Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 31 janvier 2006, 03-13.739

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2006-01-31
Cour d'appel de Versailles (12e chambre, section 1)
2003-02-20

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Donne acte à M. X..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Y... moto, de ce qu'il reprend l'instance engagée devant la Cour de cassation par la société Y..., agissant en la personne de son liquidateur amiable, M. Lionel Y... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Versailles, 20 février 2003), que la société Y... moto (Y...), concessionnaire de la société Yamaha Motor France (Yamaha) en vertu d'un contrat à durée indéterminée et de la société MBK Industrie (MBK) en vertu d'un contrat à durée déterminée d'une année, s'est vue notifier le 1er juillet 1997 la résiliation à effet le 31 décembre 1997 du contrat Yamaha et le 12 janvier 1998 le non renouvellement du contrat MBK pour l'année 1998 ; que la société Y... a saisi le tribunal de commerce d'une demande de dommages-intérêts en raison d'une entente anticoncurrentielle entre ses deux concédants, de comportements déloyaux pendant l'exécution des contrats et de ruptures abusives des relations commerciales ; que le tribunal a estimé que les deux concédants avaient exercé leurs droits de résiliation d'une façon brusque et abusive et rejeté les autres demandes ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que M. X..., ès qualités, fait grief à

l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a dit que les sociétés Yamaha et MBK n'avaient pas dérogé aux dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 à l'encontre de la société Y..., alors, selon le moyen : 1 / que prive sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, la cour d'appel qui écarte l'éventualité d'une entente entre les sociétés Yamaha et MBK sans s'expliquer, ainsi que l'y invitait la société Y..., sur les aveux répétés du président de MBK qui avait affirmé que la location de locaux au siège social de Yamaha avait permis d'"avoir encore une meilleure communication entre MBK et Yamaha" et que "les accords passés entre les deux marques" avaient permis de "contrôler" la "guerre des prix" ; 2 / que prive encore sa décision de base légale au regard des textes susvisés, ensemble l'article L. 420-4 du Code de commerce, la cour d'appel qui soustrait les sociétés MBK et Yamaha à la prohibition des ententes au prétexte que leurs accords relèveraient d'une volonté de "mieux organiser la distribution" de leurs produits, sans caractériser de progrès économique en résultant pour les consommateurs ; 3 / qu'en affirmant que la collusion entre les sociétés MBK et Yamaha n'aurait causé aucun préjudice à la société Y... cependant que l'existence d'une entente entre deux fournisseurs d'un distributeur cause en soi un préjudice à celui-ci, la cour d'appel a violé les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce ;

Mais attendu

qu'après avoir rappelé que les sociétés Yamaha et MBK, filiales d'un même groupe, disposent d'un siège social distinct et d'un réseau de distribution propre, l'arrêt retient que la stratégie dite "deux marques" développée par ces sociétés ne constitue pas une entente illicite au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce ; que, par ce seul motif, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en ses deuxième et troisième branches, n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen

:

Attendu que M. X..., ès qualités, fait grief à

l'arrêt d'avoir rejeté la demande de la société Y... tendant à la condamnation des sociétés MBK et Yamaha au paiement de dommages-intérêts pour n'avoir pas exécuté correctement et de bonne foi leurs obligations contractuelles, alors, selon le moyen : 1 / que la date de règlement ainsi que les conditions d'escompte en cas de paiement à une date antérieure faisant partie des mentions portées obligatoirement sur les factures qui seules font foi d'un accord des parties sur ce point, viole l'article L. 441-3 du Code de commerce, la cour d'appel qui, pour décider qu'aucun escompte n'était prévu par les parties en cas de règlement anticipé de ses dettes par la société Y..., se réfère exclusivement à des courriers adressés par le concédant au concessionnaire sans viser ni analyser les factures versées aux débats par ce dernier ; 2 / qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si la baisse du taux de remise consenti aux concessionnaires, de un point en 1993 et de deux points en 1994, ainsi que, trois plus tard, la réduction du taux d'escompte pour règlement anticipé des factures de 1 % à 0.66 % par mois n'avaient pas pour objet ou pour effet d'imposer un prix de revente supérieur à celui pratiqué jusqu'alors et voisin de celui résultant du tarif fixé par le concédant, peu important que les concessionnaires aient accepté ces baisses de marge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-5 du Code de commerce ; 3 / qu'il ressort du "contrat Minitel" versé aux débats par la société Y... que le programme Minitel mis en place par Yamaha servait de support à l'ensemble des services de commandes, suivi de commandes et facturations de sorte que la coupure de l'accès de la société Y... audit programme le 16 juin 1997, non contestée, l'avait privé d'un outil essentiel de gestion de sa concession ; qu'en affirmant au contraire que cette coupure aurait été "sans importance et sans conséquence", la cour d'appel a méconnu la loi des parties, en violation des articles 1134 et 1282 du Code civil ; 4 / que la mise en oeuvre d'une caution bancaire pour garantir le paiement des dettes d'un commerçant prétendument défaillant portant atteinte à son crédit, viole l'article 1382 du Code civil la cour d'appel qui affirme que cet acte de défiance du fournisseur de la société Y... aurait été "sans importance et sans conséquence" ; 5 / que, de toutes façons, la société Yamaha n'avait jamais soutenu, dans ses écritures d'appel, que la coupure du Minitel et la mise en oeuvre intempestive d'une caution bancaire aurait été "sans importance et sans conséquence" ; qu'en relevant d'office ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

, en premier lieu, qu'en retenant, par une appréciation souveraine des éléments de preuve que la société Yamaha n'a pas fait obstacle aux paiements au comptant de la société Y... et que la coupure du minitel le 16 juin 1997 et la mise en oeuvre d'un cautionnement prétendument indu ne pouvaient être imputées à faute à la société Yamaha, la cour d'appel, qui n'a pas relevé d'office de moyen, a légalement justifié sa décision et a pu décider que la société Yamaha n'avait pas eu un comportement déloyal pendant l'exécution du contrat ; Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni de ses conclusions que la société Y... ait reproché à la société Yamaha d'imposer à ses concessionnaires des prix de revente des produits ; que le moyen, en sa deuxième branche, est donc nouveau ; qu'il est mélangé de fait et de droit ; D'où il suit, qu'irrecevable en sa deuxième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le troisième moyen

:

Attendu que M. X..., ès qualités, fait grief à

l'arrêt, infirmatif sur ce point, d'avoir rejeté la demande de la société Y... tendant à la condamnation des sociétés MBK et Yamaha au paiement de dommages-intérêts pour avoir rompu leurs contrats de manière brusque et abusive, alors, selon le moyen : 1 / que le caractère raisonnable du préavis de rupture de relations commerciales s'appréciant essentiellement en fonction de l'ancienneté desdites relations, prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 5 du Code de commerce, la cour d'appel qui juge "raisonnable" le préavis de six mois donné par Yamaha à Y... au seul motif que ce délai de reconversion laissé au concessionnaire ne le placerait pas dans une situation difficile, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si ce délai était suffisant ou non pour la résiliation d'un contrat vieux de dix ans ; 2 / qu'en ne recherchant pas, comme elle y était pourtant invitée, si le caractère insuffisant du préavis de six mois consenti à la société Y... ne ressortait pas du fait que, un mois seulement après lui avoir notifié sa décision, la société Yamaha portait à douze mois le préavis contractuel de résiliation garanti à tous ses concessionnaires, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; 3 / qu'il résulte de ce texte qu'un fabricant ne peut rompre sans préavis des relations commerciales vieilles de plus de soixante ans, peu important que lesdites relations aient pris la forme d'un contrat à durée déterminée pouvant ne pas être renouvelé ; qu'au cas d'espèce, la société Y... avait fait valoir qu'elle était liée avec la société MBK, anciennement Motobécane, depuis 1936, de sorte que la cour d'appel ne pouvait décider que le concédant avait la faculté de ne pas renouveler son contrat sans accorder de préavis à l'exposante, sans violer l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

Mais attendu

, en premier lieu, qu'après avoir constaté que la société Yamaha avait respecté le délai de préavis de six mois prévu par le contrat à durée indéterminée la liant à la société Y..., l'arrêt écarte l'appréciation des premiers juges fondée sur la seule durée des relations contractuelles et observe que le délai convenu permettait à la société Y..., concessionnaire de plusieurs marques, de pallier les inconvénients de la perte de la concession Yamaha ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante visée par la deuxième branche, a pu décider que le délai contractuel était raisonnable et suffisant ; Attendu, en second lieu, qu'ayant rappelé que la société MBK avait cherché à adapter les objectifs à la situation de la société Y... pour les fixer en 1996 puis en 1997 à la vente de vingt scooters et constatant les mauvais résultats de la société Y... qui ne vendait que cinq ou six scooters par an, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir l'inexécution de ses obligations par le concessionnaire, a pu estimer non fautif le non renouvellement sans préavis par la société MBK du contrat à durée déterminée d'une année, non renouvelable tacitement, la liant à la société Y... ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X..., ès qualités à payer à chacune des sociétés Yamaha et MBK la somme de 1 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille six.