COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 juin 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 438 F-D
Pourvoi n° S 21-24.755
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 JUIN 2023
La société EP & associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [B] [H], agissant en qualité de mandataire ad hoc de la liquidation judiciaire de la société MCK, a formé le pourvoi n° S 21-24.755 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2021 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Fides, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [M] [U], prise en qualité de liquidateur de la société L'Industrielle du Ponant (IDP), défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société EP & associés, ès qualités, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Fides, ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 septembre 2021), le 18 juin 2013, la société L'Industrielle du Ponant (la société IDP), détenue à 99,43 % par la société MCK, a été mise en redressement judiciaire. Le 6 janvier 2015, un plan de continuation a été adopté. Le 20 avril 2016, le plan a été résolu et la société IDP placée en liquidation judiciaire. Le 7 juin 2016, la société MCK a été mise en redressement judiciaire. La société EMJ a été désignée mandataire ou liquidateur dans l'ensemble de ces procédures.
2. Les 18 et 21 juillet 2016, la société EMJ, en qualité de liquidateur de la société IDP, a déclaré plusieurs créances au passif du redressement judiciaire de la société MCK. La société EP & associés, désignée mandataire ad hoc de la société MCK, a contesté les créances déclarées.
3. Le 6 juin 2017, le redressement judiciaire de la société MCK a été converti en liquidation judiciaire, la société EP & associés demeurant mandataire ad hoc. La société EMJ, devenue Fides, a maintenu sa déclaration de créance. Par ordonnance du 10 octobre 2018, le juge-commissaire a admis les trois créances déclarées, la plus importante à hauteur de 405 570,03 euros.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
4. En application de l'article 1014
, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Mais sur le moyen
, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. La société EP & associés, ès qualités, fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du juge-commissaire du 10 octobre 2018 admettant au passif de la liquidation judiciaire de la société MCK la créance déclarée par la société Fides, ès qualités, pour une somme de 405 570,03 euros, alors « que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en s'abstenant d'examiner les comptes annuels définitifs arrêtés au 31 décembre 2015, mis au point par le cabinet "Valor'experts", tels que certifiés par le commissaire aux comptes dans ses rapports au titre des exercices 2014 et 2015, ainsi que le courrier adressé par le cabinet Valor'experts à la société MCK le 8 septembre 2016, qui faisait observer que l'écriture passée au 31 décembre 2014 dans la comptabilité de la société L'Industrielle du Ponant (IDP) à hauteur de 405 570,03 euros, sous le libellé "cession Kergral à MCK", ne trouvait aucune correspondance dans l'arrêté des comptes au 31 décembre 2014 de la société MCK, tous éléments qui étaient de nature à contredire l'existence de la cession de créance alléguée par le liquidateur judiciaire de la société IDP sur la seule base des éléments de comptabilité provisoires mis au point par l'ancien expert-comptable du groupe, la cour d'appel a violé l'article
455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu
l'article
455 du code de procédure civile :
6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.
7. Pour retenir que la réalité et le montant de la créance en compte courant d'associé étaient établis à hauteur de 405 570,03 euros, l'arrêt relève, d'abord, qu'elle figure non seulement dans la comptabilité de la société IDP mais qu'elle est également corroborée par la mention portée dans la comptabilité produite par la société MCK elle-même à l'occasion de la procédure collective. Il retient ensuite que la société MCK, qui a produit cette pièce comptable en justice, ne saurait désormais en contester la force probante au motif qu'elle n'a pas été certifiée par le commissaire aux comptes.
8. En statuant ainsi
, sans s'expliquer, même sommairement, sur les comptes annuels définitifs arrêtés au 31 décembre 2015 tels que certifiés par le commissaire aux comptes dans ses rapports au titre des exercices 2014 et 2015 et la lettre adressée le 8 septembre 2016 à la société MCK par le cabinet Valor'experts les ayant établis, faisant observer que l'écriture passée le 31 décembre 2014 dans la comptabilité de la société IDP à hauteur de 405 570,03 euros ne trouvait aucune correspondance dans l'arrêté des comptes au 31 décembre 2014 de la société MCK, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit n'y avoir lieu à jonction des instances n° 18/06835 et 18/06841 et déboute la société Fides, en qualité de liquidateur de la société L'Industrielle du Ponant, du surplus de sa demande d'admission, l'arrêt rendu le 14 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne la société Fides, en qualité de liquidateur de la société L'Industrielle du Ponant (IDP), aux dépens ;
En application de l'article
700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.