COUR D'APPEL DE VERSAILLESARRET CONTRADICTOIRE DU 08 AVRIL 2010
12ème chambre section 1R.G. N° 08/04594
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 27 Mars 2008 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERREN° RG : 08/00842
APPELANTES.A.S. CLUB PRIVEayant son siègeZone Industrielle LAVIGNE VOIE HERACLES31190 AUTERIVEagissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège concluant par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER avoués - N° du dossier 80704 plaidant par :Me Philippe W (avocat au barreau de TOULOUSE)
INTIMEESS.A.S. CLARINS FRAGRANCE GROUP nouvelle dénomination sociale de la société THIERRY MUGLER PARFUMS en vertu d'une assemblée générale extraordinaire du 30 novembre 2009ayant son siège[...]92200 NEUILLY SUR SEINEagissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège concluant par la SCP BOMMART MINAULT - avoués N° du dossier 00035954 plaidant par Me Bernard S (avocat au barreau de PARIS)
S.A.S. CLARINS FRAGRANCE GROUP nouvelle dénomination sociale de la société THIERRY MUGLER PARFUMS, elle-même venant aux droits de la société PARFUMS LORIS AZZARO par suite de fusion absorption avec transmission universelle de patrimoine décidée par une assemblée générale extraordinaire du 30 novembre 2009ayant son siège[...]92200 NEUILLY SUR SEINEconcluant par la SCP BOMMART MINAULT - avoués N° du dossier 00035954 plaidant par Me Bern ard S (avocat au barreau de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR
:
En application des dispositions de l'article
786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Mars 2010 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Dominique ROSENTHAL, présidente et Madame Marie-Hélène P, Conseiller chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :Mme Dominique ROSENTHAL, Président,Mme Marie-Hélène POINSEAUX, Conseiller,M. Claude TESTUT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre G,Vu l'appel interjeté par la société PCM Distribution d'un jugement rendu le 27 mars 2008 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :
* ordonné à la société PCM Distribution de cesser de fabriquer, détenir, offrir en vente, vendre et exposer des produits de parfumerie revêtus des marques AZZARO (marque française enregistrée sous le n° 1347241), THIERRY MUGLER (marque française n°924148 02), ANGEL (marque française n°1685045), EAU DE STAR (marque française n°033262769) ainsi qu e des produits de parfumerie conditionnés dans les flacons (dessin et modèle français n°014670) ai nsi que les emballages habituellement utilisés par la
société Parfums Loris Azzaro et Thierry Mugler Parfums et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement,
* ordonné la confiscation et la remise des produits contrefaisants,
* condamné la société PCM Distribution à payer à la société Thierry Mugler Parfums :
-10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par les actes de contrefaçon,
-15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les actes de parasitisme et de concurrence déloyale,
et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
* condamné la société PCM Distributions à payer à la société Parfums Loris Azzaro :
-10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par les actes de contrefaçon,
-15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les actes de parasitisme et de concurrence déloyale,
et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
* ordonné la publication de la décision aux frais de la société PCM Distributions dans 3 publications,
* condamné la société PCM Distributions à payer tant à la société Thierry Mugler Parfums qu'à la société Parfums Loris Azzaro la somme de 2.500 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
* débouté les parties du surplus de leurs demandes,
* condamné la société PCM Distribution aux dépens;
Vu l'arrêt rendu par la cour le 19 septembre 2009, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, qui a :
* révoqué l'ordonnance de clôture,
* ordonné la réouverture des débats,
* renvoyé l'affaire pour conclusions de la société Thierry Mugler Parfums et de la société PCM Distribution sur :
1° la recevabilité de son action à agir en contrefa çon de la marque n°92414802,
2° sur la compétence de la cour d'appel de Versaill es pour connaître des demandes en contrefaçon fondées sur les marques communautaires n°003355179 et n°003160661 et sur le modèle communautaire n°000507330-001 dont elle est propriétaire,
* sursis à statuer sur les demandes des parties,
* réservé les dépens;
Vu les dernières écritures sur réouverture des débats, en date du 15 mars 2010, aux termes desquelles la société Club Privé, anciennement dénommée PCM Distribution, non comparante en première instance, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, prie la cour de :
* constater l'incompétence rationae matériae de la juridiction saisie pour connaître de l'action de la société Clarins Fragrance Group fondée sur une marque communautaire,
* constater que la société Clarins Fragrance Group ne justifie pas des droits qu'elle prétend détenir sur la marque française THIERRY MUGLER n°92414802 et la dé bouter de ses demandes à ce titre,
* débouter la société Clarins Fragrance Group de ses demandes,
* la condamner au paiement de la somme de 56.447,52 euros en remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement de première instance et ce, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de cette décision,
* la condamner au paiement de la somme de 7.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel ;
Vu les dernières écritures sur réouverture des débats, en date du 1er mars 2010, par lesquelles la société Clarins Fragrance Group, venant aux droits des sociétés Thierry Mugler Parfums et Parfums Loris A, demandent à la cour de :
*se déclarer compétente pour connaître des demandes sur le fondement des marques communautaires invoquées ainsi que sur le fondement du dessin communautaire invoqué,
* confirmer le jugement sauf sur le montant des dommages et intérêts alloués,
* en conséquence :
* la dire recevable à agir sur le fondement de la marque française THIERRY MUGLER n°92414802 en sa qualité de licenciée exclusive,
* dire qu'en détenant, offrant à la vente et en exposant en ligne sur internet des parfums sous la marque AZZARO, dont elle détient les droits exclusifs d'exploitation en France, ainsi que les marques THIERRY MUGLER, B-MEN, ANGEL, INNOCENT et EAU DE STAR dont elle est titulaire, la société Club Privé s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de marques au sens de l'article
L.716-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
* dire qu'en détenant, proposant à la vente et en vendant en ligne des parfums sous les marques et avec les flaconnages, sans être agréée par les propriétaire et titulaire des droits exclusifs d'exploitation en France, alors que ces parfums de marque sont notoirement connus pour être vendus en circuit sélectifs par les seuls revendeurs agréés, la société Club Privé s'est rendue coupable d'atteintes à la marque au sens des articles
L.713-2,
L.713-3 et
L.713-4 du code de la propriété intellectuelle,
* dire qu'en proposant à la vente et en vendant en ligne des parfums conditionnés dans les flacons dont les modèles sont déposés respectivement sous forme de dessin et de modèle français le 7 août 2001 sous le n°014670 et de modèle communautaire le 3 avril 2006 sous le n°000507330- 001, la société Club Privé s'est rendue coupable de contrefaçon de dessin et modèle au sens de l'article
L.521-4 du code de la propriété intellectuelle,
* dire qu'en détenant, proposant à la vente, vendant et exposant des produits de parfumerie sous leur conditionnement et dans les emballages utilisés pour la vente des produits portant les marques susmentionnées, la société Club Privé s'est rendue coupable d'actes distincts de parasitisme et de concurrence déloyale,
* en conséquence, ordonner à la société Club Privé de cesser de fabriquer, détenir, offrir en vente, vendre et exposer des produits de parfumerie revêtus des marques ainsi que des produits de parfumerie conditionnés dans les flacons et emballages utilisés habituellement et ce, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir,
* condamner la société Club Privé à payer à chacune des demanderesses la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon de marques et de modèles,
*condamner la société Club Privé à payer à chacune des demanderesses la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice causé par les actes de parasitisme et de concurrence déloyale et ce, sous astreinte à compter du jugement à intervenir,
* ordonner la confiscation et la remise des produits contrefaisants,
* ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq publications de leur choix aux frais de la société Club Privé à hauteur de 2.000 euros par publication,
* condamner la société Club Privé au paiement de la somme de 60.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel ;
Vu la note en délibéré déposée, à la demande de la cour, par la SCP Jullien-Lecharny-Rol- Fertier avoués associés représentant la société Club Privé
;
SUR CE,
LA COUR,
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il convient de rappeler que :
* les sociétés Parfums Loris A et Thierry Mugler qui appartenaient au groupe Clarins, et auxquelles succède la société Clarins Fragrance Groupe ont invoqué:
- concernant la société Parfums Loris Azarro le bénéfice d'une licence exclusive d'exploitation de la marque française AZARRO enregistrée sous le n°1347241, ren ouvelée le 27 février 2006, licence consentie par la société Loris Azarro BV publiée à l'INPI le 20 décembre 2005,
- concernant la société Thierry Mugler Parfums la titularité :
¤ des marques suivantes:
française, THIERRY MUGLER déposée le 13 avril 1992, enregistrée sous le n°92414802, renouvelée le 28 mars 2002, française, ANGEL déposée le 2 août 1991 sous le n°1 685045, renouvelée le 15 juin 2001, française, EAU DE STAR déposée le 5 décembre 2003 sous le n°033262769, acquise selon acte sous seing privé publié le 13 septembre 2006, communautaire, B-MEN déposée le 7 septembre 2003 sous le n°003355179, communautaire, INNOCENT déposée le 13 mai 2003 sous le n°003160661,
¤ d'un modèle de flacon déposé le 7 août 2001, sous le n°014670, publié le 12 août 2001, sous le n° 640015,
¤ d'un modèle de flacon communautaire déposé le 3 avril 2004 et enregistré sous le n°000507330-0001,
* ces sociétés ont constaté que la société PCM Distribution proposait à la vente et vendait sur un site internet 'www.club-prive.fr' des parfums revêtus de ces marques et présentés dans des flacons déposés à titre de modèles,
* c'est dans ces circonstances que les sociétés Parfums Loris A et Thierry Mugler Parfums ont assigné la société PCM Distribution devant le tribunal de grande instance de Nanterre en contrefaçon de marques et de modèles, en concurrence déloyale et parasitisme;
Considérant que la société Clarins Fragrance Group vient aux droits des sociétés Thierry Mugler et Parfums Loris A;
Que la société PCM Distribution est aujourd'hui dénommée Club Privé;
Sur l'exception d'incompétence:
Considérant que la société Clarins Fragrance Groupe reproche à la société Club Privé anciennement dénommée PCM Distribution, d'avoir proposé à la vente et vendu sur un site internet 'club-prive.fr', sans son autorisation, des parfums reproduisant les marques AZZARO, THIERRY MUGLER, B-MEN, INNOCENT, ANGEL, EAU de STAR et de les avoir présentés dans des flacons déposés à titre de modèles ;
considérant qu'il n'est pas contesté que la société Clarins Fragrance Groupe revendique des droits sur des marques françaises et communautaires, un modèle français et un modèle communautaire ;
considérant que la société Club Privé soulève au profit de la cour d'appel de Paris, l'incompétence de la présente cour pour connaître du litige, qui porte notamment sur les marques et le modèle communautaires ;
considérant que selon les dispositions de l'article
R.717-11 du code de la propriété intellectuelle, les actions et demandes en matière de marques communautaires prévues par l'article
L.717-4 sont portées devant les tribunaux de grande instance mentionnés à l'article
R.211-7 du code de l'organisation judiciaire ;
que l'article
R.522-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que les actions et demandes en matière de dessins ou modèles communautaires prévues par l'article L.522-2 sont portées devant les tribunaux de grande instance mentionnés à l'article
R.211-7 du code de l'organisation judiciaire ;
que selon ce dernier article, le tribunal de grande instance compétent pour connaître des actions en matière de marques, dessins et modèles en matière communautaire, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle, est celui de Paris ;
considérant que la société Clarins Fragrance Groupe, pour s'opposer à l'exception d'incompétence soulevée, fait valoir que la contrefaçons alléguée des marques françaises et communautaires, des modèles français et communautaire, a été réalisée par une même personne, a été constatée sur un seul site internet par un même constat d'huissier dressé dans le ressort du tribunal de grande instance de Nanterre, de sorte, selon elle, qu'en raison d'un lien de connexité, il est d'une bonne justice de juger ensemble ses demandes par la présente cour saisie de l'appel du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre ;
qu'elle ajoute qu'à la date de l'assignation du 19 novembre 2007, la juridiction de Nanterre était compétente pour connaître, à tout le moins, de l'action fondée sur le dessin communautaire invoqué, l'article
R.522-1 du code de la propriété intellectuelle n'ayant été introduit que par un décret n°2008-624 du 27 juin 2 008 ;
mais considérant que si ce n'est que le 27 juin 2008, que le tribunal de grande instance de Paris a été désigné pour connaître des actions en matière de dessins ou modèles communautaires, il n'en demeure pas moins qu'au jour de l'acte introductif d'instance, était applicable l'article
L.717-4 du code de la propriété intellectuelle disposant qu'un décret en Conseil d'état détermine le siège et le ressort des juridictions de première instance et d'appel qui sont seules compétentes pour connaître des actions et des demandes prévues à l'article 92 du règlement communautaire mentionné à l'article L.717-1, y compris lorsque ces actions portent à la fois sur une question de marque et sur une question de dessin et modèle ou de concurrence déloyale ;
que force est de constater que dès avant le décret du 2 juin 2008, l'article
R.312-10 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue du décret n°2002 -216 du 18 février 2002, disposait que toutes les actions en matière de marques communautaires prévues par l'article
L.717-4 du code de la propriété intellectuelle sont portées devant le tribunal de grande instance de Paris ;
qu'il résulte de la combinaison de ces articles, qu'au jour de l'assignation le tribunal de grande instance de Nanterre était incompétent pour connaître tant des demandes portant sur les marques communautaires que de celles portant sur le modèle communautaire ;
considérant que la société Clarins Fragrance Groupe, qui fait valoir que l'atteinte portée à ses droits de propriété industrielle, ayant le même auteur, étant constatée en un même lieu et atteignant le même propriétaire des titres, constitue un même fait dommageable ne saurait en conclure, pour autant, à la compétence de la présente cour ;
qu'en effet, s'il n'est pas contesté par la société Club Privé que le litige ne peut être artificiellement scindé et est indivisible, celle-ci en tire légitimement pour conséquence qu'au sens de l'article
L.717-4 du code de la propriété intellectuelle précité, seule la cour d'appel de Paris est compétente pour connaître de la présente action ;
considérant que par voie de conséquence, qu'il convient de se déclarer incompétent au profit de la cour d'appel de Paris pour statuer sur les demandes de la société Clarins Fragrance Groupe et celles formées reconventionnellement par la société Club Privé ;
Sur les autres demandes:
Considérant que l'équité ne commande pas, en l'espèce, de faire application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Se déclare incompétent pour connaître du litige au profit de la cour d'appel de Paris,
Ordonne la transmission, à la cour d'appel de Paris, du dossier de l'affaire par le secrétariat avec une copie de l'arrêt de renvoi,
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article
700 du code de procédure civile,
Condamne la société Clarins Fragrance Groupe aux dépens de la présente procédure d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.