Cour de cassation, Chambre sociale, 17 octobre 2018, 16-27.597

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2018-10-17
Cour d'appel de Paris
2016-10-19
Cour d'appel de Paris
2016-10-19
Conseil de Prud'hommes de Bobigny
2014-09-30

Texte intégral

SOC. CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 17 octobre 2018 Cassation partielle M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 1478 F-D Pourvoi n° C 16-27.597 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

Statuant sur le pourvoi formé par

la société Compagnie IBM France, (CIE IBM France) société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , contre les deux arrêts rendus les 17 février 2016 et 19 octobre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à Mme Marie-Christine Y..., épouse Rojas Z..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 19 septembre 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. A..., conseiller rapporteur, Mme Basset, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. A..., conseiller, les observations de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Compagnie IBM France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme Y..., et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme Y... a été engagée par la société IBM France (la société) le 15 octobre 1973, en qualité d'élève éducatrice ; qu'élue déléguée du personnel le 20 décembre 1991, elle a occupé des fonctions représentatives jusqu'au mois de janvier 1997 et bénéficié de la protection afférente jusqu'en 1998 ; qu'après notification d'une mise à pied, le 9 février 2011, elle a, le 3 mars suivant, été licenciée pour cause réelle et sérieuse ; qu'estimant avoir subi une discrimination en raison de son engagement syndical, de l'usage fait de sa liberté d'expression et du fait qu'elle est une femme, et contestant le bien fondé de son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir à titre principal sa réintégration dans l'entreprise, à titre subsidiaire, le paiement de diverses sommes ;

Sur les premier et troisième moyens

:

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée

sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen

pris en ses deux premières branches, lesquelles sont recevables :

Vu

les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, et L. 1237-9 du code du travail ; Attendu que pour ordonner la réintégration de la salariée et condamner la société à lui payer un rappel de salaire allant de son éviction à sa réintégration, déduction faite des revenus de remplacement perçus par elle, l'arrêt du 19 octobre 2016 retient que la réintégration au sein de l'entreprise est de droit dès lors qu'elle est demandée par la salariée ;

Qu'en statuant ainsi

, alors que le départ à la retraite d'un salarié, acte unilatéral par lequel celui-ci manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail, rend impossible sa réintégration et qu'il ressortait des débats et des pièces de la procédure que la salariée avait pris sa retraite le 1er décembre 2015, jour de ses soixante-sept ans, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi à l'encontre de l'arrêt rendu le 17 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne la réintégration de Mme Y... au sein de l'entreprise dans le même emploi avec la même qualification et la même rémunération et condamne la société IBM France à lui verser le rappel des salaires en ce compris les primes d'ancienneté, depuis son éviction jusqu'à sa réintégration, déduction faite des revenus de remplacement perçus par elle depuis son éviction, l'arrêt rendu le 19 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne Mme Y... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-huit

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie IBM France. PREMIER MOYEN DE CASSATION (fausse application des articles L.1132-3 et L.1132-4 du Code du travail) Il est reproché aux arrêts attaqués (17 février et 19 octobre 2016) d'avoir invité les parties à présenter des observations sur l'application des dispositions de l'article L.1132-3 du Code du travail puis d'avoir, en application de ce texte infirmé le jugement et déclaré nul le licenciement de Madame R... Z..., d'avoir ordonné à la Compagnie IBM France de procéder à sa réintégration et d'avoir condamné la Compagnie IBM France à verser à Madame R... Z... le rappel des salaires en ce compris les primes d'ancienneté, puis son éviction jusqu'à sa réintégration, déduction faite des revenus de remplacement perçus par elle depuis son éviction ; AUX MOTIFS QUE (arrêt du 17 février 2016, p.3) « Madame Y... a relevé appel du jugement déféré en ce qu'elle maintient sa demande de réintégration au sein de l'entreprise et de versement des salaires depuis la date de son départ jusqu'à la date de sa réintégration effective. » et que (p.4) « d'après l'article L.1132-3 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux articles L.1132-1 et L.1132-2 ou pour les avoir relatés. Le grief tiré de la relation par la salariée des agissements de discrimination aux termes de la lettre adressée à l'employeur le 18 octobre 2010 et dont celui-ci fait état dans la lettre de licenciement, puisqu'il précise avoir nommé un enquêteur afin de faire la lumière sur l'ensemble des faits rapportés et sur la prétendue discrimination dont la salariée dit être victime concernant son évaluation de mi-année, est de nature à emporter sauf mauvaise foi de la salariée la nullité de plein droit du licenciement. Le moyen soulevé d'office compte tenu du fait que les dispositions de l'article L.1132-3 du code du travail sont d'ordre public n'a pas été spécialement débattu par les parties. Pour satisfaire aux prescriptions posées par les articles 12 et 16 du code de procédure civile, une réouverture des débats sera ordonnée et les parties invitées à présenter leurs observations à cet égard » ; ET QUE (arrêt du 19 octobre 2016, p.9) « il est constant que la procédure disciplinaire a été engagée par la convocation de la salariée à l'entretien préalable en date du 9 février 2011. Or, outre la lettre du 18 octobre 2010, l'employeur invoque les courriels comportant des propos ou déclarations dont il estime qu'ils caractérisent un abus de la liberté d'expression de la salariée adressés au manager, au président d'Ibm France, à une ancienne manager de l'entité les 30 décembre 2010, 24 janvier 2011, 2 février 2011 et 8 février 2011 soit dans le délai de deux mois précédant l'engagement de la procédure disciplinaire. Il pouvait en conséquence prendre en considération la lettre adressée au président d'IBM France M. Alain B... en date du 19 octobre 2010, le comportement de la salariée s'étant poursuivi dans ce délai. Or, la mauvaise foi de Mme Y... qui n'est pas alléguée de façon formelle mais de manière implicite puisque le rapport d'enquête après le dépôt duquel la procédure a été engagée conclut à l'absence de discrimination s'agissant de l'évaluation de mi-année, n'est pas caractérisée dans la mesure où il a été précédemment analysé que Mme Y... avait effectivement fait l'objet d'une discrimination en lien avec son sexe et surtout avec ses liens avec les syndicats auxquels elle avait adhéré et les activités syndicales qu'elle avait eues au cours de la collaboration. Il est établi qu'elle en avait subi les conséquences du fait du fort ralentissement de son évolution indiciaire et salariale jusqu'au terme de la collaboration. Dans ces conditions et sans qu'il soit besoin d'analyser la réalité ou non d'un abus de la part de la salariée de la liberté d'expression, le licenciement prononcé doit être annulé. Le jugement déféré sera réformé » ; ALORS, D'UNE PART, QUE la nullité du licenciement édictée par l'article L.1132-3 du code du travail, disposition d'ordre public qui doit rester de droit étroit, ne concerne que le cas où le licenciement constitue effectivement la sanction d'une relation d'agissements de discrimination et ne saurait avoir pour objet et pour effet d'interdire à l'employeur, dans le cadre du dialogue social, toute allusion à des faits de discrimination lorsque ceux-ci ont été évoqués à l'initiative du salarié ; qu'en déduisant d'un rappel dans la lettre de licenciement d'une simple mesure d'enquête déclenchée légitimement par le président d'IBM pour répondre aux accusations figurant dans le courrier de Madame Rojas Z... en date du 18 octobre 2010 que le licenciement prononcé aurait eu pour objet de sanctionner ces accusations, ce qui ne résulte aucunement des termes de la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé ; ALORS, D'AUTRE PART, QUE comme le rappellent les conclusions d'IBM, la lettre de licenciement, non intégralement reproduite par la cour d'appel, énonçait que, depuis l'envoi du courrier litigieux du 18 octobre 2010, Madame Rojas Z... n'avait cessé de discréditer publiquement ses supérieurs hiérarchiques et l'entreprise elle-même en imputant à la direction « l'image d'une escroquerie » (p.3 § 1) dans des mails du 30 décembre 2010 (évoquant le « pourrissement de la politique » d'IBM), du 24 janvier 2011 (qualifiant le manager de « totalement ignorant et en fuite constante de ses responsabilités sauf participer à la destruction des métiers »), du 2 février 2011 (assimilant une réunion à une « mascarade de la carotte et du bâton »), du 8 février 2011 (reprochant à son manager son « mépris des droits, de la santé, de la morale ») ; qu'en considérant, sans analyser les courriers ainsi diffusés, que le licenciement aurait constitué exclusivement une sanction du courrier initial susvisé du 18 octobre 2010, la cour de Paris a dénaturé, par omission délibérée, et en violation de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige les termes de la lettre de licenciement en date du 3 mars 2011, qui se fondait clairement sur des éléments postérieurs, objectifs, et étrangers aux allégations de discrimination ; ALORS, DE SURCROIT, QU'en se contentant d'affirmer que les courriels susvisés correspondraient à la poursuite du même comportement que la salariée avait exprimé dans la lettre du 18 octobre évoquant une éventuelle discrimination (p.9), la cour de Paris, qui se refuse, par ailleurs, à analyser les propos de l'intéressée (p.10) pour rechercher, comme il le lui était demandé, s'ils ne constituaient pas des actes de dénigrement spécifiques et détachables, commis dans la seule intention de nuire à l'encadrement et à l'entreprise, a méconnu l'objet du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ; ALORS, ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT, QUE si, au terme de l'article L.1132-3 du Code du travail, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir relaté des agissements de discrimination, la protection ainsi instituée ne saurait avoir un caractère absolu et perpétuel et interdire définitivement à l'employeur de sanctionner d'autres actes distincts et postérieurs, de sorte que prive sa décision de base légale tant au regard des articles L.1132-1, L.1132-3 et L.1232-1 du code du travail et aussi des articles 4 et 5 du Code de procédure civile, la cour d'appel qui affirme pouvoir se dispenser de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le dénigrement systématique et public de l'entreprise et des supérieurs hiérarchiques, postérieurement à la dénonciation de la prétendue discrimination, ne constituaient pas, par eux-mêmes, un abus de la liberté d'expression rendant impossible le maintien de la relation de travail. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) (réintégration sans objet) Le pourvoi reproche à l'arrêt infirmatif attaqué du 19 octobre 2016 d'avoir ordonné la réintégration de Madame Rojas Z... au sein de la Compagnie IBM France et d'avoir condamné l'entreprise à verser à l'intéressée un rappel de salaire allant de son éviction à sa réintégration, déduction faite des revenus de remplacement perçus par elle ; AUX MOTIFS QUE « sans qu'il soit besoin d'analyser la réalité ou non d'un abus de la part de la salariée de la liberté d'expression, le licenciement prononcé doit être annulé, le jugement déféré sera réformé. Sur les conséquences de l'annulation du licenciement : la réintégration au sein de l'entreprise est de droit dès lors qu'elle est demandée par la salariée. Par ailleurs, en application des dispositions des articles précédemment évoqués, lorsqu'il demande sa réintégration, le salarié a droit au paiement d'un rappel des salaires entre son éviction et la date de sa réintégration, déduction faite des revenus de remplacement dont Madame Y... a disposé. Il convient de constater que la prime d'ancienneté sera prise en compte dans le rappel de salaire découlant de la condamnation de la SASU IBM France à régler à Madame Y... le rappel de salaires depuis son éviction jusqu'à sa réintégration » (arrêt p.10) ; ALORS, D'UNE PART, QUE lorsqu'au moment où le juge statue sur une action du salarié tendant à obtenir sa réintégration dans l'entreprise du fait de la nullité du licenciement dont il s'estime victime, le contrat de travail a pris fin par l'effet d'un départ en retraite que l'intéressé a lui-même sollicité, celui-ci a seulement la faculté de réclamer la réparation d'un préjudice, sa demande de réintégration étant devenue sans objet ; qu'en ordonnant, au jour où elle a rendu sa décision, le 19 octobre 2016, outre des indemnisations, la réintégration de la salariée qui avait cependant sollicité, elle-même, le bénéfice de sa retraite (conclusions IBM p.7,9 et 12), ce qui était acquis aux débats (jugement p.14), la cour de Paris a méconnu les effets du départ volontaire à la retraite et violé les articles 1134 et 1780 du Code civil, L.1237-9 et, par fausse application, L.1132-4 du Code du travail ainsi que l'article L.161-22 du Code de la sécurité sociale au terme duquel le bénéfice de la retraite est subordonné à la rupture du lien avec l'employeur et à la cessation de l'activité salariée ; ALORS, DE DEUXIEME PART, QU'en faisant prévaloir le maintien de la demande initiale de réintégration de Madame Rojas Z... sur son départ volontaire en retraite, non contesté, sans s'expliquer comme elle y était invitée (p.9) sur le caractère antinomique de ces deux manifestations de volonté incompatibles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1780 du Code civil, L.1237-9 du Code du travail et L.161-22 du Code de la sécurité sociale ; ALORS, ENFIN, QU'en infirmant le jugement pour imposer un rappel de salaire au-delà de la date à laquelle Madame Rojas Z... a sollicité le bénéfice de la retraite, la cour d'appel détache la rémunération de l'emploi considéré et prive sa décision de base légale au regard des articles 1131, 1134 et 1780 du Code civil, ainsi que de l'article L.161-22 du Code de la sécurité sociale. TROISIEME MOYEN DE CASSATION (insuffisance de motifs sur l'existence d'une discrimination) Il est reproché à l'arrêt attaqué du 19 octobre 2016 d'avoir déclaré que Madame Rojas Z... était fondée à se dire victime d'une discrimination, d'avoir confirmé de ce chef le jugement condamnant la Compagnie IBM France à lui verser une indemnité de 96.000 € et d'avoir, en conséquence, refusé de rechercher si un abus de la liberté d'expression par l'intéressée pouvait justifier son licenciement par l'employeur ; AUX MOTIFS QUE (p.4) « S'agissant de l'évolution de son indice et sa rémunération, Mme Y... communique aux débats deux graphiques, un tableau établis par ses soins, son diplôme de maîtrise d'enseignement de lettres classiques obtenues en juin 1971 avec mention bien ainsi que le témoignage de M. C.... M. C... indique être rentré chez IBM le 31 mars 1970 à l'usine de Corbeil-Essonnes comme technicien de maintenance coefficient de 218, être passé au coefficient 253 le 1 er avril 1974 puis au coefficient 335 le 1 er novembre 1977 puis au coefficient 365 le ter septembre 1986 et enfin au coefficient 395 le ter décembre 1995. Il précise que Mme Y... et lui-même faisaient le même travail à Noisy le Grand et s'interroge sur le fait de savoir pourquoi la salariée a été maintenue au coefficient 335 alors que lui-même avait atteint le coefficient 395. Il constate qu'elle perçoit un salaire mensuel de 1800 C nets alors que lui-même à la retraite, perçoit un revenu mensuel de 2700 C. Le certificat de travail remis à la salariée le 4 juin 2011 établit que sa dernière qualification professionnelle était agent de gestion administratif principal 5.3 coefficient 365. Ce témoignage de M. C... et le certificat de travail remis le 4 juin 2011 corroborent les deux graphiques communiqués illustrant le ralentissement de l'évolution de la carrière de Mme Y... et le décrochage avéré de l'évolution de sa rémunération à compter des années 1989-1990. Mme Y... relève que le ralentissement de l'évolution de son indice et de sa rémunération est non seulement en lien avec ses activités syndicales mais aussi en lien de son sexe. M. C... aux termes du témoignage qu'il a rédigé précise que la société IBM a fait de l'anti-syndicalisme son cheval de bataille et témoigne de ce qu'il avait recommandé à Mme Y... de quitter ses activités syndicales pour passer cadre. Il déplore le sort qui a été réservé à celle-ci. Mme Y... fait valoir que l'évolution normale de son activité professionnelle après avoir était embauchée comme élève éducatrice MB aurait été de devenir technico-commerciale. Elle indique à cet égard sur un des documents communiqués, sans aucune contradiction de la part de l'employeur que les 8 collègues éducatrices embauchées comme elle en 1973 sont devenues technicocommerciales en 1982. Or, elle considère avoir été affectée à « des fonctions administratives comme toutes les femmes sans diplôme pour la punir ». Pour étayer ce fait de nature à laisser présumer la discrimination tenant non seulement à ses activités syndicales mais aussi à son sexe, elle communique un article de journal syndical rédigé par M. Henri D... faisant état d'une décision judiciaire de la cour d'appel de Montpellier en date du 25 mars 2003 qui a reconnu une discrimination du fait du sexe dont Mme E... X avait fait l'objet. Il est précisé que cette salariée, titulaire d'un DUT de gestion électrique, avait été embauchée en 1985 au coefficient de 255, que le même jour 16 hommes et quatre femmes avaient fait l'objet d'une embauche, que E... X a connu un changement de coefficient en 1986 en passant au coefficient 285, qu'elle n'a été promue comme agent technique au coefficient 335 que près de douze ans plus tard en décembre 1997. L'auteur de l'article relève que cette salariée n'avait jamais pu bénéficier du statut de cadre alors que tous les collègues de promotion masculins étaient, depuis, passés dans l'encadrement. S'agissant des tentatives de déstabilisation, la salariée communique un document rédigé par M. Alain F... délégué du personnel et mandaté CHSCT, en date du 27 avril 1996, décédé [...] , aux termes duquel celui-ci indique avoir accompagné Mme Marie-Christine Y... à une convocation chez le médecin du travail le 15 avril 1996, avoir, à l'issue de l'examen médical, constaté que Mme Y... était dans un état second sous l'effet de son entretien, le médecin lui ayant notifié qu'elle devait quitter son travail sur-le-champ et ne pourrait éventuellement y revenir qu'à la condition d'avoir le certificat d'un psychiatre lui précisant qu'elle possède toutes ses capacités mentales, qu'à défaut elle serait licenciée. M. F... précise avoir contacté le médecin du travail pour avoir confirmation de sa décision ce qu'il a eu dès lors que ce médecin lui a précisé directement «je maintiens mon ordre, Mme Y... doit quitter son poste de travail et se rendre chez un psychiatre. De toute façon Monsieur, cet ordre vient de la direction, j'en prendrai plein les dents mais vous, M. F... vous subirez des pressions, moi je suis protégé ». De nombreux articles de presse ont relayé cette information. Mme Y... s'est conformément à cette exigence médicale rendue chez un psychiatre ainsi qu'il en est justifié par le certificat remis en date du 19 avril 1996. Quelques semaines auparavant le 29 février 1996 plus de 30 salariés avaient signé une pétition pour exprimer leur incompréhension face à la sanction infligée à Mme Y... pour avoir correctement effectué sa mission de déléguée syndicale. La salariée communique également un procès-verbal de conciliation établi devant le conseil de prud'hommes de Paris le 12 décembre 1994 aux termes duquel M G... s'est engagé à retirer dans les meilleurs délais l'avertissement du ler décembre 1993 du dossier de Mme Y... la salariée acceptant cet engagement. Pour établir qu'elle a toujours usé de sa liberté d'expression à bon escient en dénonçant des situations de pressions managériales de la part de certains supérieurs hiérarchiques et des situations de souffrance au travail, Mme Y... communique de nombreux documents tendant à confirmer l'existence d'une réelle souffrance au travail au sein de la société, en lien avec des pressions de la part de la hiérarchie et des charges de travail importantes. - M. H... a laissé un document écrit pour expliquer son geste suicidaire en le rattachant au fait que la société « l'a eu » que « c'est bien un crime qui vient d'être effectué contre ma personne ». Il évoque également la mentalité régnant dans l'entreprise qu'il qualifie d'un immense panier de crabes où tous les coups sont permis pour obtenir une bonne note, promotion, les valeurs de la personne et la qualité du travail effectué étant devenus secondaires. - Un courriel de M. Michel Pierre I... fait état du suicide de M. Jean-Claude Q. et évoque le problème souvent soulevé en CHSCT à savoir « la charge du travail entraîne le mal de vivre à IBM France ». - Un courriel de M. Daniel J... qui tout en s'interrogeant sur les mesures à prendre consécutivement au suicide de M. Jean-Claude Q. évoque aussi la tentative de suicide de M. L. - Un document de l'assurance-maladie de Seine-Saint-Denis en date du 29 mars 2010 qui reconnaît le caractère professionnel de l'accident subi par M. K... M. consécutivement aux reproches que lui a adressés sa supérieure hiérarchique Mme L, le 24 septembre 2009, ce courriel faisant suite à une série de reproches concernant sa rapidité d'exécution et les erreurs commises. Par l'ensemble de ces documents, Mme Y... établit la réalité et la matérialité de faits laissant présumer l'existence d'une discrimination en lien avec ses activités syndicales et avec son sexe. Elle précise qu'elle a été déléguée du personnel CFDT en 1982, qu'elle a adhéré à la CGT en 1995, qu'elle a quitté à la mort de M. F... [...] et qu'elle est revenue à la CGT de 2001 à 2007. L'employeur soutient que la salariée ne communique aucun élément comparatif faisant ressortir une réelle disparité de traitement en relation avec un motif discriminatoire, qu'en particulier, elle ne communique pas les bulletins de salaires des personnes auxquelles elle se compare, M. L... et M. C..., qu'aucun élément n'est communiqué sur leur ancienneté, leur expérience au sein de la société, leur éventuel changement de métier, de qualification, de fonctions. Il considère par ailleurs que les éléments communiqués ne permettent pas de relier le prétendu ralentissement de l'évolution de sa rémunération avec les motifs de discrimination invoqués, son sexe, ses activités syndicales voire son âge. Selon lui, l'activité syndicale de Mme Y... n'a débuté qu'en janvier 1992, que la salariée n'avait déjà pas suivi la même évolution de carrière que certains de ses collègues dès 1973. La SASU IBM France considère que l'évolution professionnelle de la salariée est similaire à celle d'autres salariés de la société placées dans une situation identique à la sienne puisqu'elle était notamment la deuxième salariée la mieux payée des huit autres composant son service et alors que six d'entre eux avaient une ancienneté de plus de 30 ans comme elle. La SASU IBM France expose que Mme Y... fait partie de ceux qui ont bénéficié des primes de fin d'année les plus élevées et qu'elle a été la seule à avoir été notée 3, parmi les contributeurs les plus faibles au sein de son équipe. La société relève enfin que la comparaison effectuée avec deux autres salariés, un homme et une femme engagés comme Mme Y... en 1973 au même coefficient montre qu'ils avaient atteint en 2011 le même coefficient 365 ce dont il se déduit qu'elle n'a pas fait l'objet d'un traitement défavorable. La cour relève que la SASU IBM France qui critique l'absence de production d'éléments de comparaison tels des bulletins de salaire de salariés, ne communique elle-même aucun élément sur les salariés embauchés en 1973 comme Mme Y... et bénéficiant comme elle d'un coefficient 365, en dehors d'un simple tableau. Par ailleurs, si l'employeur revendique une évaluation limitée à 3 parmi les contributeurs les plus faibles au sein de l'équipe, la cour relève une relative contradiction du fait que la salariée a par ailleurs, selon l'employeur, reçu des primes de fin d'année parmi les plus élevées du service. Mme Y... communique au surplus de nombreux documents démontrant son implication dans son activité et la satisfaction des supérieurs hiérarchiques ou collaborateurs. M. Michel M... écrivait dans un courriel du 21 novembre 2000, « Bien reçu, heureusement que tu es là, merci beaucoup ». Mme Céline N..., le 13 juillet 2000 s'exprimait en ces termes «je te remercie pour ta coopération cette période de crise ». Le 10 août 2000, elle la remerciait beaucoup pour sa coopération et sa réactivité. Mme Christine O... l'informait le 18 juillet 2000 que Dublin confirme que la pyrx1047 fonctionnent et les petits semblent retrouver un peu plus de motivation au travail. Merci de ton aide car je sais l'énergie dont tu as fait preuve dans cette affaire. Le 12 janvier 2000 M. Pierre P... la remerciait et lui écrivait « tu es vraiment super. Tu arrives à faire des trucs si compliqués... en si peu de temps. Je suis impressionné ». Le 13 mars 2001, Claire Q... lui écrivait « je l'ai bien reçue, c'est parfait comme d'habitude merci ». De façon générale, l'employeur estime que dans sa catégorie d'emploi, la salariée n'a pas fait l'objet d'un traitement défavorable. Au regard de l'ensemble des éléments précédemment relatés, l'absence d'évolution significative de carrière, d'indice, de rémunération de Mme Y... tout au long des 37 années passées au sein de la société alors qu'elle a été affiliée à plusieurs syndicats au moins depuis 1982 qu'elle y a exercé des fonctions syndicales pendant plusieurs années au cours desquelles elle a subi une sanction injustifiée en décembre 1993, une autre sanction considérée comme étant injuste par plusieurs salariés ayant signé une pétition, puis une tentative de déstabilisation en 1996 par l'intermédiaire du médecin du travail en 1996, révèlent effectivement la discrimination subie par la salariée du fait de ses activités syndicales, de son sexe, les décisions prises par la société à son égard n'étant pas justifiées de manière objective par des considérations étrangères à toute discrimination, étant observé qu'elles ont perduré dans la mesure où aucune évolution ultérieure ne lui a été proposée, que son indice n'a été porté à 365 qu'en 2008 , sans plus changer ensuite » et que (p.9) « la mauvaise foi de Madame Y... qui n'est pas alléguée de façon formelle mais de manière implicite puisque le rapport d'enquête après le dépôt duquel la procédure a été engagée conclut à l'absence de discrimination s'agissant de l'évaluation de miannée, n'est pas caractérisée dans la mesure où il a été précédemment analysé que Madame Y... avait effectivement fait l'objet d'une discrimination en lien avec son sexe et surtout avec ses liens avec les syndicats auxquels elle avait adhéré et les activités syndicales qu'elle avait eues au cours de la collaboration. Il est établi qu'elle en avait subi les conséquences du fait du fort ralentissement de son évolution indiciaire et salariale jusqu'au terme de la collaboration. Dans ces conditions et sans qu'il soit besoin d'analyser la réalité ou non d'un abus de la part de la salariée de la liberté d'expression, le licenciement prononcé doit être annulé » ; ALORS, D'UNE PART, QUE si en vertu de l'article L.1134-1 du Code du travail il est permis au salarié de présenter aux juges des éléments laissant seulement présumer une discrimination c'est, en vertu de l'article 1 de la loi 2008-496 du 27 mai 2008, à la condition que ces éléments concernent des personnes se trouvant dans une situation « comparable » ainsi que le rappelait l'exposante (conclusions p.14 et 16) ; qu'à défaut d'avoir procédé aux examens comparatifs invoqués par IBM pour caractériser le préjudice de carrière qu'elle retient, la cour de Paris a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1132-1 du Code du travail et de la loi susvisée ; ALORS, D'AUTRE PART, QUE la Compagnie IBM France invoquait (p.18) et produisait un panel de comparaison comprenant des salariés entrés au sein de l'entreprise en 1973, comme Madame Rojas Z..., positionnés au même niveau 5/3 et se trouvant en 2011, au moment du départ de l'intéressée, au même coefficient de 365 et bénéficiant de la même rémunération ; que ce panel n'étant pas contesté, en lui-même, la cour d'appel ne pouvait écarter d'office cet élément objectif par la considération inopérante qu'il n'était pas accompagné d'autres pièces susceptibles de le corroborer, lesquelles n'étaient pas réclamées par Madame Rojas Z... ; qu'en statuant de la sorte, sans même recourir à la mesure d'instruction, prévue en pareil cas par l'article L.1134-1 du Code du travail, la cour de Paris a violé ce texte ainsi que les articles 6 et 16 du Code de procédure civile ; ALORS, ENFIN, QU'en retenant au soutien des prétentions de Madame Rojas Z... un article de presse sur la discrimination sexiste dans l'établissement de Montpellier en 2003, de prétendues tentatives de déstabilisation faisant l'objet d'une pétition de salariés en 1996, un procès-verbal de conciliation signé en 1994, le témoignage d'un cadre retraité (Monsieur C...) sur des faits se situant entre l'année 1974 et l'année 1995, des lettres de félicitation adressées à la salariée en l'an 2000, ainsi que divers gestes suicidaires commis à des époques indéterminées par des tiers et en estimant que cet ensemble de faits, dépourvus de tout rapport de causalité et de temporalité avec les motifs de la lettre de licenciement qui, en réalité, fondaient la sanction sur les derniers courriers de l'intéressée émis fin 2010 et début 2011, la dispensait de vérifier « la réalité ou non d'un abus de la liberté d'expression », la cour d'appel a privé sa décision de base légale tant au regard de l'article L.2281-1 que des articles L.1232-1 et L.1232-6 du Code du travail.