Cour de cassation, Chambre sociale, 5 mars 1997, 94-42.187

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1997-03-05
Cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale)
1994-03-11

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le pourvoi formé par : 1°/ la société Comptoir de l'industrie alimentaire (CIA), dont le siège est ..., 2°/ M. Philippe X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Comptoir de l'industrie alimentaire (CIA), demeurant 10, rue Mi-Carême, 42026 Saint-Etienne Cedex 1, en cassation d'un arrêt rendu le 11 mars 1994 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale), au profit de M. Patrick Y..., demeurant ..., défendeur à la cassation ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 22 janvier 1997, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Ransac, conseiller rapporteur, M. Carmet, conseiller, Mme Pams-Tatu, M. Frouin, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Ransac, conseiller, les observations de Me Cossa, avocat de la société Comptoir de l'industrie alimentaire et de M. X..., ès qualités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne acte à M. Philippe X... de sa reprise d'instance aux lieu et place de la société Comptoir de l'industrie ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Toulouse, 11 mars 1994), que le 21 décembre 1992, la société Comptoir de l'industrie alimentaire (CIA) s'est engagée à employer M. Y... en qualité de responsable d'une structure commerciale en région parisienne, puis a contesté sa qualité de salarié par lettre du 5 février 1993; que M. Y... a attrait cette société devant la juridiction prud'homale, qui s'est déclarée incompétente en l'absence de contrat de travail ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que la société

CIA, actuellement en liquidation judiciaire et représentée par son liquidateur, M. X..., fait grief à l'arrêt, rendu sur contredit, d'avoir déclaré la cour d'appel de Toulouse territorialement compétente, alors, selon le moyen, que, de première part, il ressort des dispositions de l'article R. 517-1 du Code du travail que la juridiction prud'homale du domicile du salarié n'est territorialement compétente que lorsque le contrat de travail conclu par l'intéressé est exécuté en dehors de tout établissement; qu'à supposer qu'un contrat de travail ait été conclu entre la société CIA et M. Y..., il est cependant constant que ce dernier n'a jamais exercé les fonctions de responsable d'une structure commerciale dans la région parisienne pour lesquelles il aurait été engagé et qu'il n'a donc travaillé, ni en dehors de tout établissement ou à domicile, ni même dans un établissement; que, dès lors, en considérant que M. Y... avait pu valablement saisir la juridiction prud'homale dans le ressort où est situé son domicile et qu'elle était ainsi territorialement compétente pour trancher le présent litige, la cour d'appel a violé le texte susvisé; alors que, de seconde part, les juges du fond sont liés par les conclusions prises devant eux et ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis; qu'en l'espèce, il est constant que, tant devant les premiers juges que dans ses écritures d'appel, elle avait fait valoir que la juridiction territorialement compétente ne pouvait être celle du ressort de Firminy, soit celle du lieu où avait été rédigée et signée la lettre du 21 décembre 1992 et où son siège social est implanté; que, dès lors, en retenant que la société CIA n'avait pas formellement soulevé d'exception d'incompétence, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

que la cour d'appel, qui a retenu l'existence d'un contrat de travail et fait ressortir son exécution en dehors de tout établissement, a pu décider, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, que la demande du salarié avait été valablement portée devant le conseil de prud'hommes de son domicile, dont elle est juridiction d'appel; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen

:

Attendu que la CIA fait grief à

l'arrêt, rendu après évocation, d'avoir déclaré abusive la rupture du contrat de travail qu'elle avait conclu avec M. Y... et de l'avoir en conséquence condamnée à verser à celui-ci, outre un rappel de salaire, diverses indemnités de rupture, alors, selon le moyen, que, de première part, la conclusion d'un contrat de travail peut être subordonnée à la réalisation d'une condition suspensive; que, dès lors, en se bornant à affirmer que la lettre du 21 décembre 1992 constituait purement et simplement un contrat de travail, sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par ses écritures et comme l'avait expressément admis M. Y... dans ses conclusions d'appel, si cette correspondance ne devait pas s'analyser, en réalité, en une simple promesse d'embauche pour le compte d'une société non encore constituée et qui aurait été seule l'employeur de l'intéressé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ; alors que, de seconde part, la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs; qu'en énonçant successivement que "l'explication selon laquelle l'emploi de Sire était subordonné à la création d'une société CIA France ne résulte aucunement des documents produits aux débats", puis, aussitôt après, que "dès le 26 octobre 1992, Patrick Y... a proposé un projet relatif à la création d'un centre de profit en région parisienne prévoyant dans les moyens en personnel un responsable de centre", alors que la lecture de ce document fait clairement apparaître qu'il a été rédigé par ce dernier à la suite d'un entretien intervenu entre les parties le 22 octobre 1992 à Firminy et que son objet était précisément d'élaborer les éléments de la structure commerciale devant être implantée en région parisienne et dont M. Y... devait être le responsable, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

que la cour d'appel, qui a relevé que la lettre du 21 décembre 1992 définissait les fonctions de M. Y... au service de la société CIA et le montant de sa rémunération, sans subordonner son engagement à la réalisation d'un projet commercial qui lui avait été antérieurement proposé par M. Y..., a pu décider, hors toute contradiction, que ce dernier était titulaire d'un contrat de travail; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen

:

Attendu qu'il est encore fait grief à

l'arrêt d'avoir condamné la société CIA à verser à M. Y... la somme forfaitaire de 5 000 francs à titre de remboursement des frais qu'il avait engagés, alors, selon le moyen, qu'il ressort de l'article 1315 du Code civil qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver; que, dès lors, en allouant à M. Y... une somme forfaitaire de 5 000 francs, tout en retenant que l'intéressé s'était abstenu de faire un compte précis des justificatifs qu'il avait produit, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Mais attendu

qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que la société CIA ait opposé à la demande de M. Y..., relative au remboursement des frais de recherche de locaux, le défaut de preuve de l'obligation invoquée; d'où il suit que le moyen est nouveau, et qu'étant mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.