereva de l'ensemble de ses demandes afférentes à la rétractation, aux conséquences de l'ordonnance et au retrait de la pièce n°19, Débouté la société Sisca de sa demande de dommages et intérêts, Condamné la société Tereva à payer à la société Sisca la somme de 1.500€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC, Condamné la société Tereva aux entiers dépens de l'instance dont frais de greffe liquidés à la somme de 40, 66€ TTC. Par déclaration en date du 30 décembre 2021 la SASU Tereva a relevé appel de ce jugement. L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2022, l'affaire étant fixée au 12 avril 2022 Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

: Vu les conclusions notifiées le 4 avril 2022 par la société Tereva qui demande à la Cour de : Infirmer l'ordonnance critiquée du 14 décembre 2021 en ce qu'elle a : ' Débouté la société Tereva de sa demande en rétractation de l'ordonnance 2021001223 du 29/07/2021, ' Débouté la société Tereva de l'ensemble de ses demandes afférentes à la rétractation, aux conséquences de l'ordonnance et au retrait de la pièce n°19, ' Condamné la société Tereva à payer à la société Sisca la somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 70 du CPC, ' Condamné la société Tereva aux entiers dépens de l'instance dont les frais de greffe liquidés à la somme de 40,60 € TTC. ET STATUANT A NOUVEAU Écarter des débats la pièce adverse n°19, versée aux débats en fraude des droits de la société Tereva, laquelle bénéficie d'une ordonnance de séquestre sur ces éléments, signifiée à la société Sisca et non contestée ou, le cas échéant, toute pièce reprenant les informations recueillies par l'huissier de justice compte tenu du séquestre ; Rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 29 juillet 2021 par Monsieur le Président du Tribunal de commerce de Dax ; Annuler les constatations faites par l'huissier de justice, Maître [K] [M], en exécution de cette ordonnance rétractée. Condamner la Société Sisca à restituer à la Société Tereva le procès-verbal de constat et l'intégralité des éléments appréhendés par l'huissier de justice précités et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir. Faire défense à la Société Sisca d'utiliser, de quelque manière que ce soit, les informations et pièces portées à sa connaissance dans le cadre des mesures d'instruction effectuées en exécution de l'ordonnance rétractée et ce sous astreinte de 5.000 € par infraction constatée à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir. Se réserver le pouvoir de liquider les astreintes. Condamner la Société Sisca à payer à la Société Tereva la somme de 10.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamner la Société Sisca aux entiers dépens. Confirmer l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a : - Débouté la société Sisca de sa demande de dommages et intérêts. En tout etat de cause, Débouter la société Sisca de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive. **** Vu les conclusions notifiées le 28 mars 2022 par la société Sisca qui demande à la Cour de : Vu les articles 874 et suivants du Code de Procédure Civile, Vu l'article 145 du Code de Procédure Civile, Vu les articles 495 et suivants du Code de Procédure Civile Vu la jurisprudence, Vu l'ordonnance sur requête N° 2021 001223 du 29 juillet 2021 \/u le constat de difficultés établi par Maitre [K] [M] le 20 Août 2021 Vu l'assignation en rétractation délivrée le 16 septembre 2021 Vu la requête de Ia société Tereva Vu l'ordonnance du 14 décembre 2021, dont appel, Rejeter toutes conclusions adverses comme mal fondées, Confirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté la société Sisca de sa demande de dommages et intérêts, Vu l'appel incident de la société Sisca de ce chef, Vu l'article 1240 du code civil, infirmant le jugement dont appel partie Condamner la société Tereva à la somme de 5000,00 € de dommages et intérêts pour procédure abusive Condamner la société Tereva au paiement d'une somme de 5000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens dont distraction au bénéfice de Maitre Olivia Mariol,

MOTIVATION

: A l'appui de son appel, la société Tereva fait notamment valoir les moyens et arguments suivants. Sur le retrait des débats de la pièce 20 ex pièce 19 : La pièce 19 devenue la pièce 20 de la partie adverse à hauteur d'appel a fait l'objet d'une mesure de séquestre et ne peut être divulguée sans mainlevée du séquestre. L'argument de la société Sisca selon lequel il lui est important de communiquer cette pièce pour démontrer que « la concurrence déloyale est parfaitement établie » est donc totalement inopérant et va justement à l'encontre du principe selon lequel le juge de la rétractation ne peut pas prendre en considération les résultats de l'exécution des mesures ordonnées pour apprécier la régularité de leur autorisation. Sur la rétractation de l'ordonnance sur requête : ' l'absence de motivation de la requête et de l'ordonnance justifiant l'éviction du contradictoire, quant aux circonstances de l'espèce, qui devaient être spécifiées in concreto, au regard de l'article 493 du Code de procédure civile, lequel dispose : « L'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans des cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse' » ' Considérant cette exigence de motivation de la requête et de l'ordonnance, l'on ne peut abandonner rétrospectivement au juge de la rétractation le soin de caractériser des circonstances exigeant que le principe du contradictoire ne soit pas respecté. ' Les motifs de la requête et de l'ordonnance justifiant la dérogation au principe du contradictoire ne doivent pas relever d'une formule générale de style, abstraite. ' Il faut donc que la requête ou l'ordonnance soit motivée quant aux circonstances propres au cas d'espèce exigeant que les mesures ne soient pas prises contradictoirement, pour que le juge de la rétractation puisse être amené à rechercher si lesdites circonstances existaient véritablement. ' Elle rappelle que le fait que les circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit interdit d'invoquer les éventuelles difficultés d'exécution intervenues postérieurement à l'ordonnance pour justifier a posteriori le non respect du contradictoire. ' L'article 145 du code de procédure civile exige que la mission confiée par le juge soit justement circonscrite, dans le temps et dans son objet, et corresponde aux faits dont pourrait dépendre la solution du litige. ' L'absence de motif légitime des mesures ordonnées, au cas d'espèce, tenant à la contestation de la validité de la clause de non-concurrence ; ' L'absence de légitimité des mesures ordonnées, en ce qu'elle ne sont pas limitées au strict objectif recherché, à savoir démontrer la violation de la clause de non- concurrence ; ' Des mesures non limitées dans le temps, alors que la période d'activité antérieure de M [W] au sein de la société Tereva ne concerne pas le litige sur la violation de la clause de non-concurrence ; ' L'absence de limitation aux territoires visés par les faits allégués. ' L'absence de limitation aux faits allégués en ce qu'il est surabondant d'exiger la communication des factures clients dans leur intégralité. La société Sisca réplique notamment par les moyens et arguments suivants. Sur le retrait des débats de la pièce n° 20 : Il est important pour la société Sisca de communiquer cette pièce pour : ' D'une part, établir que la société Tereva n'a, en rien, déféré à l'ordonnance sur requête, ayant fait obstruction pure et simple à la tentative de constat de l'huissier comme cela est établi par ce dernier et l'expert informatique missionné. (pièces N°s 17 et 18). ' D'autre part, cet envoi corrobore la crainte de la société requérante. La concurrence déloyale est parfaitement établie, même par le peu d'éléments tournis par la société Tereva. ' Le juge de la rétractation qui connait une telle demande doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui (Cass. 2' civ., 7 juill. 2016, n°15-21.579, publié au Bulletin). ' Or d'une part les pièces adressées par la direction de Tereva le 30 août 2021 ne le sont pas en exécution de l'ordonnance critiquée et ne correspondent pas à la communication demandée dans la requête initiale. ll convient de rappeler que les diligences effectuées en vertu de ladite ordonnance n'ont rien donné et l'huissier a établi le 20 août 2021 un constat de difficultés ; n'ayant pu obtenir aucune information entre 9 h et midi le 20 août 2021, jour où il s'est rendu dans les bureaux de Tereva, agence de Narosse (40). ' d'autre part, l'huissier a répercuté les pièces transmises le 30 août 2021, le même jour, et n'en était plus dépositaire. ' Enfin, l'ordonnance de séquestre du 31 août 2021 ne lui a jamais été signifiée. Sur le caractère fondé de la requête et de l'ordonnance, elle indique que les mesures demandées et ordonnées étaient justifiées par : ' L'effet de surprise, nécessaire en l'espèce, pour que la société Sisca, apporte la preuve irréfutable de la violation par la société Tereva de la clause de non- concurrence à laquelle son salarié Monsieur [W] était soumis. La directrice des ressources humaines de la société appelante ayant adressé une réponse manifestement mensongère sur la prise en compte de la clause de non-concurrence. Il y avait un risque de disparition des preuves. ' L'urgence à faire cesser une violation de la clause de non-concurrence, pour stopper une hémorragie de son chiffre d'affaires sur le secteur concurrencé par M [W]. ' l'existence de motifs légitimes : notamment, l'employeur qui emploie sciemment un salarié en violation d'une clause de non-concurrence souscrite par ce dernier, commet une faute (Cass commerciale 05.02.1991, n°88-18.400). ' la requête de la société Sisca était parfaitement motivée en faits et en droit. ' Aucun risque de divulgation du secret des affaires n'est encouru en l'espèce car, d'une part, comme vu précédemment, l'huissier n'a rien pu saisir ; d'autre part, la protection du secret des affaires ne suffit pas à faire obstacle à la communication ou à la production d'une pièce utile à la préservation des droits du requérant. Sur les faits qui justifie les mesures in futurum elle indique que : ' compte tenu des responsabilités et du contact direct avec la clientèle, une clause de non-concurrence a été prévue au contrat de Monsieur [W] (article 10) qui stipule « Compte tenu des fonctions de Monsieur [P] [W] et du marché très concurrentiel sur lequel intervient l'entreprise, il est convenu qu'en cas de rupture du présent contrat, pour quelque cause et à quelque époque que ce soit, Monsieur [P] [W] s'interdira de s'intéresser, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute activité concurrente entrant dans le champ d'application des secteurs d'activités de la société. Cette interdiction est limitée à un an à compter de la date effective de rupture du contrat et aux départements 40 et limitrophes. En contre partie de cette obligation de non-concurrence, Monsieur [P] [W] percevra, à compter de la date de rupture effective du contrat de travail, et pendant toute la durée d'application de la clause, une indemnité mensuelle brute d'un montant égal au quart de son salaire brut mensuel, calculé sur la base de son salaire moyen brut des douze derniers mois ». ' C'est dans ces conditions que Monsieur [P] [W] a fait savoir à sa direction, au cours de l'été 2020, qu'il entendait démissionner afin de se « lancer dans l'immobilier » ; ll a donné sa démission par lettre du 14 octobre 2020. ' Le 24 novembre 2020, la société concluante signifiait à Monsieur [W] son intention d'appliquer la clause de non-concurrence. ' Pendant 12 mois et à compter de janvier 2021, Monsieur [W] a perçu la somme mensuelle de 744,23 € au titre de l'indemnité de non-concurrence. ' Dès les premiers jours de janvier 2021, la société Sisca a appris, par diverses personnes et notamment son propre personnel, que Monsieur [P] [W] démarchait des clients de la société Sisca dans le département des Landes, démarchage strictement interdit en vertu de la clause de non-concurrence, pour le compte de son nouvel employeur, la société Tereva. En droit : L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe des motifs légitimes de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. Ni l'urgence, ni l'absence, en elle-même, de contestation sérieuse ne sont des conditions d'intervention du juge des mesures probatoires qui est seulement subordonnée à la démonstration d'un intérêt légitime à établir ou conserver la preuve légale de faits dont pourrait dépendre la solution d'un éventuel litige. En effet, le motif n'est légitime que si les faits dont la preuve est recherchée sont susceptibles d'avoir une influence sur la solution du litige, c'est-à-dire s'ils ont un lien suffisant et apparemment bien fondé avec le litige futur. Le demandeur à la mesure probatoire n'a donc pas à démontrer l'existence des faits nécessaires au succès d'une action au fond mais il doit justifier d'éléments rendant plausibles l'existence de faits de nature à alimenter un éventuel procès et démontrer l'utilité, voire la pertinence, dans cette perspective, de la mesure d'instruction sollicitée. Selon l'article 493 du code de procédure civile, les mesures prévues par l'article 145 ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement. Il appartient en conséquence au juge saisi d'une demande de rétractation de vérifier, même d'office, si la requête ou l'ordonnance caractérisent de telles circonstances, sans pouvoir se fonder sur des circonstances postérieures à la requête ou à l'ordonnance, pour justifier qu'il fût déroger au principe du contradictoire. Il ne peut non plus rechercher les circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire dans les pièces produites au soutien de la requête ( Cassation 2e Civ., 22 mars 2018, n°17-10.311 ). En tout état de cause, la mise en 'uvre des mesures prévues par l'article 145 n'implique aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé ; seule une action au fond qui serait manifestement vouée à l'échec, comme irrecevable ou mal fondée, serait de nature à priver tout intérêt légitime à une mesure d'instruction avant tout procès ou si le demandeur dispose déjà d'éléments de preuve suffisants, ou s'il lui est possible de réunir par lui-même des éléments supplémentaires. Constituent des mesures légalement admissibles des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi. Le juge saisi d'une demande de rétractation doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui (cassation civile 2ème 7 juillet 2016 n° 15-21.579). Il résulte par ailleurs des articles 496 alinéa 2 et 497 du code de procédure civile que l'instance en rétractation d'une ordonnance rendue sur requête a pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire. Il s'en déduit que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet et que seul le juge des requêtes qui a rendu l'ordonnance peut être saisi d'une demande de rétractation ou de modification de celle-ci. Toutefois, depuis l'entrée en vigueur du décret 2018-1126 du 11 décembre 2018 sur la protection du secret des affaires, il résulte des dispositions de l'article R. 153-1 du code de commerce que le juge saisi en référé d'une demande de modification ou de rétractation de l'ordonnance sur requête rendue en application de l'article 145 du code de procédure civile est également compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre, dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 à R. 153-10 du code de commerce. Enfin, lorsque ni l'ordonnance ni la requête ne comportent de motifs sur les circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, l'ordonnance qui ne peut être régularisée a posteriori doit être rétractée. Sur la demande de la société Tereva tendant à voir écarter des débats la pièce adverse n° 19 devenue à hauteur d'appel la pièce n° 20 de la société Sisca : La pièce numéro 20 est constituée par le courrier du 27 août 2021 et le listing clients qui y était annexé, adressés par Madame [E] [G], directrice des ressources humaines (DRH) de la société Tereva, à Maître [M], huissier instrumentaire chargé d'exécuter les mesures d'investigation préconisées par l'ordonnance dont la rétractation est demandée. Copie de ces deux pièces a été adressée par l'huissier au président de la SAS Sisca, par courrier du 30 août 2021, la veille de l'ordonnance de séquestre rendue par le président du tribunal de commerce de Dax le 31 août 2021. Cette pièce est bien visée par le séquestre puisqu'elle a été remise à l'huissier instrumentaire, suite à la demande qu'il avait formulée auprès du président de la SAS Tereva, par courrier du 24 août 2021, après avoir constaté l'impossibilité de procéder le 20 août 2021, jour de son transport sur le site de l'établissement Tereva de Narosse, aux investigations informatiques ordonnées faute de pouvoir obtenir les codes nécessaires. La société Sisca n'ayant pas sollicité la levée du séquestre, en application de l'article R. 153-1 du code de commerce, cette pièce doit être écartée des débats. Sur la rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 29 juillet 2021 par le président du tribunal de commerce de Dax : En l'espèce, la requête soumise le 28 juillet 2021 au président du Tribunal de commerce de Dax par la société Sisca décrit les actes de concurrence déloyale dont elle suspecte la société Tereva, en lien avec les violations de la clause de non- concurrence que devait respecter Monsieur [W] et dont elle avait connaissance, sans toutefois préciser les circonstances qui justifiaient que la mesure d'instruction demandée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne fût prise contradictoirement. En effet, il ressort de la requête que la demande d'une mesure d'investigation dérogeant au principe du contradictoire est motivée par une considération d'ordre général qui ne précise pas, par référence aux circonstances de l'espèce, les faits qui justifieraient le recours à une procédure non contradictoire. Le motif se contente ainsi d'affirmer « il est certain que, compte tenu du comportement du nouvel employeur, seule une ordonnance sur requête est susceptible de préserver les droits de la société Sisca afin que celle-ci puisse faire établir un constat d'huissier et lui permettre d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige ». Et l'ordonnance rendue sur requête le 28 juillet 2021 n'expose pas davantage les motifs justifiant le recours à une mesure d'instruction non contradictoire, le juge se contentant de viser la requête, sans autre motivation. Ce défaut de motivation ne pouvant faire l'objet d'une régularisation a posteriori devant le juge de la rétractation et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le mérite de la requête qui ne pouvait régulièrement saisir le juge, l'ordonnance rendue le 14 décembre 2021 doit être infirmée et l'ordonnance rendue le 28 juillet 2021 par le président du tribunal de commerce de Dax doit être rétractée. Il convient d'ordonner en conséquence la restitution des pièces obtenues en exécution de l'ordonnance rétractée, étant précisée que sont notamment soumises à restitution l'original et les copies du courrier et du listing adressés par Madame [E] [G], DRH de la société Tereva, à Maître [M], le 27 août 2021, et communiqués à la société Sisca le 30 août 2021 par l'huissier instrumentaire (pièce 20 de la société Sisca). Cette restitution interviendra dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte de 200,00 euros par jour de retard passé ce délai. La cour ne se réservera pas le pouvoir de liquider l'astreinte. Sur la défense faite à la société Sisca d'utiliser les pièces obtenues en exécution de l'ordonnance rétractée et la demande d'astreinte : La rétractation de l'ordonnance sur requête et la restitution à la société Tereva des documents saisis ou remis séquestrés emportent interdiction faite à la société Sisca d'accéder auxdits documents, d'en conserver copie ou de faire usage, de quelque manière que ce soit, des informations portées à sa connaissance en exécution de l'ordonnance rétractée, sans qu'il soit nécessaire de fixer une astreinte pour garantir le respect de cette interdiction. Sur l'appel incident de la société Sisca : Compte tenu de l'issue du litige, la société Sisca est déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive. Sur les demandes annexes : La société Sisca qui succombe en totalité en ses demandes supportera la charge des dépens de première instance et d'appel. Elle ne peut de ce fait bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Il apparaît inéquitable, eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties de laisser à la charge de la société Tereva les frais occasionnés par la procédure et non compris dans les dépens . La société Sisca est en conséquence condamnée à payer à la société Tereva une somme de 5.000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens de l'entière procédure.

PAR CES MOTIFS

: La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme l'ordonnance rendue le 14 décembre 2021 par le président du tribunal de commerce de Dax, sauf en ce qu'il a débouté la société Sisca de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, Écarte des débats la pièce communiquée en première instance par la société Sisca, sous le numéro 19, devenue à hauteur d'appel sa pièce numéro 20, Ordonne la rétractation de l'ordonnance sur requête du 29 juillet 2021, pour défaut de motif justifiant qu'il fût dérogé au principe d'un débat contradictoire, Ordonne la restitution à la société Tereva du procès-verbal de constat du 20 août 2021 et de l'ensemble des documents saisis ou obtenus en exécution de l'ordonnance rétractée, et notamment de l'original du courrier et du listing adressés à l'huissier par Madame [E] [G], directrice des ressources humaines de la société Tereva, à Maître [M], le 27 août 2021, et communiqués à la société Sisca le 30 août 2021 par l'huissier. Dit que les originaux et copies des constats et pièces saisies ou obtenues par l'huissier, en exécution de l'ordonnance rétractée, seront restitués à la société Tereva, aux frais de la société Sisca, dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte de 200,00 euros par jour de retard passé ce délai, à la charge de la société Sisca, Rappelle que la rétractation de l'ordonnance sur requête et la restitution à la société Tereva des documents saisis ou obtenus séquestrés emportent interdiction faite à la société Sisca d'accéder auxdits documents, d'en conserver copie ou d'en faire un usage quelconque, ni de faire état de toute information recueillie à la faveur des opérations effectuées en exécution de l'ordonnance rétractée, Rejette la demande d'astreinte de 5.000,00 euros par infraction constatée, formée par la société Tereva, Déboute les parties du surplus de leurs moyens et prétentions, Condamne la société Sisca aux dépens de l'entière procédure, Vu l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la société Sisca à payer à la société Tereva une somme de 5.000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens de l'entière procédure . Le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc MAGNON, conseiller, suite à l'empêchement de Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile. La GreffièreLe Président