Tribunal de grande instance de Paris, 27 octobre 2016, 2015/10256

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2015/10256
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Parties : ABASIC SL (Espagne) ; INTS FRANCE / DISLAY SARL

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 27 octobre 2016 3ème chambre 1 ère section N° RG : 15/10256 Assignation du 10 juillet 2015 DEMANDERESSES Société ABASIC S.L. Passeig Mare Nostrum 15 08039 BARCELONE (ESPAGNE) Société INTS FRANCE [...] 75838 PARIS CEDEX 17 représentées par Maître Tania KERN de l'AARPI KERN & WEYL, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0291 DÉFENDERESSE S.A.R.L. DISLAY [...] 75011 PARIS représentée par Maître Vanessa BOUCHARA de la SARL CABINET BOUCHARA - Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0594 COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C, Vice-Présidente Julien RICHAUD, Juge Amélie JIMENEZ. Juge assistée de Marie-Aline P. Greffier. DÉBATS À l'audience du 27 septembre 2016 tenue en audience publique devant Marie-Christine C, Amélie JIMENEZ juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et. après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort Les sociétés ABASIC S.L. et INTS France font partie du Groupe DESIGUAL. créé en 1984, qui crée, fait fabriquer, distribue et commercialise notamment des vêtements et accessoires sous la marque DESIGUAL. Implanté dans plus de 100 pays, le groupe DESIGUAL revendique une croissance soutenue et durable de son activité ainsi qu'une reconnaissance dans le milieu de la mode marqué par de nombreuses distinctions. Les produits du groupe DESIGUAL sont distribués en France : - par la société ABASIC dans le réseau multimarque constitué de 1800 magasins multimarques. ainsi que sur Internet, via la eboutique http://desigual.com/fr_FR - par la société INTS France, filiale française de la société ABASIC,dans ses propres magasins et dans les corners DESIGUAL situés aux Galeries Lafayette et au Printemps. La société ABASIC se dit titulaire de droits d'auteur sur : 1°- le motif apposé sur une robe nommée EVANON portant la référence 37V2070 existant en deux déclinaisons, l'une dans des nuances de verts et bleus turquoise, l'autre plus colorée associant aux tonalités verts et bleus des tons rose/violet et orangé. Elle précise que ce motif a été créé pour la collection DESIGUAL Automne-Hiver 2013 2°- une robe référence 47V012 cintrée à manches longues rouge, noir blanche et grise à effet dentelle créée pour la collection Automne-Hiver 2014 ; La société DISLAY dont le siège social est situé [...] a une activité de vente, achat, import, export en gros et demi gros et de vente au détail de prêt à porter et produits de l'habillement. La société ABASIC indique avoir appris que la société DISLAY proposait à la vente sous la référence t031 des robes reproduisant le motif apposé sur la robe EVANON ainsi que sous la référence 1079 des robes imitant les motifs apposes sur un tee-shirt Desigual référence 15T2432 provenant de sa collection Printemps-Été 2011. Après en avoir acquis un exemplaire de chacune des références litigieuses, la société ABASIC a été autorisée, par ordonnance du président du tribunal de grande instance de PARIS en date du 8 juin 2015, à procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société DISLAY. Les opérations ont eu lieu le 10 juin 2015 et ont permis la découverte des robes litigieuses sous les références t031 et t042 C’est dans ces conditions que par acte d'huissier en date du 10 juillet 2015, la société ABASIC et la société INTS France ont assigné la société DISLAY devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droit d'auteur et concurrence déloyale et parasitaire Indiquant avoir constaté postérieurement à la saisie-contrefaçon l'offre à la vente sous la marque DISLAY et sous la référence 2088 d'une robe reproduisant les caractéristiques de kla robe Desigual référence 47V2012, les demanderesses ont fait établir le 22 décembre 2015 un procès-verbal de constat d'achat auprès de la société DISLAY. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 mars 2016, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de leurs moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société ABASIC et la société INTS France demandent au tribunal, au visa des articles L. 111-1 et suivants. L. 113-5, L. 121-1, L. 122-4. L. 331 -1 -3. L. 332-1 et suivants et L. 335- 1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, de l'article1382 du code civil et sous le bénéfice de l'exécution provisoire de: Dire et juger que les demanderesses sont bien fondées et les recevoir en leur action : À titre principal : Dire et juger qu'en important, achetant, offrant à la vente et vendant des robes reproduisant quasi-servilement les caractéristiques originales du Motif apposé sur la robe Desigual nommée EVANON référence 37V2070, la société DISLAY a commis des actes de contrefaçon des droits d'auteur de la société ABASIC : Dire et juger qu'en important, achetant, offrant à la vente et vendant des robes reproduisant quasi-servilement les caractéristiques originales du Motif apposé sur la robe Desigual référence 47V2012, la société DISLAY a commis des actes de contrefaçon des droits d'auteur de la société ABASIC : Dire et juger que les actes de contrefaçon susmentionnés constituent des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société INTS France ; Dire et juger que la société DISLAY a commis des fautes distinctes constitutives de concurrence déloyale et de parasitisme à l'égard des sociétés ABASIC et INTS FRANCE

; En conséquence

, Condamner la société DISLAY à payer à la société ABASIC, la somme de 292 218.28 euros au titre du manque à gagner, sauf à parfaire ou à compléter. Condamner la société DISLAY à payer à la société ABASIC, la somme de 40 000 euros au titre de l'atteinte à son image de marque et à l'image de qualité de ses produits, sauf à parfaire ou à compléter : Condamner la société DISLAY à payer à la société ABASIC, la somme de 20 000 euros au titre de l'atteinte à son droit moral, sauf à parfaire ou à compléter : Condamner la société DISLAY à payer à la société INTS France la somme de 20 000 euros des actes de contrefaçon susmentionnés qui constituent à son égard des actes de concurrence déloyale, sauf à parfaire ou à compléter : Condamner la société DISLAY à payer à la société ABASIC la somme de 20.000 euros au titre des fautes distinctes de concurrence déloyale et parasitaire, sauf à parfaire ou à compléter. Condamner la société DISLAY à payer à la société INTS FRANCE la somme de 20.000 euros au titre des fautes distinctes de concurrence déloyale et parasitaire, sauf à parfaire ou à compléter. Ordonner la publication du jugement à intervenir dans quatre (4) journaux ou revues au choix des demanderesses et aux frais de la société DISLAY sans que le coût de chaque insertion ne puisse être supérieur à 5.000 euros HT, soit 20.000 euros HT au total, avec la possibilité d'y faire figurer les photos des modèles en présence, afin d'illustration : « Par décision en date du 1/4 le Tribunal de grande instance de Paris a jugé que la société DISLAY a porté atteinte aux droits d'auteur de la société ABASIC SL sur les références 37V2070 et 47V2012 originales en commercialisant des produits reproduisant les caractéristiques essentielles de ces références et de leurs Motifs . Le Tribunal a condamné la société DISLAY à verser aux sociétés ABASIC SL et INTS FRANCE appartenant au Groupe Desigual la somme de ... euros en réparation du préjudice subi. » : À titre subsidiaire : Dire et juger que la société DISI.AY a commis des fautes constitutives de concurrence déloyale, en commercialisant les robes DISLAY références t031, t042 et 2088 Condamner la société DISLAY à payer aux sociétés ABASIC et INTS France la somme de 40.000 euros sauf à parfaire ou à compléter. En tout état de cause : Interdire à la société DISLAY la poursuite des actes de contrefaçon et/ou de concurrence déloyale à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte définitive de 1.500 euros par infraction constatée (s'entendant par produit contrefaisant fabriqué, détenu, importé, exporté, offert à la vente ou vendu), astreinte dont le Tribunal se réservera la liquidation : Condamner la société DISLAY à payer aux demanderesses la somme de quinze mille euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamner la société DISLAY aux entiers dépens, y compris ceux consécutifs à la procédure de saisie-contrefaçon, dont distraction au profil de Maître Tania Kern, associée de l'AARPI K. Weyl &Andreani, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. En réplique, dans ses dernières écritures signifiées par la voie électronique le 8 janvier 2016, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société DISLAY demande au tribunal, au visa des livres I et III du code de la propriété intellectuelle et de l'article 1382 du code civil, de : Débouter la société ABASIC SL et la société INTS FRANCE de toutes leurs demandes, fins et conclusions ; Recevoir la société DISLAY en toutes ses demandes, fins et conclusions et l'y déclarant bien fondée : À titre principal. Dire et juger que les opérations de saisie contrefaçon du 10 juin 2015 sont entachées de nullité. Dire et juger que la société ABASIC SL ne prouve pas la création et la date de création du modèle de robe revendiquée. Dire et juger que la société ABASIC SL ne justifie pas de sa titularité des droits d'auteur sur le modèle revendiqué et ne peut bénéficier de la présomption de titularité des droits de création. Dire et juger que le modèle de robe revendiqué par la société ABASIC SL n'est pas original et protégeable par les dispositions des Livres I et III du Code de la Propriété Intellectuelle. Débouter en conséquence la société ABASIC SL de l'ensemble de ses demandes fondées sur de prétendus actes de contrefaçon. Dire et juger que la société DISLAY n'a commis aucun acte de concurrence déloyale à l'égard de la société INTS France, ni à titre subsidiaire à l'égard de la société ABASIC SL. Débouter en conséquence, la société INTS France et ABASIC SL de l'ensemble de leurs demandes fondées sur de prétendus actes de concurrence déloyale et parasitaire. À titre subsidiaire. Constater que la société ABASIC SL et la société INTS France ne justifient pas de leur préjudice. Débouter en conséquence, la société ABASIC SL de ses demandes indemnitaires ou à tout le moins ramener leur montant à de plus justes proportions. En tout état de cause. Débouter la société ABASIC SL et la société INTS France de leurs demandes accessoires. Condamner solidairement la société ABASIC SL et la société INTS France à verser à la société DISLAY la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile : Condamner la société ABASIC SL et la société INTS France aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELARL Cabinet BOUCHARA - Avocats La clôture a été prononcée le 5 juillet 2016. MOTIFS 1-Sur la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 10 juin 2015 : La société DISLAY soutient que le procès-verbal de saisie-Contrefaçon est nul dès lors que le saisi Monsieur X, son gérant, n'était pas en mesure de comprendre les implications des opérations de saisie-contrefaçon en raison de sa maîtrise approximative de la langue française. Les sociétés ABASIC SL et INTS France répondent d'une part que Monsieur X exerce les fonctions de gérant d'une société commerciale française depuis 2009, ce qui prouve qu'il dispose des compétences linguistiques, juridiques et comptables inhérentes à cette fonction, et d'autre part qu'il lui a été laissé un temps suffisant de 15 minutes pour prendre connaissance des termes de l'ordonnance. Elles ajoutent que le gérant avait au demeurant l'expérience d'une première saisie-contrefaçon ordonnée dans une précédente affaire opposant les mêmes parties. Sur ce La saisie-contrefaçon étant un mode de preuve de la contrefaçon et non un acte de procédure, les moyens de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon constituent des défenses au fond et non des exceptions de procédure et sont en conséquence proposables en tout état de cause conformément à l'article 72 du code de procédure civile. Et, en application de l'article 649 du code de procédure civile, la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure, soit les articles 114 et suivants du code de procédure civile pour les vices de forme et les articles I 17 et suivants du même code pour les vices de-fond. Le vice invoqué, qui tient en réalité aux conditions de la notification au saisi de l'ordonnance ayant autorisé les opérations de saisie-contrefaçon, constitue un vice de forme répondant aux conditions de l'article 114 du code de procédure civile. À ce titre, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. Il ressort des pièces produites aux débats que l'ordonnance a été signifiée à Monsieur Wang X, gérant de la société DISPLAY, quinze minutes axant le début des opérations de saisie-contrefaçon, ce qui constitue un délai suffisant pour permettre à ce dernier d'en prendre connaissance et de la lire intégralement et donc pour assurer le respect du principe du contradictoire conformément à l'article 495 du code de procédure civile. L'insuffisante maîtrise du français par le saisi n'est démontrée par aucune pièce et ne ressort d'aucune mention du procès-verbal de l'huissier, lequel établit au contraire que Monsieur X a parfaitement compris les questions de l'huissier et y a répondu de manière adaptée sans poser de questions. Il convient d'ajouter que Monsieur X est gérant d'une société commerciale française depuis 2009, ce qui suppose à tout le moins de sa part la maîtrise élémentaire de la langue française pour l'accomplissement des formalités administratives et fiscales qui lui incombent en cette qualité et que ce dernier avait déjà l'expérience d'au moins une saisie-contrefaçon s'étant déroulée en sa présence dans le cadre d'une précédente affaire ayant opposé les parties. Aucun grief tiré de celle prétendue incompréhension des termes de l'ordonnance n'étant démontrée, le moyen de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 10 juin 2015 sera rejeté. 2- Sur la recevabilité des demandes de la société ABASIC SL au titre de la contrefaçon de droit d'auteur : Sur la titularité des droits La société ABASIC fait valoir que les motifs apposés sur la robe EVANON référence 37V2070 ainsi que la robe référence 47V2012 constituent des (envies collectives, fruit du travail de son équipe créative dont elle a initié et dirigé la création par l'intermédiaire de son directeur artistique. M. T.. Elle précise : Que la robe Desigual EVANON référencé 37V2070 a été créée le 5 novembre 2012 pour la collection Automne-Hiver 2013 puis déposée le 11 janvier 2013 en son nom auprès du registre territorial de la propriété intellectuelle de Madrid en tant qu'œuvre collective, enregistrée sous le numéro 16/2013/3029 et commercialisée en France à compter de septembre 2013. Que la robe Desigual référence 47V2012 a été créée le 26 août 2013 pour la collection Automne-Hiver 2014 puis déposée le 10 janvier 2014 en son nom auprès du registre territorial de la propriété intellectuelle de Madrid en tant qu'œuvre collective, enregistrée sous le numéro 16/2014/2176 et commercialisée en France à compter de juillet 2014. Elle soutient qu'en tout état de cause elle est présumée titulaire des droits d'auteur en application de la présomption prétorienne de titularité en l'absence de revendication d'auteur sur les créations en cause et en l'état des actes non équivoques d'exploitation en France dont elle justifie. La société DISPLAY considère pour sa part que les pièces produites par la société ABASIC SL ne justifient pas qu'elle serait à l'origine de la création de la robe Desigual EVANON référence 37V2070, la fiche technique dont elle se prévaut comme les factures de commercialisation étant de simples documents internes ne permettant pas d'établir un lien avec la robe revendiquée. Elle ajoute, toujours s'agissant de la robe Desigual EVANON référence 37V2070, que faute de rapporter la preuve de création et d'identifier de manière certaine le vêtement sur lequel elle revendique des droits d'auteur, la société ABASIC SL ne peut non plus bénéficier de la présomption de titularité. La société DISPLAY n'a pas conclu s'agissant de la robe Desigual référence 47V2012. Sur ce L'article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que la qualité d'auteur appartient sauf preuve contraire à celui ou à ceux sous le nom duquel l'œuvre est divulguée. Selon l'article L I 13-2 du code de propriété intellectuelle. "Est dite collective l'œuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé." L'œuvre collective a ainsi pour objet de récompenser l'investisseur à l'origine de la création de l'œuvre. Le rôle de la personne morale doit être prépondérant à tous les stades du processus créatif et de la diffusion de l'œuvre. Elle doit avoir l'initiative de la création de l'œuvre et assurer la direction du processus de création en délivrant, par l'intermédiaire de ses préposés, des instructions encadrant la liberté de création des auteurs. Elle doit ensuite diriger la diffusion el l'exploitation de l'œuvre sous son nom. Il résulte en l'espèce des explications et pièces versées en demande, notamment des fiches techniques des vêlements en cause (pièces n°5) ainsi que des articles de presse relatifs à la marque DESIGUAL, notamment l'interview du 10 avril 2012 du directeur général du groupe indiquant qu'une équipe créative formée de 340 personnes, dont 35 designers, travaille sous la direction de M. T, directeur de création, pour créer plusieurs collections par an, que la société ABASIC S.L. est à l'origine de la création de la robe Desigual EVANON référence 37V2070 dans le cadre de l'élaboration de sa collection Automne- Hiver 2013 et de la robe Desigual référence 47V2012 dans le cadre de l'élaboration de sa collection Automne-Hiver 2014: qu'elle a. par l'intermédiaire de son directeur de collection, donné à ses équipes de salariés des instructions relatives à leur conception et leur réalisation et que ces créations ont ensuite été déposées sous son nom au registre de la propriété intellectuelle de Madrid, puis divulguées el commercialisée en France à compter de septembre 2013 pour la première et de juillet 2014 pour la seconde, au vu des factures versées au débat (pièces 7). Par conséquent, il est démontré d'une part que la société ABASIC S.L. a eu l'initiative de la création des vêtements revendiqués, el d'autre part, qu'elle en a assuré la diffusion et l'exploitation en France sous son nom, de sorte qu'elle est bien titulaire des droits d'auteur attachés à ces œuvres collectives. Sur l'originalité La société ABASIC SL affirme que la robe Desigual EVANON référence 37V2070 et la robe Desigual référence 47V2012 présentent des caractéristiques originales qui leur confèrent une protection au titre du droit d'auteur. Elle souligne que, contrairement à ce que soutient la défenderesse, la notion d'art antérieur est inopérante dans le cadre de l'application du droit d'auteur. La société DISLAY conclut à l'absence d'originalité uniquement s'agissant de la robe Desigual EVANON référence 37V2070, soulignant que les réalisations qui relèvent d'une tendance, d'un genre ou d'un style non appropriable ne peuvent être protégées par le droit d'auteur et que la société ABASIC SL ne fait pas la démonstration d'un effort créatif de l'auteur par rapport à l'art antérieur. Sur ce En application de l'article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur celle œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. Et, en application de l'article L 112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute œuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. Dans ce cadre, si la protection d'une œuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole et le principe de la contradiction posé par l'article 16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques qui fondent l'atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l'absence d'originalité. À cet égard, si une combinaison d'éléments connus ou naturels n'est pas a priori exclue de la protection du droit d'auteur, encore faut-il que la description qui en est faite soit suffisamment précise pour limiter le monopole demandé à une combinaison déterminée opposable à tous sans l'étendre à un genre insusceptible d'appropriation. Sur l'originalité du motif apposé sur la robe Desigual EVANON référence 37V2070 La société ABASIC SL définit les caractéristiques du motif sur lequel elle revendique des droits comme suit : « A gauche (quand on regarde la robe de face) : des rayures horizontales de différentes couleurs. Ces rayures sont apposées selon une séquence répétitive qui peut être définie de la manière suivante : - une rayure unie (rose dans la déclinaison plus colorée) - une série de rayures sur lesquelles sont apposées des formes ovales ou rondes tantôt séparées, tantôt collées les unes aux autres, tantôt imbriquées les unes aux autres et de hauteur égale à la rayure sur lesquelles elles sont apposées. Une forme ovale ou ronde sur deux ou l'espace entre deux formes rondes sont de couleur noire de manière à former ensemble une continuité de couleur noire verticalement La rayure unie est ainsi suivie par : - une rayure (mauve dans la déclinaison plus colorée) sur laquelle est apposée des formes rondes vertes collées les unes aux autres et reliés entre elles par une louche de couleur noire : - deux rayures entrecoupées à la manière d'un quadrillage par de fins ovales séparés les uns des autres (à dominante violette ou verte pour le fond): - deux autres rayures sur lesquelles les formes sont encore ovales et séparées. - une rayure sur laquelle les formes ovales se touchent : - trois rayures (dans la déclinaison plus colorée à dominante rouge pour la première et rose pour les deux suivantes) sur lesquelles sont apposées des formes rondes - une dernière «demi -rayure» identique aux deux précédentes ; La rayure unie n'apparait pas forcement en première position sur le vêtement. À droite (quand on regarde la robe de face) : deux grands disques identiques dans les tons vert, blanc ainsi que fuchsia dans la déclinaison plus colorée créant un effet kaléidoscopique. Ces disques sont entourés de 6 cercles concentriques, le premier étant de couleur vert très clair, les 5 cercles concentriques suivants sont de couleurs allant du vert clair au vert foncé, formant ainsi un dégradé de vert. Les motifs figurants sur le demi-disque supérieur sont identiques à ceux figurant sur le demi-disque inférieur et ceux figurant sur le demi-disque droit sont identiques à ceux figurant sur le demi-disque gauche. On retrouve dans chaque demi-disque (inférieur ou supérieur), un losange étiré à dominantes roses claires et foncées de part et d'autre desquels se trouvent une série de chevrons horizontaux et de plus en plus épais à mesure qu'ils s'étendent dans un dégradé de vert, le dernier chevron était le plus épais, plus foncé et arrondi. Les deux disques sont reproduits partiellement du fait de la découpe du col et de la bordure du plastron. En partie inférieure : Cette partie se compose de quatre zones rectangulaires caractérisées par la présence de quatre motifs différents dans chacune de ces quatre zones. Ces quatre motifs sont les suivants : en haut à gauche : des formes rappelant des feuilles de palmier représentées horizontalement sur un fond blanc (de couleur rouge- orangé, jaune et vert dans la déclinaison plus colorée); en bas à gauche : à nouveau des formes rappelant des feuilles de palmier représentées horizontalement sur un fond blanc mais plus fines et plus serrées et dans les tons verts: en haut à droite : on retrouve sur le côté droit deux losanges étirés l'un au-dessus de l'autre (à dominantes vert-turquoise) qui se touchent en leur pointe pour fusionner ensemble, à gauche et à droite desquels se trouvent une série de chevrons imbriqués horizontaux, plutôt fins et pointus puis épais et arrondis puis à nouveau lins et pointus, le premier chevron étant de couleur blanche et les suivants bleus, prune, rose et rouge dans la déclinaison plus colorée du Motif. La série de lignes de chevrons à droite des losanges peut apparaître seulement partiellement, en bas à droite : l'image du torse et la tête d'une femme chapeautée d'un panama. Les deux premières zones rectangulaires sont plus longues / grandes que les deux dernières. » La défenderesse, qui fait valoir que ce motif constitue une réalisation relevant d'une tendance de la mode insusceptible d'appropriation par le droit d'auteur et qui reproche à la demanderesse de ne pas justifier d'un apport créatif par rapport à l'art antérieur, ne produit aux débats aucun exemple de création issu de cet art antérieur. Or la société ABASIC S.L explicite suffisamment rapports créatifs des auteurs des vêtements revendiqués en expliquant que ces derniers ont fait le choix « de créer un motif complexe composé de six zones rectangulaires visuellement délimitées de motifs, à savoir deux situés au-dessus de la taille et quatre situés en dessous de la taille : de créer un kaléidoscope en combinant de nombreuses formes géométriques psychédéliques aux couleurs variées décrits dans tous leurs détails pouvant s'imbriquer les unes aux autres aboutissant ainsi à une mise en abyme de formes géométriques, d'associer ces motifs géométriques psychédéliques à des motifs de feuillage et à la représentation d'une femme chapeautée et de combiner ensemble des couleurs spécifiques et rarement associées ». La société DISLAY se contente quant à elle d'affirmer que ces choix ne constituent qu'une reprise dénuée d'originalité d'éléments appartenant au fond commun de la mode sans démontrer l'existence d'éléments antériorisant ces choix. Ainsi, à défaut d'être sérieusement contestée en défense, l'originalité du motif apposé sur la robe Desigual EVANON référence 37V2070 sera retenue, ouvrant ainsi droit à la protection revendiquée. La société ABASIC S.L. est donc recevable à agir en contrefaçon de ce chef. Sur l'originalité de la robe Desigual référence 47V2012 La société ABASIC SL définit les caractéristiques de la robe Desigual référence 47V2012 sur laquelle elle revendique des droits comme suit : « en partie supérieure : un fond de couleur noir uni sur lequel est apposé à certains endroits de fines arabesques de couleur rouge. Sur la partie avant sont imprimés à certains endroits des motifs de fines fleurs blanches ; en partie inférieure : - au niveau de la taille : une fine ceinture à effet satiné accentuant le caractère cintré esprit taille empire de la robe ; - un fond de couleur rouge sur lequel est reproduit un imprimé résille accompagné d'un imprimé dentelle. Sur la face avant, des motifs de fines fleurs blanches identiques à ceux de la partie supérieure sont imprimés ; - en partie basse de la robe, deux bandes grises de tissu, cousues à la manière d'un jupon, sur lesquelles on retrouve l'imprimé façon résille et les grosses arabesques noires ; - une fine bande de dentelle noire est cousue en bordure du bas de la robe. » Elle explique que ses créateurs ont « fait le choix de créer une robe aux couleurs du flamenco sur laquelle est reproduit en trompe l'œil un imprimé résille, de fines arabesques noires et d'imposantes fleurs blanches ». L'originalité de la robe Desigual référence 47V2012 n'étant pas contestée par la société DISLAY, elle sera tenue pour acquise. 2 - Sur la contrefaçon de droit d'auteur Aux termes de T'article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause est illicite. Et, l'article L335-3 du code de la propriété intellectuelle précise qu'est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une œuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi. La société ABASIC SL fait valoir que les robes litigieuses références t031 et t042 sont des reproductions quasi-serviles du motif apposé sur la robe Desigual EVANON référence 37V2070 tout comme la robe référence 2088 à l'égard de la robe Desigual référence 47 V2012. La défenderesse fait valoir, uniquement pour la robe Desigual EVANON référence 37V2070, la présence de différences excluant la contrefaçon. Les demandes relatives à la robe Desigual EVANON référence 37V2070 La société ABASIC S.L. verse aux débats : un exemplaire original des robes référence t031 et t042 sur lesquelles est apposée la marque DISPLAY (pièce 9-1.9-3 et 9-4), Une facture établie à l'entête de la SARL DISPLAY datée du 12 mai 2015 attestant notamment de la vente de 6 exemplaires de la référence t031 au prix unitaire de 7 € (pièce 10). Le procès-verbal des opérations de saisie-contrefaçon du 10 juin 2015 au cours desquelles deux exemplaires des robes DISPLAY rélérencest031 et t042 ont été saisies (pièce 16). L'examen visuel des robes DISLAY références t031 et t042 permet de constater que sont quasi-servilement reprises les caractéristiques du motif apposé sur la robe Desigual EVANON référence 37V2070, les robes litigieuses étant revêtues de la même combinaison des mêmes motifs disposés de manière identiques, conférant aux deux vêtements une impression d'ensemble elle-même identique, malgré les quelques différences de détail, non signifiantes, soulignées en défense. Les demandes relatives à la robe Desigual référence 47V2012 La société ABASIC SL verse aux débats : Un exemplaire original de la robe référence 2088 sur laquelle est apposée la marque DISPLAY (pièce 33-1). Un procès-verbal de constat d'achat établi le 22 décembre 2015 attestant de la vente au prix unitaire de 8 € de 6 exemplaires portant cette référence ainsi que la facture correspondante établie à l'en-tête de la SARL DISPLAY (pièce 32). La comparaison de la robe DISLAY litigieuse références avec la robe Desigual référence 47V2012 (pièce 4-2. pièce 11-2) permet également de constater que sont reprises de manière quasi-servile les caractéristiques cette dernière telles que revendiquées par la société ABASIC S.L., notamment la partie supérieure de couleur noir unie avec de Unes arabesques de couleur rouge par endroit, en partie inférieure la line ceinture à effet satiné au niveau de la taille, le fond rouge sur lequel est apposé un imprimé résille ou dentelle, en partie basse les deux bandes de tissu grises à la manière d'un jupon ainsi que la line bande de dentelle noire courue au bas de la robe. À cet égard, le fait que le modèle vendu par la société DISPLAY reproduise en surimpression sur l'avant de la robe des motifs de ronds blancs en lieu et place des dessins stylisés de fines fleurs blanches reproduits sur la robe ABASIC ne suffit pas à conférer aux deux vêtements des impressions visuelles distinctes au regard des ressemblances constatées. La contrefaçon de la robe Desigual EVANON référence 37V2070 et de la robe Desigual référence 47V2012 étant caractérisées, les demandes formées à titre subsidiaire sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire sont donc sans objet. 3 - Sur la réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de droits d'auteur La société ABASIC S.L.. faisant valoir que la masse contrefaisante imputable à la société DISLAY doit être évaluée à 2394 pièces pour la robe Desigual EVANON référence 37V2070 et 1000 euros pour la robe Desigual référence 47V2012 et que la marge moyenne qu'elle pratique sur les références est de 91,62 € pour la première et 72,88 € pour la seconde, évalue son manque à gagner, à la somme de 219 338.28 € pour la robe Desigual EVANON référence 37V2070 et 72 880 euros pour la robe Desigual référence 47V2012. La société DISLAY conteste la marge brute retenue en ce qu'elle est calculée à partir du prix de vente incluant la TVA et qu'elle ne concerne pas la société ABASIC SL qui ne vend pas directement au client final. La société ABASIC S.L. ajoute que les actes de contrefaçon ont porté atteinte à son image de marque et à l'image de qualité de ses produits, ainsi banalisés et dépréciés, de manière d'autant plus importante que les vêtements DISLAY contrefaisant inondent le marché depuis 2014. EIle souligne que les actes de contrefaçon réduisent les retombées prévisionnelles de ses investissements en publicité et en communication et que les produits contrefaisants sont vendus à des prix inférieurs dans un réseau de distribution qu'elle n'a pas choisi. Elle estime également subir une atteinte à son droit moral du fait de la modification partielle des couleurs de ses motifs et de l'impression de piètre qualité qui porte atteinte à l'intégrité des œuvres contrefaites et de la violation de son droit de paternité en raison de la diffusion du motif au nom d'une autre société. Sur ce Concernant la réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de droits d'auteur, l'article L331-1-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits. Sur les conséquences économiques négatives Pour les références t031 et t042 constituant la contrefaçon du motif apposé sur la robe Desigual EVANON référence 37V2070 : Le rapport des ventes annexé au procès-verbal de saisie-contrefaçon a permis de déterminer que la société DISLAY a vendu 1650 exemplaires de la robe t031 (275 paquets de 6) et 642 exemplaires de la robe t042 (107 paquets de 6). De plus, au jour de la saisie- contrefaçon, 65 exemplaires de la première référence et 37 exemplaires de la seconde se trouvaient présents en stock. Ces chiffres n'étant pas contestés en défense, il sera donc retenu un total de 2394 produis contrefaisant. Comme le relève ajuste titre la société DISLAY, la marge brute pratiquée par la société ABASIC S.L sur la robe Desigual EVANON référence 37V2070 ne peut être calculée par référence au prix de vente au public toutes taxes comprises. II convient donc de retenir une marge brute de 69.82 € au vu de l'attestation du directeur financier « des sociétés du groupe DESIGUAL », qui contrairement à ce qu'affirme la défenderesse concerne bien la société ABASIC SL, laquelle exploite la boutique en ligne de la marque DESIGUAL et vend donc effectivement des produits directement au client final. Le manque à gagner de la société ABASIC SL s'élève donc à la somme de 167 149 € et cette somme lui sera allouée à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial subi. Pour la référence 2088 constituant la contrefaçon de la robe Desigual référence 47V2012 : Les éléments concernant la contrefaçon de la robe Desigual référence 47V2012 n'ont pas été recueillis lors des opérations de saisie- contrefaçon du 10 juin 2015 mais résultent du seul constat d'achat opéré le 22 décembre 2015. La défenderesse ne communique aucun élément permettant d'apprécier l'ampleur de la masse contrefaisante. Il est démontré en demande que la marge brute pratiquée par la société ABASIC SL sur la robe la robe Desigual référence 47V2012 est de 56,08 € (par référence au prix de vente au public hors taxes). Au vu de ses éléments, le manque à gagner de la société ABASIC S.L sera estimé à la somme de 50.000 € qui sera attribuée à la demanderesse à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. La somme globale allouée au titre du manque à gagner causé par la contrefaçon est ainsi de 217 149 euros. Sur le préjudice moral (dont l'atteinte à l'image) : Il est démontré une atteinte à l'image de la société ABASIC du fait de l'avilissement et de la banalisation des produits DESIGUAL par l'offre de produits similaires de piètre qualité. Il sera donc accordé en réparation de l'atteinte à l'image subi par la société ABASIC des dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros, somme au paiement de laquelle la société DISLAY sera condamnée. Sur le préjudice en raison de l'atteinte au droit moral Conformément à l'article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle, la société ABASIC S.L. est bien fondée à solliciter réparation du préjudice subi en raison de l'atteinte portée à son droit moral sur les œuvres collectives en cause, lesquelles ont été diffusées sous un autre nom et sans son autorisation et reproduites sur des supports portant atteinte, par leur piètre qualité à l'intégrité de l'œuvre. Il lui sera alloué la somme de 5000 € de ce chef. 4- Sur la concurrence déloyale et parasitaire Commise au préjudice de la société INTS France seule La société INTS FRANCE, qui distribue en France les produits DESIGUAL dans les magasins à cette enseigne composant son réseau de distribution outre les «corners» des grands magasins, fait valoir que les actes de contrefaçon sont constitutifs d'un préjudice propre de concurrence déloyale à son égard, en qualité de distributeur des produits contrefaits en raison du risque de confusion généré qui conduit une partie de sa clientèle à se détourner au bénéfice de la société défenderesse, générant un manque à gagner et une atteinte à ses investissements. La société DISPLAY conteste ces demandes qu'elle estime non justifiées. Sur ce En vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée. Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir- faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel. En l'espèce, les sociétés parties au litige sont en situation de concurrence pour commercialiser en France des vêtements prêts à porter. La commercialisation par la société DISLA Y de trois références reproduisant les caractéristiques originales du motif apposé sur la robe Desigual EVANON référence 37V2070 et de la robe Desigual référence 47V2012 est de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs, risque qui a causé un préjudice propre à la société INTS FRANCE, dont il est suffisamment établi par les pièces produites aux débats, notamment les tickets de caisse figurant en pièce 1-3 et 21, qu'elle distribue bien ces produits DESIGUAL dans ses magasins exclusifs et dans des corners de grands magasins et qu'elle effectue d'importants investissements publicitaires pour les promouvoir. La responsabilité de la société DISLAY sur le fondement de la concurrence déloyale, à l'égard de la société INTS FRANCE, est en conséquence établie. Elle devra réparer le préjudice subi par cette dernière à hauteur de 15.000 euros. Commise au préjudice des sociétés ABASIC S.L.et de la société INTS France Les demanderesses soutiennent que la société DISLAY a commis des fautes distinctes constitutives de concurrence déloyale à leur égard en reproduisant quasiment servilement les caractéristiques originales de la robe Desigual EVANON référence 37V2070 et la robe Desigual référence 47V2012, ces copies emportant un risque de confusion accru dans l'esprit du public et une banalisation des créations DESIGUAL. Elles précisent que la société DISPLAY n'a pas hésité à porter une nouvelle fois atteinte aux droits de la société ABASIC malgré une précédente condamnation pour des faits similaires, ce qui démontre sa détermination à entretenir la confusion avec les produits DESIGUAL et à détourner à son profit la clientèle de ces derniers en usant de procédés déloyaux. Elle fait valoir à cet égard que le site internet www.fashion-mode-paris.com. qui commercialise des vêtements de la marque DISLAY, se présente ainsi sous la dénomination « Desigual boutique en ligne ». Elle ajoute que, outre les références t031.t042 et 2088 litigieuses, la société DISLAY commercialise également de vêtements reproduisant les caractéristiques de créations DESIGUAL issues de précédentes collections (notamment une robe référence 1079 qui reproduit les motifs apposés sur un tee-shirt DESIGUAL référence 15T2432 de la collection Printemps-Été 2012 et une robe référence 1235 reproduisant les caractéristiques d'une robe DESIGUAL référence 96V2867 appartenant à la collection Automne Hiver 2009), ce qui constitue également un comportement parasitaire visant à profiter indûment des efforts de création, promotion et investissements de sociétés demanderesses. La société DISLAY conteste toute faute de sa part, faisant valoir que les sociétés n'interviennent pas auprès des mêmes clients et ajoute que les investissements allégués ne sont pas justifiés. Sur ce L'action en concurrence déloyale, qui échappe aux règles spéciales régissant l'action en contrefaçon qui sanctionne une atteinte à un droit réel privatif, ne peut être invoquée cumulativement à cette dernière, sous peine d'irrecevabilité, qu'en présence d'un fait dommageable fautif distinct du comportement constitutif de la contrefaçon. Aux termes de leurs écritures, les sociétés demanderesses allèguent en premier lieu le fait que la société DISLAY commercialise des copies quasi-serviles de ses vêtements. Cependant, ce fait matériel est strictement identique à celui déjà sanctionné au titre de la contrefaçon et ne peut servir de fondement à des demandes additionnelles en concurrence déloyale et parasitaire, le préjudice allégué résultant du manque à gagner et de la banalisation des produits DESIGUAL étant déjà indemnisés par les sommes allouées au titre des préjudices matériels et moraux. Ces demandes sont en conséquence irrecevables. La « réitération » de faits constitutifs de contrefaçon malgré une précédente condamnation de ce chef ne peut non plus constituer une faute relevant de faits distincts des agissements considérés, lesquels ont chacun déjà été pris en compte au titre de la contrefaçon et indemnisés de ce chef, aucun préjudice supplémentaire n'étant d'ailleurs allégué ni démontré par les demanderesses. Quant au site internet www.fashion-mode-paris.com. aucun élément du débat ne permet d'en imputer la responsabilité à la défenderesse, le nom de domaine étant enregistré au nom d'une personne physique qui n'est pas dans la cause. S'agissant du tee-shirt DESIGUAL référence 15T2432 et de la robe DESIGUAL référence 96V2867, issus de précédentes collections, dont les caractéristiques seraient reprises par les références 107 e ) et 1235 commercialisées par la société DISPLAY, le tribunal relève que les demanderesses ne produisent aux débats ni exemplaire original des vêtements DESIGUAL en cause, ni catalogue de vente ni aucun autre élément permettant d'apprécier que les références concernées, qui apparaissent sur les factures ABASIC produites aux débats en pièce 7-4 et sur les tickets de caisse INTS France en pièce 21, correspondent bien aux vêtements dont la photographie est reproduite dans leurs écritures. Le tribunal ne pouvant, ce faisant, apprécier la matérialité de la faute reprochée à la société DISPLAY les concernant, les demandes de ce chef seront rejetées. Aucun acte constitutif de concurrence déloyale et parasitaire distinct de la contrefaçon, n'étant ainsi démontré, les sociétés ABASIC SE et INTS France seront déboutées de leurs demandes additionnelles à ce titre. 5 - Sur les mesures d'interdiction et de publication Il sera fait interdiction sous astreinte à la société DISLAY de fabriquer, importer, offrir à la vente, vendre, promouvoir et/ou commercialiser, de quelque façon que ce soit, des vêtements reproduisant les caractéristiques des motifs apposés sur la robe Desigual EVANON référence 37V2070 ou de la robe Desigual référence 47V2012 sous les références t031. t042. 2088 ou sous toute autre référence. Compte tenu de la précédente condamnation de la société DISLAY pour atteinte portée aux droits d’auteurs de la société ABASIC S.L, il sera également fait droit à la mesure de communiqué judiciaire dans les limites fixées dans le dispositif du jugement 6 - Sur les frais et l'exécution provisoire Les dépens seront mis à la charge de la société DISLAY qui succombe. L'équité commande de ne pas laisser à la charge des demanderesses les frais engagés dans le cadre de la présente procédure. Il leur sera alloué la somme globale de 15 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Les circonstances de l'espèce justifient d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à la disposition du public par le greffe le jour du délibéré. Rejette les moyens de nullités du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 10 juin 2015 ; Déclare les sociétés ABASIC S.L. et INTS France recevables en leurs demandes : Dit qu'en offrant à la vente et vendant en France les vêtements référencés t031, t042 et 2088, reproduisant tout ou partie des caractéristiques originales des motifs apposés sur la robe Desigual EVANON référence 37V2070 et de la robe Desigual référence 47V2012, la société DISLAY a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice de la société ABASIC S.L. Condamne la société DISLAY à payer à la société ABASIC S.L. au titre de la contrefaçon de ses droits d'auteur : La somme de 217.149 € (deux cent dix-sept mille cent quarante- neuf euros) en réparation du préjudice commercial La somme de 10.000 euros (dix mille euros) en réparation du préjudice moral constitué de l'atteinte à l'image de la société ABASIC La somme de 5.000 euros (cinq mille euros) au titre de l'atteinte à son droit moral ; Condamne la société DISLAY à payer à la société INTS France la somme de 15 000 euros au titre des actes de contrefaçon susmentionnés qui constituent à son égard des actes de concurrence déloyale. Déboute la société ABASIC SE et la société INTS France de leur demande au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire distincts de la contrefaçon. Fait interdiction à la société DISLAY d'importer, d'exporter, d'offrir à la vente, de vendre, de promouvoir et/ou de commercialiser, de quelque façon que ce soit, des vêtements reproduisant les caractéristiques des motifs apposés sur la robe Desigual EVANON référence 37V2070 ou de la robe Desigual référence 47V2012 sous les références t031. T042. 2088 ou sous toute autre référence, et ce sous astreinte de 50 euros par produit contrefaisant passé un délai de 8 jours à compter de la signification de la présente décision et l'astreinte courant sur un délai de 6 mois. Dit que le présent tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte. ORDONNE la publication du communiqué judiciaire suivant dans trois journaux ou revues au choix des sociétés ABASIC SE et INTS France, aux frais de la société DISLAY sans que le coût de chaque insertion ne puisse être supérieur à 5000 euros HT: « Par décision en date du 27 octobre 2016 le tribunal de grande instance de Paris a jugé que la société DISLAY avait porté atteinte aux droits d'auteur de la société ABASIC SL sur les références 37V2070 et 47V2012 en commercialisant des produits reproduisant les caractéristiques essentielles de ces références et de leurs motifs . Le Tribunal a condamné la société DISLAY à verser aux sociétés ABASIC SL et INTS FRANCE appartenant au Groupe Desigual la somme globale de 252 149 euros en réparation du préjudice subi.. » : Condamne la société DISLAY à payer à la société ABASIC S.L. et à la société INTS la somme globale de 15.000 euros (quinze mille euros), au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les frais consécutifs à la procédure de saisie-contrefaçon ; Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement. Condamne la société DISLAY à payer tous les dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Tania Kern, associée de l'AARPI Kern, Weyl & Andreani, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.