COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 avril 2024
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 203 F-D
Pourvoi n° W 22-15.379
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 AVRIL 2024
1°/ La société Koninklijke Philips NV, société de droit néerlandais, dont le siège est [Adresse 3] (Pays-Bas),
2°/ la société Philips International BV, société de droit néerlandais, dont le siège est [Adresse 1] (Pays-Bas),
3°/ la société Signify Holding BV, société de droit néerlandais, dont le siège est [Adresse 2] (Pays-Bas),
ont formé le pourvoi n° W 22-15.379 contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant à la société CSI audiovisuel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], anciennement société Commerce spectacle industrie puis Freevox, défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Koninklijke Philips NV, Philips International BV et Signify Holding BV, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société CSI audiovisuel, après débats en l'audience publique du 27 février 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 2021), jusqu'au 1er février 2016, la société Koninklijke Philips NV (la société KPNV) était propriétaire des brevets européens n° 0 890 059 (EP 059), n° 1 046 196 (EP 196) et n° 0 929 992 (EP 992), dont elle avait confié la gestion des licences à sa filiale, la société Philips International BV (la société Philips International). A cette date, elle a cédé ses droits sur ces brevets à la société Philips Lighting Holding BV, devenue Signify Holding BV (la société Signify).
2. La société CSI audiovisuel (la société CSI), anciennement dénommée société Commerce spectacle industrie, commercialise en France sa propre gamme d'appareils d'éclairage à usage professionnel à destination du monde du spectacle et de l'architecture.
3. La société CSI a assigné les sociétés KPNV et Philips International en nullité de la partie française des brevets EP 059, EP 196 et EP 992 ainsi qu'en concurrence déloyale. Les sociétés KPNV, Philips International et Signify (les sociétés Philips) ont formé une demande reconventionnelle en contrefaçon de ces brevets.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen et le quatrième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
4. En application de l'article 1014
, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Les sociétés Philips font grief à l'arrêt d'annuler la revendication 1 de la partie française du brevet EP 059 pour défaut d'activité inventive et, en conséquence, de déclarer irrecevable l'intégralité des demandes au titre de la contrefaçon des revendications de la partie française de ce brevet, alors :
« 1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en affirmant que la description générale du document Schairer "invoqu[e] 'la lumière fournie par des réflecteurs et émise vers l'avant sous la forme d'un projecteur'", cependant que le passage ainsi cité ne figure ni dans la demande de brevet allemande Schairer DE 38 27 083 ni dans la demande de brevet américaine Schairer US 4 975 814, la cour d'appel a dénaturé ces documents, en violation du principe susvisé ;
2°/ que la charge de la preuve de la nullité d'un brevet repose sur le demandeur à l'action en nullité ; qu'en retenant que les sociétés Philips échouent à démontrer que l'homme du métier n'aurait pas eu l'idée de consulter le document Schairer qui ne concernerait pas l'éclairage d'objets et qu'elles "échouent tout autant à démontrer que l'homme du métier qui souhaitait proposer un luminaire résolvant le problème technique posé par le brevet EP 059 n'était pas incité à concevoir un luminaire à base de LED à partir du document Schairer puisque ce dernier divulguerait un système de signalisation de faible puissance et que l'homme du métier n'aurait pas eu connaissance de l'utilisation de LED pour un luminaire", la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles
L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, 56 et 138 de la Convention sur la délivrance de brevets européens (CBE), ensemble l'article
1353 du code civil ;
3°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en affirmant ainsi que les sociétés Philips échouent à démontrer que l'homme du métier n'aurait pas eu l'idée de consulter le document Schairer qui ne concernerait pas l'éclairage d'objets et qu'elles "échouent tout autant à démontrer que l'homme du métier qui souhaitait proposer un luminaire résolvant le problème technique posé par le brevet EP 059 n'était pas incité à concevoir un luminaire à base de LED à partir du document Schairer puisque ce dernier divulguerait un système de signalisation de faible puissance et que l'homme du métier n'aurait pas eu connaissance de l'utilisation de LED pour un luminaire", sans examiner, même sommairement, l'attestation du professeur [N] versée aux débats, qui était de nature à l'éclairer sur le point de vue de l'homme du métier à la date de priorité du brevet EP 059, la cour d'appel a violé l'article
455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'un document servant de point de départ à l'appréciation du caractère inventif d'une invention doit se rapporter au même problème technique ou à un problème technique similaire, ou du moins à un domaine technique identique ou étroitement lié à celui du brevet en cause ; qu'en se contentant d'affirmer, de manière générale, "qu'il est approprié pour l'homme du métier, qui est un ingénieur éclairagiste possédant des connaissances dans des domaines voisins dans lesquels se posent des problèmes techniques identiques ou similaires à ceux que propose de résoudre l'invention, de consulter ledit document pour atteindre l'objectif visé par l'invention", sans indiquer quel était le problème technique que le document Schairer se proposait précisément de résoudre ni vérifier si ce problème était du même type que celui que se proposait de résoudre l'invention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 56 de la CBE ;
5°/ qu'en affirmant que "le brevet EP 059 lui-même présuppose l'utilisation de la [LED] en tant que source de lumière, en se bornant à les nommer comme déjà connues dans l'art antérieur", sans constater que le brevet EP 059 aurait indiqué que les LED sont connues comme sources de lumière pour l'éclairage des objets, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, en violation de l'article 56 de la CBE ;
6°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que le brevet EP 059 n'indique aucunement que des LED d'une puissance supérieure à 4 lumen seraient connues ; qu'en indiquant que "de telles [LED] faisaient partie de l'art antérieur ainsi que cela résulte des présupposés du brevet EP 059 lui-même", la cour d'appel a dénaturé ce brevet, en violation du principe susvisé ;
7°/ qu'en affirmant que des diodes électroluminescentes avec un flux lumineux plus élevé de 5 lumen étaient déjà connues, sans préciser sur quels documents, autres que le brevet EP 059, elle se fondait pour retenir une telle affirmation, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article
455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. En premier lieu, l'arrêt indique que le problème technique que se propose de résoudre l'invention est celui de « procurer un luminaire dans lequel la lumière générée par la source lumineuse soit utilisée plus efficacement ». Il retient que le document Schairer divulgue une lampe à grande surface sous la forme d'un émetteur de lumière plat ayant une plaque de montage transparente avec une structure de chemins conducteurs sur laquelle des éléments semi-conducteurs luminescents connectés à ladite structure sont montés, chacun de ces éléments étant entouré d'un réflecteur qui réfléchit la composante de lumière qui les frappe émise par les corps semi-conducteurs à travers la plaque de montage. Il relève que les exemples d'utilisation sont, certes, des feux stop et des lampes de signalisation mais également des modules d'éclairage pour éclairer un objet, comme indiqué dans le titre « lampe » et dans les applications spécifiques aux fins de l'éclairage de véhicules automobiles, qui comprend la fonction d'éclairer un objet.
7. Il retient en conséquence qu'il était approprié, pour la personne du métier, qui est un ingénieur éclairagiste spécialisé en luminaires possédant des connaissances dans des domaines voisins dans lesquels se posent des problèmes techniques identiques ou similaires à ceux que propose de résoudre l'invention, de consulter le document Schairer pour atteindre l'objectif visé par l'invention.
8. En cet état, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle écartait des débats, a déduit du document Schairer qu'il présentait, dans un domaine technique voisin, une situation de départ qui se rapprochait de celle dans laquelle se trouvait l'inventeur du brevet EP 059 et visait à atteindre le même objectif que ce brevet et a ainsi, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision.
9. En second lieu, c'est sans dénaturer le brevet EP 059, dont la description indiquait que les unités intégrées faites d'une puce LED et d'un système optique primaire étaient généralement connues sous le nom de diodes électroluminescentes (light-emitting diodes - LED) et dont la revendication 1 portait sur l'utilisation de puces LED fournissant chacune en fonctionnement un flux lumineux d'au moins 5 lm, que la cour d'appel a retenu que la personne du métier, à l'aide de ses connaissances générales et du document Schairer qui enseignait que le flux lumineux d'une LED était typiquement comprise entre 1 à 4 lumen, aurait sélectionné des LED avec un flux lumineux plus élevé de 5 lumen, pour intensifier la luminosité d'une lampe fonctionnant avec de telles unités d'éclairage, par une mesure purement technique ou par des essais de routine.
10. Le moyen, inopérant en sa première branche, qui critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus.
Sur le quatrième moyen
, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11. Les sociétés Philips font grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la revendication 12 de la partie française du brevet EP 196 pour défaut de nouveauté et, en conséquence, de déclarer irrecevable l'ensemble des demandes au titre de la contrefaçon de cette revendication, alors « que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver tout entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les mêmes éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique ; qu'en l'espèce, la revendication 12 de la partie française du brevet EP 196 couvre un "système d'éclairage selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que, en fonctionnement, un flux lumineux des diodes électroluminescentes (6,6',
,7,7'
; 106,106',
, 107,107',
; 206,207) est d'au moins 5 lm" ; qu'en retenant, pour dire que cette revendication 12 serait privée de nouveauté au regard du document EP 682, que ce dernier "divulgue une efficacité lumineuse de 9,5 lm/W, l'homme du métier sachant parfaitement, au titre de ses connaissances générales, qu'une valeur en lumen est obtenue en multipliant une valeur en lumen/watt par des watt", la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à caractériser en quoi le document EP 682 divulguerait un système d'éclairage dans lequel les diodes électroluminescentes ont un flux lumineux supérieur à 5 lm, en violation de l'article 54 de la CBE. »
Réponse de la Cour
12. L'arrêt constate que la revendication 12, dépendante des revendications 1 et 2 du brevet EP 196, est ainsi rédigée : « Système d'éclairage selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que, en fonctionnement, un flux lumineux des diodes électroluminescentes (6, 6', ..., 7, 7'... ; 106, 106', ...,107, 107', ... ; 206, 207) est d'au moins 5 lm. »
13. Ayant annulé pour défaut de nouveauté les revendications 1 et 2, l'arrêt retient
que la caractéristique de la revendication dépendante 12, tirée de l'efficacité d'un flux lumineux des diodes électroluminescentes d'au moins 5 lm, est divulguée dans la demande de brevet « antérieure » EP 682 A1, dont l'exemple 1 [118] de la description divulgue une efficacité lumineuse de 9,5 lm/W, dès lors que la personne du métier sait, au titre de ses connaissances générales, qu'une valeur de lumen est obtenue en multipliant une valeur en Lumen/Watt par des Watt.
14. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement retenu le défaut de nouveauté de cette revendication.
Sur le cinquième moyen
15. Les sociétés Philips font grief à l'arrêt de prononcer la nullité des revendications 1 et 2 de la partie française du brevet EP 992 pour défaut de nouveauté et, en conséquence, de déclarer irrecevable l'ensemble des demandes au titre de la contrefaçon de ces revendications, alors :
« 1°/ que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver tout entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les mêmes éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique ; qu'en affirmant que l'homme du métier déduirait du dispositif décrit dans le document Auckland qu'en cas de défaut affectant la source de lumière semi-conductrice provoquant une hausse de tension aux bornes de sortie, la tension mesurée au niveau de la résistance lui permettra de détecter la présence d'un défaut sur la source de lumière semi-conductrice provoquant une hausse de tension aux bornes de sortie, la tension mesurée au niveau de la résistance (509) sera durablement supérieure à la tension de référence de la diode Zener qui, devenant passante, lui permettra de détecter la présence d'un défaut sur la source de lumière semi-conductrice, sans indiquer, autrement que par une simple affirmation, quels éléments lui permettaient d'affirmer ainsi que la diode Zener deviendrait passante uniquement lorsque la tension mesurée au niveau de la résistance était durablement supérieure à la tension de référence de cette diode Zener, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 54 de la CBE ;
2°/ que la charge de la preuve de la nullité d'un brevet repose sur le demandeur à l'action en nullité ; qu'en affirmant que la société Signify échouerait à démontrer que la diode Zener serait toujours passante compte tenu de son montage dans le circuit électronique, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 54 de CBE ;
3°/ que la cassation qui sera prononcée sur ce moyen entraînera également, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a annulé la revendication 2 de la partie française du brevet EP 992, dès lors que cette revendication est dans la dépendance de la revendication 1, et ce, par application de l'article
625 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
16. En premier lieu, l'arrêt relève que le brevet EP 992 porte sur un dispositif de circuit électrique servant au fonctionnement d'une source de lumière semi-conductrice, muni de moyens de détection de tension couplé à un convertisseur et aux bornes de sortie pour la détection de la tension se produisant aux bornes de sortie, de sorte à permettre la détection d'un défaut de ladite source de lumière semi-conductrice. Il retient que le dispositif divulgué par le document antérieur Auckland contient une diode Zener, qui est utilisée comme référence de tension à l'entrée du comparateur, qui compare cette tension de référence avec une tension du courant sortant des lampes au niveau d'une résistance, ce qui permet le contrôle et l'activation en ouverture ou fermeture de l'interrupteur de court-circuitage afin de fournir un courant régulé. Il ajoute que si la régulation du courant fourni à la source de lumière semi-conductrice est effectivement la fonction première de la diode Zener et du comparateur, par activation de l'interrupteur, il se déduit nécessairement de ce dispositif qu'en cas de défaut affectant la source de lumière semi-conductrice provoquant une hausse de tension aux bornes de sortie, la tension mesurée au niveau de la résistance sera durablement supérieure à la tension de référence de la diode Zener qui, devenant passante, lui permettra de détecter la présence d'un défaut sur la source de lumière semi-conductrice. Il retient en conséquence que la diode Zener et le comparateur engendrent bien un signal lorsqu'une tension plus élevée à une tension de seuil est obtenue aux bornes de sortie.
17. De ces constatations et appréciations
souveraines, la cour d'appel qui, sans inverser la charge de la preuve, a déduit de la description et des figures du document Auckland que la diode Zener n'était pas passante en continu, ce qui privait de nouveauté les revendications 1 et 2 du brevet EP 992, a légalement justifié sa décision.
18. En second lieu, les deux premières branches étant rejetées, le moyen, pris en sa troisième branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est devenu sans portée.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
19. Les sociétés Philips font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'ensemble des demandes formées au titre de la contrefaçon des revendications, autres que la revendication 1, de la partie française du brevet EP 059, alors « que si la validité d'une revendication principale entraîne celle des revendications placées sous sa dépendance, l'annulation d'une revendication principale pour défaut d'activité inventive ou défaut de nouveauté n'entraîne pas automatiquement celle des revendications dépendantes ; qu'il en résulte que toute revendication valable, fût-elle dépendante, est susceptible de faire l'objet d'une contrefaçon prohibée ; qu'en l'espèce, les sociétés Philips n'invoquaient pas seulement la contrefaçon de la revendication 1 de la partie française du brevet EP 059 mais également la contrefaçon d'autres revendications dépendantes, dont la revendication 11 ; qu'en déclarant irrecevable l'intégralité des demandes formées au titre de la contrefaçon de la partie française du brevet EP 059, après avoir uniquement annulé la revendication 1 de ce brevet, la cour d'appel a violé les articles
L. 613-3 et
L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle et 84 de la CBE, ainsi que la règle 29, devenue 43, du règlement d'exécution de cette Convention. »
Réponse de la Cour
Vu
les articles
L. 613-3 et
L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle et 84 de la Convention sur la délivrance de brevets européens du 5 octobre 1973, ainsi que la règle 29, devenue 43, du règlement d'exécution de cette Convention :
20. Selon le premier de ces textes, sont interdits, à défaut de consentement du propriétaire du brevet, la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet. Le deuxième qualifie de contrefaçon toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux articles
L. 613-3 à
L. 613-6 du code de la propriété intellectuelle. Le troisième précise que les revendications d'un brevet européen définissent l'objet de la protection demandée et le dernier prévoit que toute revendication qui énonce les caractéristiques essentielles de l'invention, dite revendication principale, peut être suivie d'une ou de plusieurs revendications concernant des modes particuliers de réalisation de cette invention, dites revendications dépendantes.
21. Si la validité d'une revendication principale entraîne celle des revendications placées sous sa dépendance, l'annulation d'une revendication principale pour défaut d'activité inventive ou défaut de nouveauté n'entraîne pas automatiquement celle des revendications dépendantes. Il en résulte que toute revendication valable, fût-elle dépendante, est susceptible de faire l'objet d'une contrefaçon prohibée.
22. Pour déclarer irrecevables l'intégralité des demandes de la société Lighting Holding BV, devenue la société Signify, au titre de la contrefaçon des revendications 3, 5, 11 et 14 de la partie française de son brevet EP 059, l'arrêt, après avoir rejeté le moyen de nullité tiré de l'extension de l'objet au-delà de la demande et, en conséquence, infirmé le jugement en ce qu'il a annulé l'intégralité des revendications de la partie française du brevet EP 059, a écarté le moyen de nullité tiré de l'insuffisance de description du brevet puis a annulé pour défaut d'activité inventive la seule revendication 1 de ce brevet.
23. En statuant ainsi
, alors que l'annulation d'une revendication principale pour défaut d'activité inventive n'entraîne pas automatiquement celle des revendications dépendantes et qu'elle n'annulait pas les revendications 3, 5, 11 et 14 du brevet EP 059, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS
, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes en contrefaçon des revendications 3, 5, 11 et 14 de la partie française du brevet européen n° 0 890 059 formée par la société Philips Lighting Holding BV, devenue Signify Holding BV, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article
700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société CSI audiovisuel aux dépens ;
En application de l'article
700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille vingt-quatre.