Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 novembre 2021 et le 6 août 2022, Mme E B, M. A D et M. G C demandent au tribunal d'annuler la délibération du 18 octobre 2021 par laquelle le conseil de communauté de l'agglomération du choletais a décidé d'accorder la protection fonctionnelle à son président.
Ils soutiennent que :
- le conseil de communauté de l'agglomération du choletais n'était pas compétent pour accorder la protection fonctionnelle au maire de la commune de Cholet ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que les propos tenus par le président du conseil d'agglomération sont constitutifs d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions et font obstacle à ce que la protection fonctionnelle lui soit accordée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2022, le conseil de communauté de l'agglomération du choletais, représenté par Me Brossard, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle est présentée à l'appui d'un référé-suspension ;
- la requête est irrecevable dès lors que les requérants n'ont pas intérêt à agir ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Mouats-Saint-Dizier,
- les conclusions de M. Marowski, rapporteur public,
- les observations de M. C,
- et les observations de Me Carré, représentant la communauté d'agglomération du choletais.
Une note en délibéré, produite par Mme B, M. D et M. C, a été enregistrée le 3 avril 2024.
Considérant ce qui suit
:
1. Par une décision du 13 mars 2021, le président du conseil de communauté de l'agglomération du choletais et maire de la commune de Cholet a annulé la tenue d'un match qui devait opposer le club " Cholet Basket " au club " Boulazac Basket Dordogne " en raison de la contamination de plusieurs joueurs au covid19. La ligue nationale de basket a pris acte de cette décision en regardant l'équipe de Cholet comme ayant déclaré forfait. En réaction à cette décision, le président du conseil communautaire a déclaré, à deux reprises, que le président de la ligue nationale de basket était " un assassin " et " un criminel " et ces propos ont été relayés dans le journal Ouest France les 23 mars et 9 avril 2021. La ligue nationale et son président ont assigné le président du conseil communautaire devant le tribunal correctionnel d'Angers le 21 juin 2021. Par la délibération attaquée du 18 octobre 2021, le conseil de communauté de l'agglomération du choletais a accordé la protection fonctionnelle au président du conseil communautaire dans le cadre de cette action et décidé de prendre en charge les frais engagés par lui en vue de défendre ses intérêts.
Sur la recevabilité de la requête :
2. En premier lieu, la circonstance que, par une requête enregistrée le 9 novembre sous le n° 2112648, les requérants ont demandé la suspension de l'exécution de la délibération litigieuse est sans incidence sur la recevabilité de la présente requête par laquelle les requérants demandent l'annulation de la délibération. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête serait présentée à l'appui d'un référé suspension doit être écartée.
3. En second lieu, les membres d'un conseil communautaire justifient en cette qualité d'un intérêt à attaquer les délibérations de ce conseil, même sans se prévaloir d'une atteinte portée à leurs prérogatives.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B et M. D sont membres du conseil de communauté de l'agglomération du choletais. Dès lors, ils justifient en cette qualité d'un intérêt à agir contre la délibération du 18 octobre 2021. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. En premier lieu, aux termes de l'article
L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales : " La commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions. ". En vertu des dispositions de l'article
L. 5211-15 de ce code, le président d'un établissement public de coopération intercommunale peut également bénéficier de la protection fonctionnelle prévue à l'article
L. 2123-34. Aux termes de l'article
L. 2212-1 de ce code : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale () ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le président du conseil de communauté de l'agglomération du choletais, qui est également le maire de la commune de Cholet, est poursuivi en raison de propos tenus à la suite de la décision d'annuler la tenue d'une rencontre sportive dans la commune de Cholet. Cette décision a été prise dans le cadre des pouvoirs de police municipale qu'il détient en sa qualité de maire. Dès lors, seul le conseil municipal de la commune de Cholet était compétent pour décider de lui accorder la protection mentionnée à l'article
L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales à raison des propos liés à cette décision. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le conseil de communauté d'agglomération n'était pas compétent pour prendre la délibération attaquée.
7. En second lieu, lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet. Ce principe général du droit réaffirmé par la loi, notamment en ce qui concerne les fonctionnaires et agents non titulaires par l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant statut général de la fonction publique, et par les articles
L. 2123-34,
L. 2123-35,
L. 3123-28,
L. 3123-29,
L. 4135-28 et
L. 4135-29 du code général des collectivités territoriales, s'agissant des exécutifs des collectivités territoriales, s'applique à tous les agents publics, quel que soit le mode d'accès à leurs fonctions. Présentent le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions de maire des faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, qui procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité. En revanche ni la qualification retenue par le juge pénal ni le caractère intentionnel des faits retenus contre l'intéressé ne suffisent par eux-mêmes à regarder une faute comme étant détachable des fonctions, et justifiant dès lors que le bénéfice du droit à la protection fonctionnelle soit refusé au maire qui en fait la demande.
8. Il ressort des pièces du dossier que le président du conseil de communauté de l'agglomération du choletais est poursuivi devant le tribunal correctionnel d'Angers en raison de deux interventions, relayées dans le journal Ouest France les 25 mars et 9 avril 2021, au cours desquelles il a qualifié la ligue nationale de basket et son président d'" assassin " et de " criminel ". Par leur violence, ces propos, tenus au motif que le président de la ligue nationale de basket avait regardé l'équipe de basket de Cholet comme ayant déclaré forfait du fait de l'annulation du match, relèvent de faits qui procèdent d'un comportement incompatible avec les fonctions d'élu et présentent ainsi le caractère de faute personnelle détachable des fonctions. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que la délibération par laquelle le conseil de communauté de l'agglomération du choletais a accordé la protection fonctionnelle à son président est entachée d'une erreur de droit.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la délibération du 18 octobre 2021 doit être annulée.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des requérants qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.
D E C I D E :
Article 1er : La délibération du 18 octobre 2021 est annulée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération du choletais présentées au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme E B, à M. A D, à M. G C et à la communauté de l'agglomération du choletais.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Rimeu, présidente,
M. Jégard, premier conseiller,
Mme El Mouats-Saint-Dizier, conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 avril 2024.
La rapporteuse,
M. F
SAINT-DIZIER
La présidente,
S. RIMEULa greffière,
P. LABOUREL
La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,