CF/CD
Numéro 24/00862
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT
DU 12/03/2024
Dossier : N° RG 22/02696 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IKWJ
Nature affaire :
Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale
Affaire :
[U] [M]
[T] [M]
[P] [M]
C/
[G] [A]
MACSF ASSURANCES
FAPDS
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU TARN
SA ALLIANZ IARD
Société MUTUELLE VIASANTE
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 12 Mars 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 09 Janvier 2024, devant :
Madame FAURE, Présidente et Madame BLANCHARD, Conseillère,
assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes,
Madame FAURE, en application des articles
786 et
907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame BLANCHARD et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame de FRAMOND, Conseillère
Madame BLANCHARD, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [U] [M]
né le [Date naissance 12] 1986
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 15]
Madame [T] [M]
née le [Date naissance 2] 1987
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 15]
Monsieur [P] [M]
pris en la personne de ses représentant légaux, Monsieur et Madame [M]
né le [Date naissance 1] 2013
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 15]
Représentés par Maître
VIGNERES, avocat au barreau de TARBES
Assistés de Maître
SENIE-DELON de la SCP
CATALA & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES :
Monsieur [G] [A]
né le [Date naissance 11] 1953 à [Localité 28]
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Localité 16]
Représenté par Maître MARKHOFF, avocat au barreau de TARBES
Assisté de Maître
CONTIS, avocat au barreau de TOULOUSE
MACSF ASSURANCES, société d'assurances mutuelle - entreprise régie par le code des assurances, SIREN n°
775 665 631, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 24]
[Adresse 6]
[Localité 20]
Représentée par Maître POTHIN-CORNU de la SELARL
KARINE POTHIN-CORNU, avocat au barreau de PAU
Assistée de Maître FRERING de la SELARL CAUSIDICOR, avocat au barreau de PARIS
FONDS DE GARANTIE DES DOMMAGES CONSECUTIFS A DES ACTES DE PREVENTION, DE DIAGNOSTIC OU DE SOINS DISPENSES PAR DES PROFESSIONNELS DE SANTE EXERCANT A TITRE LIBERAL (FAPDS) représentée par la CAISSE CENTRALE DE REASSURANCE, qui en assure la gestion administrative, financière et comptable en application de l'article
L 426-1 du codes des assurances, SA à Conseil d'Administration immatriculée au RCS de Paris sous le n°
388 202 533 représentée par ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège
[Adresse 8]
[Localité 17]
Représenté par Maître PIAULT, avocat au barreau de PAU
Assisté de Maître VELLE de la SELARL VPV AVOCATS, avocat au barreau de LYON
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU TARN, agissant pour le compte de la CPAM DES HAUTES PYRENEES
Recours Contre Tiers
[Localité 18]
Représentée et assistée de Maître SANS, avocat au barreau de TARBES
SA ALLIANZ IARD
[Adresse 5]
[Adresse 25]
[Localité 19]
Représentée et assistée de Maître CREPIN de la SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de PAU
Société MUTUELLE VIASANTE
[Adresse 7]
[Localité 17]
sur appel de la décision
en date du 13 SEPTEMBRE 2022
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TARBES
RG numéro : 17/01932
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [U] [M] qui pratiquait le rugby depuis l'âge de 5 ans, a été joueur professionnel de rugby à XV au poste de pilier au sein des clubs d'[Localité 21] (catégorie Espoir), de [Localité 29], [Localité 22] et de [Localité 23].
Le 7 août 2009, alors qu'il évoluait au [Localité 22] Olympique, Monsieur [M] a été victime d'un accident du travail au cours duquel se sont révélées deux hernies discales en C5-C6 et C6-C7, ayant nécessité en septembre 2009 une opération chirurgicale suivie d'une période de rééducation de plusieurs mois.
Le 7 janvier 2010, considéré, selon le certificat final d'arrêt de travail délivré par le Dr [B], comme "consolidé avec séquelles", il a été autorisé à reprendre l'entraînement et la compétition, sans restriction.
Parallèlement, Monsieur [M] ayant sollicité, à la suite de son accident du travail de 2009, la mise en 'uvre de la garantie de prévoyance souscrite par son club, a fait l'objet d'une expertise amiable par le Dr [R] et la seconde a été réalisée par les docteurs [J] (choisi par Monsieur [M]) et [S] (choisi par la GMF).
Ces derniers ont conclu le 26 septembre 2012 à une consolidation au 22 août 2012, à une AIPP (Atteinte à l'intégrité Physique et Psychique) de 7 %.
La Sécurité sociale a accordé de son côté à Monsieur [M] un taux d'incapacité permanente de 10 % à compter du 10 avril 2012.
Monsieur [M] a poursuivi sans incident sa carrière de joueur professionnel au sein du club de [Localité 23] avant d'être recruté par le Club de [Localité 27].
C'est dans le cadre de ce dernier recrutement que Monsieur [M] a consulté le Docteur [A] le 18 juillet 2013, lequel, après examen, lui a délivré un certificat de non contre- indication à la pratique du rugby en compétition à un poste de 1ère ligne.
Le 29 septembre 2013, lors d'un match opposant le CA [Localité 27] au Stade Bagnerais, Monsieur [M] a été victime d'un accident suite à l'effondrement d'une mêlée. Il lui a été diagnostiqué une tétraplégie flasque.
La GMF, assureur de Monsieur [M], a confié une mission d'expertise au Docteur [D] [Z] qui, aux termes d'un rapport en date du 10 février 2016, a évalué les dommages de Monsieur [M].
En lecture de ce rapport d'expertise amiable, Monsieur [U] [M] et Madame [T] [M], agissant tous deux tant à titre personnel, qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils [P] [M], ont, par acte d'huissier du 4 octobre 2017, assigné le Docteur [G] [A], la CPAM des Hautes-Pyrénées et la Viasanté Mutuelle devant le tribunal de grande instance de Tarbes afin de rechercher la responsabilité du Docteur [A] et obtenir indemnisation de leurs préjudices.
Par acte d'huissier du 5 juin 2018, Monsieur [U] [M] et Madame [T] [M], agissant tous deux tant à titre personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils [P] [M], ont appelé dans la cause la compagnie ALLIANZ IARD et la MACSF en leur qualité d'assureurs successifs du Docteur [A].
Par acte d'huissier du 29 octobre 2018, Monsieur [U] [M] et Madame [T] [M], agissant tous deux tant à titre personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils [P] [M], ont appelé dans la cause le Fonds de Garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé exerçant à titre libéral (FAPDS) afin que la décision à intervenir soit déclarée opposable au FAPDS et qu'il soit tenu de relever et garantir le Docteur [G] [A] en cas d'épuisement de la garantie ou d'expiration du délai de validité de la couverture d'assurance.
Les procédures ont été jointes sous le n° RG 17/01932.
Selon ordonnance du 16 décembre 2020, le juge de la mise en état a enjoint aux demandeurs à l'instance de produire :
- les fiches d'aptitude délivrées par le médecin du travail lors des visites d'embauche de M. [U] [M], de reprise et du suivi périodique de juillet 2011 à 2013 ;
- les certificats de non contre indication à la pratique du rugby en compétitions professionnelles délivrés par les médecins des clubs de [Localité 22] et de [Localité 23] en 2011 et 2012 à [U] [M] ;
- les résultats des examens médicaux périodiques obligatoires de [U] [M] durant cette période ;
- les justificatifs des indemnités déjà perçues de la FFR par [U] [M].
Suivant jugement réputé contradictoire du 13 septembre 2022 (RG n° 17/01932), le tribunal judiciaire de Tarbes a :
- Déclaré le présent jugement commun à la CPAM du Tarn et à la société Viasanté Mutuelle ;
- Débouté Monsieur [U] [M] et Madame [T] [M], agissant chacun tant à titre personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils [P] [M], de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre de [G] [A], la SA ALLIANZ IARD, la société d'assurances mutuelle MACSF assurances, et le Fonds de Garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ;
- Dit n'y avoir lieu à statuer sur l'ensemble des autres prétentions présentées à titre principal ou subsidiaire par les autres parties à l'instance ;
- Rejeté la demande de la CPAM du Tarn au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
- Condamné Monsieur [U] [M] et Madame [T] [M], agissant chacun tant à titre personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils [P] [M], à payer, en application de l'article
700 du code de procédure civile, les indemnités suivantes :
- 5 000 € au profit de [G] [A],
- 1 500 € au profit du Fonds de Garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ;
- 800 € au profit de la SA ALLIANZ IARD ;
- 800 € au profit de la CPAM du Tarn ;
- Condamné Monsieur [U] [M] et Madame [T] [M], agissant chacun tant à titre personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils [P] [M] aux entiers dépens dont distraction à chacun des avocats des défendeurs qui en ont fait à la demande, en application de l'article
699 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire de la décision.
Les motifs du tribunal sont les suivants :
- Sur le fondement de la responsabilité pour faute prévue à l'article
L. 1142-1 du code de la santé publique, et de l'article
R.4127-33 du code de la santé publique qui dispose qu'un "médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptés et, s'il y a lieu, de concours appropriés", le tribunal a relevé que :
- Monsieur [M] a consulté le docteur [A], titulaire d'un Certificat d'Etudes Spéciales de médecine et biologie du sport depuis 1984, afin d'obtenir un certificat de non contre-indication à la pratique du rugby en compétition à un poste de première ligne.
Dans ce cadre, le praticien s'est conformé aux règles de bonne pratique en suivant la fiche « d'aide à la consultation lors de la visite médicale de non contre-indication » diffusée par la Fédération Française de Rugby (FFR), pour l'année 2013-2014, tout en respectant l'article 10 du Règlement médical de la Fédération Française de Rugby ;
- au visa de l'article A.231-5 du Règlement médical (p. 517), il ne peut être reproché au Docteur [A] de ne pas avoir prescrit d'IRM, ces examens ayant déjà été pratiqués durant l'année ;
- le patient n'a présenté aucune des contre-indications à la pratique du rugby prévues dans l'annexe 1 au Règlement médical de la FFR, comme le démontrent les IRM réalisées en septembre et novembre 2012 ;
- le Docteur [A] n'avait pas non plus l'obligation de se faire délivrer le dossier médical du patient dès lors que ce dernier l'avait, avant l'examen clinique, informé verbalement de ses antécédents ainsi que cela ressort du questionnaire préconisé par la FFR et dûment rempli par le docteur [A] ;
- les époux [M] se sont livrés à une exploitation sémantique du terme « impression » employé par le Docteur [A] dans la lettre qu'il leur a adressée après l'accident ;
- en définitive, Monsieur [M] n'a pas versé pas aux débats de document médical permettant d'étayer le moyen qu'il soutenait selon lequel « la qualité de l'examen médical réalisé par le docteur [A] (...) est en contradiction avec celle des très nombreux spécialistes consultés par le joueur au cours des deux années précédentes » ;
- Monsieur [M] n'a pas versé aux débats les pièces médicales justifiant qu'en juillet 2013, il présentait une pathologie de nature à justifier une contre-indication à la pratique du rugby professionnel, qu'au contraire, il a déjà été considéré à plusieurs reprises et par différents praticiens comme apte à pratiquer le rugby en compétition au niveau professionnel et ce, en dépit des séquelles liées à son accident du travail de 2009 et d'un taux d'incapacité de 10 % » ;
- son état de santé était consolidé depuis a minima le 22 août 2012, et il poursuivait sans incidents une carrière professionnelle à un niveau supérieur à celui qu'il avait l'intention d'intégrer. La dernière IRM du 8 novembre 2012, soit 8 mois avant la consultation avec le docteur [A], indiquait l'absence de modification notable par rapport à l'examen du 6 septembre 2012 ;
- « ces éléments confortent donc les conclusions du Dr [A] qui a estimé que l'état de santé de Monsieur [M] lui permettait la poursuite de la pratique du rugby professionnel au sein du club de [Localité 27] ». D'autant plus que Monsieur [M] a été titulaire sur les divers matchs en 2013 et que les entraîneurs n'ont jamais signalé de signes de faiblesse ;
- ainsi, aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre du Dr [A] et sa responsabilité ne pouvait être engagée.
Par déclaration d'appel du 6 octobre 2022 (RG n° 22/2696), Monsieur [U] [M], Madame [T] [M] et Monsieur [P] [M] pris en la personne de ses représentants légaux, Monsieur et Madame [M], ont interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- Débouté Monsieur [U] [M] et Madame [T] [M], agissant chacun tant à titre personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils [P] [M], de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre de [G] [A], la SA ALLIANZ IARD, la société d'assurances mutuelle MACSF assurances, et le Fonds de Garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ;
- Condamné Monsieur [U] [M] et Madame [T] [M], agissant chacun tant à titre personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils [P] [M], à payer, en application de l'article
700 du code de procédure civile, les indemnités suivantes :
- 5000 € au profit de [G] [A],
- 1 500 € au profit du Fonds de Garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ;
- 800 € au profit de la SA ALLIANZ IARD,
- 800 € au profit de la CPAM du Tarn ;
- Condamné Monsieur [U] [M] et Madame [T] [M], agissant chacun tant à titre personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils [P] [M] aux entiers dépens dont distraction à chacun des avocats des défendeurs qui en ont fait à la demande, en application de l'article
699 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire de la décision.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 20 décembre 2022, Monsieur [U] [M], Madame [T] [M] et Monsieur [P] [M] pris en la personne de ses représentants légaux, Monsieur et Madame [M], appelants, entendent voir la cour :
Vu les dispositions de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002,
Vu les dispositions des articles
L 1142-1,
L 1110-5,
R 4127-33 du code de la santé publique,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées,
Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes en tout cas mal fondées,
- infirmer le jugement rendu le 13 septembre 2022 (RG n° 17/01932) par le tribunal Judiciaire de Tarbes en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
- prendre acte du désistement des consorts [M] de leur appel dirigé à l'encontre d'ALLIANZ IARD,
- statuer ce que de droit sur la caducité partielle de l'appel des consorts [M] à l'encontre de VIA SANTE,
- déclarer commun et opposable aux organismes sociaux la décision à intervenir,
Au fond,
- Constater la faute du docteur [G] [A],
- Constater les dommages subis par Monsieur [U] [M],
- Constater le lien causal direct, certain et exclusif entre la faute du Docteur [G] [A] et les dommages subis par Monsieur [U] [M],
Et,
- Déclarer le Docteur [G] [A] entièrement et intégralement responsable des préjudices subis par les consorts [M],
- Homologuer l'expertise médicale du Docteur [D] [Z] en date du 28 janvier 2016,
En conséquence,
- Condamner solidairement le Docteur [G] [A] et son assureur au paiement de :
Pour Monsieur [U] [M] :
La somme de 20 592 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
La somme de 80.000 euros au titre des souffrances endurées,
La somme de 760.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
La somme de 80 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
La somme de 100 000 euros au titre du préjudice d'agrément,
La somme de 100 000 euros au titre du préjudice sexuel,
La somme de 100 000 euros au titre du préjudice d'établissement,
La somme de 80 000 euros au titre du préjudice permanent exceptionnel,
Réserver les demandes au titre des dépenses de santé actuelles, à parfaire au jour du jugement,
La somme de 68 899,65 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels,
La somme de 178 200 euros au titre des frais de tierce personne temporaire,
Réserver les demandes au titre des dépenses de santé futures, à parfaire au jour de l'audience,
La somme de 134 629,32 € au titre des arrérages échus des pertes de gains professionnels futurs, à parfaire au jour de l'audience,
La somme de 1 527 414,50 euros au titre des arrérages à échoir des pertes de gains professionnels futurs, à parfaire au jour de l'audience,
La somme de 72 179 euros au titre des frais de handicap, à renouveler tous les 5 ans,
La somme de 9 703 094,40 euros au titre des frais de tierce personnes permanentes,
La somme de 563 903 euros au titre des frais de logement adapté,
La somme de 67 600 euros au titre des frais de véhicule adapté, à renouveler tous les 5 ans,
Pour Madame [T] [M] :
La somme de 100 000 euros au titre du préjudice d'affection,
La somme de 100 000 euros au titre du préjudice sexuel,
La somme de 100 000 euros au titre du préjudice d'établissement,
Pour Monsieur [P] [M] :
La somme de 100 000 euros au titre du préjudice d'affection,
La somme de 200 000 euros au titre du préjudice d'établissement,
- Actualiser les créances des consorts [M] au jour de l'audience,
- Déclarer que la MACSF et la Caisse Centrale de Réassurance seront tenus de relever et garantir le Docteur [A] des condamnations civiles à intervenir,
En tout état de cause,
- Débouter les défendeurs de l'ensemble de leur demande
- Condamner solidairement le Docteur [G] [A] et son assureur au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance,
A titre subsidiaire,
- Laisser à chaque partie ses frais et dépens, en équité, au regard de l'état séquellaire de Monsieur [M].
Par ses dernières conclusions du 20 mars 2023, le docteur [G] [A], intimé, demande à la cour de :
Vu l'article
L. 1142-1 du code de la santé publique,
Vu les articles
139 et
142 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence et les pièces produites,
A titre principal :
- Confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Tarbes du 13 septembre 2022 en ce qu'il a débouté Monsieur [U] [M] et Madame [T] [M], tant à titre personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils [P] [M], de l'ensemble des demandes dirigées à l'encontre du Docteur [A] étant donné que le Docteur [A] n'a commis aucune faute médicale.
A titre subsidiaire :
- Désigner tel collège d'experts qu'il plaira, composé d'un médecin compétent en médecine du sport et d'un médecin spécialisé en réadaptation fonctionnelle et aménagement du domicile ergothérapeute, avec la mission suivante :
- Convoquer les parties et recueillir les dires et doléances de la famille de la victime,
- Entendre tous sachants,
- Se faire communiquer par les parties tous éléments médicaux relatifs aux examens, soins, interventions et traitements dont Monsieur [U] [M] a été l'objet avant et après la visite médicale de non contre-indication à la pratique du rugby professionnel du 18 juillet 2013,
- Prendre connaissance de la situation personnelle et professionnelle de la victime et fournir le maximum de renseignements sur son mode de vie, ses conditions d'activité professionnelle, son statut exact avant son accident du 29 septembre 2013,
- Retracer son état médical avant la visite médicale de non contre-indication à la pratique du rugby professionnel du 18 juillet 2013,
- Réunir tous les éléments permettant de déterminer si la visite médicale de non contre indication à la pratique du rugby professionnel du 18 juillet 2013 a été exécutée selon les règles de l'art et les données acquises de la science médicale à l'époque des faits,
- Réunir tous les éléments permettant de déterminer l'éventuelle perte de chance strictement imputable à la visite médicale de non contre-indication à la pratique du rugby professionnel du 18 juillet 2013,
- Donner un avis sur le degré de perte de chance subie par la victime en lien direct et exclusif avec sa prise en charge par le Docteur [A],
- Décrire l'état antérieur de Monsieur [U] [M] ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les suites constatées,
- Evaluer les dommages de Monsieur [U] [M] et de ses proches selon la nomenclature [W],
- Examiner le lieu de vie de Monsieur [U] [M] et évaluer ses besoins en aide humaine en tenant compte de ses besoins en aide technique.
- Surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise judiciaire.
En tout état de cause :
- Dire et juger que la MACSF doit relever et garantir le Docteur [A] des éventuelles condamnations mises à sa charge à l'issue de la présente instance ;
- dire et juger que le FAPDS doit relever et garantir le Docteur [A] des éventuelles condamnations mises à sa charge qui excéderaient le plafond de la garantie souscrite par lui au titre de sa responsabilité civile professionnelle auprès de la MACSF ;
- Condamner la partie défaillante à verser au Docteur [A] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile.
- Condamner la partie défaillante aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître
Pascal MARKHOFF conformément à l'article
699 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions du 12 juin 2023, le Fonds de Garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé exerçant à titre libéral (FAPDS) représenté par la Caisse Centrale de Réassurance, intimée, demande à la cour de :
Vu les dispositions de l'article
L. 1142-1 du code de la santé publique,
Vu les dispositions de l'article 146 de la Loi de Finances pour 2012 n° 2011-1977 du 28 décembre 2011, créant l'article
L.426-1 du code des assurances,
Vu les dispositions de l'article
L.251-2 du code des assurances,
A titre principal :
- confirmer le jugement déféré qui a dit qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre du Docteur [A] et qui a débouté les Consorts [M] dans l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de l'ensemble des défendeurs ;
A titre subsidiaire :
Et dans l'hypothèse où la Cour retiendrait le principe de la responsabilité du Docteur [A], en relation causale avec les préjudices supportés par Monsieur [U] [M] à titre de victime directe, par Madame [T] [M] à titre de victime par ricochet, et par Monsieur [U] [M] et Madame [T] [M], agissant en leur qualité de représentants légaux de leur fils [P] [M], victime par ricochet :
- Dire que le plafond de garantie du contrat d'assurances souscrit auprès de la MACSF Assurances par le Docteur [A] se chiffre à 8 millions d'euros par sinistre et 15 millions d'euros par année d'assurance, par application des dispositions de l'article
R.1142-4 du code de la santé publique, et a vocation à intervenir en vue de la prise en charge des seuls préjudices non indemnisés par la GMF Assurances ;
- Dire et juger que la condition d'intervention du FAPDS - à savoir l'épuisement du plafond de la couverture d'assurance du professionnel de santé libéral dont la responsabilité a été préalablement retenue - ne se trouve pas démontrée au cas d'espèce ;
- En conséquence, mettre purement et simplement le FAPDS hors de cause ;
- déclarer l'arrêt à intervenir commun à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du TARN et à VIASANTE MUTUELLE ;
- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur [U] [M] et Madame [T] [M], agissant chacun à titre personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils [P] [M] à payer au FAPDS, en application de l'article
700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 € ;
- Condamner la partie défaillante à verser au FAPDS une somme de 3 000 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
- Condamner la partie défaillante aux dépens avec droit de recouvrement direct par Maître
François PIAULT, avocat, dans les conditions prévues à l'article
699 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions du 21 mars 2023, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Tarn agissant pour le compte de la CPAM des Hautes-Pyrénées, intimée, demande à la cour de :
- S'entendre, la cour d'appel de Pau, réformer la décision entreprise,
- S'entendre statuer ce que de droit sur la responsabilité du Dr [A],
- S'entendre fixer, par priorité, la CPAM du TARN à la somme définitive de 3 860 944,60 € au titre de ses débours définitifs par elle exposés suite au sinistre subi par M. [U] [M] (montant actualisé au 16/03/2023) ainsi que la somme de 1 098 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion (CF Article L 376-1 - L 454-1 du code de la sécurité sociale),
- S'entendre condamner la partie succombante au paiement des sommes ci-dessus ;
- condamner la partie succombante aux dépens ainsi qu'à une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile,
- S'entendre assortir la décision à intervenir de l'exécution provisoire.
Par ses dernières conclusions du 16 mars 2023, la MACSF Assurances, intimée, demande à la cour de :
A titre principal,
- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tarbes du 13 septembre 2022 en ce qu'il a débouté Monsieur [U] [M] et Madame [T] [M], tant à titre personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils [P] [M], de l'ensemble des demandes dirigées à l'encontre du Docteur [A] et de la MACSF étant donné que le Docteur [A] n'a commis aucune faute médicale,
A titre subsidiaire,
- Désigner tel collègue d'experts qu'il plaira, composé d'un médecin généraliste et d'un médecin spécialisé en réadaptation fonctionnelle et aménagement du domicile / ergothérapeute, avec la mission suivante :
- Convoquer les parties et recueillir les dires et doléances de la famille de la victime,
- Entendre tous sachants,
- Se faire communiquer par les parties tous éléments médicaux relatifs aux examens, soins, interventions et traitements dont Monsieur [U] [M] a été l'objet avant et après la visite médicale de non contre-indication à la pratique du rugby professionnel du 18 juillet 2013,
- Prendre connaissance de la situation personnelle et professionnelle de la victime et fournir le maximum de renseignements sur son mode de vie, ses conditions d'activité professionnelle, son statut exact avant son accident du 29 septembre 2013,
- Retracer son état médical avant la visite médicale de non contre indication à la pratique du rugby professionnel du 18 juillet 2013,
- Réunir tous les éléments permettant de déterminer si la visite médicale de non contre-indication à la pratique du rugby professionnel du 18 juillet 2013 a été exécutée selon les règles de l'art et les données acquises de la science médicale à l'époque des faits,
- Réunir tous les éléments permettant de déterminer l'éventuelle perte de chance strictement imputable à la visite médicale de non contre-indication à la pratique du rugby professionnel du 18 juillet 2013,
- Donner un avis sur le degré de perte de chance subie par la victime en lien direct et exclusif avec sa prise en charge par le Docteur [A],
- Décrire l'état antérieur de Monsieur [U] [M] ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les suites constatées,
- Evaluer les dommages de Monsieur [U] [M] et de ses proches selon la nomenclature [W],
- Examiner le lieu de vie de Monsieur [U] [M] et évaluer ses besoins en aide humaine en tenant compte de ses besoins en aide technique,
- Surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise judiciaire.
A titre infiniment subsidiaire,
- Indemniser les préjudices de Monsieur [M] sur la base d'une perte de chance de ne pas subir l'accident du 29 septembre 2013 de 50 %.
- Fixer les préjudices de Monsieur [U] [M], de Madame [T] [M] et de Monsieur [P] [M] de la manière suivante :
Monsieur [U] [M] (et CPAM) :
Dépenses de santé actuelles : Réservé
Pertes de gains professionnels actuels : 11 129,02 € - CPAM : 5 936,98 €
Tierce personne temporaire : 36 720 €
Dépenses de santé futures : Réservé
Pertes de gains professionnels futurs : 134 231,51 € - CPAM : 155 149,33 €
Frais de handicap : 32 753,21 €
Tierce personne permanente :
* Période échue : 217 982,52 €
* CPAM : 87 369,08 €
* Période à échoir :
* rente trimestrielle de 17 630 €
* CPAM : 0 €
Frais de logement adapté : Réservé
Frais de véhicule adapté : Réservé
Déficit fonctionnel temporaire : 10 296 €
Souffrances endurées : 22 500 €
Déficit fonctionnel permanent : 308 750 €
Préjudice esthétique : 20 000 €
Préjudice d'agrément : 25 000 €
Préjudice sexuel : 25 000 €
Préjudice d'établissement : 25 000 €
Préjudice permanent exceptionnel : 0 €
TOTAL :
Période échue :
Monsieur [M] : 869 362,26 €
CPAM : 248 455,39 €
Période à échoir :
Monsieur [M] : rente trimestrielle de 17 630 €
CPAM : 0 €
- Dire que la rente sera suspendue en cas d'hospitalisation ou de prise en charge en milieu médical spécialisé supérieure à 45 jours.
- Dire que l'indemnisation d'une somme de 6 000 000 € versée par la GMF est de nature indemnitaire et, par conséquent, vient en déduction de l'indemnisation revenant à Monsieur [U] [M].
Madame [T] [M] :
Préjudice d'affection : 17 500 €
Préjudice sexuel : 25 000 €
Préjudice d'établissement : 0 €
TOTAL : 42 500 €
Monsieur [P] [M] :
Préjudice d'affection : 17 500 €
Préjudice d'établissement : 0 €
TOTAL : 17 500 €
- Limiter toute éventuelle condamnation de la MACSF au plafond de garantie d'une somme de 8 millions d'euros.
En tout état de cause,
- Condamner Monsieur [U] [M] et Madame [T] [M], tant à titre personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils [P] [M] à payer à la MACSF une somme de 5 000 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile.
- Condamner Monsieur [U] [M] et Madame [T] [M], tant à titre personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils [P] [M] aux entiers dépens.
Par une ordonnance du 18 janvier 2023 (RG n° 22/02696), le magistrat chargé de la mise en état de la Cour d'appel de Pau a :
- Déclaré caduque partiellement à l'égard de Viasanté Mutuelle la déclaration d'appel formée le 6 octobre 2022 par le conseil des consorts [M] contre le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tarbes le 13 septembre 2022,
- Rappelé que cette ordonnance prononçant la caducité de l'appel ne peut être rapportée, mais qu'elle peut être déférée à la cour, dans les conditions de l'article
916 alinéa 2 du code de procédure civile,
- Dit que la présente décision sera notifiée par le greffe, par voie électronique, aux représentants des parties.
Par une ordonnance du 15 mars 2023 (RG n° 22/02696), le magistrat chargé de la mise en état de la Cour d'appel de Pau a :
- Constaté le désistement partiel de l'appel n° 22/02696 formulé le 6 octobre 2022 par M. [U] [M], Mme [T] [M] et [P] [M], pris en la personne de son représentant légal M. [U] [M], en ce qu'il est dirigé contre la société Allianz IARD,
- Dit que le désistement étant parfait, il emporte acquiescement du jugement,
- Dit que la cour est, par conséquent, dessaisie partiellement du dossier, l'instance se poursuivant pour les autres parties,
- Dit que les appelants supportent la charge des dépens d'appel,
- Dit que la présente décision sera notifiée par le greffe, par voie électronique, aux représentants des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2023.
MOTIFS
Sur la faute du Dr [A] :
Il convient de rappeler comme l'a fait le tribunal que la démarche de M. [M] auprès du Dr [A] s'est inscrite dans le cadre de la délivrance d'un certificat médical de non contre-indication à la pratique du rugby amateur, lequel certificat a été délivré le 18 juillet 2013.
En vertu de l'article
L1142-1 du code de la santé publique, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
L'article
R4127-33 du code de la santé publique prévoit que le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés.
Sur la fiche relative de la demande de mutation à la Fédération Française de rugby sur lequel apparaît le certificat médical de non contre-indication à la pratique du rugby et qui se limite à des cases à cocher, il est cependant inscrit une note réservée à l'attention des médecins pour remplir cette 'attestation' et qui est libellée ainsi qu'il suit : le comité médical, sur les recommandations de ses différents experts, a rédigé à votre intention le document 'visite médicale de non contre-indication à la pratique du rugby aide à la consultation 'que vous pouvez consulter sur le site de la FFR à la rubrique comité médical'. En cas d'interrogation, vous pouvez joindre le président le président de la commission médicale...
Ce document est donc une référence incontournable pour l'examen du joueur et il convient de s'y reporter.
Cette fiche d'examen dans sa version du 29 juin 2012 est produite en page 13 par M. [M] et comporte deux pages. Son en-tête contient la mention qu'il s'agit d'un dossier médical confidentiel et que le questionnaire préalable à la visite médicale est à remplir et à signer par le sportif et que le document est à conserver par le médecin examinateur.
Cette fiche comporte les questions notamment de savoir si la pratique sportive a été arrêtée plus d'un an dans les trois dernières années, si le sportif a déjà eu des problèmes vertébraux et une anomalie radiologique.
Il n'est établi par aucun élément que ce questionnaire a été rempli préalablement par M. [M] puis remis au Dr [A]. Celui-ci a écrit une lettre à M. et Mme [M] le 20 novembre 2013 par laquelle il leur adresse le compte rendu du dernier IRM cervical du 8 novembre 2012 et le compte-rendu de la consultation du 18 septembre 2013.
Les éléments produits aux débats par le Dr [A] sont les suivants :
- un document intitulé synthèse avec :
* antécédents : hernie discale C5/C6 C6/C7 septembre 2009 pour névréalgies parésiante droite ; repevax lot J0230-1 le 18 juillet 2013 ;
* suivi : mention des taux de fréquence cardiaque et de tension artérielle, sans lien avec le litige ;
* examen clinique du 18 juillet 2013 : bon examen doit revoir son neurochirurgien ;
- un document intitulé dossier M. [M] [U] date de mise à jour du dossier 18 juillet 2013 avec les mentions : volet médical : pas d'antécédents déclarés, pas d'allergies déclarées pas d'intolérances déclarées, divers : hernie discale C5/C6 C6/C7 septembre 2009 pour névralgies parésiante droite ; repevax lot J0230-1 le 18 juillet 2013.
Il résulte des termes de cette lettre du 20 novembre 2013 du Dr [A] : 'j'ai bien noté ce que vous m'avez dit, que les examens de contrôle radiologique avaient bien été effectués, ce qui n'est pas étonnant devant le statut de professionnel que vous aviez' l'absence de prise de connaissance par le Dr [A] au 18 juillet 2013, lors de la délivrance du certificat, des clichés radiologiques type IRM et de leurs comptes-rendus.
S'il est constant que le Dr [A] ne disposait pas d'éléments radiologiques et n'a pas jugé utiles d'en faire effectuer ce que lui reproche M. [M], il a été noté dans le document que celui-ci devait revoir son neurochirurgien.
Toutefois, comme l'a rappelé le tribunal l'article 10 du règlement médical rappelle que le médecin est le seul juge de la nécessité d'éventuels examens complémentaires et que la fiche d'aide à la consultation prévoit un questionnaire du joueur, un examen clinique, un ECG lors de la première délivrance de la licence, un bilan lipidique une fois.
Pour les joueurs de haut niveau l'article A 231-5 du règlement médical en page 517 précise que les examens prévus une fois par an ne seront pas réalisés une nouvelle fois chez un même sportif s'ils ont déjà été effectués, la même année, lors du bilan médical prévu pour l'inscription sur les listes.
M. [M] déclare, compte tenu de ces éléments, que si le Dr [A] avait véritablement pris connaissance des examens médicaux, ou s'il avait procédé à un examen complet, ou s'il avait fait réaliser une IRM ou s'il avait sollicité un avis spécialisé, il n'aurait pas conclu à une excellente impression, selon le terme employé dans la lettre du 20 novembre 2013 précitée. À cet effet, M. [M] fait valoir qu'il présentait lors de l'examen par le Dr [A] un taux d'incapacité permanente de 10 % avec aggravation des séquelles fonctionnelles et douloureuses 'raideur rachidienne, perte de la force de serrage, et une protusion discale postéro-latérale gauche C4/C5 sans sténose canalaire centrale ou latérale significative formelle.
Pour soutenir la faute du Dr [A], M. [M] se réfère à une expertise du Dr [Z] qui a procédé à plusieurs examens à diverses périodes dans le cadre de l'indemnisation par la GMF et qui a établi un rapport le 10 février 2016 dont une des conclusions est la suivante : du fait de cet état antérieur, M. [M] présentait une modification significative des conditions d'aptitude à la pratique du rugby qui nécessitait un avis spécialisé en vue de la reprise éventuelle du rugby ; usuellement cet avis comporte deux volets, une visite spécialisée afin de déterminer les séquelles suite aux accidents antérieurs permettant d'établir une codification selon la ligue nationale du rugby et un avis éventuel du médecin de prévention si le joueur était salarié de son club.
Cependant, cette expertise a été établie de manière unilatérale et comporte des pages illisibles non corrigées malgré leur communication en cours de délibéré à la demande de la cour du fait de la mauvaise qualité de la reproduction d'éléments externes type comptes-rendus médicaux, aux pages 20 à 24 notamment.
Par ailleurs, il ressort :
- de la fiche d'aptitude du Dr [K] du 28 juillet 2010 qu'il a déclaré apte M. [M] sous réserve de normalité des examens complémentaires à prescrire et à valider par le club et notamment les bilans radiologiques du rachis ; que le 16 août 2011, la visite d'embauche (auprès du club de [Localité 23]) a conclu à son aptitude pour l'embauche, en sa qualité de joueur professionnel ;
- du rapport d'expertise amiable du Dr [R] du 21 décembre 2021, intervenu à la demande de la GMF que celui-ci a évalué le taux d'IPP à 4 % avec une consolidation au 5 avril 2010 et avoir constaté que les activités de rugbyman professionnel avaient été reprises, et avoir relevé une absence de retentissement professionnel ou de frais futurs ;
- du rapport d'expertise amiable des Drs [J] et [S] intervenu le 26 septembre 2012 à la suite de l'accident du 7 août 2009 portant traumatisme du rachis cervical que celui-ci a donné lieu à une intervention chirurgicale avec mise en place d'une plaque en titane dans la zone C5/C7 et que M. [M] avait alors repris l'entraînement de rugby au début de l'année 2010 et la compétition au début du mois de mars 2010. Ils ont alors fixé le taux d'AIP à 7 % compte tenu des séquelles : syndrome douloureux du rachis cervical sur séquelles d'hernie discale opérée, diminution de la mobilité en flexion et rotation, avec éléments neurologiques radiculaires touchant le membre supérieur droit en territoire discal C7, une hyporéflexie tricipitle droite, associée à une légère diminution de la force musculaire tricipitale surtout une amyotrophie significative chez un sujet droitier.
Aucun de ces deux médecins n'a émis de réserve sur la reprise de l'entraînement et de la compétition de rugby dès 2010 et n'a conclu à une inaptitude pour être joueur professionnel malgré l'accident survenu le 7 août 2009.
Ces éléments viennent donc en contradiction avec les conclusions du Dr [Z] qui fait état d'une modification des conditions d'aptitude qui nécessitaient un recours à un avis spécialisé en vue de la reprise du rugby. Il convient de s'interroger sur le lien de causalité entre l'état antérieur et l'accident, outre l'existence d'une faute de la part du Dr [A] qui avec peu d'éléments requis a conclu à l'absence de contre-indication à la pratique amateur du rugby, d'autant que des précédents examens médicaux n'avaient conclu à aucune inaptitude pour la pratique professionnelle du rugby et alors qu'entre le 18 juillet 2013 et le 29 septembre 2013, M. [M] a participé à des matchs sans incidents.
Une mesure d'instruction pour éclairer la cour est donc nécessaire dont les modalités seront précisées dans le dispositif portant sur les circonstances de l'examen du 18 juillet 2013, le lien de causalité entre l'état antérieur et l'accident survenu le 29 septembre 2013 dont il est résulté la tétraplégie de M. [M] à la suite du traumatisme sur les C3-C4 et C4-C5, et ensuite le préjudice subi à évaluer selon les règles du droit commun avec la mission habituelle.
Il ne reviendra à la présente cour d'apprécier le montant du préjudice que si la responsabilité du Dr [A] est retenue après examen du rapport d'expertise et au regard des indemnisations déjà perçues par M. [M] de la GMF.
En conséquence, la cour par un arrêt avant dire droit va organiser une mesure d'expertise médicale.
Les mesures accessoires portant sur l'indemnité sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile et les dépens seront réservés.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, avant dire droit,
ORGANISE une expertise judiciaire :
DÉSIGNE pour y procéder :
[Y] [O], expert inscrit auprès de la cour d'appel de Bordeaux
[Adresse 10]
[Localité 13]
Tél : [XXXXXXXX03]
Port. : [XXXXXXXX04]
Mél : [Courriel 26]
Avec pour mission :
1. recueillir toutes observations et tous documents nécessaires à sa mission et notamment les dossiers médicaux de M. [U] [M], y compris au sein de la fédération française du rugby, convoquer les parties et leurs conseils ;
2. décrire l'état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles notamment les séquelles de son accident du 7 août 2009. Dans cette hypothèse :
- au cas où il aurait entraîné un déficit fonctionnel antérieur, fixer la part imputable à l'état antérieur et la part imputable au fait dommageable,
- au cas où il n'y aurait pas de déficit fonctionnel antérieur, dire si le traumatisme a été la cause déclenchante du déficit fonctionnel actuel ou si celui-ci se serait de toute façon manifesté spontanément dans l'avenir ;
3. donner tout élément à la cour pour déterminer si l'examen pratiqué par le Dr [A] était suffisant pour aboutir à une absence de contre-indication à la pratique amateur du rugby, notamment eu égard aux précédents certificats et expertises délivrés dans le cadre de la pratique professionnelle du rugby, et à la réglementation en vigueur en 2013 au sein de la fédération française du rugby, selon les règles de l'art et les données acquises de la science médicale à l'époque des faits ;
4. procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime ;
5. fixer la date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation ;
6. chiffrer, par références au "Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun" le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (incapacité permanente) imputable à l'accident, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi des douleurs physiques ou morales permanentes qu'elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après consolidation ; dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation ;
7. décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) du fait des blessures subies. Les évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés ;
8. donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en précisant s'il est temporaire (avant consolidation) ou définitif ; l'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit ;
9. dire s'il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l'acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction).
10. indiquer :
- puisque l'assistance d'une tierce personne constante ou occasionnelle est nécessaire, en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée d'intervention quotidienne),
- si des appareillages, des fournitures complémentaires et si des soins postérieurs à la consolidation sont à prévoir ;
11. procéder selon la méthode du pré-rapport afin de provoquer les dires écrits des parties dans tel délai de rigueur déterminé de manière raisonnable et y répondre avec précision.
Dit que l'expert judiciaire pourra se faire assister d'un technicien d'une spécialité distincte de la sienne, et notamment un médecin en rééducation fonctionnelle et aménagement du domicile ou ergothérapeute, à charge d'indiquer, dans son mémoire, son identité et le montant de ses honoraires ;
Dit que l'expert dressera un rapport écrit de ses opérations, qu'il déposera au greffe de la cour d'appel de Pau en deux exemplaires dans le délai de cinq mois à compter du jour où le greffier lui aura notifié l'existence de la consignation, sauf prorogation du délai par le conseiller chargé du contrôle des expertises dans les conditions prévues par l'article
279 du code de procédure civile ;
Dit que l'expert, en même temps qu'il remettra son rapport au greffe, en communiquera une copie à chacune des parties ;
Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert désigné, il sera procédé à son remplacement par ordonnance à la requête de la partie la plus diligente et présentée au Conseiller chargé du contrôle des expertises auprès de cette Cour ;
Dit que l'expert devra procéder dans le respect du principe du contradictoire à un inventaire des pièces produites entre ses mains ainsi que des documents utilisés dans le cadre de sa mission et devra répondre aux dires que les parties lui communiqueront en cours d'expertise ou avant le dépôt du rapport final dans le cadre d'un pré-rapport ;
Dit que M. [U] [M] devra verser au greffe-régie d'avance de la cour une provision de 2 500 euros à valoir sur la rémunération de l'expert dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt, à peine de caducité de la mesure d'instruction,
Sursoit à statuer sur la responsabilité du Dr [A] et la garantie des organismes sociaux ou assurances,
Réserve l'indemnité sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile et les dépens.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBON Caroline FAURE